Partie unique
À côté de la maison de ses grands parents, il y en avait une autre bien particulière. La première fois qu'il l'avait vu, Jungkook l'avait crue vide. Ses volets étaient fermés toute la journée, et on n'y entendait rien de plus que le sifflement du vent qui s'infiltre entre les tuiles du vieux toit. Rien qui ne laissait présager une quelconque présence. Et puis, après tout, ce n'était pas bien étonnant. Le petit village de Buk-Myeon où il passait ses vacances chez ses grands parents avait gardé un tel aspect traditionnel que même le réseau manquait parfois. La plupart des gens qui y possédaient un terrain s'y rendaient uniquement pour leurs congés, histoire de se déconnecter un peu du monde réel et de toutes ses technologies.
Dans le cas de Jungkook, ce n'était pas réellement par choix qu'il se trouvait là. Tant qu'à faire, il aurait préféré rester sur Busan avec ses amis, sortir la nuit, se bourrer la gueule jusqu'à point d'heure pour se réveiller avec un mal de crâne infernal et recommencer le soir même. Ça aurait été de parfaites vacances d'été, selon lui.
Seulement voilà, ses parents en avaient décidé autrement. Ils partaient en voyage en Europe, et refusaient de laisser leur fils tout seul. Après tout, il n'était encore qu'au lycée. Deux mois livré à lui même, c'était bien trop long. Et puis, lui avaient-ils dit, ça lui ferait une petite pause dans toutes ses occupations de jeunes qu'ils jugeaient dangereuses.
Jungkook n'avait pas plus protesté que ça. Il avait été mécontent, bien sûr, mais contester l'autorité de ses parents n'était pas quelque chose qu'on lui avait apprit. Il avait donc tiré la gueule, fait ses valises, bu comme un trou avec sa bande de potes une dernière fois, puis prit le train jusqu'à la petite ville la plus proche de Buk-Myeon, où sa grand mère était venue le chercher et le serrer chaleureusement dans ses bras.
Quand on lui avait montré sa chambre pour la première fois, le noiraud avait grimacé en constatant qu'il arrivait à peine à capter une barre de wifi. Il faut dire que même juste à côté de la box de ses grands parents, il fallait bien dix bonnes secondes pour charger une page banale. Alors les vidéos, ce n'était même pas la peine d'essayer.
Cette constatation qu'il fit à contre coeur lui fit se demander comment il allait survivre deux longs mois, huit semaines, cinquante six jours, mille trois cent quarante quatre heures, quatre vingt mille six cent quarante minutes et un million huit cent trente huit mille quatre cent secondes dans ce lieu complètement paumé au milieu de nul part. Ça lui semblait presque impossible.
La première semaine, il l'avait passée à tenter de trouver toutes les astuces possibles et imaginables pour capter plus de réseau et réussir à charger sa série préférée. Cela n'avait pas mené à grand chose, étant donné qu'en sept jours, il n'était parvenu qu'à voir vingt minutes d'épisode.
La deuxième semaine, il l'avait donc passée à se lamenter sur son sort et à maudire ses parents de l'avoir forcé à vivre l'intégralité de ses vacances dans un tel trou perdu, pendant que tous ses amis devaient se faire leurs meilleures fêtes avec plein de filles et d'alcool. Quelle injustice, tout de même.
La troisième semaine, il était sorti de son trou. Il s'était fait une raison sur sa condition et s'était dit que tant qu'à dépérir tout seul à la campagne, autant dépérir en faisant un minimum de choses. Il avait ainsi commencé à aider son grand père au potager, prêter main forte à sa grand mère dans ses activités quotidiennes, et à discuter avec eux des journées entières.
Après tout, il les aimait bien, ses grands parents. C'était leur village qu'il n'aimait pas.
C'est en commençant à bouger qu'il avait finalement remarqué cette maison vide à côté de chez eux. Plus petite, plus moderne peut être, moins traditionnelle. Banale, en somme. Rien qui n'aurait pu laisser présager que son séjour prendrait une toute autre forme.
Du moins, jusqu'au jour où, en plein milieu de la nuit, il fut réveillé par des grincement de volets qui venaient d'à côté de chez lui.
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Jungkook ne croyait pas aux fantômes. L'idée qu'un esprit quelconque continue à vivre sur terre sans son enveloppe charnelle lui semblait totalement stupide. Pour lui, quand on est mort, on est mort. Point. Pas besoin d'aller chercher plus loin.
