Chapitre 10
Chapitre 10 : Un revanche bien originale
JEX
(Seize heures plus tard : debriefing à l'hôpital)
Je me tournai vers mon ami avec précaution pour éviter que la perfusion ne se barre de mon bras. Je remontai un peu le bandage au-dessus de mon front mais ce simple geste m'irradiait tout l'arrière de mon crâne. J'avais une bosse de la taille d'un œuf d'autruche et aucune position sur ce lit de merde ne convenait. J'avais également sept points de suture qui me laisserait une trace indélébile sur ma tête. Je repris mon souffle et murmura :
- J'ai bien réfléchi Harps. On devrait lâcher l'affaire.
Alité sur le second lit de la chambre, Harps se redressa sur son coude.
- Tu abandonnes ? demanda-t-il très surpris.
Je tentai de prendre une autre position pour soulager les douleurs mais rien n'y faisait. Je pensais que je n'avais jamais autant morflé de ma vie.
- Soyons réalistes mon pote. Quelle est notre pourcentage de chance de remporter ne serait-ce qu'une petite bataille ?
Harps se releva en grimaçant. Le pauvre gars était criblé de petits trous sur son visage, ses bras, ses jambes. Sur tout son corps en fait. Il ressemblait à la passoire en plastique de ma tante Carabosse. Paraîtrait-il qu'il en avait aussi sur sa... Pas besoin de faire un dessin, vous avez compris.
- Il doit bien exister un moyen de vaincre cette démone...
Je répondis par un grognement : non, il n'existait hélas aucun moyen. J'avais utilisé tous mes stratagèmes et même jusqu'à garder une tête d'ail dans ma poche pour éloigner le mauvais sort. Alors, j'étais bien placé pour savoir.
- Achète-toi une bible et prie pour ton salut. Et n'hésite pas à solliciter les dieux égyptiens, grecs et tous ceux que tu pourras parce que mon gars, ce n'est que le début. C'est inéluctable, nous allons crever.
Harps se recoucha et se mit à méditer. Et j'avais très peur de la suite car quand il réfléchissait, cela n'augurait rien de bon.
- Cette gonzesse est un fléau mais elle doit avoir certainement un talon d'Achille... murmura-t-il.
- Je ne sais pas mon frère... Je n'y crois plus... Tu vois, avant j'avais un peu d'espoir mais regarde où nous sommes. Résigne-toi, fais comme moi. Profite du repos que t'offre cette chambre d'hôpital et reprends des forces pour ton dernier combat.
- Arrêtez de dire des conneries, intervint Jack.
Mon Vice-Président se redressa et s'étira sur le fauteuil. Il avait veillé sur nous toute la nuit telle une poule avec ses poussins et son corps devait être tout ankylosé.
- L'avocat du diable se réveille, railla Harps.
Jack fit craquer son cou et se massa l'épaule gauche sur laquelle il s'était endormi.
- Ecoutez, Kally a simplement besoin qu'on lui fiche la paix, tenta-t-il de nous convaincre.
Je finis par m'asseoir sur le rebord du lit tant il était douloureux de rester allongé. Ses paroles m'agaçaient. Ce n'était pas sur lui que la foudre s'était abattue. Sa tête blonde était parfaite, avec tout plein de cheveux. Il n'avait pas de trous ni de cicatrices.
- Putain, il faudrait réellement que tu la boucles Jack, lui lançai-je. C'est une fille, et elle a besoin de protection.
Mais le gars se leva et ouvrit la fenêtre. Puis il s'adossa contre le mur et poursuivit :
- Ce n'est pas une fille Jex, rectifia-t-il.
- Non, effectivement. C'est une sorcière, intervint Harps.
- Une femme, persista Jack. Ouvre les yeux, ta sœur a grandi et elle est devenue une jolie gonzesse.
- Raison de plus, dis-je d'un ton buté.
Jack prit son paquet de clopes sur ma table de chevet et sortit une cigarette pour la placer sur son oreille.
- Je vais être sincère mon frère et je me fous si ça fait saigner ton petit cœur.
Je levai mon visage vers lui. Je devais avoir non plus des poches mais des sacs sous mes yeux. Mon mal de crâne était insupportable et voilà l'autre qui me faisait une séance de psychanalyse.
