.5.
- Il va falloir que j'appelle mon bureau afin d'organiser mon absence, dit-il en repoussant ses beaux cheveux en arrière. Quand partons-nous ?
Baekhyun regretta très vite sa décision d'accompagner Chanyeol, mais il avait beau y réfléchir, il ne savait comment s'y prendre pour se dédire.
Debout dans le salon réservé aux premières classes, il attendait l'arrivée de son altesse et essayait de calmer ses nerfs et sa nausée en grignotant des crackers salés.
Trop nerveux pour s'asseoir, il arpentait la pièce.
Comment tout était-il devenu si compliqué ?
Les trois dernières années, il n'avait fait que préparer ce moment. Tout avait tourné autour de cette grossesse. Il avait économisé de façon obsessionnelle, conduit une vieille voiture, vécu dans l'appartement le plus petit et le moins cher qu'il avait trouvé dans l'espoir de s'acheter une maison après la naissance du bébé et d'en profiter avec lui pendant ses premières années. Il avait quitté son travail dans un cabinet d'avocats prestigieux pour fuir tout stress et mieux préparer son corps à une grossesse.
Il avait même commencé à alimenter un compte pour les futures études de son enfant, bon sang !
Il avait suffi d'un simple malheureux coup de fil pour anéantir tout cela.
Quand Kyungsoo lui avait annoncé qu'il avait reçu le mauvais échantillon de sperme _et surtout celui d'un donneur sans dossier médical, tout s'était écroulé.
Il avait tellement voulu que tout soit parfait, sans danger pour le bébé et sans contact avec le donneur ! C'était le pire scénario possible.
Chanyeol s'était montré plutôt aimable avec lui la veille, mais il avait senti, sous allure sophistiquée, un caractère impitoyable. C'était un homme qui ne demandait jamais la permission, mais avait l'habitude qu'on lui obéisse.
Pour l'instant il était poli avec lui, mais Baekhyun savait qu'il n'hésiterait pas, si nécessaire, à tirer parti de tous ses privilèges.
Mais Chanyeol avait beau être riche et influent, Baekhyun n'était pas prêt à se laisser faire.
En attendant, la courtoisie semblait de mise et il était bien décidé à parvenir à un arrangement avec lui. Il avait des droits sur son enfant, que cette idée lui plaise ou non. Il était victime des circonstances, tout comme lui.
Baekhyun aurait souhaité pouvoir revenir en arrière et faire le choix de ne rien lui dire, mais il était trop tard.
Le petit blond regarda le terminal, en dessous de lui, à travers les fenêtres teintées du salon. Il vit les portes automatiques s'ouvrir et Chanyeol entrer à grands pas, équipe de sécurité et photographes sur les talons. Il était aussi grand et fort que n'importe lequel de ses gardes du corps. On devinait sa poitrine large et musclée sous sa chemise blanche dont les manches roulées jusqu'aux coudes dévoilaient des avant-bras fermes et une peau délicatement dorée.
Il disparut de sa vue.
Quelques instants plus tard la porte du salon s'ouvrit et il entra, laissant derrière lui les photographes et sa garde personnelle.
Baekhyun ne put s'empêcher de détailler son corps bien bâti. Son pantalon moulait juste assez ses jambes pour qu'il devine qu'elles étaient aussi fermes que tout le reste. Et il ne put résister à la tentation de jeter un coup d'oeil furtif au léger renflement visible en haut de ces mêmes jambes...
Il baissa les yeux, gêné par son comportement inhabituel. Il ne se souvenait pas d'avoir jamais regardé un homme à cet endroit-là. Pas délibérément, en tout cas.
Il essaya de se convaincre que seuls ses nerfs étaient responsables de l'accélération de son pouls.
Le prince s'approcha de lui, ôta ses lunettes de soleil et les accrocha dans l'échancrure de sa chemise.
Son regard s'arrêta malgré lui sur la peau dorée ainsi découverte.
- Je suis ravi que vous ayez pu vous libérer, dit-il.
