Cela faisait trois jours que nous volions dans cette direction. Nous dormions tous les soirs sur une île différente. Mon moral était au plus haut, j'avais hâte de trouver des Furies Nocturnes. Je savais que le voyage durerait plus de trois mois, alors j'avais tout prévu de sorte à ce que personne ne se lasse. Johann m'avais fait part de quelques auberges qu'il connaissait où nous pourrions passer la nuit, une fois de temps en temps. Krokmou et Sheireen passaient leur temps à renifler l'air, afin que l'on s'oriente dans la bonne direction.

Aujourd'hui s'achevait notre quatrième journée de vol, et les dragons étaient épuisés. Nous atterrîmes sur une petite île que j'avais déjà vue quelques mois plus tôt. Des traces de mon ancien campement subsistaient encore, ou du moins les pierres qui avaient servies à encadrer le feu. Nous nous y installâmes.

- Bon... J'espère que vous ne vous ennuyez pas, parce qu'il reste plus de trois mois de voyage !

- Tu l'as déjà dit Harold ! répondirent-elles en cœur.

***

Les trois mois passèrent plutôt lentement. Nous profitions de toutes nos pauses pour étudier un peu l'île dans laquelle nous étions afin de voir si des Furies Nocturnes pouvaient s'y loger, mais on ne trouvait jamais rien, sauf une odeur sentie seulement par les dragons. Le point positif, c'est que cette odeur était de plus en plus forte. Cette odeur faisait partie des souvenirs de Sheireen et de Krokmou, et elle leur était familière. On ne savait pas vraiment si c'était l'odeur d'une Furie Nocturne en particulier ou de tout un clan. Mais ce qui était sûr, c'est que des Furies Nocturnes étaient bien mêlées à tout ça. Tempête le confirmait, elle qui vivait en permanence avec Krokmou et Sheireen.

Ce jour-là, nous atterrîmes sur une île de la taille de la Rive, soit la taille suffisante, je présumais, pour accueillir tout un clan de dragons. Je posais le pied à terre et nous établîmes le campement.

- Astrid, tu viens ? On va chercher du bois ?

Je trouvais toujours un prétexte pour passer du temps avec Astrid seuls à seuls. Je savais bien qu'Elia voyait clair dans mon jeu, et elle ne se privait pas pour me le faire remarquer, avec des phrases plaines de sous-entendus. Toujours sur le ton de la rigolade, évidemment.

Astrid se leva et se dirigea vers la forêt. Je jetais un coup d'œil vers Krokmou qui y répondit d'un œil blasé, en mode « j'ai l'habitude, je gère ». Je suivis ensuite Astrid. Nous entrâmes dans la forêt et nous y enfonçâmes assez pour qu'Elia ne nous voie plus.

- Ça va Astrid ? T'es toute pâle !

En effet, cette dernière n'avait pas ouvert la bouche depuis l'atterrissage et avait un teint terne.

- Oui, oui ça va... Je suis juste un peu fatiguée par toutes ces heures de vol, répondit-elle.

- T'as qu'à dormir à côté de moi cette nuit, ça ira mieux ! m'exclamais-je.

- Pfff, t'es bête ! soupira-t-elle, amusée.

Je plaçais mes mains autour de sa taille et l'embrassais dans le cou. Elle se laissa faire, frissonnante puis passa ses mains derrière ma nuque et m'embrassa doucement sur les lèvres. L'espace d'un instant, nous oubliâmes qui nous étions. Juste l'espace d'un baiser, nous laissions les sensations nous envahir. Je l'embrassais doucement puis approfondissais le baiser. Mes mains remontèrent toutes seules sous sa tunique et s'arrêtèrent au milieu de son dos. Soudain, une branche craqua derrière nous. Je lâchais immédiatement Astrid et la cachais derrière mon dos, afin qu'elle soit entre l'arbre contre lequel elle était adossée et moi. Je scrutais les alentours. Rien. Je me rassurais en me disant que ce n'était qu'un petit Terreur Terrible et attrapais la main d'Astrid.

- Viens. On ramasse le bois pour le feu et on y va.

Nous ramassâmes le bois mort avec un sentiment de malaise. J'avais l'impression d'être observé, épié, mais je ne voyais rien, ni dragon, ni autre animal. Nous rentrâmes finalement et déposâmes le bois à côté d'Elia qui s'était chargée de sortir les poissons des sacs et de les préparer. Les dragons, quant à eux, partaient à tour de rôle sur la plage, dont nous ne nous éloignons jamais, par sécurité, afin de pêcher leur nourriture. C'était ainsi plus facile pour tout le monde.

