
5× La Sorcière
- Écartez-vous, ma potion fait effet.
Elle faisait probablement référence à son étrange mixture verte, dont les effets brutaux me semblaient inappropriés à un blessé. Était-elle vraiment sûre de ce qu'elle faisait ? Avec agitation, je jetai un œil à Erian qui, lui, paraissait impassible face à une telle scène. Comment pouvait-il être si serein ? Merinya s'agenouilla auprès de la victime du boulanger, dont le visage était crispé de douleur, et lui murmura :
- Courage, c'est bientôt fini...
Au bout de longues minutes, cette douloureuse vision qui m'était insupportable se décida à prendre fin. Je demeurai silencieux, le souffle coupé, attentif au moindre prochain événement. Désormais, le souffrant gisait immobile sur le canapé. Non... Il n'avait pas pu mourir ? Je l'observai jusqu'au moment où celui-ci finit par ouvrir les yeux. À mon plus grand soulagement, Erik se redressa comme s'il venait de se réveiller d'un long et reposant sommeil. Merinya ne perdit pas une seconde pour l'étreindre avec vigueur. Le chasseur paraissait un peu perdu, celui-ci baissa alors la tête vers l'emplacement de ses immenses plaies et y retira la serviette qui les cachait. À ma plus grande surprise, il pût y découvrir un ventre vierge de toutes blessures. Je demeurai interdit, comment était-ce possible ? Comment les marques sanglantes des griffes qui s'étaient enfoncées dans sa chair avaient-elles pu disparaître ?
- Comment est-ce possible ? murmurai-je, éberlué.
Je n'en croyais pas mes yeux. Alors que je le pensais incurable, l'homme auparavant mourant se tenait désormais là, face à nous et en pleine forme. La femme aux cheveux d'automne se leva et se tourna vers moi pour répondre à ma question :
- Ne répète jamais ce que je vais te confier.
J'hochai la tête, perplexe ; elle enchaîna :
- Il s'agissait d'une potion de vie, un mélange d'herbes médicinales enchantées par la sorcellerie capable de ranimer quiconque se trouve aux portes de la mort.
Je la dévisageai, les rumeurs étaient donc bien fondées, elle était une sorcière. Je réfléchis aux conséquences d'un tel aveu et m'enthousiasmai à l'idée de l'avantage que ses concoctions représentaient :
- Ces potions seront terriblement utiles pour survivre face aux loups-garous !
- Malheureusement, je ne peux en créé qu'une fiole à chaque pleine lune. Ce qui signifie que je n'en ai plus une seule avec moi.
Mince, la pleine lune était la nuit dernière. Ce qui voulait dire que nous allions devoir survivre durant encore vingt sept jours ? C'était beaucoup trop long mais nous ne pouvions plus prendre de risques aussi grands que cette nuit. Ne plus avoir l'assurance d'être soigné nous ramenait à notre point de départ, bien que l'événement de cette nuit nous eût convenablement servi de leçon. Je ne voulais plus leur faire porter de tels risques.
- Merci pour tout ce que vous avez fait, leur confiai-je. Seulement maintenant, je ne veux plus vous faire courir le moindre risque.
La sorcière s'approcha de moi et rétorqua, les sourcils froncés :
- Est-ce une blague ? Nous voulons nous aussi nous battre pour la cause du village, tu ne peux pas nous écarter de la sorte !
Je l'observai puis son compagnon prit pour la première fois la parole, d'une voix encore un peu faible :
- Maintenant que tu nous as prouvés la bonté de tes intentions, nous sommes prêts à te prêter allégeance.
- C'est vrai, nous te faisons totalement confiance désormais, affirma la rouquine.
- Pourtant mon plan était risqué et Erik en a payé le prix !
- Le boulanger était un loup-garou, et je l'ai tué, ajouta le concerné.
Je les détaillai tous deux, pourquoi refuser leur aide ? Après tout, j'en avais besoin. Malgré ma réticence à voir d'autres souffrir de mes erreurs, je déclarai :
- J'espère que nous ferons du bon travail.
