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Chapitre 11.

Lucifer ne pensait pas qu'Alastor aurait cette réaction. Dès qu'il lui eut fait remarquer qu'il était tout aussi excité que lui, le démon s'était mis à paniquer. Au point où l'ange s'était demandé s'il avait déjà bandé durant sa longue existence ?

En colère, Alastor se recula avec un air presque effrayé (comme l'ange ne l,avait jamais vu) et, yeux écarquillés, s'était volatilisé sans demander son reste. Lucifer resta assis sur la console, confus.

— What the fuck... ?

Puis merde... avec tout ça, il était encore dur. En poussant un soupir, il enroula sa main autour de son sexe et convint de finir le travail. On n'était jamais mieux servi que par soi-même après tout, non ?

Lucifer ferma les yeux et fit de son mieux pour contenir sa voix. Petit à petit, il prit conscience que c'était la main et la voix radiophonique d'Alastor qui peuplaient ses fantasmes.

Il jouit en imaginant le démon lui ordonner de le faire.

Rouvrant les yeux, l'ange regagna son souffle, rouge jusqu'aux oreilles. Comme si détenir l'âme d'Alastor et lui offrir son sang n'était pas suffisant, voilà qu'il fantasmait sur lui. Il ne pensait pas être tombé si bas...

Toute cette histoire était fucked-up. Et Charlie ne devait jamais l'apprendre.

***

Dans les jours qui vinrent, Alastor évita soigneusement de se trouver en présence de Lucifer. Il trouvait une parade pour se défiler chaque fois que Charlie tentait de les réunir dans la même pièce, évoquant des rendez-vous ou des tâches devant avoir lieu à l'extérieur de l'hôtel.

Aujourd'hui, pour échapper à l'ange, il avait fui à Cannibal Town pour prendre le thé avec son amie de longue date Rosie. Elle était toujours d'excellents conseils quand on en avait besoin.

— Alors... tu dis que quelque chose cloche chez toi ?

— Ce n'est pas normal, insista-t-il, ce n'est jamais arrivé avant. ~

Rosie se reversa du thé en lui souriant avec bienveillance.

— J'ai toujours pensé que tu étais un aro-ace...

— Un quoi ~ ? la coupa Alastor sans comprendre de quoi elle voulait parler.

Rosie chassa son interrogation de la main sans s'expliquer davantage.

— ... mais ça ne t'empêche pas de ressentir des choses. Ce n'est pas parce que ce n'est jamais arrivé que ça n'arrivera pas. Tes envies et tes désirs peuvent fluctuer au fil du temps... c'est tout à fait normal, mon cher. Ce qui n'était pas une envie hier, peut devenir une envie aujourd'hui. Il n'y a pas besoin de s'emmêler avec les étiquettes. C'est peut-être aussi tout simplement parce que tu as rencontré une personne spéciale à tes yeux... Vas-tu donc finir par me dire de qui il s'agit ?

Les doigts d'Alastor se crispèrent imperceptiblement sur sa tasse en porcelaine. Il faisait confiance à Rosie plus que quiconque en Enfers, mais il n'était pas prêt à lui dévoiler la nature de sa relation avec Lucifer...

— Je n'insiste pas, reprit Rosie tout bonnement. Parle-moi quand tu t'en sentiras prêt, mais sache que j'adorerais rencontrer cette personne !

— Bien sûr, répondit-il avec en sachant pertinemment qu'il ne dirait jamais rien. Merci de m'avoir écouté, très chère. ~

— Mais ça m'a fait plaisir, Alastor ! Tu sais que tu peux venir me voir à n'importe quel moment pour n'importe quoi.

— Oui je sais... merci. Et... sur un autre sujet... à propos du sang angélique... je me demandais si... ~

— Ah, non ! s'exclama Rosie en déposant sa tasse sans lui laisser le temps de finir sa phrase. Je n'en ai plus une goutte ! Ça n'a pris que trois jours pour que les cannibales aient avalé tous les anges tombés au combat lors de la bataille. Et franchement... le sang angélique leur faisait un drôle d'effet... ça les rendait tous complètements fous ! Délicieux, certes, mais ils étaient devenus accros, prêts à s'entretuer pour la dernière goutte... J'ai essayé de les éloigner pour rétablir le calme à Cannibal Town, mais c'était en vain... Je suis soulagée qu'il ne reste plus rien maintenant !