- Tu n'as pas encaissé la mort tragique de tes parents et Kally a bien failli mourir. Alors tu te chies dessus pour sa sécurité. Mais il va falloir lâcher mon pote. Ta sœur est en bonne santé et elle grandit. Tu ne peux pas tout contrôler.
Cette fois, il s'était aventuré trop loin. Je rêvai de lui enfoncer mon poing dans sa gueule parfaite. Je le fusillai du regard prêt à griller les dernières forces qu'il me restait pour lui péter ses chicots.
Soudain Harps se leva, complètement ressusciter.
- J'ai trouvé ! s'exclama-t-il.
Je sursautai. Oh merde ! Saint machin pour la préservation des âmes et des corps sur terre, venez m'aider !
- Sa liberté !
HARPS
(Treize heures plus tôt)
Ce soir, une grande fête nous attendait au Angel Club, un bar géré par mon pote Bart. Des gonzesses aux gros nichons siliconés, des bières, de la musique. Un joli programme en perspective pour décompresser de cette semaine merdique.
Mais avant de sauter sur nos bécanes pour nous y rendre, nous prenions un verre sur la terrasse. Je profitai de ces instants pour discuter un peu avec Sax, mon sergent d'armes et enforcer. Cheveux et barbe rasés de près, Sax était terrifiant et un peu cinglé. Mais il assurait grave les emmerdes du Club. Une facture non réglée par nos clients, un rigolo qui se prenait pour un gros dur, et Sax s'occupait de rappeler les règles.
Au temps où mon père était Président, Sax et moi œuvrions ensemble pour la paix du Club. Je pouvais certifier que le travail était terminé dans de brefs délais. Ses méthodes étaient très efficaces et le message rapidement transmis.
- Il y a du mouvement sur la frontière, m'annonça-t-il inquiet. Les Dragons ont des soucis.
- Jack doit rencontrer le Jefe jeudi. Il tâtera le terrain.
- Je peux l'accompagner si tu veux, Prez.
Je bus quelques gorgées de mon verre de jus d'orange. J'avais opté pour une boisson non alcoolisée pour garder les idées claires tant que la mioche était dans les parages.
- Il vaut mieux te tenir à l'écart. Ils ont encore la dent dure contre toi pour le mec que tu as molesté le mois dernier.
Il ricana.
- Il manquait de confiance et commençait à compter la marchandise. Il faisait une chaleur à dessécher un lézard alors pas moyen que je poireaute sous un soleil de plomb.
- Tu aurais dû prévoir un chapeau de paille et un tube de crème solaire.
Il sourit et me rétorqua en montrant sa bouteille :
- Je n'avais pas de bière non plus. Le gosier s'assèche aussi sous le cagnard et le gars me faisait saliver un peu trop.
Nous rîmes et nous trinquâmes à la santé du pauvre malheureux.
Soudain, Jex nous rejoignit et me donna un coup de coude pour me montrer sa démone de sœur qui tenait dans sa main un jus de fruits. Elle avait troqué sa robe bleue pour une petite jupe noire et un caraco jaune. Ses longs cheveux étaient rassemblés en chignon et un sourire illuminé son visage.
Cette gonzesse était la personnification de la déesse des chieuses. Je me souvins de ce gars boutonneux qui la dévorait des yeux et je n'avais pas supporté qu'il l'approchât. Je ne savais pas pour quelle raison mais une attirance bestiale me liait à son corps. Je n'avais jamais rencontré d'être aussi irritable et pourtant, mon regard la suivait comme une ombre. Je devenais complètement fou.
Sax avait suivi nos regards.
- Tu as baissé ta garde, Prez, se moqua mon Sergent d'armes avec un rictus au coin des lèvres. La petite est coriace et rusée comme un renard. Je pourrai en faire un de mes sous-lieutenants. Bolder ramollit.
Jex le fusilla du regard.
- Garde tes idées de merde, Sax. La place de ma sœur est dans sa chambre et la seule distraction qu'elle devrait avoir serait de bouquiner des livres de cuisine. J'aurais moins de soucis.
Sax se mit à rire.
- Tu vas avoir des problèmes mon pote. La gonzesse a du caractère.
