X - Evénements étranges à la mairie
Cela faisait deux jours maintenant qu'ils avaient pris leurs fonctions au sein de la mairie de Grivières. Chaque membre de l'administration les avait bien intégrés.
Cassandra travaillait comme assistante à l'accueil; Léo au service de l'Etat civique et Raphie au service du courrier. Cette mission n'avait rien de passionnant pour Raphie, car à part faire semblant de travailler, elle n'avait rien fait d'autre. C'était Léo qui avait tout pris en main.
Raphie s'ennuyait. Heureusement qu'elle avait retrouvé un semblant de vie avec Théodore et sa mère. Elle était retournée chez elle le premier soir de sa mission. Elle ne s'était pas excusée, mais cela n'était pas nécessaire. Elisa et Théodore étaient juste ravis de la revoir.
Sa mère avait même montré une sorte d'instinct maternel envers elle quand elle lui avait demandé de lui expliquer cette fameuse mission.
- Je suis obligée de jouer cette farce, conclut Raphie, déçue de sa première journée à la mairie.
Elle avait pensé naïvement que faire partie de cette organisation "secrète" aurait quelque chose d'excitant. Mais utiliser leurs pouvoirs à des fins aussi pratiques et futiles...
- Tu ne peux pas revenir sur ton contrat? demanda Théodore en apportant une tasse de thé à Raphie, après leur repas du soir.
- Non, elle ne peut pas, répondit Elisa.
Etonnée de la réponse de sa mère, cette dernière poursuivit:
- Tu oublies que je fais aussi partie de la Famille. Enffin j'en faisais partie. Ils m'ont écartée dès l'instant où tu as disparu.
C'était la première fois qu'elle parlait de son passé dans cette organisation. Théodore et Raphie attendirent qu'elle en dise un peu plus, mais c'était tout ce dont elle avait envie de parler. Ils n'osèrent pas lui en demander davantage, mais Raphie s'était promis de mener son enquête. Malgré tout, cette femme était sa mère et la Famille lui avait causé des problèmes. Elle allait tout faire pour connaître leurs agissements et leurs réelles implications.
Au bout du deuxième jour, Léo avait tenu à faire un nouveau compte-rendu à la pause déjeuner.
Ils s'étaient retrouvés, comme d'habitude, sur la falaise. La neige recouvrait à présent tout le village, et la falaise avait un air encore plus énigmatique. La brume y jouait pour beaucoup, même à cette heure avancée de la journée.
- Alors qu'avez-vous découvert? demanda Léo, emmitouflé dans son gros manteau pourpre.
Même question tous les jours.
- L'accueil est un point stratégique. J'ai entendu qu'un certain Paul avait eu un blâme pour être entré par effraction dans le bureau du maire, il y a un mois, informa Cassandra, toute excitée.
- Et? s'impatienta Léo, lui qui d'ordinaire était le plus serein des deux.
- Il a été relégué à la paperasse de son service. Mais j'ai gardé un oeil sur lui et ses agissements en lui faisant croire qu'il m'intéressait, continua-t-elle, un peu dégoûtée de devoir se forcer à de telles choses.
- Viens en au fait! s'impatienta Léo.
- Il cherche à faire destituer le maire, finit-elle par dire. Il veut sa place, mais tu sais ce que ça signifie, n'est-ce pas?
- Malheureusement, oui, soupira-t-il. Très bien, nous allons nous en occuper. En ce qui concerne mes recherches, rien de très passionnant. J'ai dans le collimateur une vieille dame du nom de Carole qui agit étrangement. Je vous en dirai plus demain. N'oublions pas que la mission doit durer une semaine. Passé ce délai, nous aurons tous changé.
Raphie ne le savait que trop. C'était déjà mardi et dans trois jours, tout changerait. Elle détestait cette période, mais elle avait la certitude que cette fois-ci, elle ne serait plus seule.
- Très bien, et enfin, Raphie, où en es-tu? demanda Léo.
Elle s'attendait, comme toujours, à être interrogée sur ses investigations. En réalité, elle n'arrivait pas à nouer de liens avec les autres, comme d'habitude.
- Tu sais, au service du courrier, il n'y a rien de palpitant. Et puis, nous ne sommes que deux à ce service, dit-elle, comme pour se convaincre que n'avoir aucune information était parfaitement normal vu sa situation.
