𝟐𝟑. 𝐄𝐬𝐭-𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐭𝐮 𝐚𝐬 𝐦𝐚𝐥, 𝐦𝐚𝐦𝐚𝐧 ?
Pain complet, œufs brouillés, toasts grillés, jus d'orange, café, chocolat chaud, saladier de fruits, et divers aliments et boissons sont disposés sur la table à manger. Un vrai buffet digne d'un véritable festin se dressant devant moi, sans comprendre réellement pourquoi ma mère a préparé autant de choses, juste pour nous deux.
En sortant de ma chambre, quelques longues minutes après avoir discuté avec Jaekyung, je me suis finalement décidé à aller discuter avec ma mère, sur certains sujets faisant de l'ombre dans mon esprit. J'ai besoin d'éclaircir différents questionnements qui restent encore sans réponses, convaincu, au fond de moi-même, d'avoir une potentielle discussion. Contrairement à mon paternel, connaissant déjà la finalité de la chose, avant même d'avoir pu ouvrir, ne serait-ce que de quelques millimètres, ma maudite bouche.
Mais quelle ne fut pas ma surprise, en arrivant d'un pas silencieux, l'air intrigué et confus, dans la salle de séjour, attiré tel un appât accroché dans un hameçon par la douce odeur d'un brunch inhabituel. Je comprends mieux, en m'installant sur l'une des chaises, pourquoi elle n'est pas venue me réveiller, trop occupée à cuisiner tous ces plats.
Cependant, la réponse est malheureusement coupée en deux parties, et j'ai besoin de connaître la seconde pour cesser mon ruminage intarissable. Car si mon père apprend par un simple bouche-à-oreille que je ne me suis pas rendu à l'université aujourd'hui, je ne donne pas cher payé de mon espérance de vie, lorsqu'il reviendrait à la maison dans l'optique de me réduire en pièces, comme il l'a toujours souhaité dans ses rêves les plus fous.
Du moins, c'est ce que j'en ai conclu, au vu de « l'amour » débordant de joie et d'eau fraîche qu'il porte à mon égard.
— Comment est-ce que tu te sens, Joshua ? As-tu bien dormi ?
Sa voix m'interpelle. Je détourne la tête vers la cuisine, la voyant sortir de la pièce avec une assiette de pancakes et de bacon dans les mains, qu'elle venait tout juste de préparer.
— J'espère que tu as faim ! Parce que je t'ai préparé tout ça pendant que tu dormais ! chantonne-t-elle joyeusement.
Que se passe-t-il ? Est-ce que je suis en train de rêver ? Je ne la reconnais pas. J'ai l'impression d'avoir une autre mère sous mes yeux, une autre femme, totalement à l'opposé de celle que j'ai pu voir hier soir.
Qu'est-ce que ça signifie ?
— Est-ce que tu as mal à ta main ? me demande-t-elle, sans attendre une réponse de ma part. Je m'en occuperai après pour la désinfecter et te changer le bandage. Tu veux manger quoi en premier ? Tu sais, les...
— Mère... soufflé-je d'une intonation décontenancée. Qu'est-ce que ça veut dire... tout ça... ?
J'accompagne mes mots par un geste de main visant à lui montrer tout ce qui se trouve sur la table.
— Je ne comprends pas. Pourquoi ne m'avez-vous pas réveillé ? Si père apprend que je ne suis pas allé à l'université aujourd'hui, il va être furieux contre moi. Pourquoi faîtes-vous ça ?
Je la regarde prendre place sur l'une des chaises, non loin de moi, affichant un de ces étranges sourires sur ses lèvres très peu habituées à s'étirer de cette manière. Il ne dure qu'un bref instant, puisqu'il disparaît lors de mes questions, ses traits s'assombrissent, voûtant ses épaules d'un sentiment désenchanté.
— Je ne voulais pas te réveiller, parce que tu avais besoin de dormir et de te reposer, me répond-elle, en évitant mon regard. Ton père n'en saura rien pour ton absence d'aujourd'hui, alors, tu n'as pas à t'inquiéter à ce sujet. Maintenant mange. Tu as besoin de reprendre des forces, après la nuit que tu as passée.
— Je ne sais pas comment je pourrais manger mère, tout en ne comprenant pas ce changement soudain de comportement, répliqué-je avec désinvolture. Hier soir, vous m'avez giflé injustement, et là vous agissez comme si rien ne s'était passé. C'est absurde !
