Chapitre 23
Quelques buissons se mouvaient tranquillement au gré du vent qui traversait par moments la forêt. Le calme régnait, les oiseaux chantaient avec entrain, les biches et les cerfs bondissaient gracieusement à la recherche de jeunes pousses à manger. Mais soudain, une forme frôla les buissons et brisa la sérénité de cet espace. Sa course était effrénée, son souffle, parfois, était sifflant.
Link courait à en perdre haleine : il avait quitté l'elvësch depuis une vingtaine de minutes et il s'approchait rapidement de Panahpolis. Mais au loin, quand il aperçut des bâtiments militaires, il ralentit et fronça les sourcils. Il arrivait enfin à un endroit difficile. Sa tablette ne lui donnant aucune carte des lieux, il ne put savoir s'il existait une autre route pour accéder à la ville. Seulement, celle-ci était la plus courte. L'Hylien tira sa capuche un peu plus en avant, l'air grave, et quitta le chemin pour se diriger vers l'arrière d'un des édifices, à l'abri des regards. Il fit le moins de bruit possible et veilla à ce qu'il ne croise personne.
De nombreuses caisses étaient entreposées contre les murs, du matériel militaire bordait le chemin et le rendait inquiétant. Link arriva au niveau des écuries qui renfermaient quelques chevaux peu vigoureux. Il se demanda quel pouvait être leur rôle sachant que les elvëschs restaient les meilleures montures imaginables. Alors qu'il longeait les box, une silhouette se dressa à côté de lui et ses sourcils se froncèrent aussitôt. Mais quand son regard croisa celui d'une jeune femme châtaine, le héros crut que son sang allait cesser de couler. Les yeux d'Astrid s'écarquillèrent de stupéfaction en reconnaissant le plus grand ennemi de son peuple. Avant qu'il ne puisse réagir, elle bondit sur le jeune homme, lui attrapa une épaule et traça un demi-cercle dans l'air autour d'eux. Immédiatement, une sphère bleutée apparut pour les encercler puis disparut.
- Viens vite ! s'écria-t-elle en l'entraînant vers une cabane isolée, plus loin.
Link n'eut pas le temps de comprendre qu'il se retrouva l'instant d'après entre les murs de bois.
- Tu es suicidaire ou quoi ? Qu'est-ce que tu fous là ?! lui hurla Astrid en le prenant par le col.
- Tais-toi, on va nous entendre...
- Imbécile, j'ai créé une sphère insonorisante ! Ici, tout le monde veut te tuer, tu le sais ça ?!
Elle le fit reculer jusqu'à le plaquer contre un mur et elle sortit un coutelas avant de placer la lame sous sa gorge. Le blond serra les dents en lui jetant un regard noir. Jamais il ne s'était confronté à une femme avec autant de force.
- Je suis venue chercher Olympe ! Après tout ce qu'elle m'a raconté, je ne peux pas la laisser ici.
- Les affaires de Panah ne te concernent pas !
Astrid exerça une pression plus forte sur sa peau.
- Maintenant, tu vas payer le prix de ton imprudence !
- Si tu voulais vraiment me tuer, tu n'aurais pas créé cette sphère, et tu ne m'aurais pas emmené ici, répliqua-t-il en gardant son calme.
La soldate tiqua en plissant méchamment les yeux, prête à lui trancher la gorge. Mais son visage s'adoucit soudainement et elle laissa son bras tomber le long du corps, l'air attristé.
- C'est vrai... Je n'arrive pas moi-même à comprendre pourquoi j'ai fait ça.
Link se détendit un peu, bien qu'il restât méfiant vis-à-vis d'elle.
- Si je ne t'avais jamais vu, je ne t'aurais pas reconnu derrière cette nouvelle coupe et nouvelle teinture, affirma-t-elle en rangeant son coutelas. Mais tu devrais quand même rentrer chez toi. Ce qu'il se prépare à Panah te dépasse complètement.
- Je ne repartirai pas sans Olympe. Si elle reste vivre ici, elle ne pourra jamais atteindre le but de sa vie et être heureuse !
