V - Révélations (partie 1)
Raphie n'arrivait pas à s'en remettre. Plus d'une fois, elle s'était imaginée ses retrouvailles avec sa mère. A chaque fois, cela se terminait mal. Alors, de savoir qu'aujourd'hui elle revenait vivre chez elle, aux côtés de sa famille, la rendait heureuse.
Cependant, elle restait méfiante. Elle avait pu rentrer grâce à un mensonge éhonté. Théodore semblait satisfait et préparait déjà les questions à poser ce soir, lors du dîner. Son enthousiasme surprenait Raphie:
- J'ai vraiment du mal à comprendre ton intérêt pour mon histoire, lui dit-elle en retirant les affaires de son sac de voyage.
- C'est plutôt moi qui ne comprends pas ton attitude, surenchérissait-il en continuant de griffonner des questions sur son petit carnet. Tu vis un truc extraordinaire, et tu ne fais que t'isoler, t'éloigner. Tu ne cherches même pas à en savoir plus.
- STOP! cria-t-elle malgré elle. Tu crois me connaître, mais tu ne sais rien. Tu t'es embarqué dans cette histoire, alors tu arrêtes tes reproches sur mon passé. Tu me laisses gérer et tu te tais, c'est bien compris?
Théodore était abasourdi. Piqué au vif, il quitta la chambre. Raphie, elle, s'assit, anéantie, sur le lit de cette minuscule chambre d'amis. Elle s'en voulait, car au fond, Théodore ne voulait que l'aider. Mais remuer son passé l'anéantissait. Sans cesse, elle revoyait le regard apeuré d'Amy, l'expulsion hors de chez elle.
Il n'y avait pas que cette histoire qui la hantait. Durant toutes ces années, quelques amis, connaissances étaient entrées dans sa vie. Elle arrivait la plupart du temps à fuir lors de la dernière journée avant sa transformation. Mais de temps en temps, cela ne fonctionnait pas.
Et jamais...jamais elle n'avait oublié le regard de ses soi-disant amis, leurs cris, leur rejet.
Rien que d'y penser, elle ne put s'empêcher de pleurer...
- Nathalie? dit une voix douce à la porte de la chambre.
C'était sa mère.
- Qu'est-ce qui se passe? demanda-t-elle calmement, en s'asseyant aux côtés de Raphie.
- Oh...rien...juste émue de revenir ici, improvisa-t-elle.
- D'accord, mais je n'ai pas pu m'empêcher de vous entendre vous disputer...
- Des broutilles...
- Si tu veux en parler, n'hésite pas. Je dois t'avouer, enchaîna-t-elle, que d'habitude, lorsque d'anciens cousins ou membres de la famille viennent me voir, je ne me rappelle pas du tout d'eux. Mais c'est différent pour toi.
Tout en parlant, sa mère se promenait dans cette chambre, l'air mélancolique.
- C'est stupide, dit-elle, tout en frottant du dos de sa main les rideaux poussiéreux. Mais j'ai l'impression que...ma fille...ah...oublie ça.
- Ta fille?
Raphie profita de cette brèche pour en savoir plus sur ce que ressentait sa mère.
- Qu'est-ce que tu veux dire par "ta fille"? insista Raphie, ne voulant pas perdre un seul instant.
- Tu n'es pas au courant? demanda-t-elle, l'air suspicieux. Ma petite Raphaëlle. Elle a disparu il y a plus de dix ans...Beaucoup pensent qu'elle est décédée...mais moi...je sais...qu'elle est encore là. J'ignore où...
Elle s'arrêta, car sa voix était emplie de larmes. Raphie n'aimait pas voir sa mère pleurer. Elle était toutefois bloquée dans son mensonge.
- Que s'est-il passé? demanda-t-elle, malgré tout.
- Oh...sanglota toujours sa mère. On ne sait pas trop. Elle était chez des amis, et n'est jamais revenue. On a tenté de mener l'enquête, mais tout ce que la police a trouvé à dire, c'était que Raphaëlle avait été enlevée, donc probablement morte.
- Je suis sincèrement désolée, se résolut à dire Raphie.
- Enfin bon, je vais te laisser. Je dois préparer le dîner...on a du monde ce soir.
Le soir venu, Raphie et Théodore firent comme si de rien n'était. Ils décidèrent tacitement de passer une soirée agréable. Une fois le repas terminé, Théodore et le père de Raphie montèrent directement se coucher, laissant les deux femmes seules.
Le dîner s'étant bien passé, Raphie avait du mal à comprendre le silence pesant entre elles deux à présent.
- Merci encore pour ton accueil, dit Raphie, pour briser ce silence.
- C'est normal, répondit sèchement sa mère.
- Il y a un souci? demanda timidement Raphie.
Sa mère arrêta de nettoyer la vaisselle en laissant tomber une assiette au fond de l'évier.
- J'aurais pu vous laisser sur le pas de la porte...après ça...dit-elle en sortant un bout de papier de sa poche.
Raphie ouvrit le bout de papier et quand elle découvrit ce qu'il contenait, son visage s'empourpra.
- Et si vous me disiez qui vous êtes vraiment? demanda la maman, en fixant du regard sa fille.
- C'est...je...
- Vous le savez très bien madame, interrompit Théodore.
Il se tenait dans l'embrasure de la porte de la cuisine. Décidément, il ne lâchait pas l'affaire.
- Et comment je pourrais le savoir? Qui me dit que vous n'êtes pas des psychopathes ou des voleurs? s'emporta la maman.
- Comme vous l'avez dit tout à l'heure, répondit Théodore d'un ton étonnamment calme, Nathalie vous fait penser à votre fille...ce n'est pas une coïncidence.
C'était comme s'il avait appris son texte par coeur. La mère de Raphie resta bouche bée face à l'aplomb du jeune homme. Mais surtout, ce qu'elle avait tant souhaité, elle n'osait le croire à présent. Cette drôle de femme était sa fille?
- C'est vraiment...toi...ma petite Raphaëlle? murmura-t-elle, encore sous le choc de cette étrange révélation.
- Oui...
- Mais comment...de quoi? tenta-t-elle de demander.
- Et si vous répondiez enfin à ses interrogations?
L'aplomb de Théodore semblait calculé, réfléchi. Raphie se demanda si leur rencontre était bel et bien le fruit du hasard. Mais grâce à lui, l'abcès était enfin crevé.
Théodore suivit les deux femmes au salon. Raphie lui prit la main, comme pour le remercier de son aide plus qu'inestimable. Il lui sourit et serra davantage la main de la jeune femme.
Elisa, la mère de Raphie, regardait avec attention la jeune femme se tenant face à elle. "Il est temps, se dit-elle en son for intérieur...après tout ce temps et ces tragédies..."
- Très bien, dit-elle nerveusement, tout commence à Grivières. Ce n'est pas un hasard si nous avons décidé d'habiter ici. Ce village reculé est le théâtre d'une grande organisation dont ma famille est membre...
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