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𝟓𝟐. 𝐐𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐥𝐚 𝐯𝐞𝐫𝐢𝐭𝐞 𝐞𝐜𝐥𝐚𝐭𝐞 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐜𝐫𝐢𝐞𝐫 𝐠𝐚𝐫𝐞


— Joshua ? Vous êtes toujours avec moi ?

Égaré dans mes souvenirs, je reprends le contrôle de mes esprits, en percevant le timbre de voix persistant de mon psychologue.

— Je... désolé... Je suis juste un peu fatigué. À vrai dire, je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit.

— Qu'est-ce qui vous a empêché de trouver le sommeil ?

— Beaucoup de choses, réussis-je à articuler en faisant tourner la bague autour de mon doigt. Il y a... trop de pensées qui se bousculent dans ma tête et qui... qui...

En haussant les épaules, je baisse la tête cachant mon visage à l'aide de mes mains.

— Je suis désolé... Excusez-moi, je... je ne pense pas être capable de parler aujourd'hui. C'est... c'est complètement désordonné dans ma tête... C'est un enfer... Je ne sais plus où j'en suis, je n'arrive plus à penser correctement...

— Ne vous excusez pas, Joshua, commente-t-il avec bienveillance. Comme je vous l'ai dit lors de notre dernière séance, c'est à vous de décider quand vous vous sentirez prêt à vous ouvrir. Il n'y a pas d'urgence, nous avons tout notre temps. Chaque visite est un pas de plus vers la victoire. Ne l'oubliez jamais.

Je relève la tête. Il m'adresse un sourire conciliant.

— Si vous le dites...

— Joshua...

— Est-ce que... est-ce que vous pensez que s'éloigner, pour mieux se retrouver, c'est une bonne solution ? le questionné-je, en détournant mon regard sur mes jambes, tremblantes d'anxiété.

Mes mots s'échappent inconsciemment de mes lèvres. Mon cœur ayant pris le dessus sur mes pensées. Il en a assez de souffrir. Il craque.

— Cette question a-t-elle un rapport avec une personne de votre entourage ? me demande-t-il, sans chercher à me brusquer. Ou est-ce que vous vous adressez à vous-même, à travers ce questionnement ?

Avec un brin d'hésitation, j'acquiesce par un hochement de tête.

— Il est... ce que j'ai de plus précieux au monde, et... Non, désolé, je ne peux pas en dire plus, désolé, désolé, je ne peux pas, répété-je à plusieurs reprises, en secouant la tête. Ce n'est pas pour ça que je suis venu ici, il n'a rien à voir avec tout ça...

— Vous en êtes réellement certain ?

— Je ne veux pas que vous pensiez qu'il est la cause de mes problèmes... réponds-je d'une voix étranglée. Au contraire... il est incroyable... mais...

En m'abandonnant à la vision parfaite de mon bien-aimé, je croise une nouvelle fois le regard de mon psychologue. Aucun jugement n'est lisible dans ses prunelles, attentives à mes mots. Silencieux, il attend patiemment que je reprenne la parole. Chose que je fais, en humidifiant mes lèvres, asséchées par le stress, d'un coup de langue furtif.

— En réalité, tout comme moi, mon petit-ami se fait dévorer par ses propres démons. Depuis ma tentative de suicide, et bien avant ça même, il a toujours été là pour moi. Il s'est volontairement oublié, mis de côté, pour s'occuper de moi et répondre à tous mes besoins depuis que je suis sorti du coma... Mais... mais comme on dit, nos démons finissent toujours par nous rattraper, n'est-ce pas ?

Il bouge faiblement la tête pour approuver ma question, tout en me laissant poursuivre sans interruption.

— Si vous saviez comme je l'aime tellement, et je sais qu'il m'aime tout autant, mais on n'y arrive plus, avoué-je en sentant une boule d'anxiété se loger dans ma gorge. On n'arrive plus à s'aider mutuellement, on se tue à petit feu, et je sais qu'on ne s'en sortira jamais si on ne prend pas les distances nécessaires pour guérir et se reconstruire, avant de nous retrouver...

C'est difficile de le redire à voix haute. Comme s'il n'y avait pas d'autres possibilités pour notre couple. Et à vrai dire, il n'y en a pas. C'est la seule option pour nous deux, avant que l'on ne se perde à jamais dans nos souffrances.

— C'est tellement dur à admettre, parce que je l'aime à en crever, reprends-je sans être dans la capacité de retenir mes larmes. Et même moi, je n'arrive plus à faire semblant. Je n'arrive plus à faire croire que ça va vraiment mieux, alors que dans ma tête, ce n'est pas le cas. Je ne peux pas non plus nier le fait que j'aie progressé, du moins, je l'espère, mais ce n'est pas encore ça. Il y a encore tellement de choses sur lesquelles je dois travailler pour aller de l'avant. Et... je n'en peux plus.

Je me retiens de pleurer, en cachant mon visage à l'aide de mes mains. Je secoue la tête, tandis qu'une intense douleur me saisit le cœur.

— Je suis fatigué de lui faire endurer mes souffrances, marmonné-je entre deux sanglots. Mon... mon petit-ami, c'est pire qu'une éponge. Il absorbe tout. Depuis le début de notre rencontre, il ne fait que éponger mes douleurs, mes cauchemars. Depuis le début, il prend tout sur ses épaules, en plus de ses propres démons. Et voilà où on en est...

Je me surprends moi-même à m'être autant ouvert pour cette deuxième session. Mais pour être honnête, cela me fait énormément de bien de mettre en lumière ma situation amoureuse.

Pour la simple et bonne raison qu'elle aura été la conséquence de ce qui va suivre sur notre relation...

— Vous pensez que vous êtes fautif de son état actuel ?

— Dire que je suis cent pour cent fautif de son état serait un mensonge. Mais j'y ai contribué d'une certaine manière sans le vouloir, rétorqué-je en prenant un mouchoir. Je ne veux pas le perdre... J'ai tellement peur de le perdre en prenant cette décision, j'ai tellement peur... Je ne sais plus quoi faire...

Sauver mon couple, c'est ma priorité.

Sauver notre amour, l'est encore plus.

— Joshua, écoutez-moi.

