Je t'ai observé grandir au fil du temps, je t'ai vu apprendre à écrire, à lire. Ensemble, on lisait des histoires, on chantait les dernières chansons que j'avais apprise à l'école. Parfois tu chantais avec moi. On a grandit ensemble, on a tout partager, notre chambre, nos affaires, nos peluches, tout. Et puis, un jour, tu es rentré de l'école en pleurant, les genoux râpés et les mains en sang.
Lorsque Papa et Maman ont voulu savoir, tu n'as rien voulu dire. Mais le soir, quand tout le monde était couché, tu venu me voir, dans mon lit, et tu m'as dis ce qu'aux parents tu n'avais pas voulu révéler. Je venais d'entrer au collège, laissant derrière moi la primaire, te laissant sans aucune surveillance. J'avais donc onze ans et toi bientôt sept. Dans ta classe de CE1, tu travaillais bien et tout se passait normalement. Enfin, ça, c'était ce que tout le monde devait croire et jusqu'ici ça avait bien marché.
Ce soir là, je découvris l'envers du décor.
Jusqu'ici j'avais remarqué certaines cicatrices mais je m'étais toujours laissée berner, convaincue que c'était  juste de simples blessures que tu t'étais faites en tombant dans la cour lorsque tu courais pendant les récréations.
Ce n'est que lorsque tu as enlevé ton pyjama et que tu me les as montré que le déclic s'est fait dans mon cerveau.
Comme on habitait non loin de l'école, chaque soir, tu rentrais à pieds à la maison. Et chaque soir, tu devais manger ton goûté en route. Cependant, sur le chemin, il y avait deux garçons qui t'attendaient. Ils étaient en CM1 et c'étaient de grosses brutes. À chaque fois, il t'obligeait à leur donner ton goûter. Lorsque tu refusais, ils te frappaient, d'où les cicatrices. Comme le soir, après tu avais faim, tu t'étais mis à prendre deux gouters, un pour toi et un pour eux. Mais ils s'étaient bien vite rendu compte de la supercherie. Mais ce jour là, le repas à la cantine avait été tellement sommaire que tu avais refusé de leurs donner ton deuxième goûter et tu avais résisté un peu plus que d'habitude. Alors les brutes avaient frappé encore plus fort. Mon visage palissait lorsque tu me raconta ce qu'ils t'avaient fait subir. Lorsque tu eu fini ton récit, nous étions tout les deux en larmes. Et quand je t'ai demandé pourquoi tu n'avais rien dit jusqu'ici, tu m'as dit qu'ils t'avaient menacé de te faire encore plus de mal si tu révélais à quelqu'un ce qu'ils t'avaient fait. Alors je t'ai pris dans mes bras et cette nuit là, tu as dormi avec moi.
Le lendemain, je suis allée voir les deux brutes en question et je les ai menacé d'aller révéler leurs agissements à la maîtresse s'ils n'arrêtaient pas immédiatement. Dès le lendemain, ton visage avait retrouvé son sourire et la lumière de ton regard s'était rallumé.
Je crois que c'est là que j'ai compris que tu habitais mon coeur. Et ton sourire le réchauffait.