- Ne t'inquiète pas. Je gère.
Jex se tourna vers moi et nous nous sourîmes en levant nos verres. Le plan était lancé et la mioche serait en pause ce soir.
- À la paix mon frère ! dit-il.
- Amen. Que quelqu'un t'entende et vienne nous délivrer du mal.
KALLY
(Treize heures plus tôt)
Je fixais le contenu de mon verre, servi par mon frère. J'aimais les jus de fruits mais à mon âge, je pouvais choisir comme une grande ce que je désirais boire.
Je craignais que Jex me voie encore comme une petite fille portant couettes et couche culotte. Toutes ces histoires de frère protecteur commençaient sérieusement à mettre ma patience à rude épreuve et cela plombait mon moral.
Je slalomai entre de petits groupes de bikers en traînant les pieds jusqu'à mon ami Jack qui s'était transformé en barman. Je le trouvai derrière un comptoir où une multitude de bouteilles alcoolisées étaient exposées. Il versa du rhum dans un shaker et son regard se posa sur moi. Tout en secouant son shaker, il me sourit et je montai sur un tabouret.
- Que se passe-t-il ma fleur ? me demanda-t-il.
Je soupirai et lui montrai le contenu de mon verre que je n'avais pas encore réussi à boire tant cela avait coupé ma soif.
- Jex a décidé de m'hydrater avec un biberon de jus de fruits.
Il s'empara de mon verre et le posa sur un coin du bar. Puis il jeta un coup d'œil furtif à mon frère et son pote Harps en grande conversation avec un gars taillé comme une montagne. Il dévissa le shaker et mit son contenu dans un verre.
- Spécial déesse ! me dit-il en m'offrant le cocktail avec un clin d'œil.
Mes yeux s'illuminèrent et mon cœur se réchauffa. Il n'y avait que Jack pour me comprendre. Il était vraiment très différent de cette brute de Président et de mon encombrant grand frère. Je ne savais pas les raisons qui l'avaient poussé à se joindre au club mais il était un père Noël pour moi.
- Merci Jack !
Il me rendit mon sourire et m'indiqua d'un geste un endroit un peu à l'écart.
- Va donc boire un peu plus loin. Si ton frère s'en aperçoit, il va me péter un tympan.
Je pouffai de rire et hochai la tête. Je descendis du tabouret et je m'éloignai au plus vite. Je trouvai un petit muret et je m'y assis pour déguster ma boisson sans être dérangée par un moralisateur compulsif- convulsif.
Voilà ce qu'étaient les petits plaisirs tout simples de la vie : un joli coucher de soleil sous un fond de musique et un bon cocktail dans les mains. J'allongeai mes jambes nues sur le parapet. Je surplombai une haie de rosiers en contrebas. Je pouvais sentir leurs parfums du haut de mon perchoir.
Je bus une gorgée et fut agréablement surprise par les arômes savamment dosés. Jack était l'Expert du cocktail maison.
JACK
(Treize heures plus tôt)
Je regardai Kally pour m'assurer qu'elle ne rencontrât aucun problème. Elle s'installa sur le muret et goûta au cocktail. Rassuré, je rinçai le shaker pour m'en préparer un autre puis je me tournai vers le coin du bar pour récupérer le verre que Jex avait donné à sa sœur. Vu les déculottées qu'enchaînaient Harps et Jex, j'étais certain que mon pote avait mis le sédatif dans le jus de fruits de la gamine.
Mon visage devint tout pâle en m'apercevant que le verre avait disparu. J'observai mes frères qui discutaient et riaient entre eux. Nous étions une vingtaine de gars sur la terrasse. Dans une heure, nous décollerions pour nous rendre au Angel Club. Malheureusement, l'un de mes potes ne profiterait pas de la soirée.
HARPS
(Toujours treize heures plus tôt)
Dans quelques instants, je célèbrerai notre victoire. Dorénavant, la mioche ne nous embêterait plus et nous pourrions continuer à respirer normalement. Je ne pouvais même plus cacher ma joie.
Bolder vint nous rejoindre et me tendit un jus de fruits.
- La tête a vraiment frappé fort, Prez, pour boire ce genre de merde bourré de sucre, dit-il avec humour.