- Ecoute Raphie, commença Léo, d'un ton dramatique, nous comptons beaucoup sur toi. Malheureusement, rien n'avance et je vais devoir en informer le Grand Patriarche. Nous t'avons mis dans ce service parce que, justement, c'est le plus propice à la collecte d'informations. Même si tu n'arrives pas à te sociabiliser, pourquoi n'ouvres-tu pas le courrier pour en savoir davantage?
- Ah...fut la seule réponse qu'elle trouvait à donner.
Décidément, toute cette mission n'avait rien de romanesque, de palpitant. Elle jouait tout simplement le rôle d'un détective et non d'une membre d'organisation secrète aux pouvoirs détonants.
- T'es sérieux? finit-elle par ajouter. Ouvrir le courrier? Alors c'est ça nos missions? Jouer les détectives de pacotille?
Cassandra et Léo se regardèrent, gênés. Ils lui cachaient visiblement beaucoup de choses.
- C'est la première phase de ton apprentissage, finit par lâcher Léo, un peu dépité. C'est vrai que c'est pas le meilleur de notre travail, mais on est tous passés par là.
- Enfin, presque tous, murmura Cassandra assez fort pour que Raphie puisse entendre.
- Tu vois, surenchérissait Raphie, vous avez l'opportunité d'utiliser toutes vos capacités et moi, je me contente d'ouvrir du courrier. Je ne suis pas stupide, je sais très bien que nous ne sommes pas que de simples anthropomorphes.
- Calme-toi, lui dit Léo, pour quelqu'un qui ne voulait pas entendre parler de la Grande Famille, tu sembles bien énervée de ne pas en faire davantage.
- C'est que...tenta de répondre Raphie, perturbée par ce revirement de situation, je reste sur mes gardes, mais ça ne m'empêche pas de constater que je devrais avoir plus de responsabilités, tout comme vous.
- Crois-moi, tu ne voudrais pas faire comme nous, dit Léo. Tout l'intérêt de t'avoir à nos côtés, c'est de tester ta loyauté envers notre Famille. Et c'est très mal parti.
- Si c'est ça, je n'ai plus qu'à partir, s'emporta Raphie.
- Et qu'est-ce que tu vas faire? demanda Cassandra. Vivre chez ta maman, celle qui t'a laissée partir, et changer constamment d'apparence? Voir dans le regard de ta mère l'horreur et la méfiance pour ces nouvelles transformations qui ne lui rendront jamais sa petite fille chérie?
Son ton était cassant, comme d'habitude, mais pour une fois, elle disait vrai. Depuis son retour à Grivières, Raphie avait senti le recul et le malaise de sa mère à son égard.
En colère, elle laissa Léo et Cassandra sur la falaise. Sur le chemin menant vers la mairie du village, Raphie repensait à cette nouvelle vie ici. Arriverait-elle à vivre normalement? Comment son entourage pourrait l'accepter alors qu'elle ne ressemblerait plus à celle qu'ils connaissaient?
Ces questionnements la suivraient tout au long de sa vie. La Famille était la seule organisation qui pouvait comprendre ses problèmes.
Perdue dans ses pensées, elle faillit manquer un événement particulier qui se produisit dans la petite cour située derrière le grand immeuble de la mairie. Un homme d'une cinquantaine d'années discutait activement avec une femme du même âge. La situation aurait pu être banale, mais lorsque Raphie s'avança davantage, elle entendit une phrase qui l'intrigua:
"C'est pour ce soir...il faudra que ce soit fait avant 23h, tu m'entends? Le maire doit être hors-jeu avant."
Hors-jeu? Qu'est-ce qu'ils sous-entendaient? Léo et Cassandra avaient-ils raison? Que se passait-il dans cette mairie?
Les soupçons de Raphie se confirmèrent lorsqu'elle vit passer de main en main un revolver. C'était pour ce soir le meurtre du maire de Grivières.
Etrangement, Raphie était contente, car elle allait enfin se sentir utile pour la Famille. Satisfaire aux exigences de cette organisation la rapprochait de gens qui lui ressemblait. Cette information vitale la propulserait au devant de la scène.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro