XII - Erreurs en cascade
Rappel: Raphie Efferson est une Métamorphe. Depuis ses quinze ans, elle change d'apparence toutes les semaines. Se sentant tel un monstre, elle fuit sa famille. Mais au bout de dix ans, elle effectue des recherches et découvre d'étranges histoires sur une organisation La Famille et sur sa propre famille.
***
Lorsqu'on lui avait mentionné que le gala se déroulerait dans un restaurant, Raphie pensait se trouver dans un bistro de village sans charme. Mais tout ce qu'elle prenait pour acquis s'avérait souvent faux ces temps-ci.
Le restaurant avait plutôt une allure de petit château campagnard. La décoration des lieux donnait l'impression d'être retourné au Moyen-Âge avec toutes ces armures disposées à l'entrée du restaurant. Les armes et tapisseries au mur renforçaient l'impression de château médiéval. Pourtant, Raphie admirait l'endroit. Elle pouvait ressentir une certaine forme de magie émaner de ces éléments.
Observant le grand lustre suspendu au plafond du restaurant, elle ne remarquait pas les regards de tous ces hommes âgés à son égard.
Il fallait le dire, elle avait mis le paquet pour jouer son rôle à la perfection. Malgré la difficulté de ses transformations avec des vêtements attitrés définitivement, elle avait réussi à les masquer, comme lui avait expliqué Théo. En réalité, c'était d'une simplicité enfantine.
Elle devait simplement penser à une tenue et celle-ci se mettait directement sur elle. Pour cela, Théo n'avait pas expliqué les effets "magiques" ou "surnaturels" qui recouvraient les métamorphes, mais il n'avait pas hésité à lui expliquer comment changer de vêtements.
Raphie sentait que d'autres pouvoirs, moins futiles, existaient pour les métamorphes et les membres de la Famille. Mais elle n'en avait pas demandé plus, se préoccupant davantage de la tentative d'assassinat du maire de Grivières.
Ce soir-là, elle portait donc une longue robe noire, légèrement fendue jusqu'au haut de la cuisse. Elle avait attaché sa longue chevelure blonde en un simple chignon, légèrement décoiffé et un collier fin en argent sublimait son cou. Tenue sobre mais élégante, idéale pour l'occasion.
- Raphaëlle! s'exprima à voix haute le maire qui se trouvait au haut des marches de l'entrée.
Tout le monde se retourna vers lui, puis vers Raphie. Elle qui voulait passer inaperçue...Instinctivement, elle regarda dans la salle, espérant ne pas encore trouver Cassandra. Elle ne trouva personne et afficha son masque de femme fatale.
- Tu es splendide, la congratula le maire en lui embrassant légèrement la joue, mais suffisamment longtemps pour que le contact soit gênant.
- Merci beaucoup, répondit-elle mal à l'aise, oubliant rapidement son rôle.
Le maire voulait se montrer avec Raphie auprès de tous. Raphie jouait tant bien que mal la comédie, mais n'en oubliait pas pour autant la vraie raison de sa présence. De plus, se montrer aussi ouvertement à tous augmenterait les risques de se faire pincer par Cassandra. Et Raphie redoutait bien plus le mécontentement de la Grande Famille, notamment du Grand Patriarche, plutôt que les foudres d'un maire et de sa ville.
- Mesdames et messieurs, commença le maire, lorsque tout le monde se tut, chacun à sa table. Je suis ravi et honoré de faire partie de cette soirée au profit de cette association. Mais avant de passer aux remerciements d'usage, je tenais à mettre en avant le travail remarquable de mon équipe de gardes du corps. Grâce à eux, nous avons pu appréhender deux troubles fêtes.
Il désigna du doigt deux personnes...il s'agissait des employés qu'elle essayait elle-même d'intercepter. Décidément, elle n'avait servi à rien dans cette histoire. A part pour se faire ridiculiser ou se faire voir comme une potiche.
L'homme et la femme avancèrent de force vers la piste de danse pour que tout le monde puisse les voir. Ils avaient l'air de s'être débattus, car leurs vêtements étaient déchirés par endroits et leur visage était ensanglanté un peu partout.
- Regardez-les attentivement, ce sont deux membres de mon administration à la mairie, poursuivit le maire, le visage rayonnant. Ces deux misérables programmaient tout bonnement de m'assassiner.
Un murmure désapprobateur parcourut la salle. Quelle était cette comédie à laquelle ils assistaient tous? Pourquoi les mettre en avant de cette manière? Raphie sentait que quelque chose ne tournait pas rond.
- Pour vous montrer ma bonne foi, continua le maire en s'adressant cette fois directement aux deux pauvres employés, vous avez deux options : ici ou à la mairie. Que choisissez-vous?
Raphie ne comprenait pas où il voulait en venir et apparemment, elle n'était pas la seule. Tous les gens du restaurant se regardèrent, intrigués. Il en était de même pour les deux accusés.
- Alors? s'impatienta le maire.