Il ne semblait pas le moins du monde dérangé par le fait qu'un instant auparavant une équipe de photographes l'avait mitraillé. Sa confiance en lui était exaspérante.
- J'avais dit que j'y serais, répliqua le décoloré. Je tiens paroles.
- Je suis soulagé de l'entendre. Comment vous sentez-vous ?
Il lui prit le bras, d'un geste naturel de propriétaire qui fit bondir son coeur dans sa poitrine. Il était tellement plus grand et plus fort que lui ! Cette force masculine était irrespirable.
Il éprouva l'envie subite de s'appuyer contre lui, de le laisser porter une partie de son stress et de ses responsabilités. Baekhyun se ressaisit et tenta de se concentrer sur sa nausée.
Tout valait mieux que cette étrange attirance qui semblait prendre le pas sur son bon sens.
- Pas bien du tout, mais c'est gentil d'avoir posé la question.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres pleine.
- Vous pouvez court-circuiter le contrôle de sécurité, dit-il. Mon avion attend sur le tarmac. Mon garde vous escortera. Je vous rejoins plus tard afin d'éviter les photographes.
Baekhyun hocha la tête. L'idée de sa photo en première page des revues people du supermarché suffisait à le faire frissonner.
Le grade du corps entra et Chanyeol fit signe à Baekhyun de le suivre. Il baissa la tête pour traverser le tarmac en direction de l'avion privé, mais il lui sembla apercevoir l'éclat d'un flash.
Il monta dans le jet, dont la moquette épaisse et l'ameublement luxueux le faisaient ressembler à un penthouse tendance plus qu'à un moyen de transport.
C'était là le style de vie auquel Chanyeol était habitué. Il n'y avait rien d'étonnant à cela. Il était un prince après tout.
Le garde du corps se retira discrètement. Baekhyun resta debout, n'osant pas s'asseoir et se mettre à l'aise.
Le décor luxueux l'intimidait beaucoup trop.
Chanyeol arriva dix minutes plus tard, la mine sombre.
- Un photographe attendait sur le tarmac. Mais dans la mesure où nous n'avons pas embarqué ensemble, il a dû vous prendre pour un membre de mon équipe.
Le petit homme hocha simplement la tête, sans comprendre vraiment qu'éviter la presse était soudain devenu partie intégrante de sa vie.
- Sommes-nous les seuls à prendre l'avion aujourd'hui ? interrogea-t-il, en regardant autour de lui.
- Vous, moi, le pilote, le copilote et l'équipage.
- C'est un gaspillage épouvantable, vous ne trouvez pas ?
Chanyeol fronça les sourcils et Baekhyun eut une certaine satisfaction en constatant qu'il l'avait décontenancé.
- Pourquoi cela ?
- Affréter un avion pour deux personnes qui auraient pu prendre un vol commercial, et les faire servir par un équipage complet. Les émissions de gaz contribuent à l'effet de serre, vous savez.
Le grand brun lui adressa un sourire paresseux qui transforma son visage, en adoucit les angles et le rendit presque accessible.
- Je reconsidérerai mon mode de transport quand le président des États-Unis laissera tomber Air Force One. Jusque-là, je pense qu'il est tout à fait acceptable pour des leaders mondiaux de voyager en avion privés.
- Je suppose qu'il est difficile de passer les contrôles de sécurité dans les aéroports avec tout cet or tintant dans vos poches.
- Serait-ce un reproche, Baekhyun ? demanda-t-il, une pointe d'amusement perceptible dans la voix.
- Pas du tout. Je ne faisais que formuler mon opinion.
Il devait à tout prix garder ses distances, car quelque chose en lui faisait se contracter son ventre et transpirer ses mains. Ce n'était pas de la peur, mais cela la déstabilisait. Au plus haut point !
Il n'avait jamais voulu de relation, sous peine de se voir ensuite abandonné.
Il avait déjà vécu cela avec le décès de son adorable petit frère.