- Méfie-toi Bolder, si tu te lances dans une carrière de comique, ton cul prendra cher.
Sax me passa un bras autour des épaules.
- Et je ne prendrai pas cet avertissement à la légère, ajouta Sax. Une fois, nous avons fait une pause confession dans un motel. J'étais tranquillement en train de discuter avec une espèce d'enfoiré qui nous avait détourné quelques liasses de billets, pendant que Harps s'empiffrait de chili con carne en matant un magazine de culs.
Quand Sax parlait de pause confession et de discussion, ce n'était pas une conversation amicale autour d'un verre. Généralement, notre interlocuteur était ligoté à une chaise et Sax s'occupait à lui péter les dents.
- Ce n'était pas un magazine de culs, rectifiai-je.
- Ah ouais, et qu'est-ce que c'était ?
- Un magazine de motos.
- Mouais, c'est pareil. On s'en fout. Je continue.
Sax reprit son histoire en balayant de la main les détails.
- Quand soudain, une tête de poulpe est apparue dans l'encadrement de la fenêtre. Harps s'est redressé et le gars s'est décomposé. Il s'est mis à cavaler sur le parking. Harps a pris sa fourchette et il la lança sur le mec qui devait être à une dizaine de mètres. La fourchette s'est plantée directement dans son cul et il s'est mis couiner comme un porc puis il est tombé évanoui.
Les gars se mirent à rire.
- Le malheureux a dû penser que c'était une balle, ajouta Jex.
- Ouais je pense, dis-je.
Des histoires comme celle-ci, nous en avions tous. Nous partagions déboires et moments de rigolades. Nous étions aujourd'hui des frères et ce lien était puissant, chacun n'hésitant pas une seule seconde à donner sa vie pour son pote ou le Club. Nous étions très unis même si certains faisaient plus chier que d'autres.
Je bus une gorgée de mon jus de fruits, et le goût était légèrement amer et bien dégueulasse. Je posai le verre sur la table et demandai à Jex s'il dormait à l'appartement.
- Ouais, soirée tête à tête avec Mel.
- Les murs vont vibrer. La vieille du dessous va taper avec son balai.
L'appartement du dessous était occupé par une mamie qui ne supportait pas même le bruit des chaussons. Une fois, elle avait chopé Jex pour se plaindre et il avait fini par lui montrer sa queue. Je vous laisse imaginer la réaction de la vieille avec ses insultes.
- M'en fous de cette antiquité, me répondit-il. Qu'elle vienne m'emmerder et c'est mon cul qu'elle verra.
- C'est peut-être ce qu'elle cherche. Méfie- toi !
- Il n'y a pas moyen mon frère, même avec un sac poubelle sur sa tronche.
Nous nous mîmes à rire. Il était vrai que la mamie était vraiment moche avec ses yeux de taupes et son dentier. Elle était sèche comme un saucisson et aussi aimable qu'un tyrannosaure.
Je suivis le regard de Jex : il observait sa sœur installée sur un muret. Dans son impression, on y voyait tout l'amour qu'il portait à cette sorcière et j'eus une pincée dans mon cœur pour la mienne. Je sortis une cigarette de mon paquet de clopes et j'en proposai une à mon pote qui refusa.
- Merci mec. Je me casse.
Il posa sa bouteille de bière vide sur la table et ajouta :
- S'il y a une couille dans le potage, tu me téléphones.
Je jetai un coup d'œil à la mioche qui buvait tranquillement son jus de fruits.
- Il n'y aura pas de lézards. Considère qu'à partir de ce jour, nous reprenons une vie paisible.
Nous nous fîmes un check avec nos poings et il ajouta :
- Il n'y a pas de doute. Même si la princesse est une diablesse, les mecs sont trop intelligents.
Je ne quittais pas la mioche des yeux car je pensais qu'elle ne tarderait pas à ressentir les premiers effets du médoc. J'observai le moindre de ses mouvements gracieux, les derniers rayons de soleil illuminant son visage parfait. Cette nana était un démon dans la peau d'un ange. Elle replaça une mèche rebelle derrière son oreille et ce simple geste me procura une drôle de sensation dans mon ventre.