J'entends la chaise grincer sur le parquet, ainsi que des mains se poser sur mes genoux pour attirer mon attention.

— La réponse, vous venez de la dire et elle est juste sous vos yeux, me dit-il en ancrant son regard dans le mien. Prendre de la distance n'est pas quelque chose de négatif, bien au contraire. Qui plus est, vous ne pensez pas seulement à vous dans cette décision, mais à votre compagnon aussi. Vous pensez à lui, à ses besoins, et à votre amour. Prendre de la distance ne veut pas dire que vous allez vous séparer. Ça ne veut pas non plus dire que vous ne vous contacterez pas, d'où vous serez.

En écoutant ses mots, je hoche la tête, tandis qu'un sentiment d'apaisement se propage dans ma poitrine.

— Vous m'avez demandé si c'était une bonne solution, et je vais vous répondre en toute franchise ; selon mon avis, il n'y a pas meilleure solution que de s'égarer pour mieux se retrouver. Il est impératif, pour vous, tout comme votre conjoint, de finaliser ce puzzle, de mettre en place les dernières pièces qui vont vous permettre d'avancer, et notamment de vous consacrer sur vos principaux tourments pour lesquels vous avez décidé de venir me voir, Joshua.

D'un souffle tremblant, je réponds :

— On doit se perdre pour ensuite se retrouver... C'est horrible à dire, même si au fond de moi je sais que c'est la seule solution...

— Vous lui en aviez déjà parlé ?

A nouveau, je meus la tête en me mordillant la lèvre inférieure.

— Je l'ai brisé... En lui disant ça, je lui ai fait du mal, et... et il est parti pendant que je dormais.

— Parti ? C'est-à-dire ? Il n'est pas revenu ?

— Non, non ! Il ne m'a pas abandonné ! réfuté-je subitement, en réalisant la mésinterprétation de mes propos. Il... il est juste sorti toute la nuit, et le lendemain matin, il était à nouveau là dans mes bras, mais...

— Ivre ?

Mal à l'aise, je détourne le regard en joignant mes mains entre elles contre mon ventre.

— Veuillez m'excuser, mais je... je ne veux pas en dire plus à son sujet. Je... j'en ai assez dit, et j'ai eu les réponses aux questions que je me posais, et je vous remercie de m'y avoir aidé, commenté-je d'une voix aussi basse qu'un murmure.

— Ne vous excusez pas. Vous êtes dans votre droit d'arrêter quand vous voulez l'une de nos séances, réplique-t-il en se redressant sur son fauteuil.

Par la même occasion, je le vois se saisir de son carnet, dans lequel il gribouille quelques mots qui me font soudainement paniquer.

— Vous... vous n'allez pas écrire que mon petit-ami boit ? Si ? tremblé-je en le zieutant d'un regard anxieux.

Il sourit en déposant son calepin sur la petite table basse.

— Je vous assure qu'aucune information concernant votre conjoint ne sortira de ces murs, et seront encore moins écrites dans mes rapports. Ces notes vous concernent uniquement vous, et plus précisément le progrès que vous avez fait en une semaine, depuis notre dernière rencontre.

Soulagé par ses propos, j'expire tout le souffle que j'ai maintenu dans mes poumons durant ces quelques secondes d'accalmie.

— Notre séance est donc terminée, Joshua. Nous nous reverrons la semaine prochaine, si vous êtes toujours d'accord avec ce planning ?

— Bien sûr ! Comptez sur moi !

En guise de retour, il glousse légèrement en se levant de son fauteuil pour se diriger vers la porte de son bureau.

— En attendant, prenez soin de vous. Et continuez à pratiquer les exercices que je vous ai donnés à faire, la fois précédente.

— Je vais m'y remettre plus sérieusement, m'exclamé-je en faisant tourner les roues de mon fauteuil jusqu'à lui. Encore une fois, merci de m'avoir écouté...

— Je suis là pour ça, me dit-il en m'accordant un plus large sourire. Je vous dis à bientôt.

Il ouvre la porte, et je vois Gabriel se lever brusquement de sa chaise dans la salle d'attente. Il s'approche de moi d'un pas rapide avec une expression anxieuse placardée sur son visage.

— Mon ange, comment s'est passée ta séance ? m'interroge-t-il, lorsque le psychologue ferme la porte derrière nous. Tu vas bien ? Ça a été ?

Il enchaîne les questions sans me laisser la possibilité de m'exprimer.

— Tu as les yeux rouges... Tu...

— Gabriel, le coupé-je en attrapant ses mains dans les miennes. Tout va bien. Oui, j'ai pleuré, mais ça m'a fait du bien. Et cette séance a été — je pense ? — bénéfique pour moi. Alors, tu n'as pas à t'inquiéter... d'accord ?

Il se contente de hocher la tête, malgré le pincement de ses lèvres que je connais plus que trop bien quand il n'est pas convaincu de quelque chose.

— OK. Je ne vais pas insister comme j'aurais pu le faire avant, puisque maintenant tu es suivi par un professionnel, et je suis très fier de toi d'avoir pris cette décision, rétorque-t-il en resserrant son emprise autour de mes mains.

Nous nous regardons silencieusement dans le blanc des yeux. J'entends le mécanisme de l'horloge murale résonner dans la salle d'attente, au rythme des battements de mon cœur. Jusqu'à ce que ces derniers deviennent irréguliers. Je sais. Il sait ce qui m'attend à présent ; le rendez-vous avec le médecin de MPR (autrement dit : médecine physique et de réadaptation). Il est important pour moi de savoir où j'en suis aujourd'hui, après ces quatre mois de rééducations, dont certaines que j'ai mis de côté suite à la mort de ma mère. Est-ce qu'il est désormais trop tard ? Ou est-ce que j'ai encore une chance de retrouver mes capacités motrices, comme avant ?

Ce verdict va bouleverser le restant de mes jours.


❃ ❃ ❃ ❃


— Ce que nous allons faire en premier temps, en attendant les résultats de vos examens, c'est de vérifier la dextérité de vos mouvements. Je vais donc vous demander de lever les bras, puis de les baisser. Ensuite, vous ferez quelques mouvements de rotations pour que je puisse voir si vous avez bien récupéré au niveau du haut du corps. Et pour terminer cette première étape, me dit-il en attrapant deux balles de couleur rose. Vous allez serrer ces petites boules dans le creux de vos mains, en y mettant toute votre force.