- Accompagné de violons, ton discours m'aurait peut-être fait pleurer, ironisa-t-elle en grommelant. Sérieusement, tu te prends pour qui ? Il y a un mois encore tu ne la connaissais même pas ! Votre relation ne peut qu'être superficielle. Il était certain que ma sœur rentrerait un jour ou l'autre, elle aurait dû le prévoir ! La situation dans laquelle elle s'est mise n'est que la conséquence de sa bêtise.
Le visage du jeune homme se décomposa devant elle, ce qui étonna Astrid. Elle se demandait pourquoi il était autant affecté par ce qu'elle venait de dire. Puisque la soldate ne semblait plus lui vouloir de mal, Link décida de partir pour ne plus l'entendre. Mais il se heurta à une barrière invisible.
- Toutes ces années où j'ai vu ma sœur grandir, où je l'ai vu accepter naïvement son soi-disant destin, je n'ai cessé de lui en vouloir, avoua Astrid en tournant le dos au prodige. Je lui en voulais d'accepter tout ça trop facilement. Parfois, j'avais envie de lui hurler la vérité, de lui dire qu'il y avait peu de chance que son mariage arrangé la rende heureuse. Elle qui croyait épouser un garçon de son âge... Mais mon père m'a toujours interdit de le lui dire.
La châtaine se mit de nouveau face à lui et plongea son regard peiné dans celui de Link. Ce dernier l'écoutait attentivement.
- Je trouve ça injuste qu'elle ne soit pas maîtresse de son avenir. Malheureusement, je ne suis pas en position de pouvoir faire entendre ma voix. Après tout, les soldats de Panah ne sont que des pions utilisés par les dirigeants.
Elle posa un doigt sur la poitrine du jeune homme, juste au-dessus de son cœur. Cela le déstabilisait qu'elle ressemble autant à Olympe.
- En vérité, je suis soulagée que tu sois venu. Si ma sœur t'a choisi... C'est qu'elle sait qu'à tes côtés, elle pourra accomplir de grandes choses. Excuse-moi, pour l'autre jour. Mes émotions ont pris le dessus quand j'ai appris que ma jumelle t'avait marqué. C'est une folie... Enfin bon.
La haine passa à travers ses yeux et fit légèrement tressaillir le prodige.
- Si t'aider me permet d'atteindre l'homme qui me sert de père, alors je n'hésiterai pas une seconde.
- Tu... Tu ne l'aimes pas ? bégaya Link, interloqué.
- Je le déteste de tout mon être ! Lui qui n'a jamais reçu l'amour de sa mère, il est incapable d'aimer en retour ! Il ne fait que se servir d'Olympe, et de moi par la même occasion... Il est ignoble. Même avec ma mère il est détestable. C'est à cause de lui si elle est autant malade depuis des années...
Hors d'elle, elle asséna un violent coup de poing dans la sphère invisible et créa une vibration sifflante et désagréable. Prudemment, l'Hylien recula de quelques pas.
- Je vais t'aider pour cette fois-ci, Héros, déclara-t-elle d'une voix grave. Mais sache qu'une fois seul, tu ne bénéficieras plus de mon aide.
Astrid secoua sa main pour atténuer la douleur qui s'y répandait.
- Ma sœur se trouve au palais des dirigeants. Il se situe en plein centre de Panahpolis. Pour y entrer, il te suffira de voler l'ensemble d'un soldat ordinaire, tu pourras ainsi passer par la porte Nord. À l'heure où je te parle, Olympe doit être captive dans l'une des salles d'hôte. Malheureusement, je ne sais pas encore laquelle il s'agit... Tu devras faire très attention car il y a beaucoup de soldats, dont Claudius qui s'est spécialisé dans la chasse de primes. Fais vite car demain a lieu son mariage avec Lancelin, au temple de la déesse Maurdrid. Une fois que tu l'auras sauvée...
La jeune femme s'attrapa un bras, mal à l'aise, et fixa une cage à quelques mètres de là.
- Rentre vite chez toi et termine ce que tu as commencé.
