Partie 6 - Le chant du coeur
Une agressive lumière blanche et une forte odeur d'alcool tirèrent Kakashi de sa douce inconscience.
— Nous l'avons trouvé évanoui aux abords de ce qui semblait être un sacré site d'affrontement. Nous ignorons ce qui s'y est produit, mais il est évident que le combat qui y a fait rage fut d'une violence destructrice.
Il connaissait cette voix grave et assurée.
— Il a eu beaucoup de chance. Si vous étiez arrivés cinq minutes plus tard, je crois bien qu'il y aurait laissé la vie. Ses réserves de chakra étaient si faibles quand il m'a été présenté que j'ai cru qu'il était déjà mort. Idem pour la kunoichi du Village des Verrous.
Hanare.
Au prix d'un effort surhumain, Kakashi ouvrit les yeux et ce fut comme s'il avait déverrouillé du même coup les portes de sa mémoire. Tous ses souvenirs des évènements de la veille déferlèrent brutalement dans son esprit et il fut pris d'une nausée insoutenable.
— Bon retour parmi le monde des vivants, Kakashi-senpai!
Le regard du shinobi se posa d'abord sur le Capitaine Zō qui se tenait à la gauche de son lit d'hôpital, un sourire cordial se devinant derrière son masque, puis sur la ninja médicale qui lui tenait compagnie. Cette dernière, qui griffonnait fébrilement dans son registre de signes vitaux, leva les yeux en entendant le membre de l'ANBU s'adresser à son patient.
— Comment vous sentez-vous? s'enquit-elle.
— J'ai déjà été mieux.
Prononcer ces quatre mots avait relevé de l'exploit tant sa langue était aussi faible que les autres muscles de son corps. La migraine qui lui enserrait le crâne dans un étau l'empêchait de formuler toute pensée cohérente. Il tenta de se redresser sur son matelas mais renonça lorsqu'il fut pris d'un terrible haut-le-cœur.
— Dans quel état se trouve Hana...la kunoichi du Village des Verrous?
— Du calme, Kakashi, intervint Zō, se méprenant sur le motif derrière sa question. Elle est vivante. Ne t'inquiète pas, nous aurons tout le temps de l'interroger quand elle se sera rétablie.
Rasséréné, le rescapé se rappuya mollement contre son oreiller.
Vivante. Mais pas indemne. Par sa faute.
— Combien de temps ai-je été dans les vapes?
— Un peu moins de neuf heures, l'informa la ninja médicale. La résilience de votre organisme me stupéfie, généralement les patients dans votre état ne se réveillent pas de sitôt. Soit dit en passant, vous en aurez probablement encore pour deux semaines de convalescence.
Zō fit un pas vers l'avant.
— Cela m'ennuie de devoir t'importuner plus longtemps alors que tu étais moribond il y a de cela moins d'une révolution solaire, mais l'ANBU a besoin de renseignements immédiats sur ce qui s'est déroulé après que nous nous soyons séparés. L'absence de dépouille au second site d'affrontement nous a forcé à dépêcher une escouade de recherche pour éviter toute fuite d'information hors du pays.
Kakashi se prêta à l'exercice de bon cœur. Cette distraction était la bienvenue puisqu'elle l'empêchait de se morfondre sur le compte d'Hanare. Il décrivit sommairement l'embuscade des cinq ninja d'Iwagakure et le rapt de la kunoichi qu'il devait conduire au centre de soin, ce qui l'avait obligé à utiliser son Mangekyō Sharingan. Il omit sciemment de mentionner qu'il avait reconnu la jeune femme.
Le capitaine de l'ANBU ponctua le récit en laissant échapper un sifflement admiratif.
— Ton talent est légendaire, mais de là à penser que tu réussirais à assujettir autant de force mentale pour recourir à cette technique avec si peu de chakra...
— Il y a autre chose. Le ninjutsu de manipulation de la gravité est, si je ne trompe, un don héréditaire uniquement répertorié au sein la famille du troisième Tsuchikage.
