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𝟔𝟓. 𝐑𝐞𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐥𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐨𝐥𝐞


Je sens ses lèvres parsemer mon cou. Mon souffle est saccadé, mon palpitant tambourine à un rythme effréné contre ma poitrine alors que tous mes sens sont en ébullition. Je sens ses mains me caresser, redessinant ma silhouette du bout de ses doigts, me détaillant comme le ferait un peintre avec sa toile. Je perçois son sourire contre ma peau, sa langue s'écrasant sur elle pour me goûter. Je soupire de contentement en me cambrant, m'abandonnant à ce désir charnel. Je ne suis pas en train de rêver. Je l'imagine pour me rassurer. En réalité, ce sont mes mains qui remontent le long de mon ventre, se glissant sous mon haut de pyjama. Mes doigts taquinent mes tétons, imaginant Jaekyung les toucher pour accroître mon excitation. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas faire de bruit, même si je sais pertinemment que l'explosion d'une bombe ne les réveillerait pas.

J'entends sa voix me murmurer des mots doux dans le creux de l'oreille. Ses mots qui me font frissonner, mes traits se déforment sous la pression d'un besoin urgent. Je fais descendre l'une de mes mains jusqu'à mon bas-ventre, là où une douce chaleur prend naissance. Si autrefois j'avais honte de me toucher, honte de ressentir un tel plaisir sexuel, aujourd'hui c'est différent. Je chéris avec lenteur ces préliminaires que je n'ai jamais connus auparavant, faisant monter progressivement mon érection. Mes lèvres s'entrouvrent, un souffle discret s'y échappe, avant que ma respiration ne se coupe lorsque je me saisis de mon pénis. Jaekyung est là, au-dessus de moi, un sourire suffisant étiré sur le coin de ses lèvres. Il ne rate aucune miette, m'encourageant à poursuivre mon initiative.

Il se penche pour embrasser mes commissures, ses baisers descendant sur ma gorge, ma poitrine, qui se soulève et s'abaisse lourdement. Mes doigts suivent la ligne de mon pubis, là où sa langue se faufile. Je serre mon sexe gorgé de passion, lorsque j'imagine la pointe de sa langue partir de la base, léchant la longueur de ma chair tendue, sans pour autant la glisser entre ses lèvres. Je ne sais pas comment se déroule une fellation sans brutalité. Je ne peux pas imaginer quelque chose que je ne connais pas, mais je suppose que ce doit être divinement agréable, quand le consentement et l'écoute du partenaire sont présents. Je me contente alors seulement de le voir me caresser avec sa langue, provoquant des secousses dans tout mon être à mesure que je fais glisser ma main pour me masturber.

Mais ce n'est pas suffisant. J'ai besoin de plus, de sentir quelque chose en moi. C'est là le moment que je redoute le plus. Mes muscles se contractent, pas uniquement de plaisir, mais de peur. J'angoisse. Je ne vais pas y arriver. Cependant, des mots que j'ai entendu résonnent dans ma tête. Jaekyung me les répète en se redressant à ma hauteur. Il me les susurre à l'oreille en embrassant mon lobe.

Personne ne te force. Personne ne peut te faire du mal. C'est toi qui a le contrôle. Toi qui mène la danse. Si tu as peur, si tu as mal, il te suffit d'arrêter. Écoute ton cœur, il te guidera.

J'inspire une profonde respiration, gonflant mes poumons avant d'expirer cet air avec lenteur, dissipant cette boule qui s'est logée dans le fond de ma gorge. A mesure que je réitère cette action, mes muscles endoloris se détendent et mon désir sexuel reprend le dessus. Non, je n'ai pas peur. Non, je ne vais pas avoir mal. Je le sais, puisque c'est moi qui me touche. Je reprends là où je me suis arrêté, accélérant les mouvements de ma main sur mon sexe. Avec timidité, mon autre main se glisse entre mes cuisses. C'est la première fois qu'elle s'aventure dans ce terrain inconnu. Mes doigts se fraient un passage entre mes fesses duveteuse, me sursauter lorsqu'ils se posent sur mon entrée palpitante de convoitise. Je garde les yeux fermés pour ne pas effacer la vision de mon compagnon, m'accompagnant dans la découverte de mon intimité.

J'hésite. Je ne bouge plus. Le temps de quelques secondes, je renonce à le faire. L'instant suivant, j'insère une première phalange avec lenteur. Ca pique. Ça tire. Ça fait mal. Je me retire en ouvrant les yeux.

— Respire. Tout va bien. Tout va bien, chuchoté-je à moi-même, tout en reprenant mon souffle. C'est toi qui a les cartes en mains. C'est toi qui décide de continuer ou pas.

D'une main tremblante, je tatone la table de chevet à la recherche de l'interrupteur. J'allume la petite lampe, ouvre le tiroir et en sors le lubrifiant. Une fois encore j'hésite, contemplant silencieusement le petit flacon. Par curiosité, j'ouvre le capuchon pour sentir le parfum. L'odeur de bonbon enivre mes narines, me donnant presque l'envie d'y goûter. Je déglutis difficilement ma salive, lorsque les premières gouttes, épaisses et froides, tombent sur mes doigts. Je ferme à nouveau les yeux pour retrouver les songes de mon amant. Il me sourit en poursuivant ses caresses, embrassant l'intérieur de mes cuisses, là où ma main trouve refuge. Mon entrée pulse de désir lorsque mes doigts se reposent sur elle. J'étale le lubrifiant autour d'elle, pénétrant de quelques millimètres pour enduire mes parois chaudes et humides de ce liquide magique.