Seulement, ce soir là, ce côté rationnel de sa personnalité dont il semblait si fier avait l'air d'avoir du mal à garder la face.
Les bruits de volets qu'il avait entendu venaient de la maison vide, il en était persuadé. Mais qui s'amuserait à ouvrir les volets d'une maison à minuit passé ? Et surtout, dans quel but ?
Ravalant son stress et n'osant regarder par la fenêtre à côté de lui, il déglutit difficilement en tentant de se rassurer.
Une hallucination auditive. Oui, ça devait être ça. Ou peut être le vent, aussi, il soufflait plutôt fort ces derniers jours. Quoique, peut être que les propriétaires de la maison venaient d'arriver et voulaient aérer un peu ? Probablement. Une de ces trois options était juste, il se faisait du mouron pour rien.
Un fantôme, et puis quoi encore...
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Il y avait un fantôme.
Jungkook en était persuadé. Il n'était pas fou, tout de même, il avait bien entendu les volets s'ouvrir cette nuit. Alors pourquoi étaient-ils désormais fermés alors que le soleil brillait haut dans le ciel ?
Il ne voyait qu'une seule solution : un fantôme.
N'importe quelle personne normale ouvre ses volets le jour et les ferme la nuit, pas l'inverse.
Un fantôme, ou un psychopathe qui tue des gens dans sa maison.
Ça ne pouvait être que l'un ou l'autre. De plus, il était convaincu d'avoir vu une silhouette cette nuit en allant aux toilettes. La maison vide n'était pas vide. Elle était hantée. Ou habitée par un tueur en série. Peut être même une secte qui faisait des sacrifices chaque nuit sous la lumière de la lune...?
Maman, il ne voulait pas mourir si jeune. Il lui fallait des explications.
Il descendit quatre à quatre les escaliers en les faisant grincer dans un boucan monstre, avec comme seule idée en tête de trouver sa grand mère pour lui demander des éclaircissements. Il la repéra bien rapidement : elle était en train de faire ce qu'elle faisait tous les autres jours, assise sur une chaise à dorer au soleil tandis qu'elle épluchait des pommes qui serviraient ensuite à faire de la compote. De la très bonne compote, au passage. Meilleure que toutes les autres qu'il avait goûté.
Jungkook ne s'attarda pas plus sur ses réflexions, et s'avança vers elle, tout angoissé.
« Halmeoni ? » demanda-t-il d'une petite voix. « Je peux te poser une question ? »
La vieille femme se retourna vers son petit fils, délaissant sa pomme, et lui sourit en indiquant le siège à côté d'elle.
« Bien sur mon grand, viens donc et dis moi ça. »
Presque timidement, le noiraud vint poser ses fesses sur le vieux fauteuil de son grand père parti au marché, avant de jeter un coup d'oeil inquiet vers la maison-vide-pas-vide qui était visible depuis le jardin. On ne savait jamais.
D'un discret mouvement de tête, il indiqua l'objet de ses craintes, et confia à sa grand mère comme s'il était en train de révéler un secret d'état :
« Je crois que cette maison est hantée. J'ai entendu les volets s'ouvrir cette nuit, et là, ils sont fermés ! Tu penses qu'un fantôme y habite ? »
La vieille femme rit. Jungkook en aurait presque été vexé si cela ne l'avait pas rassuré un minimum. Elle saisit de ses mains abîmées par l'âge la pomme qu'elle avait reposée un peu plus tôt, et repassa la lame de son couteau dessus pour l'éplucher.
« Ce n'est pas un fantôme, Jungkook. » répondit-elle d'un air mélancolique. « C'est un enfant de la lune qui y habite. »
Un enfant de la lune.
Décidément, sa grand mère avait le chic pour les réponses énigmatiques qui n'en sont pas vraiment. Un enfant de la lune, ça voulait dire quoi ça ? Quelqu'un qui était né un soir de pleine lune ? Une sorte d'entité sacrée ? Ou alors, au sens propre, une petite lune miniature ?
Jungkook ne comprenait pas. Ça n'avait pas grand sens.
