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IX


Le ciel est découvert, les étoiles scintillent de mille feux, la température est douce.

Une belle soirée d'été.

Ou presque.

Normalement, je devrais pouvoir entendre les cigales frotter leurs ailes dans une mélodie mélancolique. Normalement. Mais depuis deux heures ce ne sont que les rires gras et bruyants des invités de ma sœur ainsi qu'une musique assourdissante que mes oreilles sont obligées de subir. La nuit s'annonçait pourtant si unique.

J'ai la chance d'avoir mon propre balcon parce que j'ai toujours eu tendance à lever le nez facilement. C'est une passion, un moment salutaire que je passe en silence comme si je priais chaque soir avant d'aller au lit. C'est mon petit plaisir, celui que je ne partage avec personne.

Dans ces moments-là, je n'aime pas parler ou être interrompue, je veux juste être seule pour faire le vide. C'est le genre d'instant où je prends du recul sur ma vie et surtout mes décisions et où je m'autorise pleinement à respirer simplement pour mon bon plaisir.

L'astronomie a toujours été une science qui me passionne. Je tiens ça de ma mère, c'est indiscutable. Son amour pour les astres était tel qu'elle a décidé de m'appeler Mercure, la planète la plus proche du soleil. Je ne lui ai jamais demandé pourquoi, j'étais trop petite pour me poser ce genre de question et quand j'ai commencé à m'interroger sur les origines de mon patronyme, ma mère n'était déjà plus de ce monde pour m'éclairer. J'aime à croire qu'il y a forcément une connotation, un mystère à percer ou un message que m'aurait subtilement laissé ma génitrice. Alors je cherche. Les yeux plongés dans la galaxie, j'essaye de trouver les réponses que jadis ma mère avait fini par découvrir.

Je sais que c'est idiot. Je n'ai pas énormément de souvenirs de ma mère mais les seuls que j'ai sont en rapport avec l'espace. A mes yeux, ça représente le monde. Elle m'a transmise sa passion, son amour pour l'univers et en ce point symbolique, je me sens liée à elle. Et je sais que personne ne peut me voler ça.

Pour moi, elle est toujours là, quelque part entre la Grande Ourse et Andromède.

Une tisane entre les mains, je suis en pleine digestion d'une grosse part de pizza et d'une tartelette au citron meringuée réalisée par Victoria. Pâtissière dans l'âme, elle a tenu parole et a acheté mon accord avec ma gourmandise favorite. Je respecte donc notre deal et reste confinée dans ma chambre, à l'abri des regards indiscrets. J'ai envoyé quelques messages à mes deux meilleurs amis en leur racontant mes dernières aventures mais seul Dan a été réceptif. J'avoue que je commence sérieusement à m'inquiéter pour Meryl, ce n'est pas son genre de rester aussi silencieuse. Je me suis promis de la harceler d'appel demain si je n'avais toujours pas de réponse d'elle à mon réveil – je suis même prête à passer par ses parents. Mon amie me manque et un point de vue féminin ne serait pas de refus ; Dan n'a cessé de me donner des conseils peu avisés sur la meilleure manière de gérer Victoria. Vraiment, ce n'est pas son fort.

Juste sous mon balcon, j'entends sans cesse la porte de mon entrée claquer. Je suis située juste au-dessus et si personne ne peut me voir, j'ai de mon côté une belle vue sur les allers et venus des convives de Victoria. Heureusement pour moi, la soirée se fait surtout dans le jardin et le salon qui sont à l'opposé de ma chambre. Pendant une heure, je n'ai eu aucun répit avec le porche qu'ils faisaient claquer – et que je rentre, et que je sorte, et que je rentre, etc.

Les yeux plongés dans les étoiles, j'essaye de faire abstraction du bruit et de ce qui se passe autour de moi. Je m'imagine en train de flotter autour de Mercure pour percer ses secrets et comprendre le lien qui nous unit. Je me débrouille plutôt bien, concentrée comme je suis, jusqu'à ce que j'entende ma porte d'entrée fouetter ma bâtisse et faire vibrer la charpente de ma maison au point d'entendre un craquement sourd sur le toit qui me fait aussitôt paniquer. Bon sang, c'était quoi ça encore ?

