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S - Souvenirs

Mycroft imprimait en cadence ses pas dans la neige.

Un pied. L'autre. Le bout de son parapluie. Un pied. L'autre. Le bout de son parapluie...

Ordre. Méthode. Rigueur.

Le son répétitif de sa marche lui procurait un vague sentiment de sécurité, comme s'il contrôlait réellement les choses.

Et partout, autour de lui, la neige avait annihilé le monde, étouffé la chaleur, étouffé la couleur, elle avait tout avalée, la garce, tout étranglé de son linceul blafard.

C'était sans importance. Le monde de Mycroft contenait si peu de chaleur et de couleurs, de toute façon.

Un pied, l'autre, parapluie, un pied, l'autre, para...

Le rythme se brisa net, fendant son cœur si fort qu'il chancela.

Devant lui, le coupable. Immobile. Impassible. Un trait noir sur une étendue blanche, comme une rature, une erreur à oublier.

Un banc.

Il aurait été si simple de reprendre le rythme. Pied, pied, parapluie... Ordre, méthode, rigueur. Si facile de s'éloigner.

S'éloigner... Après tout, n'était-ce pas ce qu'il faisait le mieux ?

Mais le banc n'était pas de cet avis, oh, non, il s'accrochait aux rétines de Mycroft comme un rapace sur sa proie, les griffes plantées dans la chair, directement dans le cœur, ce cœur qu'il prétendait ne pas posséder, et qui se trouvait pourtant réduit en charpie.

Le banc était peuplé de fantômes.

Des ombres indistinctes, d'abords, parce que Mycroft luttait, contre son cœur malade qui arrachait à sa mémoire ce qu'il avait tant voulu y enterrer.

Mycroft lâcha prise, enfin. On ne gagne jamais contre soi-même.

Il connaissait les deux ombres, sur le banc.

Le premier avait son visage. Enfin, son visage d'alors. Cinq ans plus tôt. Comment pouvait-on tant changer en cinq ans ? La bouche du souvenir esquissait un sourire, et ses yeux plissés luisaient d'amusement. Un visage qu'il n'avait plus revu, depuis, dans aucun miroir.

Celui qu'il avait été leva les yeux, et échangea un regard, un long regard, avec celui qu'il était à présent. Était-ce une accusation, dans les yeux du souvenir, ou une profonde tristesse ?

Et ce qui devait arriver arriva. Le fantôme se détourna pour prendre une main dans la sienne.

Non, non, cette fois c'était trop, c'était trop douloureux.

Il ne pouvait pas regarder l'autre homme, ses cheveux gris, son sourire amusé, son teint basané, et ses yeux, ses yeux qui luisaient comme les siens, d'amusement, et d'autre chose aussi, quelque chose de plus profond, quelque chose de plus précieux.

Mycroft pouvait encore sentir sa chaleur, au creux de sa paume. Presque une brûlure.

Un enfant hurla, quelque part dans le parc.

Un battement de cil.

Il était face à un banc vide. Les fantômes étaient partis.

En apparence, du moins. Car ils ne cessaient de le hanter, ces revenants, qui n'en finissaient plus de revenir.

La main de Mycroft était redevenue froide, comme le sont les mains que personne ne serre jamais.

Il la crispa sur son cœur, et s'effondra sur le banc.

Il était seul.

C'était un constat, une simple observation. Il était seul.

Il s'en était glorifié, des années plus tôt. Il s'en était félicité. L'imbécile.

Son parapluie tomba dans la neige, laissé pour mort. Un nom venait d'affleurer la surface de sa mémoire.

Gregory.

Gregory Lestrade.

Cinq ans plus tôt. Cinq ans ! Une éternité.

C'était lui qui l'avait courtisé. Lui, Mycroft Holmes tout puissant, il lui avait fait la cour, à cet inspecteur aux cheveux d'argent, attiré par un je-ne-sais-quoi, un trouble dans sa posture, un frisson dans son sourire.

En y repensant, Mycroft songea à quel point il avait été chanceux, à quel point c'était improbable que quelqu'un – que lui, entre tous – l'accepte, et tombe, un tant soi peu, amoureux de lui...

Il y avait eut la chaleur. Les sourires. Les caresses.

Et puis le temps.

Cette saleté de temps. L'horrible monstre de la routine. L'aveuglement.

De plus en plus de pouvoir. De plus en plus d'affaires d'État. De plus en plus de dossiers urgents. De moins en moins de temps à perdre...

Dormir au bureau, sans prévenir. Manger sur place. Annuler des rendez-vous. Se perdre dans une course effrénée, de celle qu'on ne gagnait jamais. Travailler, vite, parce qu'on avait pas le temps, pas le temps de traîner, pas le temps de faire ce dont on pouvait se passer...

Alors, le voir de moins en moins souvent. Ne plus répondre qu'une fois sur deux à ses SMS. Une fois sur trois. Oublier les dates importantes. Les évènements qui comptent pour lui. Ne plus l'écouter. Ne plus le regarder.

Rentrer un soir, dans une chambre vide. Et trouver un mot. Daté de deux jours plus tôt.