Sa mine dubitative n'échappa pas à la femme, qui lança simplement en posant sa pomme désormais nue dans le panier posé à cet effet :
« On ira lui donner quelques gâteaux cette nuit si tu veux, ça lui fera un peu de compagnie. Le pauvre doit se sentir bien seul. »
Jungkook n'avait pas osé dire non.
Et au fond, sa curiosité était bien plus forte que l'angoisse qu'il ressentait peu avant.
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La nuit. Pourquoi la nuit ?
C'était la question qui trottait dans la tête du noiraud alors qu'il aidait sa grand mère à porter un gros sac chargé de plein de petits bocaux de gâteaux, de compote et de confiture jusqu'à la maison-vide-pas-vide. C'est vrai ça, il était plus commode de rendre visite aux gens le jour. Alors que faisait-il là à une heure aussi tardive ?
Arrivés sur le pallier, la vieille femme approcha son doigt de la sonnette qui détonnait par sa modernité, et la pressa sous le regard intrigué de son petit fils. Son coeur accéléra dans sa poitrine lorsqu'il entendit la clé tourner dans la serrure, sentant aussi bien la crainte que l'excitation monter. Il allait enfin savoir qui vivait dans la maison vide. Ses mains se firent légèrement moites, puis la porte s'ouvrit lentement, lui faisant louper un battement.
Et lorsque le propriétaire de la demeure apparut enfin, il tomba des nues. C'était loin, ô combien loin de tout ce qu'il s'était imaginé. Devant lui, il n'y avait ni fantôme, ni psychopathe avec un couteau dans les mains, ni monstre aux yeux brillants. Devant lui, il n'y avait qu'un jeune homme. À peine plus âgé que lui, de un ou deux ans peut être. Sa peau était parsemée de petites tâches, comme des tâches de rousseur qui s'étendraient au delà des joues, alors qu'il affichait un beau sourire qui faisait apparaître deux petites fossettes. Il salua avec joie la vieille femme, qu'il nomma lui aussi comme "halmeoni", avant que ses yeux ne croisent ceux du noiraud.
Jungkook sentit son coeur s'arrêter.
En l'espace d'un infime instant, il eu l'impression de vivre des milliers d'expériences. En un seul regard, le temps s'était figé autour de lui. Ces yeux de l'enfant de la lune, ils étaient magnifiques et tristes à la fois. Noirs, profonds, mais pleins de mélancolie. De solitude, peut-être. Pleins de rêves.
Et sans savoir pourquoi, Jungkook eut envie de pleurer.
« Namjoon, je te présente Jungkook, mon petit fils. »
La voix de sa grand mère sembla le sortir de sa transe, tandis qu'elle continuait :
« Et Jungkook, voici Namjoon. Il habite ici depuis plusieurs années. »
Les deux hommes se dévisagèrent un instant. L'habitant de la maison-vide-pas-vide semblait peiner à prendre pied avec la réalité, comme s'il le voyait sans voir, et Jungkook n'osait rien dire. Puis, après avoir cligné des yeux, Namjoon s'inclina légèrement, et ils se saluèrent sous le regard bienveillant de la vieille femme.
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Par la suite, Jungkook apprit que ses grands parents passaient au moins une fois par semaine dans la maison d'à côté. Ils attendaient que le soleil s'évanouisse complètement derrière l'horizon, puis ils allaient apporter quelques petites gourmandises à l'enfant de la lune.
Le noiraud ne comprenait toujours pas cette appellation, mais il trouvait ça joli. Et puis après tout, dans cette histoire, il ne comprenait pas grand chose. Il n'avait toujours pas saisi pourquoi le jeune homme ouvrait ses volets en pleine nuit, ni pourquoi il vivait dans un tel endroit loin de tout.
Un soir, alors qu'ils préparaient le panier qu'ils allaient lui offrir, Jungkook avait posé la question à sa grand mère. Il lui avait demandé pourquoi il ne sortait que la nuit, plein d'espoir, mais il n'avait reçu aucune vraie réponse. Elle lui avait simplement rétorqué que ce n'était pas à elle de le lui dire. Il avait tenté de poser la même question à son grand père ; un échec. Il s'était contenté d'hausser les épaules en continuant ce qu'il faisait.
Rien à faire, ses deux grands parents semblaient s'être passés le mot pour se taire.
