CHAPITRE 10 : TIM
Tim avait regardé Elena partir mais n'avait pas osé la retenir. Il se rappelait la douleur quatre ans plus tôt, cette douleur qui jamais ne le quitterait. Parce qu'il avait perdu son jumeau, l'autre partie de son âme. C'est Ben qui lui avait appris et transmis la passion du parachutisme. À sa mort, la première chose qu'il avait fait ça avait été de sauter sur la vie. Son frère était mort pour sa passion, c'était un hommage qui lui aurait plu.
Il était étonné de la réaction d'Elena. Elle avait dû aimer sincèrement Ben pour être si bouleversé. Pourtant jamais son frère n'avait parlé d'elle. Ils étaient proches tous les deux, de vrais jumeaux que rien ne pouvait séparer. Ils se disaient tout, du moins c'est ce qu'il croyait, avant elle. Les derniers mois, Ben semblait toujours occupé ailleurs. Il avait dû l'aimer sincèrement pour disparaître aussi souvent et garder le secret. Ce soir-là, après son départ il pensait ne jamais la revoir. Il en avait pourtant besoin, il voulait savoir. Savoir qui elle était réellement. Savoir ce qu'elle avait partagé avec son frère. Il avait décidé de lui laisser un peu de temps pour assimiler l'idée de la disparition de Ben. Lui n'y était toujours pas parvenu. Alors, quand son téléphone sonna à deux heures du matin, il ne s'attendait pas à ce que ce soit elle.
-Allô ?
-Je suis désolée.
-Il est deux heures du matin.
-Je ne te l'ai même pas dit hier, mais je suis désolée pour toi.
-Tu es où ?
-Chez moi.
-Envoi ton adresse, j'arrive.
Il raccrocha et ne put s'empêcher de sourire. Il avait suffisamment fait la fête pour savoir qu'elle était saoule.
-Écoute Calie je suis désolé, mais je dois y aller. Tu peux rester si tu veux, je ne pense pas revenir cette nuit alors tu seras tranquille, dit-il en enfilant un pantalon avant de sortir de la pièce.
Quinze minutes plus tard, il arrivait devant chez Elena. Tim était un homme confiant avec les femmes, pourtant ce soir il était nerveux. Si un jour on lui avait dit qu'il hésiterait à entrer alors qu'une belle femme l'appelait à deux heures du matin, il n'y aurait pas cru. Il se décida donc à frapper. Quand Elena lui ouvrit, il entendit Let her go de Passenger lui parvenir du salon.
-Bonsoir, murmura Elena.
-Bonsoir, répondit-il à son tour.
Après une minute de silence, il reprit la parole :
-J'aime beaucoup ton porche, il est très...chaleureux.
-Pardon, entre, lui dit-elle en le laissant passer.
-Où est... euh, je ne me rappelle pas son nom.
-Sébastien.
-Où est Sébastien ?
-Il n'y a plus de Sébastien.
Il la fixa un instant. Elle était belle. Aucun maquillage, un simple jean avec un haut rouge, ses cheveux relevés en queue de cheval. Mes ses yeux étaient tristes. Elle semblait fatiguée. Il se dit qu'elle avait dû beaucoup pleurer. Elle était belle.
-Je me disais aussi que ce serait étrange cette réunion à trois à deux heures du matin. Pourquoi tu as appelé ?
-Je ne sais pas.
-Je suis content que tu l'ais fait.
-Je suis désolée.
-Tu l'as dit au téléphone. Merci, je suis désolé aussi, je pensais que tu savais.
-Au fond je crois que je savais, il n'aurait pas disparu comme ça.
-Tu ne l'a pas cherché ?
-J'ai appelé. J'ai attendu. Je n'ai pas cherché plus loin. J'aimerai le voir.
-Elena...
-Je sais qu'il est mort, je ne suis pas folle. Je veux dire il a une tombe ou quelque chose non ?
-Il a été incinéré, ses cendres ont parcouru le ciel, aujourd'hui il doit être un peu partout.
-Il a sauté sur la vie une dernière fois, murmura Elena.
-C'est lui qui t'a dit ça ?
-Pardon ?
-Qu'il sautait sur la vie.
-Oui, il avait promis de m'emmener. Toi aussi tu le dis.
-C'était sa phrase. C'est lui qui m'a initié au parachutisme. Un jour je lui ai demandé ce que ça lui procurait, il m'a répondu qu'il avait l'impression de vivre pleinement là-haut. Il m'a dit qu'il sautait sur la vie, que c'était la chose la plus forte qu'il ne vivrait jamais. Alors, j'ai voulu vivre pleinement moi aussi et sauter sur la vie.
Le silence s'installa, chacun perdu dans ses souvenirs. Une larme roula sur la joue d'Elena, Tim l'essuya tendrement.
-Tu veux un verre ? Proposa-t-elle.
-Pourquoi pas.
-À Ben.
-À Ben, répéta Tim.
Elena se remit à danser sur Understood de Rilès. Tim se leva et dansa avec elle, se rapprochant de plus en plus. Il lui enleva l'élastique qui retenait ses longs cheveux. Il aimait la voir ainsi, naturelle, les cheveux encadrant son joli visage.
-Je ne coucherai pas avec toi Tim.
-Je sais. Je sais que tu y crois sincèrement en tout cas.
-Tu es ridicule.
-Parce que je m'autorise à vivre comme je l'entend ?
-Tu lui ressemble trop.
-Mais je ne suis pas lui. Si tu apprenais à me connaître tu le saurais.
-C'est ce que je fais non ?
-Non, tu me vois parce que je lui ressemble.
-Je suis désolée.
-Arrête de t'excuser. Tu t'excuse beaucoup trop, mais tu ne fais rien. Change les choses.
Ils se regardèrent quelques minutes, tous deux immobiles au milieu du salon.
-Je dors sur le canapé et demain tu m'accordes ta journée.
Elena réfléchi une minute. Mais elle connaissait déjà la réponse.
-D'accord.
-Ce n'était pas une question mais content que tu approuve. Va te coucher maintenant, il est trois heures et demie et tu es saoule. Bonne nuit beauté.
-Bonne nuit Tim.
Que ce soit dû à l'alcool ou à la présence de Tim juste à côté, Elena dormi profondément cette nuit-là, d'un sommeil serein. Tim au contraire dormi peu. Il ne cessait de penser à cette femme allongée dans la pièce d'à côté. A cette femme qu'il avait envie de rejoindre. A cette femme qui avait connu son frère. Une part de lui était heureux qu'une femme ait aimé son frère aussi intensément. Mais il y avait aussi un fond de jalousie, il aurait aimé qu'une femme comme elle puisse l'aimer aussi fort lui.
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