— Tu n'étais pas censé sortir en dehors de tes séances de sport, dit-elle, en posant ses mains sur le rebord de la table, abattu. Tu...
— Alors ce que père décide est normal pour vous ? commenté-je, en lui coupant la parole. Vous ne cherchez même pas à savoir si cette vie me plaît ou non... Si je suis heureux...
C'est maintenant ou jamais de pouvoir sortir ce que j'ai sur le cœur. D'exprimer ce mal-être me rongeant de l'intérieur, pourrissant mon âme jusqu'à la moelle.
— Tout simplement parce que c'est ainsi et pas autrement, Joshua.
Mensonge.
— Pourquoi est-ce que vous pleuriez, hier soir ? répliqué-je, en sachant pertinemment que j'appuie un sujet sensible. À chaque fois qu'il part en déplacement, vous pleurez...
— Joshua ! s'exclame-t-elle furieusement.
Elle se lève brusquement de sa chaise dans un fracas assourdissant.
— Je t'interdis de te mêler de ce qui ne te regarde pas !
— Pourquoi ? réponds-je dans un murmure, en mordillant ma lèvre inférieure. Pourquoi vous ne voulez pas me dire la vérité ?
Il ne faut pas être un devin pour déchiffrer l'émotion qui traverse actuellement les prunelles sans âme de ma mère.
Elle sait de quoi je parle.
Elle sait à quoi je fais allusion.
— Il n'y a qu'avec vous que je peux parler de ce qui me concerne. Avec père, il m'est impossible d'avoir une conversation ouverte, sans qu'il ne me rabaisse ou qu'il ne me fasse culpabiliser d'exister.
— Joshua...
— C'est la vérité, mère ! m'écrié-je au bord des larmes, épuisé. Vous agissez et pensez comme si toutes vos décisions étaient merveilleuses pour moi ! Comme si j'allais vous être reconnaissant de m'enfermer dans une cage comme un pauvre animal sans défense, condamné à tourner en rond à en perdre la tête, au point de finir par exploser de rage !
Submergé et chamboulé par mes émotions, je ne réalise pas sur le coup que j'ai fermé mes mains en forme de poings, les écrasant fermement contre la table, avant qu'une douleur quasiment indescriptible m'envoie un choc électrique dans la longueur de mon bras. Aucun son ne sort de mes lèvres entrouvertes. Mes yeux sont écarquillés, engloutis par une montée de larmes. Je suis incapable de décontracter mon poing, dans lequel je peux littéralement sentir — sans exagération — mon cœur battre dans le creux de ma main.
— Joshua ! s'exclame ma mère, affolée.
Elle se précipite vers moi pour y déposer un tissu frais et humide. La froideur des fibres apaise immédiatement cette douleur irradiante, sans pour autant faire disparaître cette sensation d'avoir mon pouls battant inlassablement dans une autre partie de mon corps.
— Respire mon cœur, respire calmement, ça va t'aider à te détendre, me chuchote-t-elle d'une voix étrangement apaisante.
Elle se tient à mes côtés, tout en exerçant de faibles pressions pour que le textile anesthésie ma main grâce au froid, me permettant de détendre les muscles, sans y ressentir la moindre résistance.
— Voilà, comme ça, laisse-moi regarder ta main...
— Ça va... marmonné-je dans ma barbe inexistante, en retirant ma main de son emprise. Je peux m'en occuper tout seul, je n'ai pas besoin de vous pour ça, mère.
— S'il te plaît, Joshua, ne refuse pas mon aide...
— Votre aide... répété-je dans un faible soupir, avant qu'un sourire faussement sarcastique ne prenne place sur le coin de mes lèvres. Votre aide ? Ça fait bien trop longtemps que je vous demande de l'aide et que vous ne faites rien, lorsque père s'en prend à moi ! Alors ne commencez pas à vouloir jouer la carte de la mère parfaite. Vous avez toujours fermé les yeux. Que ce soit avec mon frère ou moi, vous le laissez faire ce qu'il veut de nous.
Quel euphémisme de ma part, n'est-ce pas ? De lui reprocher de telles choses, alors que moi-même, je me voile la face, trop faible pour affronter la vérité. Dans tous les cas, que ce soit elle ou moi, nous vivions tous les deux avec une chaîne créée de toute pièce par mon père, enroulée autour de notre cou, dont nous seuls, sommes capables de la briser.