Je ne ressens aucune douleur. Une sensation de gêne est perceptible, suivi d'un faible étirement, mais aucune douleur ne saisit mes entrailles. De fil en aiguille, j'insère plus profondément mon doigt, se faisant aspirer par mon antre. C'est nouveau. Indescriptible. Mais pas désagréable. Doucement je fais bouger mon doigt, en me mordant un peu plus la lèvre inférieure. Mon corps s'embrase. J'ai horriblement chaud. Mon cœur frappe de plus en plus fort contre ma poitrine et mon souffle se coupe lorsque je glisse un second doigt.

Gabriel m'avait un peu expliqué comment faire lorsqu'il m'avait présenté les sextoys et comment les utiliser. Avant leur utilisation, il faut absolument que je détends les muscles de mon anus pour éviter toutes déchirures, toutes blessures involontaires. Mais aussi pour que ce soit plus agréable pour moi, la première fois.

Je poursuis les mouvements, écartant par moment mes doigts en ciseaux. Je retiens mes gémissements, c'est si bon. Un sourire s'étire sur mes lèvres, je suis en train de le faire. Je suis en train de reprendre le contrôle de mon corps. Ne sachant pas quand est-ce que je dois m'arrêter, je finis par les retirer et m'accaparer du plug anal en perles, que je couvre de lubrifiant. Je vide presque le contenant pour éviter de me faire mal, et le dirige vers mon entrée, préparée à son intrusion.

— Tu peux le faire. Tu peux le faire, murmuré-je pour me donner du courage.

Je garde les yeux ouverts, pour être sûr de bien faire les choses. Après avoir repris une profonde inspiration, j'expire l'air en empalant le plug qui étire mes chairs. Je bascule ma tête en arrière, les lèvres entrouvertes mais aucun son n'en sort. Chaque perle de tailles différentes élargit pas à pas le chemin vers ma prostate. Un endroit que j'ignore, mais qui, lorsqu'elle est stimulée par l'une d'entre elles, me fait gémir en fermant les yeux. Un choc électrique se disperse dans tout mon être et accélère les mouvements de mes mains. Ma prostate est frappée à plusieurs reprises, mon pénis est proche de la saturation, gorgé de sang. A chaque pénétration, à chaque caresse, j'imagine Jaekyung le faire. Ses traits impassibles se fissurent par la désir, et quand il atteint son orgasme, je jouis silencieusement. Tous mes muscles se contractent, mon souffle se coupe, ma bouche est ouverte, mon dos se cambre en poursuivant mon orgasme, jusqu'à ce que mon corps se mette à trembler, atteignant sa limite.

Je me laisse tomber sur le matelas en respirant bruyamment. Mes yeux fixent le plafond, je n'entends plus rien. Mes oreilles bourdonnent, je vois des étoiles, la sensation est étrange. J'ai l'impression de planer. Puis, je me mets à rire. Un rire qui se transforme en fou rire que je ne parviens pas à contrôler. Des larmes s'échappent du coin de mes yeux. Un mélange d'euphorie et de joie me submergent. Je me saisis des bagues accrochées autour de mon cou, les emmenant à mes lèvres pour les embrasser, et prononce avec émotion ;

— Je l'ai fait, mon amour. J'ai réussi à le faire.

Mes bras retombent le long de mon corps. Mon état de transe redescend et j'accepte les sentiments qui se chamboulent dans mon esprit. Je passe du rire aux pleurs et des pleurs au rire. Je ne pourrai pas vous expliquer mais j'ai besoin d'extérioriser ce qui s'est produit en moi. Les minutes passent et je suis toujours allongé sur mes draps, prenant conscience que j'ai encore mon plug en moi. Mes mouvements sont lents, lourds, mais je parviens à le retirer avec douceur, jusqu'à ce qu'un vide se ressente en moi. J'ai aimé me sentir comblé. J'ai aimé imaginer mon compagnon le faire avec moi. A présent, je me sens triste, abattu. J'ai besoin que quelqu'un me réconforte. J'ai besoin de sentir des bras puissants m'envelopper et me cajoler. J'ai besoin d'être apaisé. Mais je suis seul dans mon lit et la chute est violente.

C'est ce qu'on pourrait appeler L'aftercare. Gabriel m'en a parlé aussi, pour ne pas que je panique lorsque je tenterai de le faire la première fois. Ce terme est utilisé pour les pratiques BDSM qui consiste à s'occuper et à suivre le processus psychologique et physique de leur partenaire liées à des expériences épuisantes. L'énergie mentale, émotionnelle et physique sont chamboulées durant la scène, et il est important de s'assurer que son partenaire redescende dans de bonnes conditions. Dans le sexe normal, on peut pratiquer l'aftercare avec les personnes qui ont été victimes de viol. Pour les rassurer et les épauler durant la descente de leurs émotions.

C'est ce que j'aurais aimé avoir à cet instant. La déferlante est brutale. Pendant plus d'une heure, je ne pouvais plus bouger. Mon corps tremble et mes muscles se contractent d'affliction. Je pleure, en essayant de faire le moins de bruit possible, mais c'est difficile. Un sentiment de dégoût me parcourt.

J'apprendrai plus tard que ce sentiment est normal et assez fréquent chez l'homme après une relation sexuelle. On appelle ça la dysphorie post-coïtale. Très peu connue, et très peu étudiée, elle est le résultat de la libération du sperme et de l'épuisement physique après l'orgasme. Les personnes ayant une forte réactivité émotionnelle ont tendance à ressentir des émotions négatives, telles que l'irritabilité, le dégoût.

Ce qui a été mon cas, ce jour-là. Mes viols ayant eu une forte répercussion sur cette première fois.