- Lâche moi, Mik !

Je sens mon sang ne faire qu'un tour. Je reconnais cette voix mais je ne l'ai même pas vu arriver pourtant. Non pas que j'ai guetté son arrivé. Mais. Se pourrait-il que... ?

- Allez, mec. Tu vas pas te dégonfler maintenant ! Ricane ledit Mik, mesquin.

- Va te faire foutre ! Tu commences sérieusement à me faire chier !

Des bruits de pas contre du gravillon et une autre voix se fait entendre, plus tempérée :

- Arès ? Où tu vas ? Reviens !

Mon cœur semble s'arrêter pour repartir de plus belle. J'ai l'impression d'avoir reçu un coup dans le ventre et un frisson remonte langoureusement le long de mon dos jusqu'à mon crâne. Je savais que c'était lui. Je l'avais reconnu. Sa voix me semble si familière maintenant. Je ne sais même pas pourquoi. 

Le concerné reprend en haussant le ton :

- Non, vous commencez sérieusement à me souler tous les deux. Vous êtes complètement dingues ! Ca ne vous a pas suffit la dernière fois ?

- C'est ça le truc, mon pote. On s'en lasse pas !

Des pas précipités et je perçois le bruit d'un impact qui résonne dans un craquement suivi de près par un cri étouffé.

- T'es vraiment qu'un sale petit merdeux Mikhail, tu mériterais de crever !

- Arès, qu'est-ce qui te prend bordel ?

- Reste en dehors de ça, Alek.

Mikhail, Alek et Arès. Complètement éberluée, je prends le risque de me relever le plus doucement possible pour voir ce qui se passe juste sous mes pieds. Il fait sombre, les lumières de ma chambre sont éteintes et à part les spots de toutes les couleurs qui passent à travers les fenêtres du bas, on ne voit pas grand chose.

Je plisse les yeux et me rapproche de ma rambarde pour discerner aux mieux les ombres qui semblent danser juste sous mes yeux. J'aperçois Arès qui sert les poings en face d'un gars avec le nez ensanglanté – le fameux Mik qui s'en était pris à moi à la plage - et Alek, que j'ai rencontré un peu plus tôt dans la journée, les mains levées entre ses deux amis. Le dénommé Mik essaye d'arrêter le saignement de son nez en faisant pression dessus tout en fusillant du regard son assaillant.

- Tu veux vraiment jouer à ça avec moi Vrakinov ? Crache Mik en abandonnant sa tactique pour calmer l'hémorragie.

Il semble prêt à bondir comme un animal et sa manière de se mouvoir me fait froid dans le dos. Arès répond en ricanant, visiblement pas aussi impressionné que moi. C'est tellement lui, ça. Toujours à jouer au plus malin ! Cette attitude ne semble pas plaire à son adversaire qui pousse d'une main Alek et utilise l'autre pour frapper au ventre Arès. J'entends son souffle se couper et le voit directement répondre à son attaque.

Et ça dégénère. Ils se servent de leurs points, leurs pieds, leurs têtes. N'importe quoi pour essayer de blesser l'autre. Alek essaye de les séparer plusieurs fois mais il ne fait que se prendre des coups et fini par baisser les bras au bout de quelques secondes. De mon côté, je suis tétanisée. Je n'ose ni bouger, ni parler et encore moins respirer. Leurs coups me rappellent douloureusement ce que j'ai subis quelques années auparavant et je me retrouve bêtement hantée par mes démons, sans la force de réagir pour arrêter ce massacre.

Puis Arès lâche un long râle de souffrance.

