Chapitre 25
HARPS
La salle des conseils se situait sur l'une des ailes du bâtiment qui abritait nos chambres. Mon père avait décidé autrefois de l'installer à cet endroit pour des raisons de commodités. Nous y avions aussi une cachette d'armes sous le plancher.
Cette pièce était une véritable forteresse. Les murs étaient renforcés avec des plaques de métal, les fenêtres constituées de vitres pare-balles. La porte blindée comportait une serrure biométrique à empreinte digitale. Quatre caméras étaient en permanence reliées à mon téléphone mais aussi à celui de mes plus proches lieutenants : Jack mon vice-président et Sax à la double casquette de sergent d'armes et d'enforcer.
Mon meilleur pote Jex n'avait pas eu droit à ce privilège. On ne mélangeait pas amitié et boulot. Jex était une tête brûlée et il ne gérait aucune de ses émotions. Malgré sa fidélité indéfectible pour le Club, mon pote évitait pour ces raisons les responsabilités. Il s'occupait d'apporter certains messages à d'autres clubs quand les données étaient sensibles et que je ne pouvais pas m'y rendre. Il aidait à l'occasion Gary mon hacker à la sécurité informatique du ranch, de nos entrepôts, magasins et bars. Mais son implication dans la gestion du Club s'arrêtait là. Il était davantage un artiste, passionné de tatouages. Je ne connaissais personne meilleur que lui dans ce domaine. Et puis, il était un véritable frère pour moi. La vie nous avait montré combien nos liens étaient forts et sincères. Je devais éviter de l'impliquer davantage dans les affaires car il serait une cible de choix pour mes ennemis. Et le passé m'avait montré combien ce monde pouvait être cruel pour les proches.
Quand Bolder ferma la porte, mes gars étaient installés tout autour de la grande table centrale. Nous étions une dizaine, compte tenu que certains bossaient. Les autres membres seraient donc informés dès le lendemain matin des décisions qui seraient prises au Conseil de ce soir. Jex manquait à l'appel mais comme il était censé être amnésique, son absence était justifiée.
Les prospects n'étaient pas invités à la réunion car ils étaient en période probatoire. Leurs tâches étaient d'obéir et non de débattre ou d'étaler leurs pensées. Au terme de cette période qui durait bien une année, ils deviendraient membres à part entière ou bannis à jamais du Club. Spiner était le « Headhunter », responsable du recrutement des prospects. Il avait pour tâche de trouver de nouvelles recrues mais aussi de les tester et les entraîner. Son boulot devenait compliqué d'année en année. Il peinait à dénicher des membres assez costauds dans leur tête pour résister à la pression du Club. La plupart abandonnait au bout de quelques mois, retournant pleurnichés dans les jupes de leur mère. Quant aux durs à cuire, les balafrés de la vie, il fallait s'assurer que leurs cerveaux n'étaient pas trop endommagés. Nous n'avions pas besoin de cinglés incontrôlables dans nos rangs.
Les conseils étaient donc réservés exclusivement aux membres du Club Black wolves. Mais ce soir, nous ferions une petite entorse au règlement. Nous avions parmi nous et plus exactement bien en face de mon fauteuil, le ninja en caoutchouc qui me hérissait les poils. Son cul vissé sur l'une des chaises en cuir, il me fixait de son air énigmatique. Gardait-il cette attitude avec les femmes ? Des millions de questions se bousculaient dans ma tête à son sujet. Les gonzesses devaient lui tourner autour comme des mouches autour de la merde. Si un jour, une nana parvenait à faire battre son cœur de pierre, elle pourrait se glorifier d'avoir réussi où tant d'autres s'étaient déboitées les mâchoires.
Je vous jure, ce mec m'agaçait au plus haut point. Je pensais qu'il cherchait à me provoquer en duel et je ne rêvais que de lui enfoncer complètement sa tête dans les épaules. S'il ne filait pas rapidement dans sa contrée, la cohabitation tournerait en affrontement. J'avais une revanche à prendre. Les années s'étaient écoulées mais la déculottée n'était pas encore digérée. Je gardai au plus profond de moi cette rancœur qui ne demandait qu'à s'exprimer physiquement.