Je frottai mon visage pour effacer le délire qui m'avait envahi. Il fallait ôter de mon cerveau les images de fantasme que cette sorcière provoquait. Le choc que j'avais subi devait me provoquer des hallucinations.
Je terminai ma cigarette et écrasai le mégot dans un cendrier puis je m'approchai de la bête. Elle releva son visage et me fit un sourire timide.
- Championne de natation ?
Elle semblait avoir rougi jusqu'à la racine des cheveux. Quand je clignai des yeux, elle était debout avec un petit sourire moqueur. Je devais vraiment être fatigué car à l'instant, j'étais certain qu'elle était assise, les jambes allongées tel un lézard.
- Je me défends comme je peux, me répondit-elle.
Je ricanai.
- Mouais... Belle prestation en attendant.
Je me grattai le menton et je ne sais pour quelle raison ma bouche a sorti un truc débile, à moins que je fusse devenu un gros sadique...
- Comme je ne suis pas rancunier, je te propose de nous accompagner au Angel Club. Enfin, si ça te dit...
Elle se jeta sur moi, manquant de me renverser.
- C'est vrai ? demanda-t-elle avec un sourire qui lui traversait le visage.
Mon regard fut captivé par ses lèvres légèrement colorées. J'étais tenté de poser ma bouche sur la sienne. J'étais comme sur un nuage, la tête légère. Je commençais à planer et j'avais de plus en plus de mal à rester focaliser sur la raison pour laquelle je m'étais approché de cette sorcière. Je pensai que ma conscience me rendait malade. Après tout, j'étais un super gars, trop honnête, une espèce d'ours en voie de disparition. On n'en faisait plus des comme moi.
- De quel ours parles-tu ? me demanda-t-elle surprise, en fronçant ses sourcils.
- Merde, j'ai parlé tout haut ? répondis-je en passant une main sur mes yeux car je commençais à avoir le tournis.
J'attrapai le rebord du muret mais tout tanguait. Je croyais que je n'avais pas digéré un truc. Putain de jus de fruits. J'aurais dû prendre une bière au lieu de cette boisson pour religieuses.
KALLY
(Toujours treize heures plus tôt)
Le pote à mon frère semblait avoir un peu trop forcé sur un pétard ou alors il prenait d'autres drogues. Il avait toutes les peines du monde à se tenir debout.
- Quelque chose ne va pas ? demandai-je avec une grande compassion. Tu es pâle comme.
Il m'interrompit en posa un doigt sur mes lèvres et fronça les sourcils de colère.
- Je t'interdis de prononcer ce mot.
- Quel mot ? demandai-je.
- C.U.L, m'épela-t-il lentement. Comme celui que tu as gravé sur mon dos.
Il fit une drôle de mou avec sa bouche et cela me fit rire. Je ne savais pas ce qu'il avait fumé, mais c'était de la bonne.
Il se mit à réfléchir, les yeux vers le ciel puis il me fixa avec intensité. Son humeur légère avait disparu.
- Comment as-tu fait démone ? dit-il avec agressivité.
Il s'avança et la tournure de la conversation changea. Il semblait qu'il cherchait à se disputer.
- Je t'ai vu boire ! Commmmmm
Il prit une inspiration et reprit sa phrase en haussant le ton, comme s'il était complètement ivre.
- Commmmmment tuuuuuuuuuuuu as faiaiaiaaiait... ?
Je posai ma main sur mon bras et il se recula d'un geste brusque.
- Arrrrrrrrrière Satan !!!! hurla-t-il.
Et là... et bien cher lecteur... je regrettai de ne pas avoir eu le temps de filmer. Il se débattit avec un ennemi imaginaire, une expression d'effroi sur le visage. Attirés par le comportement étrange de leur Président, les bikers se tournèrent vers lui, coupant court à leur discussion.
Harps me lança un regard assassin et pointa son doigt dans ma direction. Il s'avança d'un pas mais perdit l'équilibre et tomba de l'autre côté du parapet, la tête dans les rosiers, les jambes écartées. Il ne bougeait plus.
JEX
(Toujours treize heures plus tôt)
Je garai ma bécane sur le trottoir et j'eus à peine toucher le sol que Mel se jeta sur moi pour m'embrasser.
- C'était trou long meu querido, me dit-elle entre deux souffles.