Et c'est le déclencheur.J'ai l'impression macabre d'avoir senti un séisme d'émotions s'emparer de moi. Je suis tremblante mais je ne peux plus empêcher mes membres de bouger. Je ne comprends pas ce qui se passe et je ne cherche pas à le faire ; je me lève dans un mouvement souple. Agitée, je sors de ma chambre d'un pas rapide en attrapant ma lampe de poche – c'est le seul objet qui était encore une fois sur mon passage. Je descends comme une tornade en évitant soigneusement les regards que les quelques couples que je croise me lancent – et pour cause, je suis en pyjama. Je ne m'arrête ni en voyant Victoria se trémousser sur le canapé, ni en entendant le bruit d'un pot cassé. Mon cerveau est occupé à tout autre chose ; depuis le moment où j'ai quitté mon terrier, j'entends en boucle l'agonie de cet imbécile d'Arès. Je le déteste tellement. Non mais... Quel idiot ! Ne pouvait-il pas essayer de ne pas chercher les ennuis pour une fois ?

Je peste intérieurement contre lui en me maudissant de venir lui sauver les fesses. Je ne sais même pas pourquoi j'interviens. Sûrement parce que je ne veux pas avoir encore mauvaise conscience ; c'est un bagage beaucoup trop lourd à porter sur les épaules.

Lorsque je sors de chez moi, pieds nus et sans avoir une seule idée de mon interposition, je ferme consciencieusement la porte derrière moi afin d'éviter que ça s'envenime davantage. Je croise les regard d'Alek et j'y lis sans grande difficulté une béate surprise – oui, moi aussi je me demande ce que je fiche ici mon vieux. Puis, je vois les deux combattants encore en pleine confrontation. Ils ne m'ont pas remarqués aussi décidé-je de profiter de l'effet de surprise pour tenir ma lampe par la dragonne qui m'évite de la perdre et à prendre de l'élan pour frapper par derrière le crâne de Mik.

Il se retourne, médusé. Puis Arès m'aperçoit aussi et nos iris s'accrochent l'une à l'autre. Pendant une seconde, j'en oublie de respirer. Je suis happée par le bleu de ses pupilles, perdue entre terre et ciel. On m'attrape par le poignet et le charme est rompu quand mon attention se porte vers l'étau chaud qui enserre ma peau. Je grimace tandis que Mikhail sourit vicieusement :  

- Si ce n'est pas notre nageuse préférée ! Après le maillot de bain aguicheur, voilà qu'elle essaye de nous charmer avec un charmant pyjama !

Il s'esclaffe et serre davantage sa prise sur mon avant-bras. La douleur irradie mes os mais je ne lui fais pas le plaisir de le montrer. Je me contente de serrer les dents en le fixant le plus froidement possible. J'essaye de récupérer mon bras mais plus je me débats, plus il me fait une démonstration de sa force. Lâche.

- Lâche-là, Mik.

La voix d'Arès claque froidement comme un ordre menaçant.

- Elle m'a frappé.

Il semble dire ça comme pour justifier son acte.

- Et ? T'en as connu des plus durs. Elle essayait sûrement de calmer le jeu, on est chez elle.

- Chez elle ? Répète mon tortionnaire en se retournant vers moi avec une mine intéressée.

Pourquoi est-ce que ça l'étonne ? Deux minutes auparavant il avait constaté que j'étais en tenue pour aller dormir. Visiblement, il n'a pas la lumière à tous les étages. 

- C'est la demi-soeur de Victoria.

- Intéressant... Et où est ta chambre, trésor ? Me susurre-t-il en approchant son visage du mien.

Son haleine alcoolisée me donne un haut-le-coeur que je ne cache pas. 

- Je pourrais te ramener et utiliser ta petite lampe sur toi. T'as l'air d'être plus sauvage que ce que je ne m'étais imaginé !

Un rictus perfide fleurit sur ses lèvres fines et je commence légèrement à craindre pour ma sécurité. Arès semble comprendre mon malaise et tente une approche en s'acoquinant avec l'ennemi, laissant un rire ô combien faux sortir de sa gorge. Il nous rejoint en titubant et passe son bras autour des épaules de Mik.

- T'as toujours su t'amuser, vieux frère. Mais crois-moi, déjà testé et hyper décevant. Comparée à Vic, elle ne vaut pas grand chose.