Il me faut deux heures au total pour reprendre l'intégralité de mes esprits. Je parviens à rejoindre la salle de bain, me glissant sous le filet d'eau chaude après m'être assis sur le tabouret. Je ferme les yeux, appréciant la caresse de cette chaleur m'envelopper, me réconfortant à travers cette preuve que j'ai réussi à surmonter. Cependant, je ne le ferai plus. J'attendrai de retrouver Jaekyung pour retenter l'expérience, avant d'être prêt à me retoucher par moi-même. Chaque chose en son temps, et je suis fier de moi. Fier d'avoir affronté cette peur. Fier d'atteindre pas à pas les portes de la liberté me menant tout droit à la guérison.

Je vais y arriver.

Je suis en train de le réaliser.

Plus rien ne peut m'arrêter.


❃ ❃ ❃ ❃


Halloween a pointé le bout de son nez. Nous nous préparons à la fêter à la maison, puisque Gabriel et moi sommes tous deux en fauteuil roulant, et que les soirs d'Halloween, les rues sont tellement bondées de monde, qu'il est impossible de circuler tant on est serré comme des sardines. Et de vous à moi, je préfère largement le fêter à la maison, devant de bons films d'horreurs, et des cochonneries à manger sans se priver. Les courses sont faites. Jason et Brice se sont mis aux fourneaux, préparant des momies feuilletées à la saucisse, des dentiers croquants sucrés aux cookies et aux chamallows, accompagnés de bananes fantômes simplissimes et des cupcakes au chocolat à l'effigie de Jack Skellington. Le père de Brice est pâtissier, et je suis admiratif de tout ce qu'il est en train de réaliser. Jason est son commis, il l'aide à surveiller que rien ne brûle durant la cuisson.

Connor lui, s'est occupé des boissons. Gabriel ayant un traitement anticoagulant dû à l'immobilisation de ses membres, ne peut pas boire d'alcool. A son plus grand regret, lui qui est un très grand amateur de vin. Il a donc fallu lui trouver autre chose, et ça a été une sacrée aventure pour son petit-ami. Au final, ce sera du soda, jus de fruit, lait à banane, mojito sans alcool et bière sans alcool pour mon meilleur ami, déjà en dépression devant ces boissons insignifiantes. Pour les autres, ce sera vodka, soju et quelques bières. Sachant déjà d'avance qu'ils vont finir à quatre pattes au-dessus des toilettes. Un vrai plaisir.

Nous nous sommes également un peu maquillés et déguisés pour nous mettre dans l'ambiance festive, sauf Gabriel qui n'a pas eu besoin de le faire, puisqu'il ressemble déjà à une demie momie avec ses deux jambes dans la plâtre. Nous avons mis à la télé les incontournables Halloween, Terrifier, Massacre à la tronçonneuse, et les volets de Scream, dont je dois vous avouer, avoir un faible pour Ghostface. Est-ce que c'est mal ? Je le trouve tellement charismatique, je ne saurais pas comment l'expliquer, mais il ne me laisse pas indifférent, jusqu'à même imaginer Jaekyung porter ce fameux masque et...

Non. Stop.

La soirée se déroule sans encombre, à grignoter les plats salés qu'on a accompagné de nouilles instantanés, en terminant avec les pâtisseries et les bonbons. Quelques jeux de société se sont ajoutés, ainsi que les jeux vidéos, dont je suis vraiment une brêle à Mario Kart. Nous avons clôturé les festivités avec une très longue discussion sur la terrasse, à contempler la nuit animée et les déguisements des passants. Par la suite, les garçons ont choisi de faire un tour près de la plage, Gabriel et moi étant épuisés, sommes restés devant la télévision, à piocher quelques bonbons dans le saladier.

— Je suis triste que vous partez demain soir, dis-je en détournant le regard vers lui. Je sais que vous revenez pour les fêtes de Noël, mais vous allez terriblement me manquer.

Gabriel me sourit en tendant son bras vers moi.

— Approche-toi. Je ne peux pas bouger. Je veux te faire un câlin.

Je ris légèrement en venant me blottir dans ses bras, ma tête reposant sur son épaule.

— Ça fait toujours mal les séparations. Ça m'énerve, ajouté-je dans un soupir.

— C'est un crève-cœur pour moi aussi, mon chat, répond-il en déposant un baiser sur ma tempe. Mais il faudra bien s'y habituer, non ? Si un jour moi ou toi décidons de partir vivre à l'étranger, la distance sera encore plus dure que celle de maintenant.

Je hoche la tête en remontant le plaid sur nos corps pour nous couvrir.

— C'est vrai, tu as raison. On ne sait pas de quoi est fait demain. Et je sais que Connor t'a déjà demandé de venir avec lui au Canada. Il t'attend ta réponse, c'est ça ?

Gabriel hoche à son tour la tête en esquissant un faible sourire.

— Ses parents vont bientôt quitter la Corée. Carole veut retourner auprès de ses parents. Ce que je peux comprendre, ils ne sont plus tout jeunes et ils commencent à avoir besoin d'aide dans leur tâche quotidienne, commente-t-il en resserrant son étreinte autour de mes épaules. Et ils sont très famille. Connor, on ne dirait pas comme ça en le voyant, mais il a un cœur immense dans la main. Il tient ça de sa mère, et il veut pouvoir profiter de ses grands-parents.

— Il a raison après tout. Il faut chérir et aimer nos proches tant qu'on peut le faire.

Il approuve d'un mouvement de tête.

— Puis, ça me permettrait de découvrir un nouveau pays. J'ai toujours aimé voyager. La Corée j'aime beaucoup, mais je ressens le besoin de voir autre chose.

Un pincement au cœur m'envoie une douleur irradiante dans tout mon être.

— Je comprends, rétorqué-je en ancrant mon regard dans le sien. Si jamais tu acceptes de le rejoindre, je serais heureux pour toi, Gabriel. Mais bordel, ce que tu vas me manquer.

Les larmes montent. C'est pareil pour lui.