Astrid disloqua la sphère protectrice et se dirigea vers le seuil de la porte.
- Tu trouveras les tenues dans l'une des caisses, derrière toi. Ah, et un dernier conseil : ne croise plus jamais ma route. Je risque de... de ne plus être la même.
Elle fit un pas de plus puis s'arrêta avant de le regarder une dernière fois avec tristesse. Pour la première fois, la jumelle d'Olympe lui accorda un sourire chaleureux.
- Je suis heureuse de t'avoir rencontré et que tu sois le compagnon de ma sœur. Si nous nous étions connus plus tôt et que tu avais réellement cette couleur de cheveux, peut-être serais-tu mon genre ?
Sur ces dernières paroles, elle le quitta définitivement et courut rejoindre l'écurie avant qu'on ne remarque son absence. Demeurant figé, Link assimilait ses mots et secoua la tête pour se reprendre.
- Merci, Astrid, prononça-t-il car il savait qu'elle pouvait encore l'entendre.
Sans plus tarder, il chercha la tenue intégrale de simple soldat et la trouva après plusieurs minutes. Il se changea rapidement. C'était étrange... Vêtu de la sorte, c'était comme si de vieux souvenirs tentaient de revenir à la surface, mais sans succès. Dans le reflet d'une vitre, il put s'apercevoir, les yeux écarquillés. La tenue du soldat s'apparentait à celle d'un chevalier, même si quelques parties différaient. Soudain, son visage reflété prit une autre forme et devint celui d'un autre jeune homme, au regard et au sourire déterminés. Derrière lui, d'autres chevaliers apparurent en portant les armoiries de la famille royale d'Hyrule.
Brusquement, Link se retourna mais ne vit rien. En reportant son regard sur la vitre, il se demanda sérieusement s'il était en train d'halluciner. Pourtant, un sentiment de nostalgie naquit en lui, et il comprit que tous ces chevaliers, il les avait connus, il les avait fréquentés. Mais alors... Pourquoi le héros les voyait-il ici ? Hylia essaierait-elle de lui envoyer un message ? " Tu n'es pas seul". Le brun en face de lui leva alors son pouce en signe d'encouragement, puis tous tournèrent le dos à Link avant de s'éloigner, laissant seulement son reflet derrière eux. Perdu, le blond sentit un poids s'ajouter sur ses épaules. Il posa son poing sur sa poitrine en inclinant légèrement la tête en avant, puis il quitta rapidement la cabane.
Astrid avait disparu de l'écurie. Au loin, un petit groupe de soldats traversait une cour en direction de l'arène d'entraînement. Link marcha alors rapidement en direction de la ville. Habillé de la sorte, il pouvait passer inaperçu et ne pas éveiller les soupçons. Il rencontra des adolescents qui suivaient leur cours pour devenir à leur tour des pions de l'armée. La base militaire se trouvait au pied de la ville. Lorsqu'il passa sous la grande arche d'entrée, l'Hylien remarqua immédiatement les affiches clouées au mur de pierre. La gorge nouée, il s'en approcha et y découvrit son portrait, assez proche de la réalité. Tout était décrit : sa couleur de cheveux, celle de ses yeux, sa taille, les vêtements qu'il portait d'habitude... En dessous avait été marquée la somme de la récompense si on le capturait ou le tuait. Elle s'élevait à des millions. "ENNEMI DU PEUPLE" avait été inscrit juste au-dessus de sa tête et le fit déglutir.
Pourquoi le voyait-on ainsi ? Il n'avait jamais foulé ces terres, ni même porté du tort à l'un de ses habitants. Chaque regard inconnu posé sur lui le mettait terriblement mal à l'aise. Link avait l'impression d'être sondé, analysé à son insu ; il devenait peu à peu paranoïaque alors que personne ne se méfiait de lui. Il se devait de réguler sa respiration pour paraître calme aux yeux de tous. La ville regorgeait de petits commerces et d'activités, les rues rassemblaient un grand nombre d'habitants. Au loin se dressait le palais dont lui avait parlé Astrid. Certes, il était deux fois plus petit que le château d'Hyrule mais il n'en restait pas moins impressionnant : il possédait de hautes tours et plusieurs ailes aux différents rôles.
