Chapitre 26
KALLY
Deux jours. Voilà deux jours que j'étais enfermée dans ce ranch, perdu au milieu de rien. Deux jours que je tournai en rond comme un poisson dans son bocal, après que mon aîné et l'épineux m'aient interdit de m'évader de ce trou. Même travailler au Angel Club m'était formellement défendu. Je détestais ce bar mais j'aurais tout donné pour ne serait-ce cureter les toilettes afin de m'éloigner de cet enfer.
Si vous saviez pour quelle excuse cette poignée de gros muscles m'avait cloîtré telle une prisonnière dans sa cellule ! Pour ma SECURITE ! Matt m'avait même demandé la définition du mot pour que mon cerveau « s'imprègne de ce concept qui semblait m'échapper ».
Je donnai un coup de pied à une petite pierre qui ricocha sur le réservoir de la moto de Sylver, une Harley Davidson, comme la plupart de ses copains. Je haussai les épaules, indifférente au microscopique impact qu'elle avait laissé sur la peinture noire.
Mon regard se posa sur ma titine rouge, bloquée par un arbre et une rangée de bécanes toutes plus horribles les unes que les autres. Dans mes veines, courait une rage démesurée en me remémorant le sourire de satisfaction de cet épineux, lorsque mon démon de frère avait instauré le confinement. Ce gars-là m'agaçait au plus haut point.
Quand l'oursin me toisait, sa bouche formait toujours une espèce de grimace arrogante qui m'agaçait. Et pourtant, ma peau s'électrisait dès que son regard insolent se posait sur moi. Tout mon corps était attiré par cet être diablement sexy. Malgré tous mes efforts pour lutter contre cette attraction, chaque cellule de mon épiderme vibrait à son approche.
L'épineux entra dans mon champ visuel. Il sortait de la grange sans se presser, sifflotant tel un pinson, la démarche assurée. Je m'assis sur les marches du perron et je l'observai à la dérobée. Ce gars était la personnification d'Appolon. À travers son tee-shirt, je devinai un corps bien ferme, où chaque muscle devait être dessiné à la perfection. Il était fin, athlétique. Le genre de mâle sûr de son charme ravageur sur la gente féminine. Il était complètement ridicule de nier que cet hérisson me plaisait. Et là résidait le problème : je ne voulais pas figurer sur son tableau de chasse ou simplement lui donner l'occasion de se moquer de ma pitoyable attirance pour lui.
J'observai son visage. Ses yeux verts hypnotisants me fascinaient. Je n'avais jamais vu des iris avec une telle couleur, mélangeant toute une palette de verts. Son regard était si intense que je pouvais aisément me consumer à leur contact.
Il me rejoignit et s'arrêta à ma hauteur avec le sourire des jours heureux. Je décidai de l'ignorer, fixant le bout de mes orteils. J'étais mortifiée d'éprouver une quelconque émotion à son approche. Une drôle de sensation envahit mon corps et je me sentis rougir comme une écrevisse.
Il croisa ses bras et me fixa fièrement.
- Tu es à court d'idées pour me rendre la vie impossible ? ironisa-t-il.
Je m'abstins de rétorquer, trouvant déjà humiliant de ne pouvoir contrôler cette émotion bizarre. Ce pourrait-il que je sois retournée à l'époque de mes premiers boutons, quand je salivai devant monsieur Biscotto, le professeur de sport ? Etais-je redevenue une écolière avec ses nattes qui rougissait devant une publicité de caleçons masculins ?
Même la voix profonde de cet épineux me faisait un effet troublant. Et ce visage... il était l'incarnation de l'arrogance mais d'une beauté irrésistible, qui m'attirait tel le papillon à la lumière.
- Deux jours sans incident ! Ta cuisante défaite t'a broyé la langue, la mioche ?
Il se mit à rire et mon cœur craqua tant il était tout mignon. Il fallait absolument que je me ressaisisse. Cette situation ridicule devait prendre fin.