Assis sur ce qui me semblait être une table d'auscultation, mes jambes pendent dans le vide, et je peine désespérément à rester concentré sur les indications données par le médecin. Faire passer l'examen de mes jambes en dernière étape n'est pas ce que j'avais prévu en arrivant dans cette salle de rééducation. Après tout, je n'ai pas mon mot à dire dans sa manière de procéder.

— Mr. Kim, est-ce que vous m'écoutez ? intervient le médecin, sans pour autant être malveillant dans son interrogation.

Me sentant soudainement mal à l'aise de cet écart d'inattention, c'est Gabriel, se levant de son fauteuil, qui prend la parole à ma place.

— Excusez-le, il n'a pas beaucoup dormi cette nuit. Et... en toute honnêteté, avant de venir vous voir, il était assez stressé.

Le médecin lui adresse un sourire complaisant.

— Je comprends tout à fait. J'imagine que notre rendez-vous est très important pour vous, conclut-il en se tournant vers moi, avant de prendre place sur l'un des tabourets.

Il se trouve face à mes jambes, et mon cœur s'arrête de battre le temps d'une fraction de secondes.

— Je sais, par ailleurs, que cet examen est censé être concentré sur la motricité de vos jambes, mais laissez-moi juste vous expliquer quelque chose, Mr. Kim, ajoute-t-il en croisant ses bras contre son torse. Vous avez été mon patient dès votre admission en soins intensifs. Je me suis occupé de solliciter vos articulations, ainsi que vos muscles durant le temps de votre coma, pour qu'à votre réveil, vous n'ayez pas tous vos muscles atrophiés et que vous ne soyez pas « en quelque sorte » paralysé.

En entendant le mot paralysé, je me fige instantanément, telle une statue de pierre, mon cœur cessant de battre une seconde fois.

— Il est donc de mon devoir, en tant que praticien, d'examiner consciencieusement mon patient, et de m'assurer qu'il n'y ait pas d'autres défaillances motrices au niveau du haut de votre corps. Est-ce que vous comprenez bien tout cela ?

Intimidé, je hoche la tête en me mordillant la lèvre inférieure.

— Oui... J'ai bien compris, et je vous prie de m'excuser, murmuré-je en étant incapable de contrôler les tremblements de mon corps. J'ai peur... J'ai juste tellement peur de ce que vous allez dire en regardant les résultats. Je suis terrifié.

C'est dommage que nous ne possédons pas de machine à remonter le temps. Qu'on ne soit pas en mesure de pouvoir se déplacer à travers nos souvenirs. Pourtant, j'aurais aimé avoir cette machine en ma possession, et revenir à ce jour où j'étais terrorisé dans la salle d'examens. J'aurais aimé avoir la possibilité de m'asseoir à côté de mon moi du passé, et de lui murmurer que le futur n'est pas aussi noir qu'il ne l'imaginait.

De lui dire à quel point ma vie est magnifique, sans mes jambes.

— C'est normal que vous soyez terrifié, Mr. Kim. Mais qu'importe la réponse. Si vous êtes ici, c'est ce qu'au fond de vous, vous voulez le savoir, n'est-ce pas ?

Exact. Qu'importe la réponse, qu'importe le résultat de cet examen, j'ai besoin de savoir où j'en suis dans cette situation, même si elle me rend malade, au point de sentir mes entrailles se contracter dans mon ventre.

— Joshua ? Hé, mon cœur, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu ne te sens pas bien ? s'enquiert-il, en me voyant me plier en deux, les bras comprimés contre mon abdomen.

Sa main se glisse sur mon front, couvert de sueur.

— Mais ! Tu as de la fièvre ! Tu es aussi brûlant qu'un radiateur !

— Vous voulez vous allonger ? Vous vous sentirez peut-être mieux dans cette position, propose le médecin, en tentant de m'aider à me redresser.

Toutefois, la douleur est si intense et brutale, que le moindre mouvement me fait gémir d'affliction. Je ne comprends pas ce qui était en train de m'arriver. Pourquoi mon estomac me fait aussi mal. La réponse est plus qu'évidente ; mon corps. Il est fatigué, épuisé d'être torturé par mon esprit. Mon corps en a assez, il sature, lui aussi. Trop de questionnements, trop d'émotions et de changements d'humeur. Trop de trop. Il vient enfin de me dire STOP.

Ça suffit.

— Joshua...

— Je ne me sens... pas bien du tout, tenté-je d'articuler, en me redressant comme je le pouvais, malgré la douleur indescriptible de mes entrailles. Je crois... que j'ai envie de...

Je ne peux pas terminer ma phrase. Gabriel bondit de sa chaise pour se précipiter vers la poubelle située à côté du bureau. Le timing est tellement parfait, qu'au moment où il place le récipient sous mon nez, mes intestins se contractèrent une nouvelle fois. La tête plongée dans la poubelle, les bras enroulés autour de cette dernière, je me vide de tout ce que mon estomac a stocké depuis mon réveil. Il ne veut rien garder, et me le fait parfaitement savoir en ne me laissant aucune chance de reprendre ma respiration.

— Ça va, mon chat... C'est fini, commente-t-il, tandis que le médecin prend la poubelle des mains pour aller la nettoyer. Regarde-moi, je vais te débarbouiller.

Mon visage baigne sous mes larmes, ainsi que ma morve mélangée à ma bave et à mon vomi. Je sens un mouchoir humide me caresser délicatement l'épiderme. Il est doux dans sa gestuelle, et prend soin de ne pas me faire mal. Entre-temps, mes paupières se ferment, sentant mon cœur battre lourdement contre ma poitrine, submergé par un état de fatigue inévitable.

— Allonge-toi, m'ordonne mon meilleur ami, en m'aidant à prendre position sur la table d'auscultation. Qu'est-ce qui t'est arrivé, tout d'un coup ? Tu savais que tu avais de la fièvre ?