- Eh, toi ! le héla un homme, derrière lui.
Link se crispa et se tourna en essayant de rester naturel. Un sergent, accompagné de quatre soldats, le rejoignit en le regardant durement.
- Qu'est-ce que tu fais là ? N'as-tu pas reçu les ordres du commandant ?
- N-Non...
Intrigué par son attitude intimidée, l'homme se pencha vers lui et l'inspecta en se tenant le menton.
- Tu m'as l'air nouveau, toi. Laisse-moi deviner, tu viens de la campagne profonde ?
Les yeux du prodige s'agrandirent légèrement mais il vit là une occasion à prendre.
- Oui, c'est exact. Je suis arrivé dans cette ville depuis peu et je cherche l'entrée Nord du palais.
- Tu ne risques pas de la trouver ici, mon garçon ! rit le supérieur en même temps que ses hommes. Nous sommes en plein Sud de Panahpolis. Je m'y rends justement, tu peux te joindre à nous si le cœur t'en dit.
Link le remercia grassement et poursuivit sa route à leurs côtés, son cœur battant fortement dans sa poitrine. Au moins, son déguisement fonctionnait à merveille, comme lorsqu'il y fut chez les Gerudos. Sauf que cette fois-ci, Olympe n'était pas à ses côtés. Sa poitrine se serra douloureusement et un voile de chagrin passa sur son visage. Allait-elle bien ? Savait-elle qu'il était venu la chercher ? Non, bien sûr que non... Olympe devait être persuadée qu'il était parti affronter Ganon.
À chaque coin de rue, un avis de recherche sur le héros avait été placardé et lui rappelait à quel point il encourait en permanence de grands dangers. Mais pour l'instant, aucun signe ne pouvait le trahir. Il jouait parfaitement son rôle de jeune soldat. Une bonne trentaine de minutes plus tard, le groupe parvint enfin à l'entrée Nord du palais et arrivèrent dans la zone réservée aux militaires.
- Voilà tes nouveaux quartiers, soldat ! J'imagine que c'est ici que ton sergent instructeur t'a envoyé.
- En effet, merci encore pour votre aide.
Sans le savoir, cet homme venait de faire entrer dans le palais le plus grand ennemi de son peuple. Celui qui allait renverser Ganon. Des centaines et des centaines de soldats étaient réunis en ces lieux et s'exerçaient en menant des combats amicaux. Une soldate rousse, justement, cherchait un adversaire pour s'entrainer et son attention se porta sur ce nouveau soldat.
- Salut, comment tu t'appelles ? lui demanda-t-elle en s'arrêtant.
En discernant ses iris bleus, elle se sentit rougir. De son côté, Link essayait d'emprunter un nom pour dissimuler son identité. Un jour, Olympe lui avait dit qu'un de ses amis s'appelait Conrad. Pour lui rendre hommage, il décida que ce serait son identité à Panah.
- Conrad. Je m'appelle Conrad.
- Enchantée, moi c'est Morgane ! Ça te dirait d'échanger quelques coups avec moi, histoire de garder la forme ?
Le faux brun se montra embarrassé pour éviter de se dévoiler en plein public.
- Non, désolé... J'ai déjà quelque chose à faire. Une prochaine fois peut-être ?
Heureuse de sa proposition, elle sourit chaleureusement et hocha la tête.
- Super ! J'appartiens au onzième régiment ! Tu n'auras qu'à demander "Morgane", tout le monde me connait.
La rousse le salua puis s'en alla, tout de même déçue de ne pas avoir trouvé d'adversaire. Soulagé, Link se dépêcha d'entrer au sein même du palais et déboucha sur de longs couloirs inconnus. Il n'avait aucune idée de la salle qui pouvait renfermer Olympe. Et s'il osait demander à quelqu'un où pourrait être enfermé un captif dans le palais, il deviendrait immédiatement suspect. Si seulement le jeune homme avait un moyen de connaître sa position... Mais c'était impossible.