Alastor plissa les yeux.

— Je vois...~

Cela confirmait ses doutes. Il ne restait plus une seule goutte de sang angélique nulle part. Il avait eu espoir qu'il reste quelques fioles à Cannibal Town... cela lui aurait peut-être permis de tenir le coup... jusqu'à ce qu'il soit prêt à affronter Lucifer à nouveau.

Le démon se sentait piégé à son propre jeu. Il avait insisté pour boire le sang du roi des enfers, mais chaque fois qu'il plantait les dents dans la veine de l'ange, il devenait plus dépendant à cette substance. Que faire ?

Sa dignité en avait pris un coup l'autre jour. Il n'avait aucune envie de supplier le roi pour un peu de son sang... Pourtant, la soif revenait le hanter. Dévorante. Entêtante. Obsédante.

Mais que faire si son corps le trahissait une nouvelle fois ? Il n'était lui-même pas certain de ce qui s'était produit la dernière fois. Peu importe ce que Rosie pouvait dire pour le rassurer... Alastor avait horreur de ce qu'il ne pouvait pas contrôler.

Après avoir saluer Rosie, il reprit à contrecœur le chemin de l'hôtel, car il devait toujours diffuser son radio broadcast journalier.

À peine eut-il mis un pied dans le hall que Charlie lui sauta dessus.

— Alastor ! Enfin, tu es là !

Il sourit.

— Que me vaut tout cet enthousiasme, très chère ? ~

— Nous devons parler, insista-t-elle, j'ai l'impression... que tu évites mon père.

— Voyons, très chère, je ne vois pas ce qui peut te faire penser une chose pareille ! ~

— En fait...

Charlie se racla nerveusement la gorge avant d'ajouter :

— ... tout le monde l'a remarqué. Tu te volatilises dès qu'il arrive dans la même pièce...

Vaggie qui se tenait là en soutient à sa petite-amie approuva d'un hochement de tête.

— Tu déguerpis presque comme si tu avais peur de lui. Tu as oublié qu'il est celui à t'avoir sauvé la vie après qu'Adam t'ait botté le cul ?

Alastor fit de son mieux pour garder la tête froide, même si Vaggie venait de toucher une corde sensible. Adam ne lui avait pas... Il aurait pu le réduire en miettes si son micro ne s'était pas brisé ! Il fit de son mieux pour masquer son agacement.

— J'apprécie que vous vous fassiez du souci quant à ma relation avec Lucifer, mais vous vous faites des idées, j'ai simplement été très occupé dans les derniers jours. Entre les réunions d'Overlords et le calme à ramener à Cannibal Town, mon horaire était chargé. ~

Au même moment, une silhouette familière descendit l'escalier principal du hall d'un pas joyeux.

— Charlie ! Tu m'as demandé de venir ? Tu voulais me parler ?

Lucifer s'arrêta net en apercevant Alastor dans le hall avec sa fille et Vaggie. C'était la première fois depuis plusieurs jours que le démon ne se dématérialisait pas en ombre à la seconde où il le voyait.

— Oui, papa... Alastor, il est temps de régler vos différends. Tout le point de cet hôtel... ce sont les secondes chances, la rédemption... et les amitiés qu'on tisse en chemin ! Si vous n'arrivez pas à vous entendre, ça affecte tous les résidents. C'est un mauvais exemple pour les démons que nous essayons de réhabiliter. Alors... heu...

Charlie prit une grande inspiration, rassemblant son courage. Puis, elle attrapa la main d'Alastor et celle de son père pour les rapprocher.

— ... j'aimerais que vous acceptiez de participer à des activités de team building pour apprendre à mieux vous connaître et mieux vous entendre !

