La pluie battait les carreaux de la grande maison ancestrale des Singh, nichée dans les collines verdoyantes du sud de l'Inde. À l’intérieur, les murs résonnaient de voix feutrées, de soupirs nerveux et du crépitement discret du feu de bois dans la cheminée. Prya Singh, assise près de la grande fenêtre, observait les gouttes d’eau tracer des chemins incertains sur le verre. Ces gouttes, avec leur imprévisibilité et leur course effrénée, ressemblaient étrangement à son propre avenir. 

À vingt-huit ans, Prya avait toujours su que sa vie suivrait un chemin tracé par d'autres. Née dans une famille profondément ancrée dans les traditions et respectée pour son héritage, elle avait grandi avec un poids invisible sur les épaules. Pourtant, elle avait toujours imaginé que, lorsqu'il s'agirait de son mariage, ses parents écouteraient ses désirs. Après tout, Prya n'était pas une fille capricieuse. Elle aimait ses traditions et les valeurs que sa famille défendait. Mais ce soir-là, tout son monde bascula.

Dans le salon, ses parents discutaient en chuchotant, comme s’ils essayaient d’amortir l’impact de leurs mots. Son père, Rajendra Singh, un homme au regard sévère mais à l’âme profondément bienveillante, se racla la gorge avant de prendre la parole. 
« Prya, ma fille, nous devons te parler de quelque chose d’important. » 

Elle se retourna lentement, son cœur se serrant à la vue de l'expression grave de son père. Sa mère, Jaya, évitait soigneusement son regard, les mains nouées nerveusement sur ses genoux. Prya savait que rien de bon ne sortirait d'une conversation commencée ainsi. 

« Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle, tentant de masquer son inquiétude. 

Rajendra inspira profondément avant de parler. « Il y a vingt ans, nous avons fait une promesse à une famille qui nous est très chère, les Al-Habib. Une promesse que nous ne pouvons rompre. » 

Prya fronça les sourcils. Elle se souvenait vaguement des Al-Habib, une famille influente du Moyen-Orient avec laquelle son père avait souvent collaboré pour des projets commerciaux. Mais leur nom évoquait pour elle de vieux souvenirs poussiéreux, rien de concret. 

« Une promesse ? » répéta-t-elle, méfiante. 

Son père hocha la tête. « Oui. Après l'accident de voiture de Khaleer et de sa mère, leur famille était dans une situation difficile. Nous les avons soutenus financièrement et moralement, et à cette époque, il a été convenu que, lorsque le moment viendrait, nos deux familles seraient liées par un mariage. » 

Le monde de Prya sembla vaciller sous ses pieds. « Vous plaisantez ? » murmura-t-elle, espérant désespérément que ce soit le cas. 

Mais son père ne plaisantait pas. 

Jaya posa une main hésitante sur l’épaule de sa fille. « Prya, je sais que cela semble brusque, mais ce mariage représente bien plus qu'une simple union entre deux personnes. C'est une manière de préserver l'honneur de nos familles. » 

Prya éclata de rire, un son froid et sans joie. « L’honneur ? Et qu’en est-il de mes désirs, de ma vie ? Vous voulez me vendre comme un pion dans vos négociations commerciales ? » 

Sa mère recula légèrement, blessée par les paroles de sa fille. Rajendra, cependant, resta impassible. « Ce n'est pas une vente, Prya. C'est une responsabilité. Une promesse. » 

Elle sentit la colère monter en elle. Depuis toujours, elle avait suivi les règles, respecté les traditions, mais cette fois, c’était différent. Il s’agissait de son avenir, de son bonheur. Comment pouvaient-ils attendre d’elle qu’elle accepte cela ? 

« Et cet homme, Khaleer, il est d’accord avec tout ça ? » demanda-t-elle, sa voix trahissant un mélange de sarcasme et de désespoir. 

Rajendra esquissa un sourire amer. « Pas exactement. Il a lui aussi exprimé des réticences. Mais son père est ferme sur cette promesse, tout comme nous. » 

Les mots flottaient dans l’air, lourds et oppressants. Sameer. Prya avait entendu parler de lui, bien sûr. Un homme d’affaires prospère, connu pour son charisme et son arrogance. Elle se souvenait d’une photo floue dans un magazine économique, montrant un homme grand, à la mâchoire carrée, et aux yeux perçants. Mais une image ne pouvait pas combler le vide laissé par l’incertitude. Qui était-il vraiment ? Et surtout, pourquoi devait-elle l’épouser ? 

Elle se leva brusquement, ses poings serrés. « Je refuse. Vous m'entendez ? Je refuse catégoriquement de me soumettre à cette absurdité. » 

Jaya tenta de l'apaiser. « Prya, s'il te plaît, réfléchis. Ce n'est pas seulement pour nous. C'est aussi pour toi. Khaleer est un homme bien, et cette union pourrait... » 

« Cette union pourrait quoi ? Me rendre heureuse ? Me combler ? Vous n’en savez rien ! » hurla-t-elle avant de quitter la pièce en furie. 

De l’autre côté du monde, à Dubaï, Khaleer Al-Habib, assis dans son luxueux bureau, contemplait les toits scintillants de la ville. Il tenait un verre de whisky à la main, bien qu’il n’en ait pas encore bu une goutte. La voix de son père résonnait encore dans sa tête, grave et autoritaire. 

« Khaleer, tu n’as pas le choix. Cette promesse est sacrée. » 

Khaleer serra la mâchoire, frustré. Il avait bâti sa vie selon ses propres termes, ignorant les attentes de son père à chaque tournant. Mais cette fois, il semblait que son père avait trouvé le moyen de le contrôler. 

« Une fille indienne, hein ? » murmura-t-il pour lui-même, l’amusement dans sa voix teinté d’un mépris à peine voilé. 

Il avait vu une photo de Prya Singh, bien sûr. Une femme élégante, avec des traits délicats et des yeux sombres qui semblaient brûler d’un feu intérieur. Mais une photo ne suffisait pas à apaiser sa colère. Il ne voulait pas de cette union. Tout comme elle, il était pris au piège d’une promesse faite bien avant qu’ils n’aient leur mot à dire. 

« Très bien, père, » dit-il finalement, d’un ton acerbe. « Si cette promesse est si importante pour vous, je jouerai le jeu. Mais ne vous attendez pas à ce que ce soit facile. » 

Quelques semaines plus tard, dans la grande maison des Singh, un dîner somptueux fut organisé pour officialiser les fiançailles. Prya et Khaleer se rencontrèrent pour la première fois ce soir-là. 

Dès qu’elle le vit, Prya sentit son sang bouillir. L’homme dégageait une aura de confiance insupportable. Son sourire, bien qu’indéniablement charmant, était teinté d’arrogance. Quant à Khaleer, il la trouva tout aussi exaspérante. Elle était belle, certes, mais son attitude défiante et son regard perçant l’agacèrent immédiatement. 

« Enchanté, » dit-il d’un ton lisse, tendant une main vers elle. 

Prya ignora la main tendue. « Je n’ai pas demandé à être ici. » 

Il haussa un sourcil, amusé. « Nous avons quelque chose en commun, alors. » 

Leur première conversation fut brève, mais pleine de piques. Chaque mot échangé était une déclaration de guerre. Pourtant, sous la surface de leur mépris mutuel, une étincelle inattendue s’allumait. 

Ce fut ainsi que commença leur histoire : deux âmes rebelles, forcées de se rapprocher par une promesse qu’elles n’avaient jamais faite. Un mariage arrangé, une guerre de volontés, et, quelque part dans le chaos, une chance improbable de trouver l’amour.