FIN ALT : ÉPILOGUE
six ans plus tard
Silas et Aramis observaient les ridules perforant la surface du lac, muets. Le lac de la Colonie. Sept ans auparavant, deux adolescents – plus ou moins dévastés par les morsures de la vie – se rencontraient sur un ponton humide, l'un au regard sombre et meurtri, l'autre pétillant d'enthousiasme et sarcastique comme pas deux. L'un à la chevelure de blé et aux iris d'une clarté singulière, l'autre au sourire désarmant et à la tignasse plus ténébreuse que les ailes d'un corbeau. Abstème et Orviétan. Ils n'étaient pas retournés à la Colonie depuis toutes ces années, se contentant de passer l'été tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre.
— Qu'est-ce que t'attends pour te déshabiller, Abstème le couard ? s'esclaffa Orviétan en se débarrassant prestement de son t-shirt.
Aramis n'avait pas beaucoup changé. Il était toujours ce grand enfant à l'insolence irrésistible et à la langue acérée ; toujours à provoquer Silas, à arroser tendrement son unique plant de cannabis, à dessiner quelque chose d'obscène dans son assiette – pas besoin d'un crayon quand on a du ketchup –, et à afficher ce sourire plus éclatant qu'un rayon de soleil.
— Tu feras moins le malin dans...
Laissant derrière lui son fauteuil roulant, Orviétan plongea dans l'eau en hurlant, les bras levés et les prunelles brillantes d'exaltation.
— C'EST FROID !
— ... deux secondes, acheva Silas en adressant à Aramis un rictus goguenard. Attention, j'arrive !
Le corps d'Abstème transperça l'eau glacée un battement de cœur plus tard. Elle engloutit brièvement sa silhouette désarticulée, perforant son épiderme de ses lames gelées, puis lécha sa peau tandis qu'il perforait la surface en inspirant longuement, saisissant de ses mains ruisselantes les contours d'un tronc gisant là, à flotter sereinement.
— Je l'ai ! s'exclama Aramis en brandissant une fourchette - tordue, rouillée et nauséabonde - peu de temps après. Incroyable.
Silas leva les yeux au ciel, submergé par une profonde nostalgie, puis enroula son bras autour des épaules de son petit-ami. Dans moins d'un mois, ils habiteraient ensemble. Cette pensée lui arracha un énième sourire mélancolique. Aramis déposa sur son front un baiser chaste et délicat.
— Hé, je t'aime, le moche.
Il lui tendit la fourchette abîmée. Symbolique.
— Moi aussi, je t'aime, idiot, souffla Silas en saisissant l'objet.
Leurs souffles se mélangèrent en un ballet extatique puis leurs bouches se percutèrent sourdement, et ce baiser enflammé évoquant la puissance d'un amour immuable laissèrent sur leurs lèvres un goût de paradis.
FIN
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro