Chapitre 21
Le soleil pointait le bout de son nez et Jude était déjà en train de travailler sur ses prochains contrats. Plus les minutes passaient, plus sa joie s'intensifiait. Aujourd'hui, il allait avoir en main le plus gros accord de sa vie, celui qui allait confirmer l'unification des propriétés des familles Heartfilia et Chenny.
Après son appel avec Rog la veille, Jude n'avait pas perdu une minute et avait directement contacté le père de Rog. Malgré le différend entre les enfants, les deux patriarches avaient gardé de très bon rapport. Enfin... En tant qu'individus, mais pas en tant qu'hommes d'affaires. C'est la seule condition : ne plus jamais parler travail ! Sinon, c'était sûr que les choses allaient s'envenimer, chacun allait reprocher à l'autre les erreurs passées.
Presque neuf heures, et toujours personne. Jude commençait réellement à s'impatienter, il hésita un instant à décrocher son téléphone et à appeler au manoir des Chenny. Il s'abstint finalement, car il savait que son ami détestait les gens trop insistants.
Environ une demi-heure plus tard, plongé dans ses contrats pour occuper son esprit, il sursauta quand on toqua à la porte de son bureau.
Se souvenant de ce qui le mettait dans un tel état de joie, son rythme cardiaque s'accéléra. Il rangea toutes ses affaires, pour paraître plus organiser. Enfin prêt à le recevoir, Jude ne tenait plus en place.
– Entrez ! déclara-t-il d'une voix ferme.
Alors que son sourire commençait à monter jusqu'aux oreilles, il disparut presque immédiatement quand il vit Talia, un plateau à la main.
– Qu'est-ce que vous voulez ?
– Votre boisson, Monsieur !
Découvrant le visage renfermé de Talia, il comprit qu'il était en train de s'énerver et ce n'était vraiment pas l'instant pour ça. Il montra à Talia l'endroit où elle devait mettre le verre. Talia s'exécuta. Elle évita avec adresse de se prendre les pieds dans le tapis, puis passa entre les deux fauteuils.
Cette action, elle la répétait tous les matins depuis de nombreuses années, et c'était un moment qu'elle redoutait. Si jamais elle ne la faisait pas correctement, elle était certaine que Jude allait lui pourrir le reste de sa journée jusqu'à la boisson du soir. Mais au moment de franchir la porte, elle s'arrêta en entendant la voix de Jude.
– La prochaine fois, n'oubliez pas le dernier glaçon !
Talia frémit. Son rythme cardiaque s'accéléra, l'angoisse monta. Sans qu'il l'ait remarqué, elle commença quelques exercices de respiration pour tenter de se calmer.
– Pour cette fois, ça ira Talia, ne vous inquiétez pas, allez simplement me préparer un autre verre !
– Est-ce vraiment une bonne idée ?
– Ce n'est pas pour moi...
– Monsieur attend de la visite, très bien, je vous apporte les verres spéciaux « accord de travail » !
– Merci !
Sur le coup, Talia ne savait pas ce qui pouvait lui faire le plus peur, les accès de colère de Jude ou alors son extrême gentillesse. Cela ne présageait rien de bon et elle craignait de possibles conséquences. Elle devait quand même se dépêcher de servir cet autre verre. Elle avait entendu des domestiques se précipiter vers le manoir, donc l'invité de Monsieur Heartfilia devait être arrivé. Elle n'avait plus le temps de retourner dans la cuisine pour apporter ce qu'il fallait. Elle décida de prendre dans le buffet, se trouvant face au bureau, à titre exceptionnel.
À peine une minute plus tard on toqua, Jude fit entrer son ami, le salua et lui proposa une chaise. Talia lui servit sa boisson et quitta la pièce pour laisser les deux hommes travailler. Au moment de fermer la porte derrière elle, elle pensa que c'était peut-être sa seule chance de connaitre les plans de Jude. Alors elle décida de l'entrouvrir de quelques millimètres, juste assez pour entendre. Elle se posta assez loin, pour ne pas être vue. Cette idée porta ses fruits.
– Nous sommes d'accord Jude, si Nashi est bien ma petite-fille, notre accord tient toujours, peu importe que nos enfants soient mariés ou pas !
– Nous sommes d'accord !
– Mais avant tout, nous devons avoir la confirmation !
– Évidemment, mais ne vous inquiétez pas mon cher ami, nous l'aurons avant la fin de la semaine. J'ai quelques connaissances dans un laboratoire scientifique qui me doivent un petit service, ils feront passer cela en priorité et dans moins d'un mois, nous serons associés.
Puis les deux hommes trinquèrent à leur accord et changèrent de sujet de conversation. Sur le coup, Talia ne savait pas comment réagir, elle était pétrifiée. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Elle traversa le couloir pour se rediriger vers l'entrée du manoir. Ne sachant toujours pas où aller, elle entama une errance, jusqu'à ce qu'elle croise Ed.
– Qu'est-ce qui se passe Talia ?
– Oh bonjour, Ed... Désolée, je ne t'avais pas vu...
– Je m'en doutais, mais pourquoi fais-tu cette tête, de quoi Monsieur Heartfilia t'a-t-il menacé ?
– De rien...
– Alors, raconte-moi !
Malgré sa petite taille, Ed se rapprocha de Talia, lui prit la main et lui proposa de s'asseoir au sol, pour qu'elle puisse souffler. Ed comprenait que quelque chose de grave venait de se produire et qu'elle avait du mal à s'en remettre. Après plusieurs secondes à faire des exercices de respiration pour se détendre, elle eut le courage d'enfin s'exprimer.
– Tu me promets de ne rien dire ! À personne !
– Évidemment, pour qui me prends-tu ?
Hésitant encore un instant, elle se jeta à l'eau.
– Je crois que Mademoiselle Nashi n'est pas la fille de Monsieur Natsu !
Ed s'attendait à tout sauf à ça. À son tour, il ne savait plus quoi dire, mais il ne devait pas montrer sa stupeur.
– Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
Tout était embrouillé dans son l'esprit. Donc elle décida de reprendre depuis le début pour laisser à ses souvenirs le soin de revenir progressivement.
– Comme tous les jours à la même heure, je rapporte sa boisson à Monsieur. Tout se passe bien jusqu'à ce qu'il me dise « La prochaine fois, n'oubliez pas le dernier glaçon ! ». Immédiatement, j'ai eu peur et je me suis demandé de quoi il allait me menacer cette fois. Mais rien, il m'a seulement réclamé un autre verre.
– Tu as raison, c'est très étrange...
– Oui, mais j'ai supposé qu'il attendait quelqu'un, donc je me suis exécutée. La personne est arrivée, je lui ai donné son verre et je me suis éclipsée.
– Mais alors comment peux-tu penser une telle chose ?
Ed voulait à tout prix connaitre le fin mot de l'histoire.
– Remarquant un peu plus tôt Monsieur Heartfilia de si bonne humeur, je me suis inquiétée, ce n'est pas dans ces habitudes de se comporter ainsi. J'ai laissé la porte ouverte et je me suis mise plus loin pour écouter.
– Et donc ?!
– Monsieur disait qu'on lui devait des services, donc qu'il pourrait faire un test de paternité !
– Mais qui aurait intérêt à effectuer ce test ? Imaginons que ça ne soit pas véritable père... Évidemment, ce n'est pas le cas.
– Si elle est mineure, les choses sont différentes. Dans cette situation, le papa peut demander à récupérer l'enfant !
À peine avait-il entendu la voix de Layla qu'Ed et Talia se levèrent à l'unisson.
– Oh ! Madame, je suis désolée...
Talia se sentit d'un coup très embarrassée. La maîtresse de maison a entendu cette conversation. Elle se pinça la lèvre en se disant qu'elle aurait dû se taire. Maintenant les problèmes qu'elle avait évités, lui reviendrait en pleine figure. Layla ne prêta aucune attention aux excuses de Talia et demanda à Spet de la reprocher des deux autres domestiques et d'ensuite les laisser. Enfin à la hauteur des deux employés de maison, elle les scruta pendant quelques instants avant de se décider à prendre la parole.