Maintenant qu'il y pensait, Astrid n'avait-elle pas dit que sa soeur devait se trouver dans une salle d'hôte ?
- Où est-ce que tu crois aller comme ça, toi ?! s'exclama une voix féminine.
Link contint sa frustration vis-à-vis de toutes ces personnes qui l'interpelaient constamment. À chaque fois, il avait l'impression d'être démasqué. Il pivota et tomba nez-à-nez avec une vieille servante en tenue de travail.
- Les soldats ne sont pas autorisés à venir ici. Tu devrais le savoir, non ?
- Excusez-moi mais je dois délivrer un message de la plus haute importance à... à monsieur de Mauboir en personne.
- Monsieur de...! Par les déesses, mais il fallait le dire plus tôt ! C'est vous qui détenez toutes les informations sur ce criminel recherché ?
Le chevalier fut pris d'étranges vertiges et pâlit faiblement en déglutissant.
- Ou-Oui, c'est ça. Mon supérieur m'envoie car il doit régler des affaires importantes en ville.
- Suivez-moi, il attend votre venue avec impatience !
Il avait menti dans la précipitation, mais saurait-il en assumer les conséquences ? Que ferait-il, une fois face au père d'Olympe ? Cet horrible homme... lui inspirait une profonde répulsion. La servante le conduisit à travers les multiples corridors, ordonnant à d'autres domestiques de s'écarter. Tous observaient avec curiosité ce jeune soldat aux cheveux bruns. Au centre même du palais, la servante mena Link à une cour et le pria d'y attendre.
- Je dois vous annoncer au dirigeant. Sans quoi, il ne vous recevra pas. Je ne m'absenterai qu'une dizaine de minutes, tout au plus.
- Bien.
Il s'inclina et la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière une porte. Le héros croisa les bras en attendant patiemment son retour. Il n'aurait qu'à menacer Salvin pour qu'il libère sa fille. Le chevalier ne voulait pas le tuer. Dans la cour s'étaient postés quelques militaires ; des chemins extérieurs situés aux étages avait vue sur cet espace dégagé.
- Il est là ! hurla un messager en déboulant dans la cour. Il a été aperçu en ville avec sa tablette accrochée à sa ceinture, et il a infiltré nos rangs !
Le sang de Link se glaça dans ses veines et ses poils se hérissèrent.
- Comment ? s'écria un des soldats en accourant vers lui. Tu es sûr de ce que tu dis ? Pourquoi l'alerte n'a pas été donnée plus tôt, dans ce cas ?
- Il s'est déguisé et se fait passer pour un militaire ! Nous avons perdu sa trace.
- Impossible...
Un homme brun pointa alors l'Hylien du doigt, les traits tirés.
- Eh ! C'est quoi ce truc qui brille à ta ceinture ??
Le regard de Link descendit aussitôt à sa taille et il frémit en voyant sa tablette à moitié dévoilée. Un frisson lui parcourut l'échine. Lui qui avait essayé de la dissimuler comme il le pouvait... Il avait tenté de tirer ses habits dessus pour la cacher mais cela n'avait pas fonctionné.
- ALERTE ! hurla l'homme en attrapant son cor avant de souffler puissamment dedans.
Ses compagnons dégainèrent de suite leur épée et s'approchèrent du jeune homme, menaçants. Link serra les dents, les sourcils froncés, et fit apparaître la Lame Purificatrice et le bouclier d'Hylia. Il ne pensait pas recourir à son arme aussi vite ; le Héros se trouvait au beau milieu d'un bâtiment ennemi, il serait bientôt encerclé. Les soldats se précipitèrent vers lui en criant puissamment. Le faux brun dégaina d'un coup son épée sans activer son pouvoir et s'empara de son bouclier, les genoux fléchis. Il para l'attaque d'un premier ennemi en l'envoyant au sol et bondit en arrière pour esquiver l'arme d'un homme châtain. Link s'était déjà battu contre plusieurs monstres à la fois. Mais contre plusieurs hommes en combat rapproché, jamais. Du moins depuis son Réveil.