Une dernière chance. Mais il n'avait pas le temps. Un pays à gérer. Un petit frère à surveiller.

Alors le mot avait fini froissé, quelque part, dans un coin de son bureau. La femme de ménage l'avait jeté.

Pas le temps, non, pas le temps pour un amant.

Un coup de vent laissa une empreinte fraîche sur sa joue.

Une larme dégringola, lourde d'amertume. Elle lui brûla la peau, le cœur, et l'âme toute entière.

Son regard flou erra dans le parc, tout autour de lui, butant contre les silhouettes des promeneurs, autant d'humains auquel il était étranger.

Mycroft avait fini par se fatiguer de la vitesse.

Le temps s'était essoufflé. Il l'avait rattrapé. Trop tard. À force de se presser, il avait perdu la course.

Et, à cet instant-là, seulement, il avait pris l'ampleur du gouffre qu'il avait laissé grandir au fond de lui. Un trou, à la place de son cœur. Un trou noir qui aspirait la lumière, la chaleur. Un manque.

Par une froide après-midi d'hiver, alors que la neige avait gommé le monde, l'homme de glace commença à fondre.

En larmes.

~

L'inspecteur marchait le nez en l'air. Les flocons qui s'écrasaient sur ses joues dégringolaient jusqu'à son cœur. Il n'était pas particulièrement poète, ou enfantin, mais il aimait bien la neige, et son frou-frou indigné lorsqu'il écrasait sa robe immaculée.

Ses pas allaient à droite à gauche, sans raison, pour le plaisir de flâner.

Mais pas sans but. Son corps tout entier savait où il se rendait.

C'était son petit rituel à lui, lorsqu'il passait dans le coin, lorsqu'il devait prendre une décision importante, lorsqu'il finissait ou commençait une relation. Il allait s'asseoir sur ce banc, comme on se rend sur la tombe d'un ami disparu.

Il avait vécu, depuis. Il avait couru à droite et à gauche, résolu des enquêtes, rencontré des gens, couché avec certain-es, et détesté d'autres.

Mais il ne l'avait jamais revu.

Parfois, il avait peur que son visage ne s'efface, et que le temps, cette saloperie de temps, l'emporte définitivement loin de lui, dans le seul endroit d'où rien ne revenait jamais plus. L'oubli.

Pourquoi n'avait-il pas pensé, lorsqu'ils étaient ensemble, à prendre une photo ?

Il haussa les épaules, comme à chaque fois que ses pensées s'égaraient sur cette voie, et continua son chemin, cahin-caha.

Encore quelques pas... Il connaissait le chemin par cœur, bien sûr. Un dernier tournant, et...

Merde.

Il y avait quelqu'un, sur son banc !

Greg pesta. Il ne pouvait pas s'asseoir ailleurs, celui-là ? Et s'il demandait à l'individu de partir ? Mais il avait l'air si désespéré, cet homme, recroquevillé sur lui-même, la tête dans les mains, et les épaules secouées de sanglots sporadiques. Non, il ne pouvait pas lui demander de partir, ce serait injuste. Et puis, de toute façon, ce banc était à tout le monde, et bien assez grand pour qu'il s'y installe aussi.

~

Un bruit fit sursauter Mycroft. Il essuya précipitamment ses yeux, et tourna la tête.

Encore un fantôme.

Mais non, cette fois, c'en était trop. Son cœur était déjà trop serré, il allait suffoquer.

La gorge bloquée par un malstrom d'émotions trop longtemps refoulées, Mycroft se leva précipitamment, ramassa son parapluie, qui gisait dans la neige comme un corps mort, et fis volte-face.

~

LUI.

LUI !

Ça lui avait coupé le souffle. Il s'était assis, son voisin avait relevé la tête...

Et c'était LUI !

Son cerveau n'arrivait pas bien à ingérer la nouvelle.

Lui. Lui. Lui...

Mycroft. Sur ce banc. En train de... pleurer ?

Il n'avait jamais vu Mycroft pleurer, avant cet instant. Jamais. Il aurait d'ailleurs juré que c'était impossible.

L'objet de ses pensées tourna son regard vers lui. Greg vit la stupéfaction se peindre sur ses traits, aussitôt remplacé par une amertume sans borne, qui lui fit mal, physiquement.

Et Greg sentit monter du fond de ses entrailles une énorme vague d'affection, telle qu'il n'en avait plus connu depuis des années. Cinq, pour être précis.

Mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Il s'était guéri de cette relation, débarrassé de cet amour trop exigeant qui l'avait laissé pantelant, désespéré, et vide. Oui, il avait cessé de l'aimer...

Il soupira. Comment avait-il pu croire des conneries pareilles ? Il aurait dû savoir. Il aurait dû savoir qu'il l'aimait encore, qu'il l'aimerait toujours, et que cette saleté de temps ne pourrait rien faire contre cela.

Mycroft se releva brusquement, et se saisit de son parapluie.

Il partait.

Il allait s'éloigner. Encore. Et lui, il allait devoir le regarder partir, le regarder disparaître. Parce qu'il ne voulait plus de lui. Parce qu'il ne faisait plus partit de sa vie.