En toute honnêteté, je n'en savais rien. Ce n'est pas la première fois, que je ne prête pas attention aux signaux d'alarme que pouvait m'envoyer mon corps à mon égard. Et si j'ai un conseil à vous donner, écoutez ce que votre corps vous dit, avant qu'il ne soit trop tard. Prenez soin de vous, c'est le plus important, car vous êtes les seuls à pouvoir le faire.

Je secoue faiblement la tête en posant mes mains sur mon ventre.

— Je crois que mon corps ne veut plus rien savoir... Il est autant fatigué que moi, lui réponds-je en détournant mon regard vers le plafond. Est-ce qu'on peut rentrer directement à la maison, après l'examen ?

— Bien sûr ! De toute façon, il est hors de question que je te traîne quelque part, vu ton état.

— Il devrait manger quelque chose, avant de rentrer chez lui, réplique la voix du médecin, un dossier coincé sous son bras. Sinon, il risque de faire un malaise vagal. D'ailleurs, j'ai ramené un verre d'eau avec du sucre dedans, ça lui fera du bien.

Même avec toute la détermination du monde, je ne parviens pas à me redresser pour pouvoir croiser son regard. Le moindre mouvement me donne le tournis, et je n'ai aucune envie de me remettre à vomir mes tripes dans cette pièce infernale.

— Comment vous sentez-vous, Mr Kim ?

Il s'approche de moi, une expression d'inquiétude se lisant sur son visage.

— Epuisé...

— On devrait reporter ce rendez-vous à un autre jour. Je ne pourrai pas vous examiner dans cet état. Vous avez besoin de repos.

— Non ! Non, s'il vous plaît ! Juste mes jambes, s'il vous plaît ! Examinez juste mes jambes..., le supplié-je au bord des larmes. S'il vous plaît... Je ne pourrai pas attendre une semaine de plus...

Pris par dépit — ou au dépourvu de mes sentiments —, il accède à ma demande par un mouvement de tête en posant le dossier sur son bureau.

— Très bien. Mais si jamais vous ne vous sentez pas bien, vous me le dîtes, argumente-t-il en déviant son regard vers mes jambes. Pour que je puisse vous ausculter convenablement, il faudrait que vous retiriez votre pantalon, si vous me le permettez.

Cette demande est aussi soudaine que effrayante pour moi. Dans tous les cas, je n'ai aucunement eu le besoin de parler pour que Gabriel remarque ma gêne.

— Excusez-moi, mais est-il vraiment obligé de retirer son pantalon ? Il n'est pas...

— Non, c'est bon, me surprends-je à répondre en prenant mon courage à deux mains. S'il me le demande, c'est qu'il y a une raison, n'est-ce pas ?

— Bien évidemment, Mr. Kim, commente le médecin. Si je ne peux pas avoir un toucher de vos muscles, et encore moins avoir un visuel sur vos jambes, je ne pourrai pas vous examiner correctement.

Il sait ce qu'il fait, Joshua, me dis-je à moi-même. Il ne te jugera pas. Il ne te jugera pas. Et si tu veux avoir une réponse, tu n'as pas le choix. Prends sur toi !

— D'accord, expiré-je d'une voix mi-étranglée, mi-tremblante.

Avec l'aide de mon meilleur ami, je retire mon pantalon, qu'il vient plier soigneusement en deux, avant de le poser sur mes hanches pour cacher mon boxer, et plus précisément la forme de mon intimité.

— C'est très bien, Mr. Kim, m'encourage le médecin.

Il me demande mon approbation avant de poser ses mains sur l'une de mes jambes. Au contact de la froideur de ses mains sur mon épiderme, je ne contrôle pas la réaction physique de mon corps, ainsi que la vague de frissons remontant le long de mon épine dorsale.

— Ce qui est rassurant en premier lieu, c'est la liaison de vos nerfs à votre cerveau. Vous n'avez pas perdu la sensibilité après tout ce temps, et c'est très important pour la rééducation, explique-t-il en dirigeant ses mains jusqu'aux muscles de ma jambe.

Je me redresse en prenant appuis sur mes coudes, pour pouvoir regarder la manière dont il procède pour examiner de façon minutieuse mes jambes, qui sont encore, sans vous mentir, maigres en musculature.

— Il y a plusieurs choses à relever sur l'état de vos muscles actuels, finit-il par dire en massant ma cuisse. Pour que vous puissiez mieux comprendre ce que je vais vous annoncer, je vais d'abord vous expliquer la différence entre une personne qui est active, et une personne inactive.

Il y a une mauvaise nouvelle. Il y a une mauvaise nouvelle, me répété-je, en essayant malgré tout d'être attentif aux explications du médecin. Je le savais, j'en étais sûr. Je le savais...

— En temps normal, une personne dite « active » possède une corpulence physique harmonieuse au niveau de l'ensemble de sa musculature. Marcher, monter les escaliers, ou même porter des charges plutôt lourdes font partie des activités qui favorisent le renforcement musculaire, et donc un développement harmonieux de l'aspect physique de la personne.

Jaekyung.

— Qui est le contraire d'une personne dite « inactive ». Il y a plusieurs sortes d'inactivité, et nous allons prendre votre cas en exemple, pour que vous puissiez mieux vous identifier à mes propos, précise-t-il en pliant délicatement ma jambe, tout en se concentrant sur les sensations des muscles fessiers. Les personnes qui se trouvent en mobilité réduite, suite à un accident, une opération, ou un handicap, ne développent pas une musculature harmonieuse. En général, ces personnes vont avoir un haut du corps dit « normal », ou en « forme », puisqu'elles vont favoriser les muscles de leurs bras, du dos et des épaules pour faire les tâches quotidiennes. Cependant...

Allez droit au but... S'il vous plaît...

— Les muscles de leurs jambes qui restent peu ou constamment en inactivité, va provoquer un déséquilibre au niveau de l'aspect physique, mais aussi au niveau musculaire. Évidemment, quand c'est sur un court terme, ce type de personnes peuvent rapidement muscler leur corps en se mettant à nouveau à marcher, à courir, etcetera... Malheureusement, quand cela traîne sur une plus longue durée, ou en situation de handicap à vie, il y a ce qu'on appelle l'atrophie musculaire.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Gabriel avec curiosité.