Voyant ses ennemis déstabilisés par son adresse, il fit tourner la Lame Purificatrice dans sa main et s'élança vers eux avant d'effectuer son attaque circulaire. L'épée d'un des soldats fut éjectée tandis que les hommes tombèrent lourdement en gémissant. Des renforts arrivèrent au même moment, très bien armés, et encerclèrent le prodige en affichant des airs malveillants.
- N'intervenez pas, laissez le lieutenant s'en occuper ! ordonna un homme avec fermeté.
Astrid se présenta alors devant l'Hylien, une épée sanglée à la ceinture. Il retint un hoquet de surprise en voyant que ses iris étaient dorénavant rouges ainsi que ses veines devenues violettes, clairement visibles à travers sa peau. Son regard et son apparence n'avaient plus rien d'humain, son expression animale la rendait terrifiante. Pour Link, ce fut un véritable choc, d'autant plus quand l'épée de légende émit une vibration significative. Cette fille qui se tenait devant lui avait un lien avec Ganon.
- Tu... Tu es un démon, articula le chevalier avec difficultés.
Astrid ne répondit pas et se contenta seulement de dégainer son épée d'un noir intense et à l'aura maléfique. L'armée l'avait conditionnée pour être manipulée à la guise des dirigeants et exécuter leurs ordres sans réfléchir. Elle avait déjà prévenu Link qu'elle ne serait pas la même s'ils devaient se croiser de nouveau. En soi, combattre contre une femme ne le dérangeait pas. Mais cette fois-ci, son ennemie était la jumelle d'Olympe... Il n'avait aucune issue de secours. Pour lui, la situation était extrêmement critique.
La châtaine fléchit soudainement les genoux et s'élança vers lui en tenant à deux mains la fusée de son arme. Surpris par sa vitesse inhabituelle, Link para avec maladresse son attaque et perçut qu'il basculait en arrière à cause de la puissance du choc. Il planta son épée dans le sol pour se retenir et donna un coup avec son bouclier pour repousser la jeune femme. Cette dernière profita de son ouverture pour lui asséner un coup droit que le prodige bloqua au dernier moment avec sa lame. Lorsque les deux épées s'entrechoquèrent, un bruit assourdissant se produisit et une onde partit d'entre elles avant de traverser leur corps.
Astrid n'attendit pas qu'il se reprenne et lui donna un violent coup de pied pour le déstabiliser. La force qu'elle avait acquise surpassait celle de quatre guerriers réunis. Link dérapa sur les dalles de la cour en serrant les dents. Il bondit sur le côté et roula à terre en évitant de justesse un nouvel assaut de son ennemie. Quand l'arme d'Astrid heurta la pierre, elle fit voler une multitude d'éclats et fit grimacer ses compagnons qui assistaient à la mise à mort du héros. Link se releva d'un bond et se précipita vers la châtaine en effectuant une attaque circulaire. Mais la soldate esquiva avec une aisance déconcertante. Lorsqu'il vit ses iris rouges s'illuminer, un horrible frisson traversa l'échine du blond : au moment où Astrid tranchait l'air horizontalement devant elle, une vague d'énergie noire fut propulsée. Précipitamment, le chevalier planta la Lame Purificatrice dans le sol et activa son pouvoir, les traits contractés. La magie maléfique rencontra la Lame Purificatrice et provoqua une puissante bourrasque qui vint s'abattre sur les combats et tous les soldats autour.
Link retira son épée et sauta sur la soldate en hurlant toute la rage qu'il contenait en lui depuis son arrivée. Elle eut un mouvement de recul et se vit forcer de parer les nombreux coups qu'enchaînait le jeune homme. Aucun n'arrivait à prendre le dessus sur l'autre, ce qui augmenta la frustration du prodige ; plus le combat se prolongeait, moins il voyait la véritable Astrid, sous ses traits de démons. Pour lui, elle devenait peu à peu un être maléfique à abattre. Et puisqu'il n'arrivait pas à la toucher en combat normal, il allait devoir utiliser tous ses atouts pour prendre le dessus. Lorsque l'épée démoniaque d'Astrid fendit l'air afin de le tuer, il bondit en arrière pour l'esquiver. L'atmosphère se densifa brutalement pour tous les spectateurs dont le temps était maintenant ralenti. Profitant de la paralysie de la châtaine, Link élança son bras gauche pour l'attaquer et cria en lui jetant un regard noir.