Il ne pouvait pas reprocher à son frère d'être mort, mais le chagrin que celui-ci lui avait causé avait été terriblement douloureux.
Sa disparition ressemblait à une trahison.
À la suite de cela, son père les avait tous deux abandonnés, et sa mère, bien que toujours présente physiquement, était devenue peu à peu l'ombre d'elle-même.
Ces épreuves lui avaient appris à être autonome et il s'était juré de ne jamais dépendre de quiconque.
La seule chose qu'il voulait vraiment, c'était être mère, et il avait tout mis en oeuvre pour y parvenir.
Hélas, Chanyeol avait compromis malgré lui son plan si soigneusement élaboré, et voilà que la vision idyllique de son avenir lui filait entre les doigts...
Son bébé avait un père, et celui-ci était le prince de la Corée. Un homme à l'arrogance inégalable et dont le physique le troublait plus qu'il ne voulait l'admettre.
- Vous semblez avoir une opinion sur tout, dit-il en s'asseyant confortablement dans un large fauteuil.
Baekhyun s'installa sagement au bord du canapé, face à lui.
- Déformation professionnelle.
Chanyeol apprécia son esprit de repartie. Il aimait sa force et son intelligence. Il attendait d'avoir défini exactement ce qu'il désirait pour lui faire une proposition impossible à refuser.
Il devinait que Baekhyun défendrait bec et ongles leur enfant, qu'il abandonnerait tout pour lui. Mais lui aussi : il n'était pas question qu'il prenne le risque de le voir disparaître avec leur bébé.
C'était étrange pour lui de voir quelqu'un si hostile à l'idée de porter son enfant ! Sans être vaniteux, il avait une vision pragmatique des choses : il était le futur roi de son pays et disposerait un jour d'un héritage considérable en plus de la fortune personnelle qu'il avait amassée.
Sa chaîne d'hôtels de luxe et ses casinos, qu'ils soient situés en Corée ou dans d'autres régions touristiques du globe, étaient très prises par la jet-set.
Pour la plupart des femmes, il représentait le Parti idéal, qui leur donnerait accès à un statut et une fortune inespérée.
Pourtant, Baekhyun se comportait comme si attendre son enfant revenait à être condamnée au cachot royal _un endroit qui n'existait d'ailleurs pas à son château, en dépit de ce qu'il pouvait penser.
Baekhyun était différent, certainement parce qu'il n'était pas une femme.
Jusque-là, se remarier n'avait pas été une priorité pour lui. Il avait déjà été marié et avait adoré sa femme. Mais l'amour et le respect n'avaient pas suffi à résoudre leurs problèmes, ni à les rendre heureux. Il avait été incapable d'aider son épouse qui _les derniers mois, avait sombré dans la dépression. Il se le reprocherait toute sa vie.
Mais Baekhyun portait son enfant. Le devoir et l'honneur exigeaient qu'il fasse de lui son mari. Que l'enfant n'ait pas été conçu naturellement ne faisait aucune différence. Il se sentait tout autant responsable de lui et de sa ''mère''.
Il n'avait pas prévu de passer le reste de sa vie dans l'abstinence mais n'avait pas non plus été tenté de renouer avec les rencontres occasionnelles et des aventures sans lendemain.
Après six ans de mariage et plus de huit sans coucher avec une femme autre que la sienne, il se sentait trop vieux, à trente-ans, pour vivre de nouveau comme un célibataire.
Un mariage avec Baekhyun le séduisait. Il l'attirait terriblement, mais sans doute sa longue période de célibat avait-elle trop duré. Les hommes n'étaient pas programmés pour ignorer leurs besoins sexuels si longtemps et ils n'étaient pas surpris de voir de sa libido se réveiller affamée après cette période d'hibernation.
Le ravissant futur mère sagement assis face à lui, avec sa peau claire et sa silhouette parfaite, était très différent de sa femme. ChaeYoung était petite et élancée. Baekhyun lui arrivait à l'épaule, avait des courbes voluptueuses, qui le tentait beaucoup...