Son ami le regarde avec une brusque complicité. Ils n'étaient pas en train de se battre il y a genre deux minutes ? Je les maudis tous les deux, pestant contre Arès. Je ne suis pas idiote, je sais qu'il essaye juste de me dépêtrer des pattes de son grand ami mais franchement le coup de la comparaison avec Victoria, il aurait pu s'abstenir.

- Je te reconnais bien là mon pote !

Ils rient tous les deux et je sens que Mik lâche sa prise sur moi. J'en profite pour récupérer mon poignet et me reculer de trois pas, les sourcils froncés.

- Et puis, je pense que t'as pas mal bu pour la soirée. Alek !

Le cousin d'Arès réagit au quart de tour et sort de sa torpeur en se précipitant vers nous. Avec tout ça, j'avais presque oublié qu'il était là. Depuis que je suis arrivée, il n'a pas dit un seul mot et je me rends brusquement compte qu'il ne fait office que de pion dans leur petit gang. Par contre, une vraie lutte de pouvoir semble être menée entre Mikhail et Arès. Les mecs...

- Ramène Mik chez lui et sans détour, tu m'as bien compris ?

Ils échangent un regard qui en dit long et Alek acquiesce en silence tout en prenant le bras de Mik sur ses épaules. Non seulement il est ivre mais en plus, il est bien amoché.

- Je t'appelle quand j'arrive à la maison, soupire le blondinet à son cousin.

Ils s'éloignent avec difficulté dans mon allée et j'entends Mik chanter des mélodies salaces tout en boitant sur Alek. Arès ne les quitte pas des yeux jusqu'à ce qu'ils aient disparus, enveloppés dans les ombre de la nuit.

Puis, un lourd silence.

Il ne s'est pas retourné vers moi mais je peux voir à ses muscles raides qu'il est à cran et qu'il se retient sûrement de me sauter dessus. Dos à moi, j'ai une belle vue sur ses épaules carrées et sa longue colonne vertébrale bien droite. Sa respiration est courte, je sens une tension froide s'insinuer dans ses veines.

Pourtant, quand il se retourne vers moi ses traits sont lisses et son visage impassible. Je n'arrive pas à lire dans ses yeux, pourtant si expressifs d'ordinaire. Je laisse mon regard trainer sur son profil et je me rends compte que cette bagarre a aussi laissé des traces sur lui ; son nez saigne, un de ses œil est à moitié fermé et j'aperçois l'arrête de sa mâchoire jaunir à quelques endroits. Sa lèvre est encore fendue – petit souvenir de notre première rencontre – et son menton est éraflé. Je n'imagine même pas les dégâts sur le reste de son corps. J'ébauche un semblant de mouvement vers lui, la main levée :

- Je...

- J'ai besoin d'un verre, dit-il en me coupant et en passant à côté de moi en me bousculant.

J'accuse le coup mais je ne me laisse pas démonter. Rapide, je recule jusqu'à la porte et l'empêche de passer.

- T'as surtout besoin que je jette un œil à tes blessures.

- Non merci, tu peux garder ta pitié.

- Je n'ai pas pitié.

Il hausse un sourcil tout en me dévisageant complètement blasé : il n'y croit pas une seule seconde et tente à nouveau de se frayer un chemin. Je l'en empêche.

- Considère ça comme unremerciement.

Il semble surpris et m'interroge du regard en essuyant le sang qui s'écoule de son nez d'un revers de la main.

- Pour ne pas avoir agis comme un total abruti, cette fois.

Il ne voit toujours pas où je veux en venir, alors j'arrête de tourner autour du pot.

- Cette fois, tu n'as pas laissé ton pote s'en prendre à moi. Y'a du progrès.

Il ne rigole pas à ma tentative de plaisanterie et je constate qu'il n'est pas d'humeur. Ou qu'il est toujours fâché après moi. Ou complètement perdu. Tout comme moi. Je veux dire, un coup je le traite de violeur et un coup j'accours pour le défendre. Y'a de quoi devenir assez barge, quand même.

- En vérité, j'ai besoin de faire amande honorable. Tu ne m'as pas laissé m'excuser ce matin. J'ai agis comme une idiote hier soir.