Mon duel des regards fut interrompu pas mon vice- président qui s'était levé. Ses poings appuyés sur la table, il commença son discours.
- Ce conseil extraordinaire a été décidé suite à la multiplication d'incidents de ces derniers jours. Comme vous le savez, la transaction avec le Jefe s'est bien passée. Cependant il a confirmé une certaine agitation à la frontière mexicaine, agitation qui avait été relevé par Sax lors de son séjour à Guatamo.
- Lors de sa mission, ajoutai-je, un incident à éclater dans l'un des bars des Dragons, qui nous doit allégeance. Une serveuse s'est faite tabasser à son domicile par un gars qu'elle avait rencontré un peu plus tôt dans la soirée. Sax l'a retrouvé et identifié : un ancien du club de Los Manos. Malheureusement, il s'est étouffé en bouffant sa langue.
Mon sergent d'armes m'avait exposé l'incident quand il était venu me rendre visite à l'hôpital. Le gars avait littéralement avalé sa langue pour ne pas cafter.
Cette nouvelle avait éclaté comme une bombe dans la pièce. Un silence avait suivi. Tous les gars étaient choqués par ce nom venu d'outre-tombe. Chacun de nous se souvenait de l'affrontement terrible entre nos deux clubs qui avait emporté la vie de deux de nos membres : Slan, l'un de mes exécuteurs et Phix, le jeune frère de Jack.
- Je pensais que nous avions éradiqué ce problème, lança Adam inquiet.
Adam bossait avec Sylver au garage. Petit et trapu, il devait son intégration à mon père. Un bon gars, mais pas des plus doués au combat.
- Nous avons éliminé leur chef et ses lieutenants, rappela Jack. La plupart se sont enfuis vers l'ouest. Nous gardons toujours un œil sur eux. Mais il faut croire que certains ont la tête dure.
J'attendis que certains assimilent la nouvelle et je poursuivis.
- Dans les prochaines semaines, la prudence sera le mot d'ordre. Pas de virée en solo en dehors de notre circonscription. Ces hommes sont dangereux et n'ont aucun code moral. Leur retour n'annonce qu'une chose : ces enflures comptent nous déloger de notre territoire.
- Sait-on combien il reste de membres actifs ? intervint Clint, mon hacker et responsable de la sécurité. Une véritable bête de l'informatique.
- Une dizaine de membres a disparu des radars ces derniers mois, répondit Sax. Nous ne pensions pas qu'ils étaient si proches.
- Impossible que ces salauds aient pu échapper à ta vigilance, constata Spiner.
- C'est justement la zone d'ombre, ajoutai-je.
Comment ces gars que nous collions au cul avaient pu se volatiliser pour apparaître près de notre territoire ? Leur chef était six pieds sous terre, les lieutenants au fin fonds de l'océan. Alors par quels stratagèmes ces ramollis du cerveau avaient réussi l'exploit de semer mon sergent d'armes ? Un truc louche se tramait dans l'ombre et la situation puait à des kilomètres. L'avenir s'annonçait bien sombre.
- Nous supposons que les quelques membres ont pu se rallier à un autre club ou à une entité que nous n'avons pas encore identifié, annonça Jack.
La certitude était que ces cloportes avaient trouvé une aide extérieure. Dans ce milieu, les ennemis étaient nombreux mais des accords avaient été signés entre les clubs de proximité pour maintenir la paix sur nos territoires respectifs. L'un d'eux avaient donc peut-être rompu cet accord. Mais cette supposition me semblait invraisemblable car la guerre serait à nouveau déclarée, avec des conséquences désastreuses pour les affaires et la délimitation de la frontière des territoires.
Jack se tourna vers Matt, qui était resté silencieux. Aucune expression ne transparaissait sur son visage.
- Nous autorises-tu à interroger Kally ? Elle est la seule témoin que nous ayons.
Avait-il besoin de quémander l'autorisation au mollusque ? Purée... La sécurité du club était en jeu. Je me passais de son autorisation de merdre. Je serrai les poings de frustration. Mieux valait que Jack gère les relations diplomatiques avec cet énergumène.