— Tu pourras toujours venir avec Jaekyung, réplique-t-il en m'adressant un plus large sourire. Puis, toi-même tu ne penses pas rester en Corée. Je me trompe ?

— Non, tu as raison, admis-je en tournant la tête vers la télévision. J'ai déjà pensé à la France, être auprès de mon frère. En plus... je vais bientôt être tonton.

L'émotion me submerge. Quand il m'a annoncé par téléphone cette fabuleuse nouvelle, j'étais à la fois terriblement heureux, et terriblement triste d'être loin de lui. J'aimerai tant pouvoir suivre la grossesse de ma belle-sœur. Être présent le jour de la naissance du bébé. Rattraper le temps qui nous a été arraché.

— Ça fait partie de la vie, Joshua, dit Gabriel en glissant une main dans mes cheveux. On a chacun une vie sentimentale. Des projets personnels. Et même si on se retrouve à des kilomètres l'un de l'autre, on aura toujours un moyen de se parler, et de se voir aussi.

A l'aide de ma main, je viens essuyer les quelques larmes qui se sont mises à couler.

— Fais-le.

— Quoi ?

— Va au Canada, andouille, annoncé-je en le regardant. Putain fonce. Vous vous aimez comme des fous. Tu as trouvé une perle rare et il veut que tu viennes vivre avec lui au Canada. Si ça, ce n'est pas une demande, je ne sais pas ce que ça peut être.

Des perles d'eau s'écoulent le long de son visage.

— Tu ne m'en voudras pas ?

— Bien sûr que non ! prononcé-je à travers un sanglot.

Nous nous enlaçons plus fermement, pleurant tous deux dans les bras de l'autre.

— Sache que je prendrai tous les vols possibles pour venir te voir, même si un jour tu déménage à Paris, bafouille-t-il.

— Ne viens pas uniquement si c'est la Fashion Week, rétorqué-je dans le même état.

— Je viendrais pour toi, et la Fashion Week.

Nous rions à travers nos larmes et nous restons enlacés comme des koalas le reste de la soirée. Si je me souviens bien, je crois que nous nous sommes endormis par la suite, puisqu'à mon réveil, le lendemain matin, j'étais dans mon lit. Nous avons passé la matinée à nettoyer l'appartement, avant qu'ils préparent leur affaire pour leur retour à Séoul. C'est en début d'après-midi qu'ils se sont mis en route, après une dernière étreinte, des dernières larmes et un dernier au revoir, avant de nous retrouver pour les fêtes de Noël.

Durant les deux mois qui se sont écoulés, j'ai continué à être discipliné avec mon planner et mes to do list. C'est important de ne pas perdre le fil, de rester assidu sur les objectifs que l'on se fixe au quotidien. Mais surtout pour ne pas s'ennuyer et tourner en rond chez soi. Même si par moment, je vous l'avoue, il m'arrive de rester à la maison, n'ayant pas la motivation de sortir. Ce sont des coups de blues, des moments de faiblesses qu'on ne doit pas négliger, et qu'on doit apprendre à écouter. Mes nuits ne sont plus aussi courtes qu'avant. Je ne vois plus Ha-joon, je ne l'entends plus me parler, même si les souvenirs de mes viols sont gravés à jamais dans ma mémoire. Ils ne me font plus mal. Je n'ai pas honte de le dire. Je n'ai rien fait. Je n'ai rien fait de mal, et j'ai le droit d'avancer sans avoir à regarder derrière moi. Je n'ai pas à culpabiliser que ces souvenirs ne m'atteignent plus comme avant, signifiant ma guérison, qui avait déjà commencé en présence de Jaekyung.

Pour ce qui est de la salle de sport, plus j'y vais et plus j'arrive à accepter mon apparence. Ce qui était déjà le cas les premiers mois, mais à présent je me sens plus en phase avec moi-même. J'ai encore de léger complexe concernant mon ventre et mes hanches, ne perdant pas aussi facilement qu'une personne qui n'a pas de handicap. Cependant, je vois les résultats prendre forme à leur rythme et c'est une nouvelle victoire de plus que j'arrive à atteindre. Chaque soir, mon rituel est de me rendre sur la terrasse et de contempler les étoiles. Je parle à ma mère. Je lui raconte mes journées, comment je me sens aujourd'hui. Parfois je pleure, en pensant à elle. Je lui dis ce que je n'ai pas pu lui dire de son vivant. Je suis certain qu'elle m'écoute et que mes mots la touchent. Je suis certain qu'elle est fière de moi. Je le sens dans mon cœur. Malgré que mon deuil soit difficile, je tiendrai mes promesses. Dans un de mes carnets, j'y ai noté des idées de projets. Je ne sais pas si un jour ils se réaliseront. Pour le moment je me focalise sur mes écrits, sur cette histoire qui prend forme au fil des jours. J'ai d'ailleurs une petite routine qui s'est installée ; je prends mon ordinateur portable et je me rends dans le café le plus proche de mon appartement. Je m'y installe avec une bonne boisson réconfortante, une petite pâtisserie lorsque la faim se fait sentir, et j'écris, sans me prendre la tête, laissant mon cœur parler. Il en a besoin, autant que moi, d'exprimer sa haine, sa tristesse et sa joie à travers ces lignes. Je pense que c'est ça aussi qui m'aide beaucoup à fermer les plaies de mon âme. Ecrire, écrire, écrire. Revivre mes souvenirs, les retranscrire, même si ça fait mal. Même si ça me crève le cœur par moment. Réfléchir. Parce que contrairement à ce que l'on pense, on se donne beaucoup de conseils à nous-même à travers l'écriture.

Une façon de nous parler indirectement, et qui est essentielle pour la guérison. Car c'est ainsi qu'on parvient à guérir nos peines.

