K - Karma
« Partir en couilles » : expression familière à la limite de la vulgarité exprimant un sentiment amusé/blasé devant une situation ayant dérapé de manière imprévisible et incontrôlable.
Exemple d'utilisation : « Cet OS est vraiment partit en couilles ».
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Dans cette histoire, Mycroft et Gret ne se sont jamais rencontrés ;)
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Lestrade papillonna des paupières, s'étira, et se retourna dans son lit, bien au chaud dans sa couette. L'impression dérangeante que quelque chose n'allait pas mit quelques secondes à atteindre son cerveau embrumé. Les connexions se firent lentement, comme de vieux rouages peinant à reprendre le rythme. Il grogna. Pourquoi fallait-il que son cerveau s'en mêle, alors qu'il était en train de passer tranquillement son jeudi matin au lit ?
Son jeudi matin au lit.
Son jeudi matin.
Jeudi.
JEUDI.
L'adrénaline envoya un coup de fouet formidable dans tout son organisme, et il envoya valser la couette comme s'il se fut agi d'un serpent venimeux. Pour se venger, la traîtresse alla lamentablement s'écraser sur sa table de chevet, emportant sur son passage son réveil, qui alla se fracasser contre le sol, et son portable, qui suivit le même sort funeste.
-Je déclare officiellement, lança Lestrade à la pièce vide, que cette journée est une mauvaise journée.
Il posa un pied par terre. On entendit un craquement.
Son portable.
Il ne prit même pas la peine de faire disparaître le cadavre, et, laissant la scène de crime inchangée, se dirigea vers son armoire, dans l'espoir fugace que le mauvais sort ne durerait pas.
Pauvre naïf.
Il s'empêtra le pied dans la couette qu'il n'avait pas ramassée, trébucha, rafla tout ce qui se trouvait sur son bureau en voulant se rattraper, et, finalement, se prit la tranche de la porte de l'armoire – qui bien entendu, n'était pas fermé – en pleine face.
Un peu sonné, le nez sanguinolent, il songea que pour avoir un aussi mauvais karma, il fallait au moins que, dans une autre vie, il ait vendu sa mère.
Il se redressa, prit les premiers habits qui lui passaient sous la main, et s'habilla du mieux qu'il le put. Il n'y avait plus de mouchoir – c'eut été bien trop simple – alors, en désespoir de cause, il épongea le sang qui coulait de son nez avec du papier toilette.
Enfin, il réussit à atteindre la porte de sa maison. Dommage que ses clefs restaient introuvables. Les saligotes.
Il retourna les poches de son manteau. De son autre manteau. De sa veste de cuir. De son pantalon. Remonta. Dénicha son pantalon de la veille. Sentit les clefs dans la doublure. Passa le doigt dans le trou pour les tirer à lui... Elles étaient coincées. Il tira d'un coup sec. La doublure se déchira, et les clefs partirent en arrière, se logeant juste derrière le radiateur.
Je n'ai pas juste vendu ma mère. Mon père aussi était dans le lot, visiblement.
Il réussit enfin à remettre la main sur ces traîtresses, et sortit de chez lui.
Il y avait une énorme machine de chantier, devant sa petite cour. Juste, juste devant l'entrée. Il ne pouvait pas sortir.
Ma mère, mon père, et tous mes frères et sœurs.
Avisant les poubelles – qu'il ne pouvait pas sortir, du coup – il entreprit de grimper sur la plus grande.
Le couvercle, abîmé par les intempéries, ne tint pas. Son pied passa à travers.
Ma grand-mère aussi.
Il leva sa jambe pour passer au-dessus de la grille. Il y eut un craquement. Son pantalon.
Je les ai vendus à un marchand d'esclaves.
Il enfonça rageusement la clef dans la serrure, et tourna brusquement. Il y eut un claquement. Et la moitié de la clef lui resta dans ses mains.
Un marchand d'esclaves sexuels.
Il prit trois grandes respirations, envisagea un instant d'aller au travail comme ça, mais renonça. Le risque qu'Anderson – ou pire, Sherlock – remarque la déchirure sur ses fesses étaient bien trop élevé.
La clef de secours avait disparu. Ce qui signifiait qu'il allait devoir faire changer toutes les serrures, sous peine de cambriolage imminent.
Un marchand d'esclaves sexuels sado-masos.
En désespoir de cause, il ramassa un caillou et fracassa une fenêtre. Fichu pour fichu, de toute façon...
Il remonta en haut, enfila un pantalon au pif, descendit, se rendit compte que c'était celui dont il avait déchiré l'intérieur de la poche, remonta, en choisi un autre, attrapa un escabeau et, avec une grâce digne d'une limace écrasée sur une plaque de verglas, passa par-dessus la grille pour atterrir sur le trottoir.
Une heure. Il lui avait fallu une heure pour sortir de chez lui. Ça plaisantait pas, ces histoires de karma...
Désirant grandement passer sa colère et sa frustration sur quelqu'un, il toqua à la vitre de la machine qui bloquait sa porte. La vitre coulissa lentement, laissant apparaître le visage blasé et tatoué d'une blonde qui mâchait un chewing-gum en pianotant sur son portable.