- Pas de soucis, lâcha-t-il en levant lentement son derrière de la chaise.
Il contourna la table pour ouvrir complètement l'une des fenêtres de la pièce.
- Tu peux sortir de cet arbuste, Kally, dit-il avec semblait-il une pointe de lassitude dans la voix.
Une tête brune émergea aussitôt à l'encadrement de la fenêtre.
- Laisse tes escarpins, tu les récupèreras plus tard, lui conseilla-t-il le plus naturellement du monde.
J'étais estomaqué par tant d'audace. Je pense que chacun des membres de la pièce devait mesurer la dangerosité et l'impétuosité de cette diablesse qui avait osé laisser traîner ses oreilles pour écouter un conseil privé. Nos regards étaient braqués tels des révolvers vers la fenêtre. Le ninja agrippa les bras de la sorcière et la hissa pour la déposer près de lui, sans aucun effort. La mioche lissa sa jupe et réajusta son haut.
- Et bien, me voilà, lança-t-elle sans aucune gêne.
Son frère referma la fenêtre et revint s'asseoir, comme si cette situation était normale. Un silence lourd de sens avait empli l'assemblée. Seul Jack cachait un rire dans sa barbe.
Je décidai de me lever et je pointai un doigt accusateur vers la démone.
- Toi, tu zieutais par la fenêtre ?
- Il se pourrait bien que j'aie accidentellement été témoin d'une partie de votre réunion, répondit-elle avec un sourire.
- Cette réunion était confidentielle. Tu sais ce que cela veut dire ?
- Je passais par le plus grand des hasards sous la fenêtre quand j'ai.
- Stop ! intervins-je en me frottant les tempes. Prends donc une chaise.
Cette nana me rendrait dingue. Mon envie de l'étriper était immense mais nous avions plus urgent à traiter. Et puis, elle enfreignait toutes les règles, alors une de plus ou de moins...
- Nous avions quelques questions à te poser sur les événements dont tu as été victime, dit Jack.
Victime ? Mon ricanement attira de nouveau l'attention du cinglé. Son regard assassin m'intimait de me contenir. Mais avouez que le mot était mal choisi pour désigner cette sorcière. La victime était ce pauvre médecin qui avait frôlé la crise cardiaque. Elle l'avait littéralement dégommé. Le malheureux devait encore se demander ce qu'il lui était arrivé. En touchant la poignée de la porte, il s'était pris la châtaigne du siècle, se retrouvant presque aux grilles du Paradis. Quant aux deux lascars, elle avait réussi à leur échapper avec une facilité déconcertante. Cette nana était un véritable phénomène de dangerosité. J'étais certain qu'ils avaient évité une mort des plus horribles.
La mioche s'éloigna de la fenêtre pour se déplacer jusqu'à une chaise que lui indiquait Jack. Mon regard fut irrésistiblement attiré par son corps gracieux, révélé par les vêtements légers qu'elle portait ce soir. Mon pote dans mon pantalon s'était soudainement réveillé, comme un soldat devant son général. Humilié par cette attirance que je ne pouvais maîtriser, je décidai de m'asseoir rapidement dans mon fauteuil. Une discussion sérieuse s'imposait entre mon esprit et cette partie d'anatomie qui me fichait la honte. Une solution devait être trouvée au plus vite pour éviter la risée de mes gars.
- Veux-tu bien nous raconter dans les moindres détails ce que tu sais ? demanda Jack, avec une voix douce.
S'il ne cessait d'employer ce ton de petite mauviette, je ne résisterai pas longtemps à prendre les rênes de l'interrogatoire. Sœur du cinglé ou pas, nous ne passerions pas toute la nuit à palabrer alors que j'étais pressé d'obtenir des réponses.