Chaque nuit, j'ouvre une lettre écrite par mon amant. Sauf celles que je garde précieusement pour le mois de décembre. Chaque nuit, je tombe un peu plus amoureux de lui et de ses mots, comptant inlassablement les jours qui nous restent avant de nous retrouver. Je n'en suis pas encore arrivé au stade de tracer une barre sur le mur blanc de ma chambre, même si l'idée m'avait déjà traversé l'esprit... Vous avez le droit de me juger, je suis un véritable cliché en matière de romance. La faute aux films et aux livres de Noël. Je suis un éternel rêveur et il n'y a pas de mal à s'abandonner à l'espoir de l'amour avec un grand A, qui est d'ailleurs venu frapper à ma porte sans que je m'y attende.

Un amour qui m'a accepté tel que je suis, avec mes défauts, mes qualités, mes traumatismes et mon handicap. Un amour qui n'a jamais cessé de croire en moi et de me pousser vers le haut, m'aidant à me relever quand il m'arrivait de tomber. Un amour qui prône le consentement et le respect d'autrui. Et qui en prime, est terriblement sexy. Je vous l'avais déjà dit que nous avions accès aux groupes militaires destinés aux familles, sur lequel est posté régulièrement des photos des enrôlés. Comment vous dire qu'à chaque fois qu'ils en postent une, j'ai l'impression que Jaekyung prend de plus en plus en muscles. Ses traits se durcissent, le rendant encore plus mature qu'il ne l'est déjà.

J'aimerai tant pouvoir le serrer dans mes bras.

Mais ces derniers jours, je n'ai pas vraiment le temps d'y penser. Les préparations pour les fêtes de Noël me prennent tout mon esprit. Entre les cadeaux, dont je me suis lâché cette année pour rattraper celles de l'année dernière, les décorations, car oui, un Noël sans décorations, ni sapin, ce n'est pas un vrai Noël, et les préparations du menu pour le soir du réveillon, autant vous dire que Jaekyung dort paisiblement dans un coin de ma tête. D'ailleurs, en plus de mes amis, les parents de Connor et de Gabriel nous rejoignent chez moi. J'ai si hâte de recevoir tout ce petit monde à la maison, pour clôturer cette année et en commencer une nouvelle. Avec de nouveaux projets. De nouveaux objectifs.

Mais surtout, il ne nous restera plus que sept mois avant le jour J.


❃ ❃ ❃ ❃


— Madame Hartmann, quel plaisir de vous revoir ! m'exclamé-je le sourire aux lèvres. J'espère que le voyage n'a pas été trop long !

La mère de Gabriel franchit le seuil de la porte, les bras chargés de sachets contenant divers cadeaux de Noël.

— Joshua, mon garçon ! rétorque-t-elle en posant les affaires près du sapin, avant de venir m'enlacer dans une douce étreinte. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu. Comment tu vas depuis le temps ? Est-ce que la rééducation se passe bien ? Est-ce que tu penses reprendre les études un jour ? Tu arrives à t'en sortir tout seul ici ? Tu sais, si jamais tu as besoin d'aide tu peux compter sur nous !

Je ris légèrement à cette avalanche de questions qui m'empêche de m'exprimer. Monsieur Hartmann secoue la tête en levant les yeux au ciel, un sourire naît sur le coin de ses lèvres.

— Chérie, voyons. Ne l'embête pas avec toutes ces questions. Puis, Gabriel nous donne souvent des nouvelles de lui, et il me semble que Joshua s'en sort parfaitement bien sans notre aide, dit-il en accompagnant ses mots d'un clin d'œil. N'est-ce pas mon garçon ?

— C'est exact, monsieur, réponds-je, mon sourire s'accentuant. Vous pouvez vous installer dans la salle de séjour, Monsieur et Madame Johnson ne vont pas tarder à arriver, avec Gabriel et Connor. Et il y aura aussi Jason et Brice qui seront présents, vous verrez, ils sont très gentils.

— Je n'en doute pas une seconde mon garçon, ajoute madame Hartmann avant de jeter un coup d'œil à la glacière. Oh ! J'allais oublier ! Nous avons ramené des boissons et le dessert. Est-il possible de tout mettre dans le frigo ?

— Bien sûr, venez avec moi.

Je me dirige vers la cuisine en entendant les murmures ébahis des Hartmann. Sur le plan de travail se trouve les apéritifs que j'ai préparés la veille, et sortis quelques minutes du frigo avant l'arrivée des invités, pour ne pas que ce soit trop froid à déguster. Le four tourne, émanant d'une odeur délicieusement agréable. Madame Hartmann pose la glacière sur un coin de libre en me regardant avec étonnement.

— Tu arrives à t'en sortir tout seul, avec une cuisine pareille ? Enfin... je veux dire, ça ne doit pas être évident au quotidien, vu qu'elle n'est pas adaptée à ta situation...

Je souris, comprenant parfaitement ce qu'elle veut dire.

— Je peux me tenir debout si nécessaire, mais pas très longtemps. Sinon ce que je fais, c'est que je m'assois sur une chaise haute au niveau du plan de travail, ou des plaques de cuisson. Je m'adapte comme je peux, expliqué-je en sentant un sentiment de fierté se répandre dans ma poitrine. C'était compliqué au début, mais maintenant je m'en sors très bien tout seul.

— C'est admiratif, commente son époux en ouvrant le frigo pour ranger la bûche de Noël et les boissons. Donc, c'est toi qui a préparé tout le menu de ce soir ?

Je hoche la tête en esquissant un plus large sourire.

— J'espère que vous apprécierez. J'ai...

Je me coupe un instant en repensant à ma mère. Je me racle la gorge en détendant les muscles de mes épaules.