Les deux hommes restèrent figés devant la proposition. Alastor et Lucifer avaient peu de choses en commun, mais pour une fois, ils étaient d'accord : il n'y avait aucune chance qu'ils n'acceptent de participer ensemble à des activités destinées à les rapprocher !

— Hé... Heu... ma puce, c'est vraiment gentil d'avoir pensé à nous de cette façon, mais je ne crois pas que ce sera nécessaire, dit Lucifer en essayant d'être le plus délicat possible.

— Même si la proposition est attentionnée, je vais devoir décliner ~, enchaîna Alastor sans cesser de sourire.

Être en présence de Lucifer était déjà bien assez difficile à supporter sans devoir y ajouter des activités. La soif était telle qu'il avait tout le mal du monde à détacher ses yeux de la gorge de l'ange, s'imaginant pouvoir y planter les dents.

— Mais... vous devez montrer l'exemple... Je ne peux pas convaincre les autres si vous n'acceptez pas d'abord...

Charlie leur fit de grands yeux de Chat Potté auxquels Lucifer avait tout le mal du monde à résister. Elle joignit ses mains ensemble et les supplia :

— S'il vous plait, s'il vous plait, s'il vous plait...

Lucifer se sentit acculé au pied du mur. Comment pouvait-il dire non à sa fille alors qu'il avait promis de supporter ses rêves et cet hôtel ?

— Je... eh bien... je suppose que je pourrais essayer..., finit-il par dire à contrecœur en passant une main dans ses cheveux blonds.

Charlie se tourna vers Alastor avec le même regard suppliant.

— Al... ?

— Tu sais que je ne peux rien te refuser, n'est-ce pas ? Après tout, tu es presque comme ma propre fille. ~

Il voulait juste faire exprès d'agacer Lucifer. C'était trop facile. L'ange s'efforçait de sourire, mais ses yeux ne souriaient pas. La commissure de ses lèvres tremblait légèrement.

— Ooooh ! s'exclama-t-elle en frappant dans ses mains. C'est vrai ? Alors, vous acceptez tous les deux ? C'est gééniiial ! Je vais préparer des tas d'activités... oh !

— Charlie.

La voix de Vaggie résonna dans le hall.

— Qu'est-ce que nous pourrions faire ? Le jeu des compliments – tout le monde doit dire une chose qu'il apprécie chez les autres – ou oh ! je sais ! Un escape game ! ou des bracelets de l'amitié ?

— Charlie, répéta la jeune femme en mettant deux mains sur les épaules de sa petite-amie pour la stopper dans sa mini-crise hystérique de joie.

— Quoi ?

— Toutes ces idées sont... heu... géniales.

Charlie hocha vivement la tête à plusieurs reprises avec beaucoup d'enthousiasme.

— Je sais !

— ... mais tu devrais peut-être essayer de réfléchir à des propositions un peu plus... adaptées.

— Adaptées ?

— Correspondantes à deux hommes adultes avec quelques centaines... voire milliers d'années derrière eux, acheva Vaggie en jetant un regard à Lucifer.

— On oublie les bracelets de l'amitié ?

Vaggie approuva.

— Autant je crève d'envie de voir Alastor avec un bracelet de l'amitié... autant je ne peux pas te laisser faire ça.

La jeune femme appréciait le rayon de soleil qu'était Charlie dans sa vie, mais il était aussi de son devoir d'éviter qu'elle se ridiculise. La princesse des enfers fut d'abord un peu peinée, mais elle savait que Vaggie avait raison. Elle s'était sans doute laissée un peu trop emporter.

— Alors... quoi ?

— On trouvera des idées, ne t'en fais pas.

Alastor et Lucifer étaient les plus heureux de l'intervention de Vaggie. Mais ce n'était pas pour autant qu'ils étaient sortis d'affaires. Aucun d'eux ne semblait encore pleinement prendre conscience de ce à quoi ils venaient de consentir...

Pour Alastor qui faisait des pieds et des mains pour se tenir à l'écart de l'ange déchu, c'était game over.