Il suffit juste d'y croire, et d'avoir le courage d'y parvenir.
— Je sais que je ne suis pas la mère parfaite, se défend-elle d'une voix vacillante, brisée. Je sais que j'ai accumulé tant d'erreurs au fil de ces dernières années. Que je ne pourrai jamais me faire pardonner de tout le mal que je vous ai infligé, à toi et à ton frère... Mais s'il y a bien une chose sur laquelle je n'ai jamais menti, ou caché, c'est l'amour que je vous porte.
— De l'amour ? rétorqué-je, médusé.
Dîtes-moi que ce n'est qu'une vaste blague ? Que tout ceci n'est qu'une caméra cachée et qu'on va bientôt intervenir pour y mettre un terme.
— Vous appelez ça de l'amour ? Je ne pense pas que nous ayons la même définition à ce sujet...
Qu'est-ce que j'en sais ? Je parle comme si j'avais déjà éprouvé de l'amour pour quelqu'un, comme si je savais avec exactitude, ce que l'on ressent, quand on aime une personne. Du moins, de ce que j'en sais, grâce aux ouvrages que j'ai pu lire, l'amour est quelque chose de véritablement beau, de tendre, et féérique, censé vous transporter à travers les nuages, vous emmener dans un paradis idyllique.
Mais ce qu'ils ont tendance à oublier de montrer, en grande partie pour éviter d'effrayer ou de dégoûter les lecteurs, c'est que l'amour est avant tout destructeur et meurtrier. Qu'il peut nous faire faire des choses inimaginables. Toutefois, et il faut le rappeler pour effacer toute confusion, cela n'excuse en aucun cas le comportement et les actes d'une personne agissant au nom de l'amour. Il nous permet seulement de comprendre pourquoi, et non de l'accepter.
Ce sont deux choses totalement distinctes, à ne pas confondre pour éviter un potentiel malentendu.
C'est aussi comprendre l'importance de grandir et d'évoluer dans un environnement stable, entouré de bienveillance, de compréhension et d'amour pour le développement psychologique d'un enfant.
Tout comme ça concerne le cercle amical et amoureux d'un adulte.
Ma mère m'aime. Elle nous a aimés. Et même si à cet instant j'ai encore dû mal à y croire, c'est pourtant la vérité. Je sais que mon père n'est pas tendre avec elle, qu'il lui en fait baver au quotidien, l'empêchant d'exprimer ses idées, ses convictions, ses choix, l'obligeant à dire « oui » à tout ce qu'il désire, pour éviter qu'il n'en vienne à défouler sur elle.
Autrement dit, mon père bat ma mère. Je le sais, mais tout comme elle, je ne veux pas l'admettre. Je sais à quel point elle souffre en silence, subissant les coups de mon père sans broncher, dans l'unique but de nous protéger, moi et mon frère. Les seuls moments de répit qui lui sont accordés, c'est quand il s'absente, loin de la maison. Elle s'effondre en larmes dans leur lit conjugal, priant pour qu'un jour, ce calvaire cesse à jamais, et qu'elle y trouve enfin la paix.
Maman, si tu savais comme je m'en veux de ne pas t'avoir cru. Pardonne-moi de ne pas avoir eu la force de te défendre. Pardonne-moi tes souffrances
— Un jour, tu finiras par le comprendre, me répond-elle attristée, en caressant ma joue d'un geste hésitant, là où elle m'avait giflée un peu plus tôt.
— Il n'y a rien de plus à comprendre, dis-je froidement, en éloignant mon visage de sa main. Un jour, je vais finir par partir, moi aussi. Et ce sera trop tard pour faire machine arrière, mère.
Son âme se brise à travers ses gemmes, comprenant le message véhiculé à travers mes mots.
— Un jour, mère, je m'envolerai de mes propres ailes.
❃ ❃ ❃ ❃
Vendredi 28 juin, Séoul, Corée du Sud,
Mon retour à l'université ne s'est pas déroulé pas en toute discrétion. Et pour cause, mon meilleur ami, qui a hurlé mon nom lorsqu'il m'a vu descendre du bus. Il s'est précipité vers moi pour se jeter dans mes bras, comme si cela faisait des années que l'on ne s'était pas vus, ni parlés, alors que nous nous sommes eu pendant des heures au téléphone la veille, durant toute la soirée, avant que le sommeil ne nous rattrape et ne mette fin à notre interminable discussion.