— Une atrophie musculaire, c'est le résultat d'une perte et d'une diminution du volume d'un muscle. Dans le cas de Mr. Kim, on va plus précisément parler des striés squelettiques qui sont responsables de nos mouvements au quotidien dans nos déplacements.

— Et est-ce que c'est grave ? Est-ce qu'il y a un traitement, ou quelque chose à faire pour faire disparaître une atrophie ? surenchère-t-il, comme s'il pouvait lire dans mes pensées.

Le médecin pose ma jambe sur la table d'auscultation, en se redressant pour lui faire face.

— Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a plusieurs stades d'atrophie musculaire ; légère, modérée et sévère.

— Soyez franc, s'il vous plaît, s'impatiente-t-il, tandis que je me décompose sur la table.

— Mr. Kim...

— Joshua. Appelez-le Joshua, si cela ne vous dérange pas.

Le docteur hoche la tête, en se dirigeant vers son bureau pour prendre un classeur, avant de revenir à nos côtés.

— Son atrophie musculaire est localisée au sein des muscles qui composent la globalité de nos jambes. On parle donc des adducteurs, des deltoïdes qui sont situés au niveau des fessiers, les quadriceps, ainsi que les ischio-jambiers et les muscles des mollets qui supportent tous le poids de notre corps au quotidien.

— Mais encore ? commente Gabriel d'une voix faiblement irritée. Je suis désolé de vous interrompre encore une fois, sincèrement. Je respecte votre métier et votre professionnalisme, mais Joshua a besoin de réponses claires et précises. Il a besoin de savoir ce qu'il a, et si c'est possible d'être soigné ou non. On a compris qu'il est atteint d'atrophie musculaire, et que c'est localisé sur l'ensemble des muscles de ses jambes. Mais vous avez parlé de plusieurs stades ; légère, modérée et sévère. Où en est la sienne ? Quelles sont les conséquences de son atrophie ?

— Joshua a une atrophie musculaire dite modérée. On constate qu'il y a de la rééducation, mais qui n'est pas encore suffisante pour qu'il puisse marcher de longues distances sans avoir besoin de son fauteuil, s'exclame le médecin en montrant différentes photos de muscles atrophiés, en comparaison avec un muscle sain. L'atrophie va donc s'accompagner d'une faiblesse musculaire, d'une maladresse, voire de chutes qui peuvent être dangereuses pour la personne atteinte de cette pathologie.

J'avale difficilement ma salive avant de secouer la tête. Ces derniers temps, je dois vous avouer que je ne fais plus beaucoup de rééducations chez moi. Je passe mes journées allongé sur le canapé, vide de toutes motivations. Est-ce de ma faute ? Si mon état ne s'améliore pas ?

— Y a-t-il un traitement ? rétorque mon meilleur ami, en glissant l'une de ses mains dans mes cheveux pour les caresser. Et si ça ne fonctionne pas, est-ce que son atrophie peut s'aggraver ?

— De base, le seul traitement, c'est la rééducation. Et il faut qu'elle soit régulière et assidue pour avoir un effet bénéfique, répond le médecin en fermant son classeur. Ensuite, oui. Une atrophie modérée peut se dégrader en atrophie sévère, s'il n'y a plus de rééducation. Mais, au vu des résultats de l'IRM et des radiographies qu'il vient d'effectuer, le problème ne vient pas du manque de rééducation.

— Qu'est-ce qu'il a ? questionne Gabriel.

— La région lombaire est l'endroit où se termine la moelle épinière. Les racines nerveuses provenant de cette moelle épinière se situent dans la colonne vertébrale et contrôlent les jambes. Malheureusement, les résultats sont unanimes, dit-il en ouvrant le dossier. Joshua a des séquelles neurologiques, liées à sa tentative de suicide, elles sont donc irréversibles.

La chute est brutale. J'ai l'impression de tomber une nouvelle fois dans le vide.

— Nous ne pouvions pas poser un diagnostic après son réveil. Il fallait attendre le début de la rééducation pour constater les premiers symptômes de ces séquelles. Je suis sincèrement désolé, Joshua.

Je ne réponds rien. Mon esprit a coupé toute communication. Je me renferme sur moi-même, me plongeant dans une bulle pour m'isoler.

Séquelles neurologiques. Irréversibles. Il faut que tu fasses des idées, Joshua, tu ne pourras plus jamais marcher comme avant. C'est terminé.


❃ ❃ ❃ ❃


Joshua : Coucou mon amour, est-ce que tu as le temps de manger un petit truc avec nous, ce midi ? On est passé au Koriko Café. Je t'ai pris quelque chose au cas où tu aurais le temps.

Après être sorti de l'hôpital, j'ai demandé une dernière faveur à mon meilleur ami. Celle de nous arrêter à ce petit café, pour prendre quelque chose à boire et à manger, sinon j'allais tomber dans les pommes. Un peu de sucré ne me ferait pas de mal ! Surtout après cette nouvelle que je n'arrive toujours pas à digérer. Je n'ai pas eu de mal à choisir ma commande, contrairement à Gabriel, qui, durant de longues minutes à hésiter entre plusieurs pâtisseries et boissons, avant de se décider à prendre toute la carte pour essayer. Et au cas où Connor se joindra à lui.

Une fois rentrés à la maison, plus précisément chez moi, nous nous sommes directement installés sur le canapé, les gargouillis de nos estomac parlant à nos places, pendant que nous déballions nos achats.

— Je crois que je me suis un peu emporté... dit Gabriel en disposant les diverses boissons et pâtisseries sur la table basse.

— Pour ne pas changer, répliqué-je en arquant un sourcil.

— Roh tais-toi, roucoule-t-il en secouant la tête d'amusement. Puis, je n'ai pas pris que pour moi !

— Oui, bien sûr, ce n'est pas juste « que » pour toi, le taquiné-je, en l'entendant marmonner quelque chose d'inaudible dans sa barbe inexistante

Je souris en reportant mon attention sur mon cellulaire pour vérifier si Jaekyung m'a répondu. La réponse est non. Pas encore. Et pour patienter, tout en piochant un peu de chantilly de mon chocolat chuad à l'aide ma cuillère, je navigue sur Instagram, en faisant défiler mon fil d'actualité pour voir les derniers posts publiés par mes amis ; Jason a récemment posté une photo de lui, prise face au miroir, la chemise entrouverte, les cheveux en pagaille, avec pour description : Il n'y aurait pas une jolie fille pour m'aider à prendre ma douche ? ;)

Le beauf originel.

