Abel était assis devant sa tasse de thé, seul et désespéré. Arnaud était dans sa chambre. Et Nino lui manquait terriblement. Ses mots restaient ancrés en lui comme une marque au fer rouge.

Des coups timides frappés à la porte le tirèrent de ses sombres pensées. Il se leva et alla ouvrir. En voyant la personne qui se trouvait en face de lui, il retint son souffle.

-Que fais-tu là à une heure pareille ?murmura-t-il, sous le choc.

-Ma mère m'a chassé de chez elle. Je ne savais pas où aller...

-C'est lui, Abel, n'est-ce pas ?

En entendant la voix de son jumeau, Abel se retourna brusquement.

-Oui. Et alors ? Il a besoin d'aide.

-Je ne voulais pas vous déranger...

-Tu ne nous déranges pas, Nino, lui assura Abel.

-Bien sûr que si, il dérange !répliqua Arnaud. Je croyais t'avoir donné un ordre, Abel.

Abel prit la main de Nino et se plaça entre lui et Arnaud.

-S'il n'avait pas besoin de moi, jamais il ne serait venu seul avec un sac à une heure pareille. Je t'interdis de le chasser d'ici.

-Très bien. Je vois que tu as fait ton choix. Dans ce cas, c'est moi qui partirai. Je vous laisse. Mais si jamais ça tourne mal, ne t'avise pas de revenir vers moi.

Abel osa enfin soutenir le regard de son frère.

-Ne t'inquiète pas pour ça.

Il entendit Arnaud pousser une exclamation de rage, avant de partir en claquant la porte. Ensuite, ce fut le silence.

-Je n'aurais pas dû venir...

La voix de Nino n'était plus qu'un murmure. Abel sentit sa colère fondre en l'entendant.

-Tu as bien fait de venir, lui dit-il doucement. Ne fais pas attention aux humeurs d'Arnaud. Ça lui passera.

Du moins, je l'espère, ajouta-t-il en pensée.

-En es-tu sûr ?

-Oui, ne t'inquiète pas. Viens. Veux-tu manger ou boire quelque chose ?

-Non, ça va, merci.

Abel l'entraîna à l'étage. Il le laissa passer en premier pour rentrer dans sa chambre et fut touché d'entendre les exclamations d'émerveillement de Nino qui regardait partout autour de lui. Il s'assit sur son lit ; Nino prit place sur le fauteuil en face de lui. Et un silence gêné s'installa.

-Tu sais, Abel, j'ai...j'ai longtemps hésité à venir ici.

Abel le regarda, surpris.

-Pourquoi ?

-Après ce qui s'était passé...ce que je t'avais dit...je pensais que tu n'accepterais jamais de m'ouvrir.

A ces mots, Abel baissa honteusement le regard. Les mots que Nino avait prononcés flottaient entre eux. Ils avaient beau être invisibles, ils étaient là, comme une masse qui les écrasait.

-Je suis désolé de m'être éloigné de toi, avoua Abel. Je n'aurais pas dû, c'était stupide. Je n'avais pas à t'en vouloir pour ça. Surtout avec tout ce que tu subis déjà.

-Ne t'excuse pas, lui dit doucement Nino, je t'assure que ce n'est rien. Ta réaction a été parfaitement normale.

Abel releva les yeux vers lui.

-Qu'est-ce qui t'a incité à venir ici ?lui demanda-t-il, curieux.

-Je...

Il le sentit hésiter.

-Tu sais que tu peux tout me dire, Nino, dit-il doucement.

-C'est Samuel qui m'a conseillé de venir te voir.

A ces mots, Abel sourit.

-Il a bien fait. J'espère que tu ne regrettes pas de l'avoir écouté...

-Non. Jamais je ne regretterai.

Le cœur d'Abel se mit à battre plus fort. Il n'y pouvait rien. Et il ignorait comment réagir. Il sentait que Nino avait besoin de lui, mais il ne savait comment l'aider.

-Mais Arnaud...

-Je ne le laisserai pas te chasser, lui promit Abel. Tu peux rester ici autant que tu veux.

-Merci infiniment.