Je me redressai et je montai la marche pour être à sa hauteur, enfin du moins pour paraître un peu moins petite face à sa haute stature. Son regard... semblable à ces panthères noires fières et sauvages. Tout son être dégageait une virilité puissante, animale.
Je lui rendis son sourire et il se figea, sur ses gardes.
- Tes bêtises... sont comme des grains de sable dans le désert. On ne peut les compter tant il y en a.
Je pensais avoir enfoncé le clou bien profondément dans son petit cœur. Son visage vira au rouge carmin. De la vapeur s'échappait du haut de sa tête. Et si je tendais bien l'oreille, je pouvais entendre le sifflement d'une cocotte en pleine ébullition. J'imaginais combien il lui coûtait de se maîtriser pour ne pas me pendre haut et court. Cette fois, un rire s'échappa de ma bouche et son regard s'assombrit. Le gaillard semblait se décomposer, envoyé au tapis en un seul uppercut.
Après un silence, son expression changea et un sixième sens m'alerta que cela n'augurait rien de bon. Il afficha un rictus au coin de ses lèvres parfaitement dessinées et il avança d'un pas. Nos corps se frôlèrent et je reçus une décharge électrique. Sa proximité était une véritable torture pour tout mon corps. Je sentais mes joues cramoisies et mon regard se fixa dangereusement sur sa bouche sans que je puisse y résister.
Il se pencha et mes jambes menacèrent de me lâcher.
- Une seule méthode pour te faire taire, sorcière, murmura-t-il avec la promesse que j'allais regretter cet affront.
Sans m'y attendre, il attrapa ma taille pour m'attirer vers lui. Son autre main saisit ma nuque pour rapprocher nos lèvres. Et quand il écrasa les siennes sur les miennes, ce fut sans douceur. Alors que j'aurais dû repousser ce mufle, je perdais tout contrôle. Le baiser était intense, à la limite de la décence. Toutes les tensions de ces derniers jours se déchargeaient dans ce contact sauvage. J'agrippai ses cheveux et le pressa contre mon visage. Sa langue semblait danser et jouer avec la mienne.
Sans m'apercevoir, mon corps buta contre la porte d'entrée. Je me moquai de tout ce qui pouvait nous entourer. J'avais besoin de sentir sa peau, d'explorer la moindre parcelle de ce corps de démon. Ma main passa sous son tee-shirt et je sentis chaque muscle de son bas du dos. Il devait être magnifique et j'eus toutes les peines à maîtriser mon envie de le dévêtir sur place.
Il resserra son étreinte et un gémissement s'échappa de ma bouche. Je perdais mon équilibre et il posa une main sur la porte en bois derrière moi. Nos langues continuaient de se chercher, de s'enlacer. Je n'avais jamais partagé un tel moment avec un homme. Les émotions étaient intenses et mon cerveau s'embrumait. Je n'avais plus aucun contrôle.
Soudain, je me sentis basculer en arrière et l'épineux me suivit dans ma chute. La porte venait de s'ouvrit et le charme fut rompu brutalement quand nos deux corps s'étalèrent sur le sol. Quand j'ouvris les yeux, je vis mon frère Jex, tout penaud, à la limite de la syncope. J'imaginais parfaitement le charmant tableau qui se dressait devant lui : la langue de son pote complètement enfoncée dans la bouche de sa petite sœur, ma main posait sur ses fesses bien fermes.
L'épineux se redressa en me tirant rapidement pour me remettre sur mes jambes. La situation était grave.
- Ecoute mec, ce n'est pas ce que tu penses ! tenta le gros moche pour se sortir d'affaire, en passant nerveusement une main dans ses cheveux.
Jex nous fixait avec ses yeux révolvers. Il serrait les poings et pas besoin d'être devin pour deviner qu'il ne tarderait pas à charger son ami. Je me reculai un peu afin de mettre un peu de distance. Nul besoin de me retrouver au milieu du champ de bataille.
- Harps cherchait à me punir, ajoutai-je. Un petit grain de sel dans la marmite relevait toujours le goût.
