Il était dix-neuf heures trente. La nuit s'invitait déjà dans la nature environnante. Dans ce train bondé, Raphie avait trouvé une place côté fenêtre pour pouvoir profiter de la vue, de la campagne se plongeant dans la nuit noire.

Elle arrivait à faire abstraction des bruits des passagers revenant de leur travail. Tout ce qui lui importait était de se projeter dans ce panorama banal pour certains, mais impressionnant pour elle. 

Outre les espaces verts qui arboraient une teinte vert foncé et noire, elle aimait par dessus tout scruter les petites habitations rurales. Elle ressentait une certaine sérénité en observant le quotidien de ces familles ou de ces âmes solitaires vaquant à leurs occupations.

Concentrée sur le paysage, elle n'entendit pas immédiatement que son voisin lui parlait.

- Vous travaillez sur Paris? lui demanda-t-il.

- Que...Pardon? répondit-elle après quelques minutes, sortant de sa rêverie.

Son voisin devait avoir une trentaine d'années, costume cravate. Classique à cette heure-ci dans les transports en commun. Pourtant, il semblait mal à l'aise dans cet accoutrement. Cela devait être ses débuts en tant qu'"homme d'affaires". 

Il lui paraissait si jeune avec son visage rond, légèrement barbu, et les cheveux noirs en broussaille. Son déguisement était accentué avec des petites lunettes rectangulaires noires. Son attaché-case bien ancré sur ses genoux, il regardait intensément Raphie.

- Vous travaillez sur Paris? lui redemanda-t-il, véritablement intéressé par la réponse.

- Euh...on peut dire ça oui...

Elle n'aimait pas ce genre de questions, car elle devait sans cesse improviser. Ce côté intrusif la rendait mal à l'aise.

- Vous êtes étudiante alors? insista-t-il, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres.

- Oui oui...c'est exactement ça, répondit-elle, profitant de cette opportunité. 

Elle se décida à ressortir une ancienne de ces histoires pour qu'après il la laisse tranquille.

- Etudiante en art, dit-elle placidement.

- L'art? Quelle chance...je vous envie...La vie de bureau n'est pas aussi palpitante par rapport à l'évasion artistique et...

- Je vous arrête tout de suite, dit-elle sèchement. Je ne suis pas du genre à parler à des inconnus dans les transports. J'aimerais juste profiter de ce voyage en paix.

- Je comprends, dit-il, un peu surpris par ce ton froid.

Il avait maladroitement pensé que cette jeune fille était plus chaleureuse, plus ouverte. Son aspect physique donnait cette impression: le visage souriant, même quand elle ne le souhaitait pas; les yeux verts remplis de malice. Ce n'était pas dans son habitude de parler aux autres dans les transports, mais en voyant Raphie, il n'avait pas hésité.

Depuis quelques années, Raphie ne  nouait plus de liens avec personne. Elle avait tenté l'expérience tellement souvent auparavant, mais à chaque fois, sa particularité bloquait toute relation longue avec qui que ce soit.

La seule chose qui l'aidait à survivre dans cette drôle de vie se trouvait dans les voyages. Des petits voyages en banlieue en passant par les longs trajets à travers la France et le monde, elle n'excluait pas ces petits plaisirs. C'était la seule chose qui lui restait.

C'était un vendredi soir, et elle savait qu'à minuit, tout changerait à nouveau. Lasse de cette vie, elle s'en était malheureusement accommodée.

Au terminus, elle irait comme à son habitude se cacher dans une petite ruelle pour attendre minuit. Et à partir de là, une autre vie commencerait.

Mais dans son plan parfait, elle n'avait pas pris en compte l'inattendu.

- Mesdames et messieurs, le train est momentanément arrêté en pleine voie. Pour des raisons de sécurité, nous vous invitons à ne pas tenter de sortir. Excusez-nous pour la gêne occasionnée.

Raphie avait l'habitude de ce genre de contre-temps, mais l'angoisse commençait à monter lorsque l'arrêt du train dura plus de deux heures. Au bout de cette attente interminable, elle se sentait nerveuse.

- Vous vous sentez bien? demanda son voisin.

- Oui...je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas plus d'informations.

- C'est toujours comme ça, nous redémarrerons bientôt, ne vous inquiétez pas, tenta-t-il gentiment de la rassurer.

Pourtant, vers 23h45, le train ne redémarrant pas, Raphie fut prise d'une crise de panique intense. Elle se leva, quitta son siège en bousculant son charmant voisin, et se rendit aux toilettes les plus proches. Par chance, personne ne s'y trouvait. Tous étaient trop énervés par la situation.

Enfermée dans les toilettes, elle pouvait voir la panique sur son visage. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front pâle. Ses cheveux bruns coupés courts collaient sur son visage. Elle regardait machinalement sa montre. Elle voulait profiter de son reflet une dernière fois, même dans cet état.

- Mademoiselle, vous vous sentez bien? demanda son voisin de voyage derrière la porte.

"Il est insistant celui-là", pensa-t-elle.

23h59...

Minuit arriva enfin. 

Le jeune homme d'affaires ne comprenait pas pourquoi il était si inquiet du sort de cette jeune femme. Mais la voyant dans cet état, il s'était levé machinalement. Il toqua plusieurs fois à la porte des toilettes, mais personne ne répondit.

Ce n'est qu'au bout de dix minutes que la jeune fille sortit. Et la...la stupeur fut telle pour le jeune homme qu'il resta la bouche grande ouverte.

Raphie ne lui en voulait pas. Après tout, il avait rencontré une petite femme d'un mètre soixante aux cheveux bruns et à présent, sortant des toilettes, cette femme mesurait un mètre quatre-vingt. Elle avait les cheveux blond cendré et bouclés et son visage ne paraissait plus aussi enfantin. Elle ressemblait à une jeune mannequin de magazine. Et si elle avait l'habitude de ces transformations, elle ne comprenait que trop le trouble de cet homme.

Raphie l'emmena dans un couloir éloigné du reste de la foule. Il ne fallait surtout pas créer la panique...et ce n'était pas la première fois qu'elle allait tenter d'expliquer l'inexplicable à quelqu'un...

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Je démarre une nouvelle histoire, j'ai eu l'inspiration cette nuit. 

Qu'est-ce que vous pensez du début? 

Vos avis m'intéressent :p