Ses iris tombent dans les miennes et je ne peux m'empêcher de comparer la couleur de ses yeux à un profond ciel étoilé. Quelque chose chez ce garçon a un goût d'espace ; il semble aussi mystérieux que l'infinité de l'univers.

- Je t'ai claqué la porte au nez, considère-nous comme quitte.

Il n'a pas tort. Mais il y a un monde entre manquer de manière et être cruelle comme je l'ai été.

- On est loin d'être quitte. Mes mots ont dépassés ma pensée, je ne voulais pas te juger comme je l'ai fais.

Il reste silencieux, pensif à mes propos. J'en profite pour attaquer et insister :

- Ca ne prendra que deux minutes. Tu pourras retourner te soûler et te dandiner jusqu'au bout de la nuit après ça.

Il tente de me piéger :

- Je croyais que toi vivante, je ne rentrerai plus jamais chez toi.

Je lève les yeux au ciel en voyant qu'il reprend mes propos d'il y a quelques jours.

- Je suppose qu'il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis. Et puis, ce n'est pas comme si tu n'avais pas passé ta soirée à faire la fête dans mon salon...

Il incline la tête et passe une main dans ses cheveux.

- A dire vrai, j'étais dans ton jardin.

Je lui lance un long regard septique qui montre que je n'avale pas ses salades. Il soupir et baisse les armes :

- Très bien. Mais sache que je ne me dandine pas, me dit-il d'une voix moins acerbe en passant devant moi.

J'essaye de ne pas sourire.

En rentrant, la musique me ruine à nouveau les tympans. Je déteste cette ambiance. Ils sont tous en train de danser, de hurler et de s'embrasser. Comment peut-on s'amuser dans ce genre de fête ? Je me revois encore hier soir dans cette marrée humaine, incapable de respirer ou de bouger. J'avais l'impression d'être une poupée de chiffon qui se laissait simplement emporter par les mouvements des corps ; possédée dans cette cacophonie.

Je retiens un frisson de dégoût tandis que je les observe se mouver dans tous les sens. Arès semble comprendre la tournure de mes pensées puisqu'il glisse sa main dans la mienne et je sursaute par ce contact inattendu mais étrangement familier. Il hoche la tête et nous nous glissons ensemble jusqu'aux escaliers qui mènent à l'étage. Quelques personnes nous aperçoivent ensemble et je sais déjà que des rumeurs vont se propager comme une fumée de poudre. Victoria l'apprendra. Mais Victoria ne me fait plus peur.

A l'étage, nous croisons des couples à tous les coins et j'angoisse à l'idée de retrouver dans ma chambre deux inconnus en train de se bécoter. Pourquoi ce genre de soirée tourne forcément à l'orgie ? Est-ce vraiment nécessaire ? Je me cache derrière l'épaule d'Arès qui trouve le chemin de mon repère sans soucis ou hésitation. Une fois dedans, je constate qu'elle est vide et soupire de soulagement tandis qu'il se défait de mon étreinte pour s'installer nonchalamment sur mon lit, comme s'il était chez lui. Je ferme derrière nous.

Je passe une main sur mon front et attache mes cheveux en un chignon lâche tout en me dirigeant d'un pas assuré vers mon armoire. J'attrape ma grosse trousse de secours et je m'installe à côté d'Arès en ignorant précautionneusement ses oeillades appuyées.

J'imbibe un coton d'alcool et m'empresse de tapoter sur les plaies ouvertes. Il grimace mais ne s'écarte pas.

- C'est vrai qu'il est joli ce pyjama, fait-il en laissant ses yeux glisser vers ma tenue.

J'ignore sa remarque ironique et me contente d'appuyer un tout petit fort sur son arcade sourcilière abimée. Il émet un sifflement piquant tandis que je lui fais un petit sourire satisfait.

- Je sais que t'as un faible pour moi, Vrakinov. Mais évite de me reluquer alors que j'ai entre mes mains la possibilité de pouvoir te balafrer à vie.

L'ambiance se fait plus détendu et nous sourions tous les deux, amusés. Comme si de rien n'était. Comme si je ne l'avais pas rencontré ici même. Comme si nous ne nous détestions pas. Comme si nous étions amis.