Il changea de position pour accommoder la tension qui montait en lui et cacher l'évidence de son désir au petit blond. Il n'avait nulle envie d'être pris en faute comme un adolescent...
- Vous aimez les enfants.
C'était plus une affirmation qu'une interrogations.
- Effectivement. C'est pourquoi je suis avocat au tribunal pour enfants. Mon cabinet fait un travail bénévole subventionné par le gouvernement. Le salaire n'est pas énorme, mais, ça me convient.
- Donc, vous travaillez pour les enfants.
Cela ne correspondait pas à l'image que Chanyeol s'était fait de lui. Il se l'était représenté en avocat mordant et acharné avec son esprit vif, son intelligence éclatante et sa beauté froide.
- Depuis un an oui. Et j'avais déjà pris la décision de devenir mère.
- Mais pas époux ?
Baekhyun haussa les épaules.
- Les relations de couple sont compliquées.
- Les relations parents-enfants le sont également.
- Oui, mais c'est différent. Les enfants dépendent de nous. Ils viennent au monde et nous aiment. C'est à nous d'honorer cela, de prendre soin d'eux et de leur rendre leur amour. Dans une relation où mariage, on dépend de l'autre.
- Et cela vous pose un problème.
- Cela suppose une confiance en la nature humaine que je ne possède simplement pas.
Il y avait du vrai dans ses paroles pensa Chanyeol. ChaeYoung avait été dépendante de lui et il reconnaissait avoir échoué avec elle.
- Vous avez donc fait le choix d'être mère-célibataire plutôt que de faire face aux difficultés d'une relation ?
Baekhyun fronça les sourcils et ses lèvres fines formèrent une moue très séduisante aux yeux du prince.
- Je ne l'avais pas envisagé de cette façon. Mon but était simplement d'être mère.
- Et ce qui nous arrive complique les choses.
- Absolument.
- Est-ce si négatif pour un enfant de grandir d'avec ses deux parents ?
Silencieusement, Baekhyun tourna la tête et regarda par le hublot.
- Je ne sais pas. rétorqua-t-il après un instant de silence. Je ne pense pas pouvoir tout assumer en même temps. Pourrions-nous nous occuper du test et discuter du reste après ?
Chanyeol acquiesça.
Baekhyun n'avait jamais envisager de se lier avec quiconque. Contrairement à Chanyeol qui avait déjà fait l'expérience d'une vie à deux, aimer une femme, l'épouser, puis la perdre ; il imaginait le vide que cela avait dû laisser dans sa vie.
Perdre un être cher était la pire douleur qui soit. Et il voulait éviter cela.
Il ne voulait pas éprouver de sentiments pour Chanyeol et pourtant, sa simple présence déclenchait en lui des réactions qui allait bien au-delà de tout ce qu'il avait connu, et cela l'effrayait. L'amour ne l'avait jamais tentée. Il avait été témoin dans son enfance des ravages qu'il peut provoquer.
Il avait vu ses parents se séparer et s'autodétruire.
Après le départ de son père et la perte de leur sécurité financière, de nombreux ''amis'' leur avaient tourné le dos. Sa mère s'était replié sur elle-même, le laissant se débrouiller seule.
Il ne voulait pas se retrouver dans cette situation et refusait de placer sa vie entre les mains d'un inconnu.
L'expérience lui avait appris qu'il devait gérer lui-même son existence, assurer sa sécurité et son bonheur.
Depuis son enfance perturbée, il avait contrôlé chaque instant de sa vie. Il avait travaillé assidûment et ses notes excellentes lui avaient permis d'obtenir des bourses d'études. Ses diplômes en poche, il avait trouvé un travail et gagné son indépendance. Chaque étape avait ensuite été soigneusement planifiée et orchestrée jusqu'à décider de quand et comment il deviendrait mère.
Tout cela lui semblait risible, maintenant qu'il volait en direction du Japon et en compagnie d'un prince extrêmement séduisant, qui se trouvait aussi être le père non intentionnel de son enfant.
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