Il fallait que je vous précise que Mel, diminutif de Mélinda, était portugaise. Tous les mots étaient transformés. Et si au départ j'avais tenté de comprendre ce qu'elle voulait dire, aujourd'hui je m'en tapai le haricot. Elle était mon plan baise parmi d'autres. Je ne cherchais pas à copuler pour me reproduire et les règles avaient été établies depuis le départ entre nous.
On se programmait une partie de jambes en l'air à deux ou à plusieurs et puis chacun repartait de son côté. C'était ainsi que je marchais. Je n'avais pas envie de m'encombrer d'un boulet qui bouleverserait ma vie au point d'en crever. Pour cela, j'avais ma démone de sœur et il était impensable de souffrir davantage.
Je lui pris sa main et nous montâmes les marches rapidement. Arrivés sur le palier, je la soulevai brutalement et elle enroula ses jambes autour de ma taille. Mes lèvres s'écrasèrent sur les siennes pour les lui dévorer. Je bandai déjà comme un gros pervers.
- Je vais te défoncer le cul ma belle.
Elle poussa un gémissement en suçant le lobe de mon oreille et je lui donnai un coup de rein.
- Pressou-toi dou ouvrir la porta, souffla-t-elle, les yeux brillants de désir.
Je la portai tel un petit singe pour ne plus quitter ses lèvres. Ma main glissa dans la poche arrière de mon jean pour sortir les clés. Je dus me reprendre plusieurs fois pour glisser la clé dans la serrure mais je finis par réussir au bout de la trentième tentative.
Je me débarrassai ensuite des clés en les jetant sur le petit meuble à l'entrée et je me dirigeai vers le salon. Je caressai ses fesses et mon esprit avait déjà planifié toutes les positions dans lesquelles je la baiserai.
Mais en passant devant la cuisine, tous mes plans volèrent en éclat. Mes pieds glissèrent sur ce qu'il semblait être de l'eau et je basculai en arrière. Ma tête frappa le sol avec force et quand j'ouvris les yeux, je vis Mel installée sur moi, un regard inquiet.
- Elle... Elle... a essayé de me tuer, dis-je avec peine.
- Mon cœur, dé qui tou parles ? demanda-t-elle paniquée.
Complètement dans les vapes, je ne comprenais pas ce qu'elle disait.
- Putain, la sorcière...
J'entendis un coup de balai que la vieille du dessous devait donner à son plafond pour m'intimer de faire moins de bruit. Après cela, ce fut le trou noir.
JACK
(Onze heures plus tôt)
Nous étions nombreux dans la salle d'attente de l'hôpital et l'inquiétude se lisait sur chacun des visages de mes frères. Nos potes Harps et Jex avaient été transportés par les secours aux urgences les plus proches.
Kally était dans les bras de Lan qui essayait de la réconforter comme il pouvait. Il lui tapotait le dos, son corps raide comme un piquet de tente. Le grand gaillard était bien maladroit quand il s'agissait de montrer un peu de compassion. D'ailleurs c'était le sujet de discorde avec Betty, sa régulière. J'espérais qu'il saurait s'ouvrir un peu car un bébé arrivait bientôt dans le couple et je sentais que Lan n'était pas encore prêt.
Je me tenais un peu à l'écart, patientant contre un pilier. L'envie de fumer une clope me démangeait de plus en plus mais je décidai de prendre sur moi car je ne voulais pas rater les nouvelles de mes potes. Alors j'observai les gars, la môme et toutes les affiches qui étaient placardées dans le couloir qui servait de salle d'attente. J'avais même compté le nombre de carreaux sur le sol, les portes, les fenêtres et même les tâches sur le plafond.
Alors que je commençais à perdre patience, un médecin sortit d'une salle en tenant des fiches dans ses mains. Il donnait l'impression de s'être levé de son lit : cheveux en pétard, la blouse blanche ouverte sur un tee-shirt froissé, le pantalon sans ceinture. Si je regardais de plus près, je pouvais distinguer de la merde aux coins des yeux. Paraîtrait-il que l'habit ne faisait pas le moine, je l'espérais sincèrement car s'il arrivait quelque chose à mes potes, la situation tournerait au pugilat.