Régulièrement, Jungkook sortait de sa chambre en pleine nuit et allait aider Namjoon à ouvrir tous les volets de sa maison. Ils se posaient ensuite dans le jardin et parlaient de tout et de rien, jusqu'à ce que le noiraud soit trop crevé pour continuer à veiller. Surtout de rien, en fait. Jamais il n'avait osé aborder ses interrogations quant à ses activités nocturnes. Pourquoi, il ne savait pas trop. Peut être qu'au fond, il commençait à comprendre. Peut être qu'il avait peur d'entendre la vérité. Peur de blesser Namjoon. De se blesser lui même.
Mais un soir, il n'y a plus tenu. Il a voulu savoir, parce qu'il avait besoin de savoir. Parce qu'il était trop dur de voir cette solitude dans le regard de celui qui était en train de devenir son ami sans savoir d'où elle venait. Parce qu'il rêvait de faire disparaitre toute cette mélancolie dans ces prunelles qu'il aimait de plus en plus. Parce qu'il avait horreur des tabous, aussi.
Alors une nuit, alors qu'ils étaient une nouvelle fois assis dans le pré à côté de chez eux à parler de rien, Jungkook osa finalement demander dans un murmure :
« Dis, Namjoon, pourquoi tu ouvres tes volets seulement la nuit ? Tu n'apprécies pas la lumière du jour ? »
L'enfant de la lune eut l'air étonné. Il fixa le noiraud un moment, comme pour savoir s'il était sérieux ou non, puis demanda à son tour d'un ton surpris :
« Halmeoni ne t'a pas dit ? »
Non, elle ne lui avait pas dit. Jungkook savait juste qu'il y avait quelque chose à savoir sans savoir quoi. Alors pour seule réponse, il secoua lentement la tête de droite à gauche, l'air embêté.
Un sourire triste naquit sur les lèvres de Namjoon, et ses yeux s'embuèrent légèrement. Il leva son regard vers le ciel, puis murmura dans un souffle :
« Ce n'est pas que je ne n'apprécie pas la lumière, Jungkook ; c'est elle qui ne veut pas de moi. »
Le noiraud le regarda un instant sans comprendre, mais l'enfant de la lune ne lui laissa pas le temps de s'interroger, remontant ses manches pour lui montrer son bras nu. Il était parsemé des mêmes tâches qui reposaient sur son visage, un peu moins marquées peut être, mais bien présentes.
« Ma peau ne supporte pas le soleil. » expliqua-t-il tout bas. « Le moindre contact avec un rayon la marque et l'abîme, et elle est tellement fragile que mes chances de développer un cancer de la peau sont multipliées. Alors je vis la nuit, parce qu'il n'y a que comme ça que je survis. C'est déjà une chance que je sois encore là. »
Jungkook avait senti ses yeux s'embuer, sa gorge se nouer, et il n'avait pas su quoi répondre.
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Xeroderma pigmentosum.
C'était le nom scientifique de la maladie de Namjoon. Et ceux qui en étaient atteints étaient généralement appelés "enfants de la lune."
Elle se caractérisait par une sensibilité extrême aux ultraviolets induisant des lésions et des cancers cutanés. Certaines personnes présentaient même des troubles psychiques. Et personne n'avait de remède.
Lorsque Jungkook avait lu ça sur la page internet qu'il avait mis cinq bonnes minutes à faire charger, il avait éclaté en sanglot. Il s'était insulté de tous les noms, traité de con pour ne pas avoir compris plus tôt, détesté pour avoir forcé Namjoon à en parler. Quel idiot. Il aurait dû se renseigner bien avant.
La solitude de son ami lui avait alors sauté aux yeux, la mélancolie dans son regard avait semblé s'être dédoublée, et ses petites taches sur sa peau qu'il trouvait si belles avaient alors paru cruelles.
Pourquoi lui ? Pourquoi Namjoon ? C'était injuste. Si injuste. Comment pouvait on passer une vie ainsi, dans la solitude, sans voir la lumière, complètement coupé du monde ? Pourquoi avait-il fallu que certains enfants soient touchés par cette maladie des plus cruelles ?
C'était juste horrible.
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Lorsqu'il n'avait plus eu assez de larmes pour pleurer, Jungkook avait décidé de se reprendre en main. Ses pleurs n'aideraient pas Namjoon. Pas plus que sa pitié.
Et puisqu'il était écrit noir sur blanc que personne ne savait comment soigner cette maladie, il allait le faire lui même. Sans médicaments, sans ordonnances à rallonge, - il n'était pas médecin - juste avec sa présence.