- T'as déjà fais ça, dit-il alors en détaillant chacun de mes gestes.

Il ne pose pas la question et se contente de l'affirmer tandis que mes mains s'affairent dans un vif automatisme. Il a sûrement remarqué l'habitude dans mes mouvements, la manière dont je suis sûre de moi en pansant ses maux. Mon sourire se perd quelques instants et l'image de Dan m'apparait brusquement. Bien sûr que j'ai fais ça souvent. Et à mon plus grand regret. Je suis porteuse de secrets qui ne m'appartiennent pas forcément. Mais je ne veux pas amener le sujet sur le tapis, je ne veux pas développer et aller sur ce terrain glissant. Alors je m'arme d'une réplique cynique, faisant comme si je ne comprends pas ce qu'il veut dire :

- Tu veux dire recueillir un mec amoché sur le pas de ma porte pour le soigner ? Je fais ça tous les jours.

Il fait une moue déridé et acquiesce silencieusement. De manière polie, j'ai dévié le sujet. Un moyen de lui faire comprendre que ce ne sont pas ses oignons. Je continue mon affaire et pose mes doigts sur ses lèvres abimées. Seule trace de mon passage par ici.

- Il a un beau crochet du droit mais le tien est plus redoutable, dit-il en lisant dans mes pensées.

Un petit sourire en coin apparaît sur mon visage tandis que nos yeux s'accrochent à nouveau.Je sens que l'ambiance taquine a fait place à quelque chose d'autre.

- On ne fait pas le poids face à une ceinture noire de karaté, dis-je dans une fausse confession.

Lui comme moi savons très bien que je n'ai jamais été plus qu'une simple furie prête à tout pour me défendre et me protéger.

Tandis que je passe mes mains sur son visage et fais de mon mieux pour le soulager, un silence religieux se fait entre nous. Nous sommes si prêts l'un de l'autre que je n'ose plus parler. En dehors de Dan, Arès est le premier garçon que je touche aussi lentement, presque intiment. Je ne le fais pas exprès, simplement j'ai peur de lui faire mal donc je me démène comme je peux. Maladroite mais douce.

- Je suis désolé pour le comportement de Mikhail.

Je lève les yeux vers lui et hoche la tête.

- C'était un mec bien avant mais depuis qu'il est rentré à l'université, c'est un gros con.

- Je suis désolée pour toi alors. Ca doit être difficile de voir un ami changer et constater qu'on a plus rien en commun avec.

- Je n'ai jamais dis que je n'avais plus rien en commun avec lui.

- Je sais. J'essaye justement de creuser pour savoir si toi aussi t'es un gros con ou non.

Il rit. Ouvertement, innocemment et franchement. Il semble faire plus jeune d'un coup et je ne peux m'empêcher de le trouver beaucoup plus attirant sans ses airs de mauvais garçon. Il a ce quelque chose en plus auquel je me raccroche facilement, cette facette de lui me plait. Beaucoup plus que les jours précédents.

- En tout cas, je veux la même lampe de poche que toi, ça fait deux fois qu'elle te sauve la mise, non ?

Je me retiens de rire. 

- Elle est très efficace pour remettre du plomb dans la tête de certains garçons !

- Espérons qu'elle ait fait aussi bien son boulot pour Mik que pour moi. 

- Pour Mikhail, je ne me fais aucun soucis. Pour toi, par contre...

Nous échangeons un regard complice : je ne l'ai jamais frappé avec cet objet. Pas de risque de transformation.

Je profite de ce moment pour ranger ma pharmacie mobile, bien contente d'avoir terminée. Il est rafistolé, ce n'est pas encore mieux mais au moins il ne saigne plus et n'aura aucune douleur à son réveil – bien qu'il mériterait vraiment de sentir les conséquences de la violence comme leçon pour ne plus récidiver. 

Quand je reviens vers lui, il a changé de place et se tient désormais sur mon balcon, penché sur ma balustrade, la tête penchée en arrière comme si lui aussi regardait les étoiles. Je m'approche et me place à ses côtés en lui tendant un aspirine. Il le prend sans hésiter.