-Ouais ? Lâcha la mécréante.
-On peut savoir ce que vous foutez devant chez moi ?
-Ben, j'amène Poupette.
-Poupette ?
Elle tapota le tableau de bord de son véhicule.
-Les autres arriveront ce soir. On devrait avoir rasé le pâté de maison d'ici la fin du mois.
-QUOI ?!?
-Ben ouais. Nouvelle déviation. Vous avez pas vu les papiers ? Ils ont été déposés dans toutes les boites aux lettres... Sauf la vôtre, apparemment. Vous pouviez avoir une rémunération de la mairie, sur demande. Le prix de votre maison à l'achat. Valable jusqu'à mercredi... Hier, quoi.
-Mais c'est n'importe quoi ! On ne rase pas des maisons comme ça, on est dans un pays civilisé ! Je vous en foutrais moi des papiers espèce de...
Mais elle avait déjà remonté sa vitre.
Alors là, non seulement j'ai vendu ma famille, mais je suis retourné les tuer après, au cas-où.
Impossible d'aller travailler. Il dirait qu'il était malade. Il fallait qu'il aille d'urgence à la mairie...
Le bus était en grève. Bien sûr.
Métro bloqué. Ça va de soi.
Il pleuvait. Bien entendu.
Et il n'avait pas de parapluie. Comme de juste...
Il mit quelque chose comme une heure avant d'atteindre la mairie. Complètement trempé.
Évidemment, l'entrée principale était en travaux.
Je suis retourné les tuer, mais je les ai torturés avant, et j'ai donné leur corps à manger à des cochons. C'était la seule explication. Sans ça, il ne voyait pas pourquoi le sort persistait à s'acharner sur lui.
Il fit le tour du bâtiment, et trouva assez rapidement la porte de secours ce qui, aussi misérable soit-il, lui apporta du baume au cœur. La porte s'ouvrit.
Il y avait deux hommes en noirs devant le guichet. Masqués. Avec une petite valise.
Un braquage ? Dans une mairie ? C'est une blague ?
Les deux hommes se retournèrent vers lui.
-Bon sang ! Cria une voix familière. Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Couvrez-le !
Des policiers jaillirent de derrière le guichet. Lestrade reconnu Sherlock et John parmi eux.
-Ça fait trois heures que je vous envoie des messages ! Lui lança John, son arme – comme celle des policiers – pointée sur les hommes masqués, qui ne bougeaient pas.
Lestrade eut une pensée pour son défunt téléphone, partit trop tôt.
-En plus, continua l'ex-militaire, on a posé un barrage tout autour de la mairie, pour que personne ne puisse entrer ! Vous avez eu une « chance » folle de passer sans qu'on vous intercepte...
Gregory faillit lui expliquer que c'était la faute de son karma, et d'une vie antérieure où, apparemment, il avait vraiment merdé, mais renonça.
-Prenez-leur la mallette ! Cria Sherlock à un policier. Ce qu'il y a dedans est vital pour...
Il n'eut pas le temps de finir. L'un des deux hommes se laissa tomber au sol, sortant deux revolvers de l'intérieur de son manteau.
Lestrade voulut se mettre à l'abri, trébucha, et tomba en avant, juste au moment où l'un des deux hommes lançait la mallette mystérieuse à son complice. Il la reçut dans le ventre, et l'attrapa par réflexe.
Les deux brigands pointèrent leurs armes sur lui.
-GREG, COURREZ ! Hurla John.
Par pur réflexe, l'inspecteur fit volte face et franchis la porte dans l'autre sens, la mallette toujours à la main.
Une voiture noire stationnait en face de la mairie.Le canon d'une mitraillette pointa par la fenêtre teintée.
Et merde.
Greg se mit à courir comme un dératé, ventre à terre, la mallette serrée contre sa poitrine.
Comment les choses avaient pu déraper aussi rapidement ?
Une balle lui frôla l'épaule.
Non, mais là c'est pas possible, après avoir donné leur corps aux cochons, j'ai dû aussi tuer les policiers qui enquêtaient sur leur disparition.
Il bifurqua dans une ruelle, le cœur battant à tout rompre.
Peut-être que je l'ai ais vendus comme esclaves, eux aussi ?
Il se trouvait dans une impasse. Bien sûr. Sinon, où était le fun ?
Il entendit un ordre lancé d'une voix rauque, non loin de lui, dans ce qui ressemblait à du russe.
Aux grands maux, les grands remèdes.
Il balança la mallette dans la vitre d'une maison, qui explosa, et se dépêcha de s'engouffrer à l'intérieur, en refermant les volets pour cacher son forfais. Ce faisant, il se fit une longue entaille le long du bras, qui commença à répandre du sang un peu partout.
Je l'ai ais définitivement vendus comme esclaves. À une secte, peut-être ?
Il se saisit d'un torchon de cuisine. Il était mouillé. Il en prit un autre, et l'entortilla autour de son bras en faisant rapidement le point sur la situation.