— Ma mère adoré Noel. C'était sa saison préférée. Elle passait son temps dans la cuisine, et parfois je la regardais faire. Je me suis dis, pourquoi pas reproduire ce qu'elle aimait préparé. C'est une manière de lui rendre hommage...

Je sens les larmes monter. Je me mords la lèvre inférieure avant d'expirer un léger souffle tremblant.

— Désolé. J'ai un peu plombé l'ambiance...

Madame Hartmann ne dit rien. Elle se contente de me prendre dans ses bras, dans un silence qui n'est pas dérangeant. Bien au contraire. Monsieur Hartmann se joint à notre étreinte. La chaleur de leurs corps me réchauffent, m'apaisent.

— Ta maman est très fière de toi. J'en suis certaine, Joshua. Et je suis sûr aussi qu'elle est très heureuse que tu aies repris ses recettes pour ce soir. On va se régaler. Mais à partir de maintenant, tu ne fais plus rien, d'accord ?

Nous nous séparons de cette étreinte. Je la regarde en haussant les sourcils de surprise.

— Tu as fait beaucoup de choses cette semaine, ajoute son mari en souriant. Laisse-nous préparer la table, amener les repas, faire la vaisselle. Profite de cette soirée avec nous. Ça te fera du bien de souffler un peu.

Mes yeux me brûlent. Je pense même qu'ils brillent d'émotions, mais j'acquiesce d'un mouvement de tête à ses mots.

— D'accord. Merci beaucoup de vouloir m'aider.

— C'est normal, surenchère Madame Hartmann en se redressant.

— Nous avons un peu de temps devant nous, le temps qu'ils nous rejoignent tous. Est-ce que tu nous ferais visiter un peu les lieux ? Ça à l'air vraiment magnifique.

— Bien sûr, avec plaisir ! Vous allez adorer la vue qu'on a sur la mer !

Une heure plus tard, nous sommes au complet, autour d'une table parfaitement dressée par les Hartmann. Le sapin de Noël est noyé sous une montagne de cadeaux. Comme convenu, je ne bouge pas de la soirée. Tous se sont relayés pour que la soirée se déroule sans encombre, et que chacun puisse profiter du repas que j'ai pris du plaisir à préparer. Nous avons dégusté les petits amuse-bouches le temps de commencer progressivement les hostilités. Ma mère adoré faire des toasts de saumon fumé, avec de la crème de wasabi et un peu de sésame noir, qu'elle accompagné d'amuse-gueule aux crevettes. Évidemment, je m'étais assuré au préalable que personne n'avait d'allergie alimentaire, histoire de ne pas passer le réveillon à l'hôpital... Avec également des amuses-bouches à la mousse de foie gras au cognac. En entrée j'ai fait un velouté de patates douces véganes, histoire de réchauffer les papilles avec ces températures estivales, accompagnée d'une salade de chou rouge-betterave et tofu. Le menu était totalement français, et ça m'a été assez difficile de trouver les ingrédients à l'identique, ou alors totalement hors de prix.

Pour le plat principal c'est un rôti de filet mignon farci, avec des tagliatelles. Puis, un petit assortiment de fromage avant d'attaquer le dessert. Une bûche de Noël aux trois chocolats préparés avec amour par la mère de Gabriel, qui d'ailleurs n'a plus les jambes dans un plâtre. Cependant, il doit encore se déplacer en fauteuil roulant par moment, et marcher aussi le plus possible pour sa rééducation.

Je crois qu'à l'avenir, il ne fera plus jamais de trampoline.

Après avoir bu notre thé, café ou infusion, nous avons décidé de nous promener au bord de la plage. Tous emmitouflés sous nos vestes et écharpes, nous admirons le ciel étoilé. Depuis le premier décembre, je lis chaque jour une lettre écrite par Jaekyung. Des mots d'amour. Des mots réconfortants. Parfois les lettres se ressemblent, et je souris, parce que je sais à quel point c'est difficile d'écrire sans se répéter inlassablement. Mais dans chacune de ces lettres il indique une destination qu'il aimerait visiter à mes côtés. Des projets futurs, qu'il aimerait qu'on réalise ensemble. Il me parle encore de ces maisons qu'il avait visité avant son service militaire, et je comprends que ça lui tient à cœur d'avoir un chez nous adapté à mes besoins. Mais surtout, je ressens son épuisement mental. La vie au sein du campement n'est pas de tout repos, et ça me peine de ne pas pouvoir l'épauler comme j'aimerai pouvoir le faire. Toutefois, il essaie de me rassurer du mieux qu'il le peut, même si la distance commence sérieusement à nous peser l'un sur l'autre. Nos cœurs ont guéri, nos peines se sont dissipées, même s'il nous reste encore du chemin à parcourir, nous avons fait le plus dur, chacun de notre côté. Le reste, nous le surmonterons ensemble.

Pendant que mes amis et leurs parents admirent le paysage enneigé, qu'ils bombardent de photos, je sors de ma poche la dernière lettre qu'il me reste à ouvrir. Il est indiqué sur le dos de l'enveloppe que je dois la lire précisément à vingt-trois heures trente. Quelques minutes avant les douze coups de minuit. D'une main tremblante, à cause du froid, car j'ai oublié mes gants dans l'appartement, je sors le papier plié en deux. Et grâce à la luminosité des lampadaires, je lis sans difficulté sa sublime écriture.

« Bonsoir mon amour, j'espère que tu vas bien ?