C'est étonnant de voir que nous avions toujours un sujet sur lequel discuter et débattre sans se lasser, pour ensuite rebondir sur un autre évènement qui nous a marqué, et ainsi de suite, malgré le fait que l'on se voie pratiquement tous les jours à l'université.
Évidemment, vous vous doutez bien qu'il n'a pas oublié ce que je lui ai teasé un peu plus tôt dans la journée par rapport à Jaekyung, et qu'il ne s'est pas privé pour revenir là-dessus, m'arrachant sans peine les vers du nez.
Ce que je regrette.
Parce que je pense que vous l'aviez compris depuis le début de mon histoire, je suis le genre de personne à en faire tout un drame, à me faire des films et des montagnes pour un sujet en particulier, me demandant si Jaekyung n'allait pas m'en vouloir. Peut-être qu'il souhaitait que cela reste entre nous.
Comme un secret.
Mais pendant que je suis en train d'épiloguer sur mes tracas, provoquant une troisième guerre mondiale dans mon esprit — comme dans le film d'animation Pixar Vice-Versa —, Jaekyung se tient juste devant moi, avec son sourire charmeur et son regard pétillant d'ivresse à mon égard.
Mon cœur refait ce petit truc ridicule, qui est de cesser de battre une demi-seconde, avant de tambouriner comme un dingue contre ma poitrine.
Peut-être qu'en réalité j'ai un problème au cœur ? Non ?
— Comment vas-tu ? me demande-t-il, avec un brin d'inquiétude. Et comment va ta main ? Je peux la voir ?
— Je vais bien, oui, et ma main va bien aussi. Nous allons bien.
Il glousse d'amusement à ma réponse.
— Alors, je suis heureux de savoir que tout va bien, commente-t-il, en baissant les yeux vers ma main, enveloppée comme une momie.
Mais son regard change, montrant à présent de la culpabilité.
— Ne me regarde pas comme ça, s'il te plaît.
— Je le savais, tu sais...
— De quoi ? dis-je, en fronçant faiblement les sourcils.
— Je l'avais senti, qu'il allait se passer quelque chose en te laissant partir, s'exprime-t-il, en effleurant du bout de ses doigts le bandage, sans pour autant y toucher. Je me sens coupable de ce qui t'est arrivé et je sais, Joshua, que la version que tu m'as dite n'est pas vraie.
Qui y aurait cru ? Seul un idiot serait tombé dans le panneau.
— Mes mots sont maladroits, je l'admet, reprend-il, avant que je ne puisse répondre. Mais, je n'ai pas arrêté de me dire que j'aurais pu faire quelque chose, ou que j'aurais dû insister un peu plus pour que tu viennes chez moi, quand j'ai appris que tu étais allé à l'hôpital.
— Tu n'as pas à culpabiliser pour quelque chose que tu n'as pas fait, répliqué-je, brisé de voir à quel point son esprit est torturé par les remords, convaincu qu'il aurait pu me sauver.
Je n'ai jamais voulu lui faire du mal. Je n'ai jamais voulu le détruire. Et pourtant, c'est ce qui est en train de se produire sous mes yeux.
— Joshua, murmure-t-il, en souriant, tristement. Tes yeux brillent...
Son bras serpente autour de ma taille, pour m'attirer délicatement à lui. Il m'enveloppe dans une douce et agréable étreinte. Ma tête se repose contre son torse, percevant chacune de ses pulsations cardiaques, qui se sont subitement emballées, au moment où je passe mes bras autour de son corps, renforçant cette étreinte qui en dit plus que nos propres mots.
— Il y a tellement de choses à dire, que je ne sais pas par où commencer... chuchoté-je contre sa poitrine.
— Prends tout le temps dont tu as besoin, Joshua, me dit-il sur la même intonation, tout en faufilant l'une de ses mains dans ma chevelure. Je ne veux pas te forcer à te confier à moi dans l'immédiat, ce n'est pas ce que je veux que tu penses.
— Certes, mais je ne peux pas non plus continuer de te mentir dans le blanc des yeux, lui réponds-je sincèrement, relevant le visage vers lui, pour croiser son regard. Je veux pouvoir me confier à toi, comme je le fais avec Gabriel, sans avoir peur de déranger, sans avoir peur de croire que je vais devenir un fardeau, et que tu finisses par te lasser de moi, parce que j'ai une putain de vie de merde et que tu risques d'en avoir marre de mes problèmes, et que je ne veux pas que tu sois un pansement pour mes blessures...