Le médecin s'arrêta à mes côtés et repoussa ses lunettes qui avait glissé sur son nez.
- Alors qu'avons-nous là ?... Harps Marius Reiding...
« Marius» ? Sérieusement, le second prénom de mon pote était Marius... Il fallait que je retienne l'information.
- Vingt-six ans, un mètre quatre-vingt-cinq pour quatre-vingt- six kilos, tombé dans un rosier, semble dormir profondément.
Il se tourna vers moi et me demanda :
- Vous êtes de la famille ?
- C'est mon pote.
Il nota un truc en faisant des « Mm mm ».
- Il avait bu ?
Venait enfin le moment gênant et je sortis discrètement une boîte de la poche arrière de mon jean. Elle était toute écrasée car j'avais dû m'asseoir en montant sur ma bécane.
- Non, ce n'est pas vraiment ça...
Il remonta encore ses lunettes et me scruta avec intensité. Le mec devait croire que mon pote se droguait. Tous les regards dans la salle d'attente convergèrent vers nous et je baissai la voix pour éviter d'ébruiter l'ânerie de notre Prez. Mais je savais que les gars seraient bientôt tous au courant et Harps serait à nouveau la risée pour des soirées entières.
- Il a pris un sédatif, chuchotai-je.
Je déposai la boîte dans ses mains et il écarquilla les yeux.
- Mais enfin, il est fou ! s'exclama-t-il un peu trop fort, manquant de s'étrangler. Ce médicament est destiné aux animaux comme l'éléphant ou le rhinocéros ! Un seul comprimé peut suffire à ensuquer un gorille !
Je pensai que Kally l'avait échappé bel. Je haussai les épaules, impuissant face à la bêtise de mon ami. Je l'avais mis en garde mais cette mule n'en faisait qu'à sa tête.
- Bon, en ce moment deux infirmières lui retirent les épines du rosier sur tout le corps. Elles l'ont dévêtu car vous pensez bien que pas une seule partie de sa peau n'a été épargnée.
L'image de mon pote tanqué dans le rosier me revint à l'esprit : il avait disparu complètement dans la plante. Je me doutais bien que le pauvre avait le corps d'un cactus.
Le médecin poursuivit avec Jex.
- Jex Théophile Masson.
« Théophile » ... Sérieusement, « Théophile », « Marius »... leurs parents avaient craqué le jour de leurs naissance pour leur donner des prénoms d'un autre temps.
- Jeune homme, vingt-cinq ans, un mètre quatre-vingt- quatre pour quatre-vingt- deux kilos. Je suppose qu'il est l'un de vos amis ?
J'acquiesçai, un peu honteux.
- Traumatisme crânien. Il a pris un sédatif aussi ?
- Non, pas de sédatif pour lui, m'empressai-je de répondre.
- Une drogue ?
Je me dressai, prêt à le recadrer. Il dut s'en rendre compte car il barra des lignes sur sa feuille.
- Ok ok pas de drogues. Mais alors comment est-il tombé ?
- Une fuite d'eau chez lui. Il a simplement glissé et a heurté la tête sur le sol.
- Mm mm, fit-il en notant les informations. Simplement... Mm mm.
Je commençais à perdre patience avec ses Mm Mm.
- Je vais lui faire des points de suture. Il a un œuf de Pâques derrière le crâne. Il faudra le garder en observations quelques jours.
- Pas de soucis.
- Je ne vous cache pas que je suis un peu inquiet car il délire avec la boîte de Pandore, le diable, une sorcière. Il a fallu lui administrer un calmant car il avait décidé de traverser l'océan en palmes pour regagner les pingouins sur la banquise.
J'eus du mal à garder mon sérieux : Jex pétait les plombs. Son pauvre cœur allait claquer. Il valait mieux qu'il se repose un peu pour reprendre des forces et l'hôpital me paressait le meilleur endroit où il serait en sécurité.
- Ok, docteur. Je m'occupe de ses affaires, dis-je avec un sourire.
Le médecin soupira, déjà épuisé par sa soirée.
- Bon, au moins, il n'aura pas eu la brillante idée de prendre un sédatif.
Je me grattai nerveusement la barbe. Si vous saviez docteur, le sédatif était son idée ! Mais je me gardais bien de le lui dire.
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