Brice, lui, est allé à la pêche avec son père et son oncle venus le voir en vacances. Il a posté quelques photos de leurs jolies prises, avec en description : Il y a plus de thons en ville que dans la mer lol. Puis, tandis que je réprimande un gloussement face à leurs idioties, je continue de faire défiler les photos, tombant sur celles de Connor, postant les nouveautés reçues dans le magasin de musique pour lequel il travaille déjà depuis quelques mois. Jusqu'à ce qu'un selfie n'attire mon attention ;

Jessica et moi, nous nous sommes suivis mutuellement sur les réseaux sociaux, après notre rencontre — dite quelque peu atypique, à la salle de boxe. On échange de temps en temps quelques messages, mais aussi via des réponses aux stories, auxquelles on interagit régulièrement. La journée, là où je suis le plus souvent seul à la maison, j'ai pris l'habitude de discuter avec elle, et d'en apprendre davantage à son sujet. Je me suis vite rendu compte que nous partageons des passions communes, notamment pour la littérature, mais aussi pour les voyages et la nature. Elle aime la musique classique, le jazz, le blues, tout comme elle écoute du rock, et danse sur des musiques françaises en boîte de nuit.

Son profil est l'un des plus soignés, car toutes les photos sont mises sous le même filtre pour que ce soit harmonieux. Quelques selfies par-ci, par-là. Quelques photos de nourriture et de sa routine sportive. Mais aussi quelques prises de ses heures littéraires dans les parcs, de son petit chien, et de ses amis. En parlant d'ami, il y a ce selfie qu'elle vient tout juste de poster, où elle est accompagnée d'une autre personne que je ne connais pas, avant de voir qu'elle avait tagué cette personne, et mis en description : Avec l'amour de ma vie ! ❤ @Hyejin_lifestyle.

— C'est Hye-jin ? m'exclamé-je à voix haute.

— Montre ! me demande Gabriel en se penchant pour mieux voir la photo. Ah oui, c'est bien elle. Tu la connais ?

Je secoue la tête.

— Non, je ne l'ai encore jamais vue en vrai. Mais j'ai déjà entendu Jaekyung parler d'elle.

Il plisse les sourcils, intrigué.

— Pourquoi il t'a parlé d'elle ? me questionne-t-il, en même temps qu'il croque dans son beignet à la pâte de haricots rouges. Désolé mon chat, je mets plein de miettes sur ton tapis.

— Ce n'est pas grave, Jaekyung a acheté un aspirateur robot, on le passera après, rétorqué-je en piochant une nouvelle fois un peu de chantilly. Du coup, il m'a parlé d'elle quand il est rentré de sa soirée. Tu sais, le soir où j'ai dormi chez toi. Je lui ai demandé où il était exactement, parce qu'il est rentré complètement bourré.

— Et du coup ? Qu'est-ce que Hye-jin vient faire là-dedans ? dit-il avec cet air toujours déconcerté, en reprenant une bouchée de son beignet.

Étrangement, au vu de son expression, j'ai comme la sensation que quelque chose ne va pas dans mon récit. Mais peut-être que je me fais des films...

— Il m'a répondu qu'il était allé à la crémaillère qu'elle a organisée, lui expliqué-je en prenant la boisson dans ma main pour boire quelques gorgées.

Cependant, le silence suivant ma réponse est beaucoup trop intense et écrasant à mon goût, ne me présageant rien de bon, si jamais je croise le regard de mon meilleur ami.

— C'est ce qu'il t'a dit ? finit-il par répondre, d'une voix torturée par la colère.

Il ne t'a pas menti, non. Jaekyung ne t'a pas menti, tenté-je de me convaincre dans mes pensées. Il a toujours été honnête avec toi, toujours... Il ne te mentirait jamais... jamais...

— Joshua ? C'est ce qu'il t'a dit ? insiste Gabriel en voyant qu'il n'obtient aucune réponse de ma part. Putain... Je suis désolé de te dire ça mon cœur, mais...

Non. Ne dis rien.

— Je n'arrive pas à croire qu'il t'ait dit ça ! Putain !

Ne dis rien. S'il te plait.

— Je vais le buter ! Je te jure que je vais le buter !

Je ne pourrai pas...

— Je suis désolé de m'être emporté, mais... Hye-jin n'a jamais fait de crémaillère récemment. Elle vit chez son petit-ami depuis plus de cinq ans déjà... Je... Je suis désolé...

... l'encaisser...

Mon monde s'effondre une nouvelle fois autour de moi, à mesure que je prends conscience que tout ceci n'est qu'un piètre mensonge inventé de toute pièce par mon petit-ami, que ces dernières semaines, ces dernières sorties nocturnes ne sont certainement qu'une infime partie de son mensonge.

Soudain, une notification de mon téléphone retient mon attention.

Pourquoi ? Pourquoi m'as-tu menti ?

D'une main tremblante, je parviens à lire ce qui est écrit, par-dessus les perles d'eau qui coulent le long de mes joues ;

Mon amour : Hey mon ange, tout s'est bien passé à l'hôpital ? Ce sera avec plaisir de déjeuner avec toi et Gabriel. Je serais là bientôt ! Je t'aime bébé, à tout de suite !

Pourquoi ton je t'aime me fait soudainement si mal au cœur ?


❃ ❃ ❃ ❃


Gabriel a préféré s'éclipser pour nous permettre de discuter en toute tranquillité. Seul le silence et la solitude m'accompagnent désormais dans cette douloureuse attente. Assis sur le canapé, le regard rivé sur nos chocolats chauds, plus très chauds maintenant, et les pâtisseries je t'attends. Et il n'y a rien de plus angoissant que d'attendre sans savoir comment engager une discussion. Sans savoir comment déterrer la vérité, après avoir découvert la naissance d'un mensonge. Depuis combien de temps me ment-il ? Depuis combien de temps mon homme me cache, derrière ses mensonges, ce secret ? Quel secret ? De quoi s'agit-il pour qu'il ne veuille pas m'en parler ? Pourquoi ? Pourquoi me mentir, alors qu'on s'est toujours promis de tout se dire ? De s'aider, de s'aimer, quoiqu'il arrive.