Harps se décomposa. Sa bouche s'ouvrit et se referma telle une truite hors de l'eau. Une guerre était une guerre et la survie avant tout. Son regard se fixa sur moi comme si un serpent avait surgi de son panier en oseille. Je pouvais clairement déchiffrer tous les jolis adjectifs qui devaient traverser sa petite tête.
- J'ai raté quelque chose ?
Cette voix... celle du diable. Un frisson d'horreur traversa toute ma colonne vertébrale. Je me retournai vers mon frère Matt, qui observait la scène en haussant un sourcil. L'épineux se redressa et referma la porte d'un air décontracté.
- Rien de grave. La... Kally disait à Jex qu'il avait une tête d'ampoule. Ça l'a fichu en rogne.
Voilà que monsieur tentait désespérément de retourner la situation contre moi. Un petit tour de passe-passe médiocre pour se tirer d'affaire. Je posai mes mains sur mes hanches et je répliquai.
- Pourquoi ne pas avouer que ce que tu disais plus tôt ?
Son visage se décomposa. Le gars devait mouiller son pantalon. Si Matt savait qu'il m'avait embrassée pour me punir, sa vie s'écourterait dans un bref délai. Mais voilà, pour l'instant, la supercherie des deux comparses n'était pas dévoilée et mon retour à la case de départ était encore d'actualité. J'avais donc hélas besoin qu'il vive un peu.
- Ce n'est pas toi qui te moquais de son crâne bien lisse en clamant fort que sa tête était passée sous une tondeuse à gazon ? dis-je avec un sourire moqueur.
J'aperçus Jex se fissurer de haut en bas, de droite à gauche et même en diagonale. En poussant un peu la bête, je pouvais caresser l'espoir qu'elle se mette à braire. J'étais certaine que l'un des deux lascars craquerait. Mais dans la plus grande surprise, Jex se mit à sourire. Il posa son bras sur mes épaules et m'ébouriffa les cheveux avec une tendresse feinte.
- Arrêtez de vous moquer ! dit-il d'un ton léger. Ce n'est pas cool pour un amnésique de ne pas comprendre comment il a perdu ses cheveux.
J'avoue que mon frère Jex m'épatait. Le bougre s'accrochait à son radeau avec toutes ses forces. Le naufrage était proche, les vents soufflaient violemment et le voilà qui continuait à s'agripper à son rondin de bois. Il montrait une résilience incroyable pour un sanguin. Je pensais sérieusement que je l'avais mésestimé. Toutes ses années loin de moi l'avait assagi. Comment était-ce possible ?
Matt devait être aussi étonné que moi concernant la capacité de notre frère à maîtriser ses émotions. Un léger sourire effleurait ses lèvres. Je connaissais bien mon aîné. Il s'amusait de la situation, attendant patiemment que le rideau ne tombe. Et quand la supercherie serait dévoilée, des têtes valseraient au son des cloches.
Jex resserra la pression sur mon cou.
- Et si nous allions boire une limonade au soleil ?
Sans attendre, il m'éloigna, craignant certainement que la situation ne dérape. Je sentais qu'il tentait désespérément de ne pas m'étrangler avec son bras.
Je passai devant le regard noir de l'épineux. Mais enfin ! Pensait-il que j'avais prémédité ce baiser ensorcelant et l'arrivée de mes frères ? Cher lecteur, je suis innocente ! Croix de bois, croix de fer et bla bla bla... fallait-il que je crache aussi ?
Au cri terrible derrière la porte d'entrée, Jex et moi nous figeâmes, sentant le sol trembler sous nos pas.
- Quel est l'enfoiré qui à bousiller la peinture de mon réservoir ? hurla ce qui semblait être Sylver.
Jex me fixa avec horreur, pressentant à juste titre que j'étais la responsable. Le caillou était peut-être plus gros que je ne l'avais imaginé.
- La limonade commence à s'évaporer mon frère. Il est temps de presser le pas.
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