Ils approuvèrent puis Merinya voulut laisser son mari se reposer. Elle nous fit quitter la pièce, Erian et moi, et ; étant donné le danger qui régnait à l'extérieur, cette dernière nous emmena à nos chambres pour la nuit. Guidés par la lumière d'une lampe à huile, nous grimpâmes des escaliers de bois, non sans grincement, puis la maîtresse des lieux ouvrit une porte en grand et affirma dans un sourire espiègle qu'elle avait à présent retrouvé :
- Dormez bien.
Elle nous quitta sur ces mots après que nous l'eûmes remercié. Je jetai un œil à Erian, jusque là discret. Dormir dans la même pièce que le jeune homme aux cheveux noirs ne me rendait pas tout à fait serein.
- Encore un point pour le leader charismatique, commenta-t-il sur le ton de l'humour.
Ce dernier avait brisé le silence, nonchalamment adossé à un mur. Il faisait sans doute référence aux deux nouveaux alliés que je venais de gagner. Nous nous fixâmes un instant puis je détournai le regard pour finalement me décider à pénétrer dans notre logement provisoire. Mais une fois à l'intérieur, je déchantai aussitôt. La chambre n'était pourvue que d'un seul et unique lit à double places. Je me retournai promptement et dévisageai Erian, espérant le voir me proposer une solution pour ne pas que l'on se retrouve à dormir ensemble.
- À quoi t'attendais-tu ? me questionna-t-il sarcastiquement en lisant l'appel au secours dans mon regard.
Je demeurai figé sur place en comprenant ce que cela signifiait. J'allais être obligé de partager le lit de l'associable durant une nuit entière. Je tentai de réfréner mes angoisses. Après tout, ma méfiance n'était en rien étonnante. Comment pouvais-je lui faire confiance alors que, lors de notre première rencontre, il m'avait menacé avec une arme ?
- Je te laisse le lit, je n'ai pas vraiment sommeil, murmurai-je.
Mon interlocuteur leva les yeux au ciel et s'approcha de moi. Il empoigna mon haut sans hésiter et le tira pour me faire avancer.
- Cesse d'être aussi pudique ! répliqua-t-il sèchement. Tes caprices ne doivent pas entacher notre cause. Si tu ne dors pas, tu ne seras plus en capacité d'enquêter.
Malheureusement, il avait encore une fois éperdument raison ; je n'avais pas d'autres échappatoires et de toutes manières, il paraissait peu disposé à me laisser veiller. Sans un mot, je quittai mes chaussures puis mon haut pour être plus à l'aise et m'installai lentement sous les draps. Erian m'imita et souffla sur la dernière bougie qui nous éclairait. Désormais plongés dans la pénombre, je tournai mon corps dans le sens opposé au sien, le cœur battant de la même adrénaline que quelques instants auparavant lorsque nous courions dans les rues désertes du village. Pourquoi ne parvenais-je pas à me détendre en sa présence ? Pourquoi ressentais-je toujours cette nécessité de faire attention à mes arrières ?
- Nous avons été géniaux cette nuit, déclara finalement le jeune homme aux yeux bruns au bout de quelques minutes de silence.
Je ne répliquai rien et il enchaîna :
- Nous sommes parvenus à nous en sortir vivants tout en abattant un loup-garou. Bien joué, je savais que je pouvais avoir confiance en toi.
Je déglutis difficilement, il avait "confiance en moi". Une culpabilité aigüe m'enserra le cœur. J'avais soudainement honte de penser des choses si négatives à son égard sans raison valable. J'étais bêtement rester sur mes premiers à priori, m'obstinant à ne pas lui laisser sa chance. Je pris alors la décision d'ignorer pour de bon cette méfiance inutile que je lui accordais. Après tout, comment ne pouvais-je pas tomber dans la paranoïa alors que j'étais entouré de villageois qui dissimulaient leur véritable nature de mangeurs d'hommes ?
- Finalement, j'ai bien fait d'avoir voulu enquêter sur toi, blaguai-je. Je me retrouve avec trois alliés supplémentaires à mes côtés.
Celui-ci ricana doucement et répondit :
- Tu sembles enfin convaincu par l'utilité de notre alliance.
- Oui, merci de m'avoir proposé ton aide.
- Ravi que tu ne la regrettes pas.
Je fermai les yeux et me sentis déjà partir vers un monde lointain. Erian me souhaita une bonne nuit, je fis de même avant d'instantanément succomber aux bras tentateurs de Morphée.
*
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