Alors, pourquoi ?

— Pourquoi ? murmuré-je à moi-même, d'une voix fébrile. Où est-ce que tu étais ? Où est-ce que tu vas tous les soirs ? Où...

Le fracas assourdissant d'une porte claquée retentit dans le hall d'entrée.

— Je suis rentré ! s'exclame Jaekyung, accompagné du bruit de ses pas se dirigeant dans le salon.

Déjà ? Maintenant ? Qu'est-ce que je dois faire ?  paniqué-je intérieurement en l'entendant se rapprocher de moi, sans réaliser qu'une trentaine de minutes se sont écoulées depuis mon arrivée. Qu'est-ce que je dois dire ? Qu'est-ce que je dois faire ?

— Hey mon amour, tu ne m'as pas entendu ? ajoute-t-il en s'accroupissant devant moi, un genou posé au sol, et ce fameux bouquet de roses dans les mains. Tu es pensif ? Et Gabriel n'est pas là ? Tu es tout seul ?

Je t'aime. Je t'aime tellement. Pourquoi ? pensé-je, le visage toujours enfoui sous mes mains tremblantes de peur. Comment pourrais-je te regarder dans les yeux et te parler comme si de rien n'était ?

— Bébé ? Tu m'inquiètes, qu'est-ce qui se passe ? m'interroge-t-il sur une intonation de voix anxieuse. C'est par rapport à l'hôpital ? Qu'est-ce que le médecin t'a dit ? Bébé ? Regarde-moi, s'il te plaît.

Je ne peux pas te regarder...

— Mon ange, regarde-moi, s'il te plaît, réitère-t-il en glissant son index sous mon menton pour relever mon visage vers le sien, sans pour autant retirer mes mains de ce dernier. Joshua... baisse tes mains... Parle-moi...

Ne m'y oblige pas. Je t'en prie...

— Hé... Je suis là, mon amour. C'est fini, je suis là.

Entre mes doigts, je le vois poser le bouquet de roses sur la table basse, avant de percevoir ses mains me caresser les jambes, remontant jusqu'à ma taille. Je frissonne sous son toucher, sous la douceur de ses mains que j'aime tant, mais qui désormais, me brûlent intérieurement d'une douleur que je suis incapable de dissiper. Elles viennent se poser sur mes avant-bras, sans pour autant y exercer une pression pour que je les baisse.

J'ai peur. J'ai si peur. Parce que je sais que dès que nos regards se croiseront, tout prendra fin.

— Mon amour... Qu'est-ce qui se passe ? J'ai besoin de savoir ce qui ne va pas... me murmure-t-il en venant écraser ses lèvres sur mon front. Il y a quelque chose qui ne va pas avec tes jambes ? C'est grave ? S'il te plaît, réponds-moi bébé.

Il insiste en faisant glisser ses mains jusqu'aux miennes.

— En plus, je crois que tu as de la fièvre. Tu as besoin de...

— Où est-ce que tu étais ?

Ce n'est pas moi qui parle, mais mon cœur qui n'en peut plus que je le réduise au silence.

— Quoi ? souffle-t-il avec étonnement. De quoi parles-tu, bébé ? Tu sais très bien que j'étais avec Connor toute la matinée. Qu'est-ce...

Je retire progressivement mes mains de mon visage, dévoilant une expression à la fois douce et meurtrie. Je l'aime. J'aime mon homme au point de refouler toute la colère que je peux contenir à son égard. Je ne veux pas le détester. Je ne veux pas me mettre en colère contre lui pour m'avoir menti. Je ne veux pas qu'on se brise plus que l'on ne l'est déjà. Je veux simplement savoir pourquoi. Alors, tandis que tout mon corps tremble, que mes larmes ne cessent de couler, je me surprends à esquisser un sourire triste, tout en répétant ma question ;

— Où est-ce que tu étais, chéri ? ma voix s'est étranglée, lorsque mon regard s'ancre dans le sien. La nuit où j'ai dormi chez Gabriel, où est-ce que tu étais ?

Ses yeux s'agrandissent, et mon cœur s'effondre une seconde fois.

— Joshua...

— Je... sais, que tu n'es pas allé chez Hye-jin, commenté-je tristement. Je sais aussi qu'elle n'a jamais déménagé, ni qu'elle n'ait fait de crémaillère dernièrement. Alors, où est-ce que tu étais, cette nuit-là ? Où est-ce que tu vas, tous les soirs, depuis cette nuit ?

Jaekyung est pris de court par mes révélations. Il ne s'est pas attendu à ce que je découvre que tout ceci n'est qu'un tissu de mensonges. Cependant, de mon côté, même si je ne veux pas l'admettre, je sais que tôt ou tard cela arriverait. Notre relation était déjà vouée à l'échec dès l'instant où j'ai sauté du pont. Dès l'instant où j'ai su intérieurement que je ne pourrai plus jamais marcher comme avant, s'ajoutant à mon traumatisme lié au sexe. Incapacité de marcher, de me déplacer sans avoir besoin d'aide par moment. Parfois pour m'habiller, pour me changer, pour prendre ma douche. Incapable d'être épanoui, et d'offrir un épanouissement sexuel à mon conjoint. Mais qui resterait avec quelqu'un comme moi ? Qui n'irait pas voir ailleurs ? Qui ne chercherait pas la liberté ?

— Bébé, je...

— J'ai essayé d'y croire, reprends-je en posant mes mains sur mes cuisses. J'ai essayé de croire que notre relation était possible. J'ai essayé de croire qu'on pourrait réellement avoir un avenir ensemble, que malgré mon handicap, moi aussi, j'ai le droit au bonheur. Mais...

— De quoi tu parles ? rétorque-t-il soudainement, dans l'incompréhension. Attends, bébé, de quoi est-ce que tu es en train de me parler ?

Ça me fait mal. Tellement mal d'imaginer mon compagnon dans les bras de quelqu'un d'autre. Et la douleur est tellement intense dans mon cœur, que je pleure pour tenter de me soulager.