- C'est donc d'ici que tu nous as espionné ? Demande-t-il en connaissant parfaitement bien la réponse.

- Je ne vous ai pas espionné !

- Bah voyons!

Je me mords la lèvre inférieure et ose le questionner :

- Pourquoi vous vous disputiez d'ailleurs ? C'était à cause de ma sœur, peut-être ? Ton copain lui a fait des avances ?

Il pouffe de rire et se retourne vers moi.

- Pourquoi crois-tu que ça me fasse quelque chose s'il drague Victoria ?

J'ouvre les yeux, stupéfaite.

- Vous ne sortez pas ensemble ?

- Non, je ne sors avec personne. C'est pas fait pour moi, je préfère vivre au jour le jour.

J'hausse un sourcil. Charmante façon de présenter le fait que c'est un coureur de jupons. Encore un épicurien ! Mais voilà au moins une chose que je pourrais balancer à ma demi-soeur si elle s'amuse à me demander des comptes pour ce soir.

Curieuse, je ne peux m'empêcher d'insister :

- Alors pourquoi ?

Un silence. Long. Durant lequel il me regarde et semble se demander s'il peut me faire confiance ou non – du moins, j'en ai l'impression. Je ne bouge pas et évite de le secouer en lui disant que j'ai les doigts salis par son sang alors qu'un peu de reconnaissance ne ferait pas de mal. Mais bien sûr, je me retiens.

Pendant un instant, je pense qu'il ne rajoutera rien tant le silence semble s'intensifier entre nous. Puis, il finit par ouvrir la bouche :

- Trois fois rien.

- Bah dis donc... Drôle de manière de se disputer pour « trois fois rien », dis-je en pointant du doigt son visage.

Je n'y crois pas mais je préfère arrêter les questions. J'ai la sensation que ma curiosité ne lui a pas plu et je ne sens plus cette bonne entente que je percevais encore il y a quelques minutes. De toute évidence, ce ne sont pas mes affaires et il ne se confiera pas à moi.

- Pourquoi tu n'es pas à la fête ? Je ne t'ai pas vu tout-à-l'heure, dit-il pour changer de sujet.

- C'est pas trop mon truc les fêtes.

- Madame ne sait pas s'amuser ?

Piquée à vif par sa remarque, je fronce les sourcils.

- Tu rigoles ? Je suis la définition même de l'amusement !

- Alors pourquoi ne t'ai-je pas croisé plus tôt ?

- Oh mais j'étais là. Tu ne te souviens pas ? J'ai empêché ton copain de te tabasser. Une ambiance de fo-lie !

Il penche la tête vers moi et je me rends compte qu'il attend une réponse plus sérieuse. Je lâche une longue expiration :

- Disons qu'il y a d'autre manière pour s'amuser que de boire jusqu'à l'évanouissement.

- Phrase typique d'une personne qui ne sait pas s'amuser.

Agacée, je secoue la tête. J'ai toujours su qu'il y avait un décalage entre les personnes de mon âge et moi. D'habitude, ça ne me gêne pas mais à cet instant je me sens jugée.

- Bon, admettons. Qu'est-ce que tu faisais ce soir avant de nous espionner ?

Il me demande ça d'un curieux en inspectant des yeux mon balcon - comme s'il allait trouver un passage secret menant à ma potentielle double-vie. Indécise,j'hésite à dire la vérité. S'il ne me prend pas pour une barge, ça sera bientôt chose faite. Et puis... Finalement, je décide d'avouer. Je n'ai pas à avoir honte de qui je suis ni de ce que j'aime faire. Et je ne devrais certainement pas mentir pour plaire à un garçon. Non pas que je veuille lui plaire de toute manière. 

- Je regardais les étoiles.

- Tu rega... Sérieusement ?