La merdeuse posa ses fesses sur une chaise aux côtés de Jack et fit un sourire des plus craquants à l'assemblée qui la fixait comme une reine. La plupart de mes gars étaient tombés en peu de temps sous le charme de ce petit bout de femme au tempérament sournois et diabolique, oubliant toutes les atrocités que j'avais endurées. Mon désir de l'éjecter de ma vie devenait une urgence absolue ou bientôt mes frères finiraient par lui baiser les pieds. Seuls Sax, Bolder et Sylver gardaient une réticence pour se montrer cordial. Les raisons n'étaient pas difficiles à comprendre : Sax était méfiant de nature et me soutiendrait jusque dans la mort, Bolder ne supportait pas les situations hors de contrôle et Sylver était un misogyne invétéré.
La sorcière jeta un regard furtif à son frère qui l'encouragea à parler par un petit signe discret de la tête.
- Tout à commencer lors de ma première visite à l'hôpital. J'étais très inquiète par les incidents dont furent victimes mon frère et ce...
Mon regard s'assombrit et elle s'interrompit, consciente que les gars qui se trouvaient autour de nous l'écouter avec attention.
- Votre président, reprit-elle.
Maudite démone, un mauvais pressentiment avait envahi chaque cellule de mon corps.
- Tous deux avaient été admis tragiquement aux urgences la veille au soir. Jex avait glissé dans son appartement. Quant à.. à...votre président, il avait trop forcé sur le jus de fruits.
Je crispai mes poings sur la table. Des rires avaient éclaté dans la pièce, me ridiculisant un peu plus. Le ninja en plastique eut un rictus aux coins de ses lèvres et je fusillai du regard sa frangine, prêt à l'étrangler si elle persistait à se moquer de moi. Mais, loin d'être inquiète, elle me fixa avec un sourire, sous-entendant que cette soirée était le commencement d'un règlement de compte.
- Ce fut donc le cœur lourd que je me suis rendue à leur chevet.
- Si tu pouvais accélérer un peu, lui intimai-je, furieux qu'elle se moquât de moi.
Elle m'ignora royalement et poursuivit son monologue.
- Alors que j'étais derrière la porte de leur chambre avec un très beau joli bouquet de fleurs, j'entendis une conversation entre une stagiaire et la cheffe des infirmières. Elle racontait que la vieille dame dont elle avait la charge avait été agressé par un urinoir en plastique. Elle soupçonnait un déséquilibré, peut-être ce même exhibitionniste adepte de séances masochistes, qui était responsable de l'incident qui l'avait conduite aux urgences. J'étais très émue par l'histoire de cette charmante vieille dame, si bien que je m'aperçus un peu tard que je n'étais pas seule à écouter la discussion. Un gars avec des lunettes de soleil se tenait non loin de moi.
J'étais certain que la démone n'épargnerait aucun détail. Pour avoir suivi les événements, nous savions tous que le fameux déséquilibré était notre pote Jex. Il avait fait la une du journal local. Le syndic avait d'ailleurs réuni les propriétaires pour l'inviter à dégager ou il porterait plainte pour mise en danger d'autrui, pratique sadomasochiste devant une vieille personne et meurtre d'un innocent animal. Quelques membres du Club se mirent donc à rire, comme dans une série télévisée de mauvaise qualité.
Je regrettai presque que mon pote ne fut présent pour dévisser la tête de cette moche. Il était tellement en pétard par cet incident, qu'une seule allusion serait l'étincelle qui déclencherait avec certitude un cataclysme sans précédent.
- Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce gars ? demanda Sax, qui n'était certainement intéressé que par cette partie de l'histoire.
- Une trentaine d'année, une cicatrice sur son arcade gauche.
En entendant ces paroles, mes gars eurent des réactions bruyantes. Pour certains de la colère, pour d'autres de la stupéfaction. Nous connaissions tous l'identité de cet individu.
- Gary, peux-tu trouver une photo de ce cloporte ?
- Sans problème, Prez.
Gary pianota sur son ordinateur et projeta sur l'un des murs une photographie prise trois ans auparavant.
- Exactement lui ! s'exclama la moche.
- Torres, intervint Jack.
Il s'était alors levé pour se rapprocher du mur. Il fixa le ninja et poursuivit.
- Il est l'enforcer des Black Cobras. Nous avons eu quelques démêlés avec son Club. Son président s'était mis en tête de rafler le contrat avec les mexicains.
- Un contrat ? demanda la mioche avec son air faussement ingénu.