Greg ravala un sanglot brûlant.

Il aurait voulu disparaître. Ne plus exister. Mourir. N'importe quoi qui puisse lui éviter de ressentir ce qu'il ressentait à présent, cette douleur qui lui tordait le ventre, lui coupait la respiration, et détruisait son envie de vivre, d'exister, encore, et encore, seul, pour le reste de son existence.

~

Mycroft jeta un coup d'œil en arrière. Le fantôme était encore là.

-Va-t'en ! lui jeta-t-il au visage.

Un air profondément blessé tordit ses traits.

-Va-t'en, répéta-t-il. Mais ce n'était plus qu'un murmure.

Et Mycroft, soudain, fut pris d'un étrange soupçon, qui ressemblait fort à un espoir.

-Gregory Lestrade... dit-il doucement, pour le plaisir de sentir rouler sur sa langue les consonances de ce nom qu'il avait si longtemps fait semblant d'ignorer.

Il fit un pas en avant.

-Gregory Lestrade, répéta-t-il.

Sa voix s'était brisée sur la dernière syllabe.

-Oui, souffla l'autre, sans qu'aucun des deux ne sache s'il s'agissait d'une question ou d'une réponse.

Il y eut un silence. Un silence lourd, étrange, transpercé de toutes questions qui le traversait de part en part, comme autant de flèches incandescentes.

-Tu es là ? finit par souffler Mycroft.

Sa main se tendit. Le bout de ses doigts toucha la joue froide de l'inspecteur.

Le contact leur arracha à tous les deux un frisson.

-Tu es là, reprit Mycroft. Mais c'est impossible.

Les mots sortaient tout seul, maintenant. Il n'avait plus aucune emprise. Il avait trop longtemps exercé sa tyrannie sur eux, c'était leur vengeance, c'était leur révolte.

-C'est impossible, reprit-il. Parce que ce serait un miracle. Et les miracles n'existent pas.

Mycroft considéra un instant la possibilité de bouger ses doigts, qui caressait encore cette joue froide. Il s'en trouva incapable.

-Peut-être suis-je en train de devenir fou. Peut-être n'est-ce qu'une forme achevée de ma folie. Si c'est le cas, tu es le fantôme le plus parfait que ma mémoire n'est jamais créé.

Il laissa échapper un rire rauque, qui lui érafla la gorge, avant de finir sur un étranglement.

-Un fantôme ? bégaya Gregory.

-Je t'ai laissé partir, parce que j'étais lâche, parce que j'étais idiot, parce que je n'avais pas réalisé ce que j'avais, et à quel point tu méritais que je me batte pour toi. Tu es parti, mais je t'ai retenu quand même. Pour ne pas mourir de solitude. Je l'ai emmené un peu partout avec moi, ton souvenir. Il connaît toutes mes défaites, toutes mes victoires, tous les secrets de ces cinq dernières années. Et pourtant, je ne lui ais pas dit, même à lui. La seule chose qui avait une fichue importance, je ne l'ai pas dit. Je ne l'ai jamais dit.

Greg se leva, pour lui faire face.

-C'est vraiment toi, n'est-ce pas ?, murmura Mycroft. Au fond, je n'en sais rien. Je ne sais plus rien. Rien d'autre que ce dont je viens de m'apercevoir. Que je meurs, à chaque seconde qui passe. Que je me dessèche, sous ma coquille de glace. Que j'ai un trou à la place du cœur. Je suis presque déjà mort. Un cadavre ambulant.

-Qu'est-ce que tu ne m'as pas dit, Mycroft ?, souffla Gregory.

-Que je t'aime. Que je t'aimais. Que je...

-T'aime toujours.

Ils avaient dit ces mots-là ensemble. Ils se regardèrent, étonnés, stupéfait de l'énormité de ce qu'ils venaient de prononcer.

Ils restèrent un long moment face à face, immobiles, silencieux, bouleversés par ces tempêtes intérieures qui renversent les plus forts.

-Tu trembles, déclara soudain Greg. Rentrons.

Mycroft fut pris d'un sursaut de panique. Non ! Non, il ne pouvait pas le laisser là, il ne pouvait pas rentrer chez lui, il ne pouvait pas...

Il s'approcha de lui et l'embrassa désespérément, accroché à son corps comme à une dernière planche de salut, avant la noyade, avant le froid et la mort. Il ne pouvait pas le laisser partir. Il ne pouvait pas. C'était au-dessus de ses forces.

Greg se détacha doucement, et sourit.

-Rentrons ensemble, tu veux ?

Deux hommes seuls avait pénétrés dans le parc, cet après-midi. Ils en ressortirent ensemble, la main dans la main, les doigts emmêlés, pressés l'un contre l'autre, comme pour boire la chaleur de leur corps.

Le temps passerait encore, bien sûr. C'est bien le seul criminel qu'on arrêtera jamais.

Mais il pouvait bien continuer sa route, ce saligaud. Il pouvait bien faire tout ce qu'il voulait.

Il ne leur faisait plus peur.

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