- Oui, dis-je en levant le nez vers le ciel, je les trouve fascinantes. Elles sont mystérieuses, magnifiques et pleines de promesses. Je m'imagine les explorer, parfois. J'aime penser que j'y trouverai une autre forme de vie, plus douce que notre espèce. Moins brutale, moins corrompue. De temps en temps, j'essaye de trouver un message caché, je les observe en me demandant si elles aussi nous observe, si quelque part dans cet univers quelqu'un a les mêmes aspirations que moi et se pose toutes les questions que je me pose. Tu vois, dans cette étendue d'océan étoilés, j'arrive à trouver ma place et à me sentir moins seule.

Je soupire un grand coup et ferme les yeux quelques secondes en sentant le vent sur mon visage. Je me suis laissée emporter, comme toujours quand je commence à parler d'astronomie. Je me perds et je vais bien trop loin dans mes réflexions. Je sens son regard brûler ma joue alors je me tourne vers lui et d'une voix qui se fait plus sûre, je reprends :

- Alors oui, je regarde les étoiles. Tous les soirs. Parce que beaucoup trop de personnes ne voient pas la beauté juste quand elle est sous leur nez. Moi je prends le temps de la regarder. Et de m'émerveiller à chaque fois. Alors... Ok... Ce n'est peut-être pas excitant comme soirée mais ça me convient.

Arès me regarde comme il ne m'a jamais regardé. Son masque d'arrogant prétentieux semble s'être effrité et j'ai presque l'impression d'avoir un total étranger face à moi. Il n'y a plus aucune trace de moquerie sur son visage. En fait, je n'y lis plus grand chose. Je contemple ses yeux –enfin son œil – et semble y voir de l'intérêt. J'ai l'impression que son âme aimerait envelopper la mienne tant l'intensité de son regard m'englobe de la tête au pied. Indéniablement, quelque chose est en train de se passer mais je ne sais pas exactement quoi. Je n'ai pas les mots. Je ne les ai jamais eu.

Il se penche vers moi et je sens son souffle caresser mes lèvres. Je me fige et je baisse les yeux sur sa bouche, à quelques millimètres de la mienne. Je n'ose plus bouger et encore moins parler. Mon cerveau commence à s'alarmer ; ai-je envie qu'il se rapproche ? Non ! Oui ? Je ne sais plus, je n'arrive pas à éclaircir mes pensées. D'un point de vue extérieur, je suis aussi immobile qu'une statue de glace mais à l'intérieur, c'est la fin du monde. Mon ventre se contracte, mon cœur s'envole comme une nuée d'oiseaux et j'ai les lèvres sèches. Je me sens électrifiée, mes sens en éveil et surtout en vie. Je ne me suis jamais sentie aussi enflammée qu'en cet instant et je sais qu'il suffit d'une caresse de sa part pour que je me consume.

Petit chose fragile que je suis.

Mon corps se rapproche du sien sans que je n'arrive à le contrôler, comme si nos deux âmes s'appelaient et voulaient danser ensemble. Il n'est plus qu'à quelques millimètres de mes lèvres et je les entrouvre dans un réflexe dépendant d'un désir étouffé. Sa respiration chaude est aussi vive que la mienne. Nous ne sommes plus qu'à un rien de nous embrasser.

Mais ce rien flotte entre nous, il est oppressant, désappointant. Et je suis tétanisée sur place, complètement vulnérable face à ce charme qui s'opère magiquement entre nous.

- Grandis, Mercure.

Sa voix froide me ramène à la dure réalité. Non, pire... Elle me gifle, me fait tomber d'un gratte-ciel, me piétine comme une malpropre. J'ai l'abominable sensation de m'être réveillée d'un rêve inexistant. Je me sens cotonneuse, frustrée.

Il se recule de moi avec un air écoeuré et je sens mon palpitant se serrer. Qu'ai-je fais de mal ? Que vient-il de se passer ? Ai-je imaginé ce qui s'est passé ? J'en ai bien l'impression puisqu'il secoue la tête comme s'il était énervé contre moi. Comme si j'avais encore fais une grosse gaffe. Il me tourne le dos et claque la porte de ma chambre dans un geste brutal. Je sursaute et respire à nouveau. J'avais retenu mon souffle durant tout ce temps, sans même faire attention.

Bordel, mais qu'est-ce qu'il vient de se passer ?  

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