- Sur l'achat de melon, répondit Jack avec un sourire.
- Ah je vois ! Ce genre de melons, rétorqua-t-elle sans se démonter.
Désirant éviter de trop dévoiler nos affaires devant la sorcière et son dégénéré de frère, j'intervins.
- Peux-tu s'il te plaît poursuivre ton passionnant récit d'aventures ?
Elle nota certainement l'ironie car elle releva son visage fièrement. Elle me fixa droit dans les yeux et je savais que la suite ne me plairait pas non plus.
- Bien entendu... Je suis entrée dans la chambre et quel triste tableau ! Mon frère avait la tête d'une montgolfière et le... le...
Je grinçai des dents. Je me promis de la crucifier un de ces jours.
- Votre Président, que dire... il avait des centaines de petits trous sur tout son corps. Deux-cent-huit pour être exact !
De nouveau, mes potes se mirent à rire. Maudite vipère ! Je lui arracherai sa langue et mettrai sa carcasse sur une pique. Mes joues s'étaient colorées sous l'affront de cette sorcière qui s'en donnait à cœur joie pour me ridiculiser.
- Paraîtrait-il que.
- On s'en fout ! la coupai-je grossièrement.
Je me levai d'un bond de mon fauteuil. Nul n'avait besoin de savoir que l'infirmière avait retiré des épines sur ma queue, même si j'avais conscience que c'était un secret de polichinelle.
- Veux-tu bien te concentrer sur l'essentiel ? dis-je en m'efforçant de m'adoucir.
- Il me parait important de ne pas omettre un seul détail.
- Et bien, je t'épargne la salive pour ce passage.
La guerre avait de nouveau repris. Nous nous affrontâmes du regard et je devais faire appel à toute ma patience pour ne pas la choper par le cou pour la jeter hors du ranch. Cette nana était vraiment une calamité. Une bombe atomique dans mon existence. Elle chamboulait tout sur son passage. Sincèrement, elle était l'ange apocalyptique de la prophétie. Ma vie avait sombré dans le chaos. Et pour couronner le tout, son frère affichait un semblant de sourire sur son visage. Clairement, il se fichait de ma gueule.
Sentant l'orage grondait à l'horizon, Jack intervint de nouveau.
- Kally, pourrais-tu nous décrire les deux gars qui t'ont poursuivi ?
Une chape de plomb était tombée, durant lequel je tentai de retrouver mon calme. Mes gars m'observaient, ayant conscience que la belle avait mis les pieds dans le plat. Avec ce qu'il me restait de dignité, je me rassis.
- Nous t'écoutons, lui dis-je, tentant de maîtriser ma colère.
La merdeuse se tourna vers ses auditeurs et poursuivit.
- L'un était de petite taille et assez costaud. Le second était plutôt grand de taille et chauve.
Avec ce genre de description, il était impossible d'identifier ces deux individus. La moitié du pays devait correspondre à ces profils.
- Tu n'aurais pas noté un détail, même le plus infime ? demanda Sax.
La mioche réfléchit avec un petit air sérieux, puis son visage s'éclaira.
- Oui ! Le grand avait un tatouage à la base de son cou. Une pieuvre !
- Une pieuvre ? s'étonna Gary.
Il pianota de nouveau sur son ordinateur et une nouvelle photo remplaça la grosse tête de Torres.
- Comme celui-ci ? demanda Gary.
- Le tatouage était moins joli dans mon souvenir... mais il y a une ressemblance... répondit la merdeuse qui avait confondu une pieuvre avec une main.
Quelques gars se mirent à rire et la mioche sembla se vexer, ce qui me fit sourire. Elle se tourna vers son frère.
- De loin, n'importe qui aurait pu confondre.
- Tu tatoues bien des culs au lieu d'autres choses, dit le ninja. Faut croire que tu n'es pas la seule à ne pas savoir dessiner.
STOP ! ARRET SUR IMAGE ! Mon cerveau devait prendre une pause. Les rires redoublèrent et s'amplifièrent. Si je n'étais pas le sujet des moqueries, j'aurais pu rejoindre mes gars dans leur délire. Mais la référence était claire, limpide. Le ninja me fixait avec un putain de smile sur son visage, les bras croisés sur son torse. Il se fichait clairement de ma gueule.