S'il ne pouvait pas soigner sa peau, alors il soignerait sa solitude.
Il s'en fit la promesse.
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Jungkook ne dormait plus. Ou du moins, plus la nuit.
Dès que le soleil s'évanouissait derrière l'horizon, il courait chez Namjoon l'aider à ouvrir ses volets. Parfois, ils restaient simplement dans le grand champ qui s'étendait derrière leurs maisons. D'autres fois, ils allaient jusqu'à traverser la petite rivière et s'engouffrer dans la forêt pour une petite balade nocturne. Quand ils partaient suffisamment tôt et se sentaient suffisamment en forme, ils allaient même jusqu'en haut de la colline qui bordait le village de Buk-Myeon, et s'y asseyaient en parlant de tout.
Si au départ Jungkook s'était senti plutôt mal à l'aise de parler de sa vie et de ses amis alors que celle de Namjoon était isolée et solitaire, il avait fini par lui raconter le moindre détail en voyant que son ami adorait entendre ses récits. Il disait qu'il n'y avait rien de plus beau que de pouvoir imaginer le monde au delà des romans qu'il lisait la journée, seulement éclairé par une petite lumière artificielle. Qu'il était bien mieux de tout entendre de vive voix.
Une nuit, le noiraud avait questionné l'enfant de la lune au sujet de ses parents. Il s'étonnait de ne pas les voir alors que la maison où vivait Namjoon était bien trop grande pour lui tout seul. Il lui avait répondu que c'était lui qui leur avait demandé de lui laisser un peu d'espace. Qu'il se sentait mieux, ainsi, plus autonome. Plus normal.
Et il avait semblé à Jungkook comprendre.
Quand l'aube s'approchait dangereusement, les deux hommes rebroussaient le chemin, puis renfermaient tous deux les volets de la maison-vide-pas-vide avant de se dire "à la nuit prochaine". Le noiraud rentrait alors en silence pour ne pas réveiller ses grands parents, puis s'effondrait sur son lit pour y dormir jusqu'au crépuscule.
Et lorsqu'il voyait le sourire Namjoon, il se disait bien souvent qu'il aurait pu vivre ainsi pour l'éternité.
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Les bras tendus vers le ciel, un oeil fermé pour mieux visualiser le petit disque lunaire haut dans la nuit entre ses doigts, Jungkook tentait d'arracher aux cieux la petite boule lointaine.
Le rire de Namjoon retentit, et il demanda d'un ton interrogatif :
« Qu'est ce que tu fais ?
- J'essaie d'attraper la lune.
- Ce n'est pas possible.
- On sait jamais. »
Curieux, Namjoon se tut un instant. Il observa le noiraud, le bras levé, l'air concentré, et sans vraiment savoir pourquoi, un doux sentiment de chaleur lui prit au cœur. Il était si mignon, Jungkook, à tenter l'impossible comme un enfant.
Face à l'insistance du plus jeune, il finit par demander simplement :
« Pourquoi tu veux faire ça ?
- Pour te l'offrir. »
L'enfant de la lune se tut, et il sentit les larmes lui monter aux yeux, tandis que Jungkook continuait :
« Comme ça, tu pourras emmener la nuit partout avec toi, où tu veux, quand tu veux. »
Il rebaissa son bras qui commençait à être douloureux, et se retourna vers le plus grand.
« Ce serait cool, non ? »
Et Namjoon ne put s'empêcher de l'embrasser.
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Il avait semblé à Jungkook que les huit semaines, cinquante six jours, mille trois cent quarante quatre heures, quatre vingt mille six cent quarante minutes et un million huit cent trente huit mille quatre cent secondes s'étaient écoulés à la vitesse de la lumière. Depuis le jour où il avait vu Namjoon la première fois jusqu'au lundi de sa dernière semaine de vacances, il n'avait pas vu le temps passer.
Comment allait être sa vie, sans ces sorties nocturnes où il retrouvait Namjoon pour l'embrasser sous les étoiles ? Comment allait-il faire pour se lever le matin sans voir les petites fossettes de l'homme dont il s'était épris, sans entendre son rire timide s'élever dans l'air ? Allait-il vraiment réussir à reprendre sa routine d'avant ?