— Tu m'as menti sur où tu étais allé, cette nuit... Tu sors toutes les nuits, en me laissant seul dans notre lit, dans cette froideur que je n'arrive plus à supporter, prononcé-je en sentant mon rythme cardiaque s'accélérer contre ma poitrine. Et tu reviens à l'aube. Parfois, tu n'es pas là la journée non plus. Et les fois où tu n'es pas avec Connor, je ne sais pas où tu es...

— Mon ange, ce n'est pas du tout...

— Qui est-ce ? réussis-je à lui demander en serrant mes mains en forme de poings. Je veux au moins savoir de qui il s'agit... Si je le connais ou pas. Je veux savoir qui est cette personne que tu vas voir tous les soirs.

Je ne l'ai pas remarqué tout de suite, mais Jaekyung s'est mis à pleurer, lui aussi.

— Est-ce qu'il est handicapé, lui aussi ? Non... Je suis sûr que lui, il ne l'est pas. Qu'il est normal, comme n'importe qui d'autre. Il... il doit être beau aussi, parce que toi tu es tellement magnifique, qu'il te faut quelqu'un de beau, quelqu'un qui soit à ta hauteur, ajouté-je sans vraiment prendre conscience de mes propos. Et puis, j'imagine que sexuellement, il est par...

— Stop ! me coupe-t-il en prenant mon visage en coupe. Arrête ! Ça suffit ! Je ne t'ai jamais trompé, Joshua ! Jamais !

— Je ne t'en voudrais pas, chéri, répliqué-je en ajustant mes mains sur les siennes, tandis que mes larmes accompagnent celles qui coulent sur son visage. Tout ce que je veux, c'est que tu sois heureux, et non que tu te sentes prisonnier d'une relation qui ne peut pas évoluer... Je veux que tu sois épanoui, même sur le plan sexuel, parce que c'est aussi important, même si tu me dis le contraire, c'est aussi un moyen de pouvoir se dire je t'aime autrement, et nous... on n'a jamais pu se le dire de cette manière...

— Joshua... S'il te plaît, écoute-moi !

— Je te rends ta liberté. Je t'enlève un poids de tes épaules, mon amour. C'est fini. Tu seras mieux avec lui... Tu n'as plus besoin de faire semblant...

Ses mains glissent de mon visage, comme figé, paralysé. Mais ça, c'est avant que son visage ne se déforme par la souffrance émanant de son cœur. C'est avant qu'il ne vienne s'effondrer contre mon corps, enlaçant ma taille d'une telle puissance, que j'ai cru qu'il allait me briser en deux. C'est avant qu'il n'éclate en sanglots, comme je ne l'ai encore jamais vu auparavant.

— Je ne t'ai jamais trompé ! s'écrit-il contre le creux de mon oreille. Je ne suis jamais allé voir quelqu'un d'autre ! Jamais ! Parce que je t'aime, Joshua ! Je suis fou de toi ! Je suis tellement désolé que tu aies ressenti, ou que tu aies eu l'impression que je te trompais ! Je suis tellement, tellement désolé, mon amour ! Pardonne-moi de t'avoir fait douter de ça ! Pardonne-moi !

C'est à mon tour de ne pas comprendre la situation, d'être pris au dépourvu.

— Je t'en supplie, ne me quitte pas ! Ne nous séparons pas, je t'en prie ! Je vais tout expliquer, mais ne me quitte pas !

Je ne peux pas bouger. Mon corps est pris en sandwich entre le canapé et le corps de mon homme, dont l'emprise autour de ma taille se fait de plus en plus puissante, comme s'il craignait que je disparaisse sous ses yeux.

Comme un sentiment de déjà-vu.

— Qu'est-ce que tu veux m'expliquer... ? murmuré-je. Tu n'as plus à me mentir... Tu n'as plus besoin de me mentir...

— Mais écoute-moi ! Je ne t'ai jamais trompé ! s'emporte-t-il sous un torrent de larmes, en se reculant pour agripper mes épaules et ancrer son regard dans le mien. Je ne t'ai jamais trompé ! Cette nuit-là... cette nuit-là, je n'étais pas à une soirée, c'est vrai... Je n'y suis jamais allé, c'était... c'était un mensonge, oui...

Je le sais, oui. Ça suffit, c'est trop pour mon cœur...

— Cette nuit-là, j'étais... j'étais à mon studio d'enregistrement...

Son studio ?

— Quoi ? soupiré-je d'une expression confuse. Non... Jaekyung, s'il te plaît... je t'ai demandé d'arrêter de me mentir. Ça nous détruit plus qu'autre chose...

— Je te dis la vérité ! Je peux même te le montrer ! Je te promets que je te dis la vérité, mon amour ! rétorque-t-il en me suppliant du regard de le croire. Cette nuit-là, j'étais vraiment à mon studio d'enregistrement... mais ce n'est pas n'importe quel studio...

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je, en ne sachant pas à quoi m'attendre exactement.

Plus je le fixe, plus je remarque qu'il est hésitant, mal à l'aise.

— Jaekyung, de quoi s'a...

— C'est pour filmer... me coupe-t-il en fuyant mon regard. C'est pour filmer des vidéos en streaming... Mais ça n'a rien à avoir avec du gaming, c'est...

— S'il te plait...

— Je suis un camboy, me balance-t-il en pleine figure, sans que je ne m'y attende. Enfin, j'étais un camboy, répète-t-il amant en se mettant à rire de nervosité. Je faisais des vidéos en live, où je me mettais en scène devant des millions de personnes... Et ils me payaient pour que je me touche devant leurs écrans...

Si vous vous demandez quelle genre de réaction j'ai eu face à cette révélation, laissez-moi vous dire que je n'en ai eu aucune. Pour la simple et bonne raison que mon cerveau est en saturation et ne veut plus rien savoir. Je ne comprends donc plus rien à ce qui est en train de se passer. De comment on a pu passer d'une tromperie — qui n'est qu'imaginaire et causée par mes insécurités — au sujet de camboy et de vidéo en streaming.

— Bébé... chuchote-t-il pour attirer mon attention. Je... je ne te mens pas, je te le jure, je suis un camboy... Je me filme sous le nom de BJ Golden... 

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