Ça y est, nous y sommes. La veille de Noël. Je sais à quel point tu aimes cette fête. A quel point tu adores admirer la neige recouvrir les rues. Ça me manque tu sais, de ne pas pouvoir admirer tes yeux pétiller d'émerveillement, face à la beauté féérique de cette saison. Dans tes précédentes lettres, tu m'as dit que tu avais déjà préparé mes cadeaux d'anniversaires et de Noël, si tu savais comme j'ai envie de tout quitter pour venir te retrouver, là, tout de suite, parce que tu es déjà le plus cadeau que la vie m'est offerte. Je sais que mes mots peuvent parfois être ringards, mais je le pense sincèrement. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivé et je remercierai jamais assez l'univers de t'avoir donné la vie et mis sur mon chemin. Car rien n'est fait au hasard mon amour. Les coïncidences n'existent pas, toi-même tu le sais. On était destiné à se rencontrer. Nos âmes étaient vouées à se retrouver.

Nos matins me manquent. J'aimerai tant pouvoir te serrer à nouveau dans mes bras, t'embrasser et te murmurer des mots doux en même temps que tu te réveilles. Nos journées me manquent. Celles qu'on passait à regarder nos films préférés, à se goinfrer, à s'en rendre malade de cochonneries. A visiter des lieux et contempler ton visage s'émerveiller à chaque destination. Nos nuits me manquent. Me perdre dans tes bras, dans la chaleur de ton corps, enfin... pas celles de tes pieds, c'est une véritable torture, m'enivrer de ton parfum, de toi. Putain tout me manque, mon amour, mais ce n'est plus qu'une question de temps.

Notre décision était la bonne, n'en doute jamais. J'ai pu guérir mon cœur, dissiper mes peines. J'ai pu me recentrer sur moi-même et devenir une meilleure version pour moi. Pour toi. Pour nous. Pour que l'avenir soit meilleur et que je sois à la hauteur de tes attentes. De tes besoins. A travers tes lettres, je sens aussi, que tu as guéri beaucoup de choses. Que tu as réussi à surmonter ce que tu redoutais le plus. Je suis tellement fier de toi, mon amour. Tellement admiratif de ton combat. Tu t'es toujours relevé, même quand tu tombais lourdement, même en te blessant lors de tes chutes, tu n'as jamais cessé de te relever pour remonter à la surface, et ça, putain, comment j'en suis admiratif.

Il le fallait. Il nous fallait cette distance, même si elle commence à devenir écrasante, c'est pour notre bien. Pour mieux nous retrouver. Et mon amour pour toi n'a pas cessé de grandir au fil des jours.

En ce 24 décembre, je te souhaite un merveilleux réveillon de Noël mon ange. Je ne suis pas là pour le fêter avec toi, mais sache que j'ai concocté un cadeau, qui, je suis certain, t'en mettra plein la vue. C'est un peu prétentieux, mais pour toi, je suis prêt à décrocher la Lune pour voir cette joie se dessiner sur tes traits, se bonheur t'illuminer. C'est ce qu'il y a de plus beau. A minuit précisément, ton cadeau te parviendra. Alors regarde le ciel mon amour. Regarde les étoiles comme nous aimons tant le faire ensemble. Comme la première fois où je t'ai emmené en rencard. Regarde toujours en direction de ces astres célestes, je ne serais jamais loin de toi, qu'importe la distance.

Je t'aime, Joshua. Je t'aime tellement. Je ne sais pas si tu en as marre que je te le répète sans cesse dans mes dernières lettres, mais je t'aime, si tu ne l'as pas encore compris.

Attends-moi encore un peu. Je ne serais plus très long, mon amour.

Joyeux Noël mon amour.

Ton militaire super sexy et musclé à souhait t'aime de tout son cœur.

A toi, à nous, à notre avenir. A bientôt ma belle étoile. »

Je pose la lettre sur mes cuisses en ne pouvant m'empêcher de rire, malgré les larmes qui se sont mises à couler le long de mon visage. Je n'ai même pas fait attention que Gabriel m'a rejoint sur son carrosse de fortune.

Il me sourit en jetant un vif coup d'œil à la lettre.

— Roméo t'a encore écrit de jolis mots ?

— De très jolis mots, commenté-je en reniflant. Comme à son habitude. Même s'il dit souvent putain dans ses lettres...

Gabriel éclate de rire en basculant sa tête en arrière.

— C'est bien la seule chose qu'il n'a pas changé durant ces derniers mois.

— Mais je l'aime quand même comme ça, souligné-je en pliant la lettre pour la ranger dans l'enveloppe avant de froncer légèrement les sourcils. Il m'a parlé d'un cadeau de Noel, qui me parviendra à minuit pile.

— Ah bon ? rétorque mon meilleur ami, faisant mine d'être surpris.

Vous savez aussi bien qu'il ne sait pas mentir.

Je fredonne en guise de réponse tout en hochant la tête. Mon regard s'ancre dans le sien et je sens qu'il tente de résister.

— Il ne t'a pas donné d'indice ? déclare-t-il en se raclant la gorge.

— Il m'a dit de regarder le ciel. Comme nous le faisions la nuit tombée, pour admirer les étoiles.

— Quel poète dis donc. Je suis sûr que ce cadeau sera incroyablement beau et pétillant de mille feux.

Il se fige. Je souris, même si j'avais déjà un peu deviné la surprise.

— C'est vous qui avez organisé tout ça, n'est-ce pas ? dis-je en détournant le regard vers les étoiles. Il vous a demandé si vous pouviez le réaliser, et vous avez accepté ?

— Ouais... Merde, je suis désolé, j'ai gâché la surprise et...

— Pas du tout, le coupé-je en souriant. Tu n'as rien gâché, je t'assure. Je ne sais même pas comment ça va se dérouler, alors non, tu n'as rien gâché Gabi.