Non. Il ne voulait pas. Il ne pouvait pas. Dès l'instant où ses yeux avaient rencontré ceux de l'enfant de la lune, tout retour en arrière était impossible, de toute façon.
Jungkook pourrait passer encore mille nuits à tenter de décrocher la lune, qu'importe. Du moment que Namjoon était à ses côtés, il se sentait capable de tout. Et il en était intimement persuadé : un jour, sans prévenir, il tiendrait l'astre satellite de la terre entre ses mains.
Mais pour l'instant, il lui faudrait encore essayer.
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« Tu tentes encore de décrocher la lune ? »
Le timbre tendre de Namjoon se fit entendre derrière lui, mais Jungkook ne se retourna pas. Il devait rester concentré.
« Non, ça ne marche pas. J'essaie d'attraper une étoile. »
Il ravala du mieux qu'il put ses larmes, ses doigts tendus vers le ciel, le froid de la nuit lui giflant les joues. Le désespoir qui étreignait son cœur ne mentait pas ; il était bel est bien amoureux, et l'idée de quitter Namjoon ainsi le rendait nerveux.
Le lendemain, il reprendrait la voiture jusqu'à la petite ville proche de Buk-Myeon, puis son grand père le déposerait dans le train en direction de Busan.
Le lendemain, il serait loin de l'homme qu'il aimait, et il l'abandonnerait à nouveau à sa solitude si cruelle.
Le lendemain, tout serait différent.
Il lui fallait la lune ou une étoile ce soir. Il ne pouvait pas partir sans en avoir offert une à son amant.
L'étreinte de Namjoon qui vint l'enserrer par derrière le fit sursauter, et il laissa retomber son bras lorsque la voix de celui-ci vint lui murmurer tendrement :
« Pleure pas, Kook... »
Jungkook n'avait même pas remarqué les larmes qui coulaient en torrent sur ses joues. L'enfant de la lune vint se poser devant lui pour lui faire face, puis passa doucement un doigt contre sa joue pour essuyer une petite goutte d'eau qui tentait de se frayer un chemin contre sa peau.
« Tu sais, » souffla-t-il, « Les étoiles du ciel ne m'intéressent pas. J'en ai déjà une bien plus belle. »
Namjoon fit un sourire triste au noiraud, qui planta son regard larmoyant dans le sien. Et même lorsque les larmes commencèrent à glisser contre sa peau à lui aussi, son coeur continuait de brûler d'amour.
« Regarde toi, tu brilles déjà si fort. Même le Soleil paraît fade à tes côtés. »
Jungkook hoqueta. Un nouveau sanglot le prit, et il serra du plus fort qu'il put Namjoon dans ses bras, la gorge nouée et le coeur serré.
Et là, à pleurer l'un contre l'autre sous la lueur de la pleine lune ; ils resplendissaient. Ils resplendissaient dans leur amour, dans leur joie qui parvenait à trouer la tristesse, dans leur étreinte pleine d'espoir.
Namjoon sécha une larme, et sourit à Jungkook.
« On ne va pas être séparés bien longtemps, ce ne sera que l'affaire de quelques semaines. »
Essuyant d'un revers de manche ses yeux, le noiraud hocha la tête comme un enfant, avant de répondre dans un léger sourire :
« Oui, et la prochaine fois que je viendrai, j'amènerai mes amis. Tu pourras les rencontrer comme ça.
- Je t'aime.
Jungkook rit, le coeur à la fois serré et comblé, puis murmura sincèrement :
« Je t'aime aussi. »
Et ils s'embrassèrent à nouveau, là, au milieu des larmes et de l'amour, dans une promesse silencieuse de se retrouver bientôt.
Parce qu'après tout, ce n'était pas un adieu.
Ce n'était qu'un au-revoir.
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La main accrochée à sa valise, Jungkook descendait du train et reposait ses pieds à Busan pour la première fois depuis deux mois. Il leva les yeux au ciel, ébloui par l'astre des rois qui y brillait fièrement, et lâcha un petit soupir triste.
Les six semaines, quarante deux jours, mille huit heures, six mille quatre cent quatre vingt minutes et trois millions six cent vingt huit mille huit cent secondes avant de revoir Namjoon allaient être longues.
FIN.
( nda que je mets à la fin parce que je suis un boulet : halmeoni veut dire grand mère en coréen )
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