PDV Elia

Je mordais dans mon poisson sans grande conviction. J'étais lassée de manger du poisson à tous les repas. Mais je m'en contentais, car c'était la seule ombre au tableau depuis notre départ. L'idée de trouver d'autres Furies Nocturnes éclipsait tout le reste. Je m'exclamais joyeusement :

- Cette île est super grande ! Ça nous prendra des jours entiers à l'explorer !

- Oui ! Peut-être que notre voyage touche à sa fin ! Vous imaginez, si des Furies Nocturnes vivaient ici ! Ce serait super ! renchérit Harold.

- Ouais ouais super... dit Astrid d'un ton pas vraiment emballée.

- T'es sûre que ça va ? Tu devrais te reposer Milady ! s'inquiéta Harold.

- J'ai mal au ventre...

Oui, on voyait qu'elle n'était clairement pas bien. Elle semblait... Vide de forces... Elle tenta de se lever afin d'aller voir Tempête, mais d'un coup, elle s'écroula. Harold eut le merveilleux réflexe de la rattraper avant qu'elle ne touche le sol. Je me précipitais vers eux, complètement affolée.

- ASTRID !

- Elle a perdu connaissance, m'informa Harold d'une voix blanche.

Il était dans tous ses états, et ne savait pas quoi faire. Il allongea Astrid au sol. Autour de nous, les dragons s'étaient rassemblés, attirés par nos éclats de voix. Tempête se précipita vers sa dragonnière et souffla dans ses cheveux avec un air paniqué.

- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Harold.

- Je... Je ne sais pas ! Je ne suis pas médecin moi ! m'exclamais-je.

Je me sentais totalement inutile. Nous nous sentions totalement inutiles.

- E... Essayons de la réanimer ! proposais-je.

- D'accord ! Krokmou ? Va chercher de l'eau s'il te plaît ! demanda-t-il d'une voix hésitante à son dragon.

Mais ce fut Tempête qui se précipita vers la forêt où elle avait repéré grâce à son odorat acéré un cours d'eau douce. Elle fut rapidement suivie par Krokmou. Sheireen, quant à elle, se mit à effectuer des cercles autour de nous. Sans Krokmou et Tempête, nous étions plus vulnérables et elle le savait. Surtout que nous étions sur une île inconnue, et que nous ne savions pas ce que nous pourrions y trouver. Harold tenait la main d'Astrid et la regardait d'un air inquiet.

- Tu penses que c'est vraiment un coup de fatigue ?

- Je ne sais pas, répondis-je. Mais c'est vrai qu'elle a l'air fatiguée depuis ce matin.

- Je trouve aussi... Je ne vois pas ce qu'elle pourrait avoir...

- Est-ce que... demandais-je d'une voix hésitante. Est-ce que...

- Oui ?

- Est-ce qu'elle pourrait... enfin ? Tu sais... poursuivis-je.

Je ne savais pas comment lui demander.

- Quoi ?

- Est-ce qu'elle pourrait, tu vois... être... hum... enceinte ? Les symptômes y correspondent...

J'étais très gênée de lui demander ça. Après tout, c'était leur vie privée.

- Oh... répondit-il, gêné lui aussi. Je n'avais pas pensé à cette éventualité... Mais... elle prend une potion que lui a prescrite Gothi avant chaque... bref, tu comprends ! Et puis... enfin... On ne l'a fait que trois fois...

- Je vois... Mais, il faudrait vérifier... proposais-je.

- Et comment tu veux... vérifier ?

- La potion fournie par Gothi a deux utilités selon comment on l'utilise. Pour empêcher d'avoir un enfant, il faut la boire. Pour vérifier si l'on en porte un, il faut l'étaler sur le ventre.

- Comment tu sais ça toi ?

- Et bien... Astrid a demandé cette potion à Gothi à Beurk, juste avant que nous n'allions à la Rive. Et... Je l'accompagnais... Elle ne voulait pas y aller toute seule... Et Ingrid n'était pas disponible...

- D'accord... Mais... Si tu étais là... Est-ce que Gothi a dit si ce remède était infaillible ?

- Elle a dit qu'il limitait les risques, pas qu'il empêchait à 100% d'avoir un bébé.

- Donc... C'est possible qu'elle soit enceinte ?

- Peut-être, je ne sais pas. Peut-être qu'on s'emballe un peu...