Jaekyung me fixe, sans pour autant cesser de caresser mon cuir chevelu dans des mouvements lents et circulaires, me faisant somnoler dans ses bras.
— Tu ne seras jamais un fardeau, Joshua. Tout ce que je veux, c'est que tu te sentes suffisamment en confiance avec moi pour que tu te décides, de toi-même, à me parler. Je veux que tu aies parfaitement conscience que je serais toujours là pour t'écouter, pour t'épauler, qu'importe la situation, qu'importe le sujet.
— J'ai suffisamment confiance en toi... murmuré-je, fébrile. C'est juste moi qui estime que mes problèmes ne sont pas assez graves pour être écoutés. Qu'il y a pire que moi dans...
— Non, me coupe-t-il avec fermeté. Ne dis pas de telles choses. Je ne veux pas que tu mettes tes soucis de côté juste parce qu'il peut y avoir pire que toi dans la vie.
Ses traits se crispent par la colère.
— Merde, Joshua ! Si on commence à penser tout le temps aux autres, à se dire qu'il y a pire que nous dans la vie, au point de minimiser nos sentiments, nos émotions, on ne s'en sortira jamais. On finirait tous par péter un câble.
Il a raison. Jaekyung a parfaitement raison sur toute la ligne. On ne devrait pas se dire qu'il y a pire que nous dans la vie. On ne devrait pas mettre de côté nos sentiments, nos émotions, nos problèmes, en nous disant que d'autres personnes ont pire que nous et ne se plaignent jamais. Nous sommes tous différents. Nous gérons tous différemment les difficultés que nous affrontons dans la vie. Et si on se laisse tomber dans l'oubli, en jugeant bon qu'on ne vaut rien, alors que restera-t-il de nous ?
Que restera-t-il à la fin ?
Rien.
Nous deviendrons cette pauvre coquille vide et insignifiante échouée au bord de la plage. Nous deviendrons ces êtres, sans âmes, renfermés sur eux-mêmes, ne laissant aucune possibilité à l'amour, à l'amitié, aux sentiments. À subir la vie plutôt que de l'aimer. À attendre que la mort vienne frapper à notre porte, et emporter avec elle ce qui restera de nous...
Le néant.
— On ne doit pas s'arrêter de vivre, on ne doit pas s'arrêter de rire, de sourire, d'aimer, d'être heureux et de profiter de la vie, sous prétexte qu'il y a pire ailleurs, ajoute-t-il, en glissant une main sous mon menton pour m'obliger à le regarder. Nous n'avons qu'une seule vie et ce n'est pas une fois six pieds sous terre, qu'il va falloir se dire qu'on aurait dû en profiter. Qu'on aurait dû dire ce qu'on avait sur le cœur. Sinon, même mort, on ne reposera jamais en paix...
Qu'a-t-il vécu pour penser ainsi ? Qu'est-ce que la vie lui a donné comme terrible épreuve, pour qu'il soit autant combatif ? Sa manière de réfléchir est admirative, presque envieuse. Elle me fait d'ailleurs un peu penser à ce mystérieux homme masqué, qui lui aussi s'exprime avec une morale philosophique.
En y pensant, c'est assez étrange que le destin ai mis sur mon chemin ces deux garçons énigmatiques. Comme s'il voulait me faire passer un message. On ne doit pas s'oublier, ni oublier les autres. On se doit de se respecter et de respecter le consentement d'autrui, dans le sens où on ne doit pas exprimer nos malheurs, s'ils ne veulent pas l'entendre. Nous n'avons pas tous les épaules pour endurer le mal-être des autres. Mais on trouvera toujours quelqu'un qui nous tendra la main et nous aidera à nous relever.
Ne vous oubliez pas. Écoutez-vous. Vous êtes la priorité. Ne soyez plus spectateurs, soyez les acteurs de votre vie ! Nous ne sommes que éphémères, que de passage, alors n'oubliez pas de vivre pour vous !
— La vie est belle, comme elle peut être affreusement laide. C'est injuste et malheureux à dire, mais nous ne sommes que de passage, alors, faisons en sorte de la rendre aussi belle et explosive qu'un feux d'artifices, conclut-il, en caressant mon menton à l'aide de son pouce. Rendons-la plus belle ensemble... Joshua...
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