Les deux étaient très mal en point, et n'osèrent rien répondre. Devant ce silence, le maire s'énerva, claqua des doigts en direction de ces deux gardes du corps. En une seconde, tout le monde put voir l'horreur de ce spectacle.
L'homme et la femme, qui une seconde auparavant se tenaient plus ou moins droits face à l'assemblée, tombèrent comme des mouches sous les coups rapides et acérés des deux gardes du corps. Du moins, c'est ce que Raphie avait cru voir. Tout s'était passé si vite et les gens présents dans la salle applaudirent, comme habitués par cet état de fait.
Raphie était la seule, atterrée. Cherchant un regard aussi effaré que le sien, elle tomba nez à nez avec Cassandra qui se trouvait à l'autre bout de la salle, dans une longue robe dorée. Cassandra la regarda, apparemment satisfaite. Mais de quoi?
- Veuillez nettoyer la piste de danse, poursuivit simplement le maire, en désignant les deux cadavres. A présent, nous allons pouvoir nous amuser. Et pour cela, je compte ouvrir la danse avec ma superbe partenaire, Raphaëlle.
Il lui prit la main de force, ne lui laissant pas vraiment le choix. Cet homme la terrifiait de plus en plus. Et dire qu'elle pensait naïvement qu'il avait besoin de protection.
Un slow retentit, menant le couple le plus improbable qui soit au centre de la piste. Raphaëlle se sentait prise au piège dans les bras de cet homme puissant. Elle cherchait à la hâte une solution pour quitter l'endroit, et ne plus revoir ces gens horribles.
Scrutant la salle, paniquée, elle eut un nouveau choc quand elle aperçut le Grand Patriarche qui buvait tranquillement aux côtés de l'adjoint au maire. Se sentant observé, il leva son verre en direction du couple de danseurs.
C'en était trop! Tout était planifié. Son rôle était inutile dans cette organisation futile. Protéger un maire assassin voire dictateur n'était pas ce pourquoi elle s'était engagée. Encore une fois manipulée, elle sentait la rage l'envahir.
- Tout va bien Raphaëlle? s'interrogea le maire. Détends-toi, tu es avec l'homme le plus puissant de la ville, sois flattée, se vanta-t-il, tout en continuant à parader, tel un paon.
Submergée par des émotions différentes et intenses, Raphaëlle cherchait une solution pour quitter cet endroit. En vain. Prise d'une crise de panique, elle sentait sa respiration se saccader, des gouttes de sueur couler sur son visage.
- Aïe! s'écria le maire en retirant sa main de celle de Raphaëlle. Tu es bouillante, tu ne te sens pas bien?
Il avait l'air réellement inquiet, mais Raphaëlle savait, elle, qu'elle n'était pas malade. Ce phénomène s'étant déjà produit auparavant avec Cassandra. Sa panique s'accentuant, la chaleur en fit de même. A tel point que de petites étincelles jaillissaient du creux de ses mains.
Le maire, étonné, s'écarta instinctivement. La scène aurait pu passer inaperçue, mais ils étaient l'un des rares couples à danser.
Tout le monde les regardait, aussi choqués que le maire. Raphie, elle, ne pouvait plus s'arrêter, plus rien contrôler. Les petites étincelles se transformèrent en une énorme boule de feu. La chaleur était insoutenable pour elle. Elle projeta donc cette étrange boule sur le mur le plus proche.
La table visée s'était enfuie à temps, mais l'impact de cette boule de feu avait fait plus que noircir le mur. Un trou béant trônait à présent dans ce mur.
Raphie n'arrivait plus à se contrôler. Les boules de feu continuèrent de jaillir de ses mains et elle devait les évacuer tellement ça la brûlait. Mais les incidents ne s'arrêtèrent pas là. Voyant le spectacle affreux de Raphie, Cassandra, sous l'ordre tacite du Grand Patriarche, accourut auprès d'elle.
Malheureusement, la force de Raphie devenait insensée. Et son pouvoir de métamorphe en pâtissait également. Ses nombreux visages, ses différentes formes et ses innombrables vêtements apparaissaient en boucle.
Cassandra tenta une approche, mais se fit brûler une partie de la jambe. Raphie, elle, suait et tremblait de panique. Telle une enfant, elle pleurait, perdue dans l'incompréhension totale. Elle allait mourir devant tous ces gens, comme une bête de foire. Ce qu'elle avait toujours voulu éviter.
Elle entendait à peine le maire crier des ordres à ses sous-fifres. Probablement qu'ils voulaient la tuer. Cela lui importait peu, car quoiqu'il arrive, elle n'allait pas survivre. Elle voyait son corps se carboniser peu à peu.
Puis, sans comprendre d'où venait cette fraîcheur, Raphie ne sentait plus aucune brûlure, aucune chaleur émaner d'elle. Elle sentit une main l'extirper de sa bulle de chaleur et entraperçut une silhouette...celle du Grand Patriarche.
Il lui souriait.
- Tu es prête maintenant, lui dit-il.
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