— Voilà qui est préoccupant. On ne peut pas exclure la possibilité d'une ingérence directe de la part du Tsuchikage. Le conflit en le Pays de la Terre et le Pays du Feu serait donc plus sérieux qu'il ne laisserait présager. La kunoichi du Village des Verrous devait avoir recueilli des renseignements compromettant sur leurs plans qu'ils ne souhaitaient pas ébruiter.
— J'en suis arrivé à la même conclusion.
— Bien. Puisque nous sommes maintenant certains d'avoir récupéré tous les corps ennemis, nous pouvons nous permettre d'attendre ton rétablissement avant d'interroger la kunoichi. Je te veux à mes côtés, car tu auras pu noter des détails importants en affrontant ces hommes et ton intelligence sera inestimable pour...
Alors que son capitaine d'escouade débitait ses réflexions à voix haute, la vision de Kakashi s'embrouilla sans avertissement.
« Pas encore... » songea-t-il avec contrariété, tout en tentant de conserver un pivot dans la réalité en fixant la blancheur aveuglante du plafonnier.
L'infirmière, qui avait détecté son vacillement vers l'inconscience grâce à un sixième sens acquis par l'expérience, décréta qu'il avait besoin de repos. Elle chassa sans ménagement le capitaine de l'ANBU de la chambre d'un air qui ne permettait aucune contestation.
Kakashi passa les journées suivantes dans un état second, basculant périodiquement dans des épisodes de sommeil agité où il revivait sans cesse l'issue du combat contre le ninja d'Iwagakure. La plaie béante d'Hanare. Ses mains souillées de sang.
Hors de toute attente, le décor terne de l'hôpital, la redondance des journées et la faiblesse de son corps étaient plutôt facile à supporter. Le poids de la culpabilité, lui, était insoutenable.
Il se haïssait. Il détestait sa faiblesse et son imprudence qui l'avaient acculé au pied du mur sans autre option que de tenter une technique qu'il ne maîtrisait pas. S'il avait été plus compétent et plus analytique, il aurait pu prévenir de la souffrance à une camarade.
Il n'osa pas requestionner le personnel médical sur le rétablissement d'Hanare par peur d'éveiller des soupçons. Néanmoins, un certain matin brisa la monotonie de sa convalescence pour lui apporter les réponses qu'il cherchait lorsqu'un écho, onirique et mélodieux, résonna dans les oreilles du ninja. La musique le tira gentiment d'une de ces siestes cauchemardesques à la manière d'une amie lui tendant une main bienveillante.
Il s'agissait d'une symphonie cadencée mais tout en complexité, parfait équilibre entre fougue et délicatesse. L'hymne retentissait immanquablement de la cour intérieure, un étage plus bas. La musique était si envoûtante, avec ses douces vibrations qui venaient chatouiller son âme, que Kakashi ressentit le besoin irrépressible de connaître l'identité de cette enchanteresse. Revigoré par cette idée, il utilisa toutes ses forces pour obliger son corps affaibli à se redresser et se poster à la fenêtre.
Hanare se trouvait assise en tailleur près de la fontaine, un luth sur les genoux, entourée d'enfants espiègles qui couraient en riant de bonheur.
Elle jouait de son instrument comme s'il faisait partie d'elle. Les notes s'agençaient en harmonie, les cordes fuyant sous ses doigts habiles. Ce ne fut pas la beauté de la mélodie qui captiva Kakashi, mais plutôt l'état d'euphorie dans lequel cela la plongeait et son naturel déconcertant.
Le cœur du ninja de Konoha cognait dans sa poitrine. Une légère brise se faufila par la fenêtre ouverte et apporta avec elle un vent de quiétude. Ses battements cardiaques ralentirent à l'unisson de la musique, calquant le rythme de la sérénade.
Les cœurs des deux ninjas entrèrent alors en résonance.
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