Mon sourire mourut. Le désir de le dégommer grandit violemment encore en moi et menaçait de le défoncer sur place. J'étais aussi rouge tomate que la mioche. Mes mains se cramponnèrent à la table pour ne pas me jeter sur ce dégénéré qui avait osé me rappeler ce fichu tatouage. Mes yeux se froncèrent et Jack posa discrètement une main sur mon bras pour me calmer.
- Tous les membres de Los Manos ont ce tatouage à la base de leur cou, intervint mon pote pour ramener l'assemblée au calme.
Je m'assis avec une lenteur digne d'un film au ralenti, sans quitter le ninja en plastique des yeux. Un jour, je m'occuperai de sa carcasse. Je me faisais un point d'honneur à venger les humiliations causées par ce mollusque.
- Nous sommes donc certains que l'un des deux était un des membres de ce Club, poursuivit-il.
- Ils auraient donc fait alliance avec les Black Cobras ? demanda Greg.
Mes gars redevinrent sérieux. Je me concentrai de nouveau sur notre affaire. Ça puait la merde cette histoire. Nous avions un réel problème. Les Black Cobras avaient un territoire éloigné à des centaines de kilomètres du nôtre. Nous n'avions aucune frontière limitrophe et aucun lien avec leurs affaires. Cependant, leur gang était mêlé à de sombres histoires de meurtres, drogues et prostitutions. Ils étaient souvent en conflit avec des Clubs au nord du pays.
Pour éviter de trop étaler nos affaires devant la mioche et le timbré, Jack avait minimisé nos conflits avec notamment ce fameux Torres. Nous n'avions pas eu qu'une altercation avec ce dégénéré mais trois pour être exact : sa tentative de prendre le contrat avec les mexicains ; sa lubie délirante de passer ses prostituées par nos terres, ce qui avait déplu à mon père ; et enfin, son espoir fou de se frotter à mon sergent d'armes lors d'une soirée rassemblement de bikers dont mon pote avait coutume de se rendre.
- Une certitude, répondit Sax sombrement.
Mon regard se fixa sur le ninja en caoutchouc. Ses sentiments ne transperçaient jamais mais ce soir, il était tendu. Son expression était plus renfermée, son regard fixe comme si ses pensées étaient mobilisées sur un quelque chose de sombre.
- Comment cette coalition a-t-elle pu alors t'échapper, Sax ? demanda Adam.
Mon enforcer aurait dû être informé de cette alliance. Sa fonction était de surveiller chaque mouvement et pet de travers des autres Clubs. Les membres restants de Los Manos étaient tous sous étroite surveillance. Nous payions pour cela des informateurs qui envoyaient des rapports tous les mois. Sax se déplaçait régulièrement avec son équipe pour s'assurer que tout était son contrôle. Alors comment diable, cette association avait pu s'organiser sous nos yeux sans être vue ?
De plus, Los Manos et les Black Cobras étaient des clubs ennemis depuis la nuit des temps, à cause d'une histoire de gonzesse qui aurait flirté avec les deux chefs. Une alliance entre eux étaient impossibles.
- Une information doit manquer, dis-je.
Un silence pesant tomba sur la salle. Les emmerdes viendraient certainement dans les prochains jours.
- Je ne vois qu'une explication : nous avons un marionnettiste dans l'ombre, conclut Sax.
La situation était extrêmement grave. Pour je ne savais quelle raison, les clubs s'étaient associés et avaient décidé de s'en prendre à la sorcière, tout fraîchement débarquée de son coin perdu. Mais s'ils avaient envoyé plusieurs enforcers, Jex et moi-même étions certainement aussi sur la liste. Leur présence au sein même de l'hôpital où nous avions créché quelques jours ne pouvait être une coïncidence. Sax avait raison : un groupe ou une personne agissait, tapi dans un coin et avait réussi par miracle à allier deux clubs ennemis jurés. Mon regard revint se poser sur le ninja qui s'était renfermé comme une huître. Ce gars me cachait des informations.
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