Prologue
Je n'ai jamais tué volontairement. 1095 jours exactement que je tiens cet engagement.
Vous me demanderez pourquoi, je vous répondrais que je déteste la barbarie. Le sang à flot, les corps entassés, l'odeur nauséabondes de putréfaction. En vérité, ce n'est pas le dégoût qui m'a mené à prendre cette décision.
Il y a environ 1095 jours, je me suis trouvé cette morbide passion pour la chaleur sanguine humaine. Et pourtant je viens de loin. L'hémoglobine me révulsait comme la vue du vomi me menait à fuir. Ce fut, un long temps, ma principale source de vie. Ce coeur battant, ces artères vivantes, ces poumons fatigables mais nécessaires.
Il y a plus de 1095 jours, je me suis retrouvé à changer radicalement, le jour d'une majorité inespérée. Celle de mes dix-neuf ans. Je m'en rappelle comme si c'était hier. La santé, les joues roses, les yeux vifs et alertes, j'étais rayonnant. Trop rayonnant. Ça m'a attiré l'attention du démon, du pire qu'il soit.
Il y a nombres de paroles qui courent à leurs sujets. Immortels à souhait, rapide comme l'éclair, impassible comme la pierre, et ils sont irrésistibles à en s'en vendre l'âme. Les stryges. Quoi que le mot soit démodé ces jours-ci. Ça avait changé l'année dernière. C'était un de ces hommes aux muscles plus gros que des montagnes qui avait commencé à passer le nouveau mot, plus horrifique et simple : vampire. Quoi qu'il y a des versions comme quoi ils nous appelaient les dhampirs parce qu'un de ces copains anglophones lui avaient soufflés ce mot. Trop dur, il avait changé. Et je le comprends, il n'était pas des plus cultivés comme bonhomme.
Je l'avais rencontré, oui. Quarante ans, la bedaine remplie de bière et la moustache assombrie de noeuds. Popay de son nom. Il riait grassement et faisait honte aux serveuses qui lui apportaient toujours plus de tournées. Les poches remplies d'or, on le racontai expert en chasseurs de vampires.
Je l'avais observé des mois durant, toujours à la table d'a côté. Croyez-vous qu'il m'aurait remarqué et aurait exécuté ses dires dans cette taverne ?
Il est mort le jour suivant de deux mois, achevé par des loups affamés dans les bois. Sa mission avait été de chassée une sorcière coupable d'avoir charmé le roi. Alors que le souverain était juste coupable d'adultère et avait envoyé tué une pauvre citoyen pour ses cachoteries dévoilées.
C'était il y a 303 jours. Et, à vrai dire, je le regrettais. Il animait mes soirées de sa baufferie et m'avait bien diverti. Je le lui avais avoué, en allant chercher son âme, à deux kilomètres après la lisière du bois. Il avait été défiguré, et je l'avais trouvé là, à regarder son corps sang vie et méconnaissable. Il avait été sans émotion véritable en me voyant arrivé vers lui, de prendre son poignet jusqu'à ce que le sol l'ait complètement avalé de ses racines épineuses.
Je l'avais suivi 62 jours avant sa date butoir. Je la connaissais mais pas l'heure. La patience avait été une vertue, je n'aurais pas aimé assister à ce bain de sang, sous les crocs assoiffés de ces animaux puants. Quand j'étais arrivé, la terre avait bu les trois quart du liquide amer d'odeur de l'homme. Que dire de ce pauvre homme à part qu'il n'était pas aussi glorieux qui ne le disait ?
Mais passons, il était de l'histoire ancienne. Je me souviendrais toujours de son nom comme d'une victime malheureuse de mon rôle d'armier. Quel mot étrange pour décrire mon rôle de croque-mort des vivants. Armier, ou plus simplement parlant, le messager des âmes. Dans la croyance populaire, nous sommes médiums. On a bien oublié de m'en faire cadeau. J'avais le sale boulot sans les informations essentielles, je devais tout deviner par moi-même. Et croyez-moi, ce n'est pas drôle pour certains.
Armier, vampire, personne ne connait mon existence. Pas même ma première victime, tout comme je ne connais pas son nom. Je retenais tous ceux que j'avais envoyé en bas, mais pas la première. Quelle miséricorde, ça m'embêtait de ne pas me rappeler du nom de cette pauvre dame. À vrai dire, je n'avais pas eu le temps de discuter ni même de me rappeler des détails. Le jour suivant, j'étais à l'autre bout du pays.
Et aujourd'hui, en cette nuit de pleine lune, je me dirigeais vers un village perdu parmi les gros de la haute société. Que je vous explique, je n'y vais pas de tourisme. J'avais l'éternité pour le faire, et me rendre dans des quartiers délabrés avec des pouilleux partout ne m'enchantaient guère. Mais il s'avère qu'il s'y vend rubis du confin du monde. Une pierre miraculeuse et incassable qui me permettrait de sortir en plein jour sans avoir à me coltiner une affreuse migraine. Les bourdonnements, ça va deux minutes. Et le talisman que j'ai volé à l'autre vieille bique, il y a six mois, commençait à perdre de sa protection. Résultat, me voila contraint à voyager sans gaité de coeur en pleine nuit pour espérer ne pas être exécrable demain.
En bref, j'avais encore des kilomètres avant de trouvé ce foutu village minable où je ne ferais que m'arrêter une journée sans plus. L'achat fait, je retournais enfin dans la capitale pour retrouver mon petit chez moi confortable. Il me manquait déjà. Et l'horizon d'un ennuyeux interminable.
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