Mauvaise.
Il avait aucune idée de qui étaient ses poursuivants, ce qui se trouvait dans la mallette – verrouillée – et ce qu'il devait faire. Et comme il n'avait pas son portable, il était sans moyen de communication avec les autres, qui ne pouvaient pas non plus le géo-localiser.
Il se fit la promesse que la prochaine fois que son instinct le lui indiquerait, il resterait dans son lit.
Puis il ouvrit la porte d'entrée et sortit dans la rue... Juste au moment où une voiture aux vitres teintées passait devant la maison.
Il jura et se mit à courir.
Et ensuite, j'ai pris la place du grand gourou, et je suis devenu le maître du monde.
Hors d'haleine, il se plaqua sous un porche, dans un coin, pour reprendre sa respiration. C'était bien beau, toutes ses conneries, mais comment allait-il se sortir de là ?
~
Mycroft raccrocha d'un geste rageur et posa son téléphone sur la banquette, à côté de lui.
Non seulement l'opération avait été un échec, mais en plus, la mallette se promenait quelque part dans Londres, des Russes tiraient à tire-larigot dans les rues en plein jour, les policiers ripostaient sans plus d'efficacité, et son thé avait refroidit.
Mycroft soupira et croisa ses jambes. Rien de tout cela n'était vraiment surprenant. Les gens, les évènements... tout était si prévisible... Et il était las de rejouer le même jeu, encore, et encore...
Il passa une main sur son visage, profitant du fait que nul ne puisse le voir, derrière les vitres teintées – et blindées – qui le séparaient autant de l'extérieur que de son chauffeur.
Rien ne l'intéressait plus. À quoi bon avancer dans la vie, lorsque rien ne vous surprenait, à quoi bon accomplir une action lorsqu'on savait tout à l'avance ? À quoi bon ?
Mycroft souhaita soudain, avec une ferveur qui le surpris, qu'il se passe quelque chose, maintenant, quelque chose de complètement absurde, inattendue, loufoque, ingérable...
Il avait à peine formulé cette pensée que quelque chose heurta sa vitre. Un homme, d'après la forme de l'ombre.
-Pour l'amour de Dieu ! Cria une voix, étouffée par la cloison. Ouvrez-moi !
En temps normal, Mycroft n'aurait jamais ouvert la porte. Mais il fallait croire que, qui que soit cet homme mystérieux, c'était son jour de chance...
Il tourna la poignée.
L'homme s'engouffra dans la voiture et claqua la portière dans son dos.
Mycroft pris quelques secondes pour l'examiner. C'était visiblement un policier, un inspecteur, même, anglais, qui n'avait pas pris de petit déjeuner ce matin, et portait une chemise mal boutonnée. Son visage, qui, d'ordinaire, devait avoir une teinte hâlée, était présentement extrêmement pâle, certainement dû à la perte de sang – vu la taille et la forme de la blessure, l'inspecteur devait avoir cassé une vitre – et la course effrénée qui l'avaient laissé aussi essoufflé que ses cheveux étaient ébouriffés.
Avec une stupéfaction sans bornes, Mycroft s'aperçut que l'inspecteur qui venait de sauter dans son véhicule avait la mallette. La mallette qu'il cherchait depuis tout à l'heure dans la ville entière.
-Comment... commença-t-il, sidéré.
Et Dieu sait que ce n'était pas un mot qu'on entendait souvent dans sa bouche.
Le policier le regarda, un air complètement perdu sur le visage.
-Je... heu... La faute...
-Expliquez-vous. Depuis le début.
-J'ai vendu mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs à des vendeurs d'esclaves sado-maso, puis je suis retourné les tuer et donner leur corps aux cochons, puis j'ai vendus les policiers qui les cherchaient à une secte et j'ai pris la place des grands gourous pour régner sur le monde, mais je n'y suis pour rien, débita le policier d'une traite avant de s'évanouir.
Comme ça.
Sur les genoux de Mycroft.
Qui, décidément, n'avait jamais été aussi sidéré de toute son existence.
Il sourit malgré lui, et explosa de rire. Bien sûr, personne n'entendit jamais ce rire, qui resta strictement confidentiel. C'était peut-être le premier rire de toute sa carrière, en fait.
Il glissa sa main dans les cheveux gris du policier, dont la tête reposait sur ses genoux, et activa le micro qui lui permettait de parler avec son chauffeur.
-Ramenez-moi chez moi, et appelez mon médecin personnel.
Pour la première fois de son existence, Mycroft n'avait aucune idée de ce qu'il allait bien pouvoir faire de ce policier. Le futur restait trouble. Imprévisible. Délicieusement imprévisible.
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Quelque part dans son état comateux, Greg sourit. Il avait vaguement conscience de se trouver sur les genoux de quelqu'un qui le protégerait. La chaleur de son corps se diffusait lentement sur sa peau, apaisant ses craintes.
Si ça se trouve, après avoir pris possession du monde, j'ai fait un super bon roi, songea-t-il avant de sombrer pour de bon.
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