– Vous ne me mentez pas, Talia !
– Madame, j'ai conscience de la grande aide que vous m'avez apportée en me donnant un travail ici et je ne pourrais jamais faire quelque chose qui pourrait nuire à Mademoiselle Lucy ou Mademoiselle Nashi !
– Je sais Talia... Mais vous soupçonnez quelqu'un sans preuve simplement parce que vous l'avez entendu !
– Je sais, Madame...
– Et c'est actuellement mon mari que vous accusez !
– Je sais, Madame...
– Mais je vais quand même vous écoutez et si j'apprends que vous m'avez menti, je n'aurai pas d'autres choix que de vous congédier.
Un semblant d'espoir apparut alors sur le visage de Talia. Layla lui faisait suffisamment confiance pour lui accorder le bénéfice du doute, mais elle devait quand même sélectionner ses mots avec soin, elle jouait son travail.
– Où dois-je reprendre mon récit, Madame ?
– Dites-moi simplement pourquoi il désire prouver la paternité de Natsu !
– Justement, non ! Madame, il veut faire tout son possible pour démontrer qu'elle n'est pas sa fille.
– Mais qu'est-ce que ça pourrait lui apporter ? demanda Ed toujours perplexe.
Talia hésita, mais Layla lui exprima le souhait qu'elle continue.
– Qu'il puisse signer un contrat de plus de quinze ans !
Layla ne mit pas longtemps pour comprendre la signification de tout ceci.
– C'était Shiadram Chenny qui se trouvait dans son bureau... ?
Talia se contenta d'un hochement de tête.
– Mais comment peuvent-ils savoir quoi que ce soit ? demanda Ed.
– Si Shiadram sait quelque chose, Rog sait forcément aussi, mais pas Nashi... Sinon, Lucy nous aurait prévenus et nous aurions anticipé ce rendez-vous. Ce que je pense c'est que Rog est au courant depuis longtemps, ce n'est peut-être même pas une coïncidence si Nashi se retrouve élève dans sa classe. Mais que tout a dû s'accélérer au moment de Noël... Oh veuillez me pardonner Madame, je m'aventure au-delà de mes droits.
– C'est le cas Talia !
– La jeune femme regretta à nouveau ses propos et aurait bien souhaité se cacher dans un trou de souris.
– Je vais vous laisser continuer votre théorie, mais uniquement pour deux raisons : vous êtes une personne qui teniez énormément à ma fille et vous avez une vision extérieure sur ce qui est en train de se produire !
– Bien Madame ! Donc je pense que tout s'est accéléré à Noël lors de l'altercation entre Monsieur et Monsieur Natsu. Nashi a tout entendu. Mais personne n'est allé lui expliquer...
Layla ne savait vraiment plus quoi faire. Talia avait raison et c'était de sa faute si tout s'était subitement aggravé, il aurait dû plus insister avec Lucy. Elle ne l'avait pas fait parce qu'elle croyait que Lucy n'était pas prête.
Mais peut-être qu'elle n'en aura jamais connaissance tant qu'elle ne parlera pas à Nashi...
– Ce que nous venons de nous dire reste strictement entre nous ! Personne ne doit savoir !
– Bien Madame ! répliquèrent Ed et Talia.
– Maintenant Talia, emmenez-moi dans le bureau de Jude.
– Est-ce vraiment très prudent ?
– Talia...
– Veuillez me pardonner à nouveau, je vous y conduis de suite !
En à peine quelques mètres, Talia et Layla se trouvèrent face au cabinet de travail de Jude. Talia toqua et attendit qu'on le lui ordonne pour entrer.
– Monsieur ! Madame aimerait s'entretenir avec vous !
– Très bien, qu'elle vienne !
Talia s'exécuta puis sortit en faisant bien attention de fermer la porte derrière elle. Elle n'entendit strictement rien. Mais au bout de quelques minutes, des pas se précipitèrent vers elle, Jude quitta son bureau, le visage complètement déconfit.
– Appelez une ambulance !
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