Je sens sa main se poser sur la mienne. Nos doigts s'entrelacent et mon cœur s'accélère dans ma poitrine. Je ne sais pas combien de temps il reste avant que le gong de minuit retentit. Où est-ce que je dois regarder ? Où est-ce que ça va démarrer ? Mes yeux ne cessent de balayer l'horizon à la recherche du moindre indice, mais l'obscurité est trop dense pour y voir quelque chose. J'entends des pas se rapprocher de nous, des mains se posent sur mes épaules et celles de Gabriel. C'est pour bientôt. Carole dépose un baiser contre ma tempe.

— Tu sais, vous pouvez venir avec nous au Canada si vous le souhaitez.

Je glousse faiblement en tournant la tête vers elle.

— Toi qui adore la neige et les fêtes de Noël, tu serais aux anges, ajoute-t-elle, le regard plein d'espoir.

— C'est très gentil de me le proposer. Mais...

— Vous avez déjà une autre destination en tête ? élucide-t-elle en souriant.

— Ouais... soufflé-je en hochant la tête. Enfin, plutôt moi et je dois en discuter avec lui. Mais, on viendra vous voir au Canada avec grand plaisir, soyez-en sûr.

Elle imite mon geste, son sourire s'agrandit.

— Tu pourras venir autant que tu le voudras, Joshua. Tu fais désormais partie de notre famille. Notre porte te sera toujours ouverte.

Ma gorge se serre d'émotions et je ne parviens pas à répondre. Puis, j'entends quelques reniflements parvenir de ma gauche. Curieux, je tourne le visage vers mon meilleur ami, dont ses parents l'enlacent dans une ferme étreinte. Les larmes coulent, malgré le sourire qui ornent leurs lèvres. Mon cœur rate un battement. Je crois que Gabriel vient de leur annoncer sa décision, et je comprends mieux la demande de Carole. Il va partir. Quand ? Je ne sais pas, on aura le temps d'en discuter, mais ça y est, il va bientôt prendre son envol. Je réalise qu'en très peu de temps, beaucoup de choses se sont déroulées. Qu'on a pris en maturité à cause ou grâce à tous ces évènements.

On a réalisé à quel point la vie est précieuse et mérite d'être savourée chaque instant. C'est difficile à s'en convaincre, surtout quand on traverse des merdes et qu'on ne cesse de sombrer dans les ténèbres. Mais la lumière n'est jamais très loin de nous. Il y a toujours cette main tendue vers nous, qui attend qu'on la prenne pour accepter son aide. Parce qu'être aidé ce n'est pas une honte. Je l'ai appris à mes dépends. Parfois on pense être suffisamment fort pour tout surmonter, mais la réalité finit toujours par nous rattraper au moment où on s'y attend le moins. Consulter un psychologue n'est pas une honte. Accepter nos émotions n'est pas une honte. Pleurer n'est pas une honte. Et putain, qu'est-ce que j'ai pu pleurer durant ces derniers mois, mais qu'est-ce que ça fait du bien aussi, de laisser nos émotions sortir.

Quand je relis le début de mon histoire, je ne vous cache pas que la première fois, j'ai eu un sentiment de honte de m'exposer ainsi face à vous. Puis après, j'ai réalisé que je ne devais pas avoir honte justement, que je me devais de vous montrer par où je suis passé, pour en arriver à ce que je suis devenu, aujourd'hui. Parler de ma tentative de suicide n'a pas été une mince affaire. J'en avais presque envie de m'arracher les yeux en y repensant. Mais encore une fois, nous ne devons pas avoir honte d'avoir des pensées suicidaires. Ce n'est pas une faiblesse contrairement à ce que les gens peuvent dire. Et qu'est-ce qu'on s'en branle de leur avis. Même quand on leur explique les raisons, ils ne comprennent rien. Et nous n'avons pas besoin d'être entouré de personnes qui préfèrent nous rabaisser, plutôt que nous soutenir et de nous aider à nous relever. N'ayez pas honte d'avoir eu envie de mourir, un jour. N'ayez pas honte d'avoir franchi le cap, un jour, et que vous soyez encore parmi nous pour lire ces phrases. Vous savez pourquoi ? Parce qu'on est des putains de survivants. Je me répète encore et encore, mais nous sommes des putains de survivants. Et n'oublions jamais tous ces guerriers et guerrières partis trop tôt.

Leur combat est désormais le nôtre. Les violences conjugales, les viols conjugaux, les violences domestiques sur les enfants ne doivent pas être tabou. Levons la voix. Témoignons, même si certaines personnes remettent notre parole en question, nous sommes les seuls à connaître la vérité. Ne nous laissons plus jamais intimider. Ne nous laissons plus jamais me marcher dessus. Battons-nous. Battons-nous pour ceux qui ne sont plus là. Pour ceux qui souffrent encore autour de nous. Vous n'êtes pas seul, même dans ces eaux troubles vous trouverez toujours un endroit où vous réfugier. Tout comme j'ai trouvé le mien, auprès d'eux.

N'oubliez jamais que lorsqu'on regarde en direction du soleil, l'ombre reste toujours derrière nous. Croyez-moi, la lumière est toujours à portée de main. Et en parlant de lumière, les premières étincelles explosent dans le ciel. C'est un feux d'artifices. Jaekyung a demandé à ce qu'on m'offre un putain de feux d'artifices en guise de cadeaux de Noel. Mon regard s'agrandit de stupéfaction, mes doigts se resserrent autour de la main de Gabriel. Les fusées colorées explosent dans le ciel, diverses teintes, dévoilant des tableaux de plus en plus spectaculaires. Personne ne parle, même les passants se sont arrêtés pour admirer la beauté de ce court spectacle éphémère, me faisant rappeler que nous le sommes tout autant.

— Je vous aime ! prononcé-je d'une vive voix, pour être sûr qu'on m'entende à travers chaque explosion. Je vous aime tous. Merci de faire partie de ma vie. Merci pour tout !

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