Mais alors que l'épée de légende devait la toucher, Astrid bondit sur le côté et les pupilles du héros se rétractèrent sous la stupéfaction.
- Quoi ?! s'écria-t-il, ne s'attendant pas à ce que quelqu'un puisse un jour se mouvoir dans cet espace-temps précis.
Déséquilibré, il tomba à la renverse et le temps reprit son cours normal. Link roula sur le côté en gémissant tandis qu'une lame noire s'enfonça brusquement à quelques centimètres de sa tête. Le trouble dont il faisait part le perdait totalement. Comment était-ce possible ? Comment pouvait-elle bouger normalement alors qu'il avait figé le temps ?! N'arrivant pas à retirer son épée, Astrid plaça deux doigts à la verticale devant elle et une boule de corruption se forma juste au-dessus de Link. Son visage se crispa sous l'horreur en pressentant la suite. D'un coup, il plaça Excalibur à l'horizontale et la magie noire vint violemment la heurter avant de disparaître en créant une petite onde de choc. Le héros ne pouvait pas rester en position de faiblesse au sol ! En voyant le regard bouillant de haine de son ennemie, il comprit qu'elle préparait un nouveau sort qui le dépassait complètement.
Astrid leva sa main vers le ciel en grognant avec férocité tandis que des éclats rouges et noirs étincelaient dans sa paume tendue. D'un coup, elle plongea vers le jeune homme pour le frapper en plein visage. Effaré, Link roula de nouveau sur le côté et le sol explosa à l'ancienne place de sa tête. Le souffle qui s'en échappa le projeta à plusieurs mètres de là et le fit faiblement geindre. Tous les soldats avaient plaqué leurs mains sur leurs oreilles en grimaçant de douleur. Le chevalier se releva en titubant et la respiration saccadée. L'une de ses tempes saignait et l'obligeait à fermer un œil. Mais quand Astrid bondit vers lui, son épée noire de nouveau entre ses mains, il sentit son cœur rater un battement et les muscles de ses jambes se crisper. Machinalement, sa main se porta à la tablette et la brandit devant lui, l'expression sombre.
- Fige-la ! ordonna-t-il avec animosité à la tablette.
La soldate s'arrêta brusquement, en position d'attaque, et tous les souffles se coupèrent autour d'eux. Link se jeta sur elle et la plaqua brutalement à terre en l'immobilisant à l'aide de tout son poids. Il lâcha son bouclier pour empoigner son épée à deux mains et la leva au-dessus de la jeune femme. Un voile de folie passa dans son regard. C'était à cause de son peuple si Olympe avait dû fuir et avait été capturée ! Les mâchoires du chevalier se serrèrent fortement sous la haine et il brandit plus encore son épée, prêt à lui donner le coup de grâce. Un lourd silence régnait autour de lui. Tout le monde était bien trop médusé pour intervenir.
" Je... Je te présente ma sœur jumelle... Elle s'appelle Astrid."
- Link ? prononça une petite voix, en hauteur.
Le cœur du héros cessa un instant de battre en reconnaissant cette voix douce qu'il aimait tant, et un profond soulagement vint remplacer sa haine. Lentement, il releva la tête et découvrit Olympe deux étages plus hauts, les mains liées dans le dos et entourée par plusieurs gardes ainsi que son père.
- Olympe... souffla-t-il, les larmes aux yeux.
- Link ! s'écria la voyageuse en se débattant férocement. Lâchez-moi !!
Un bruit de métal percé et de chair déchiquetée la figea soudainement et la firent regarder en direction de son amant. Les yeux de Link s'écarquillèrent sous la surprise alors que ses pupilles se rétractaient une nouvelle fois. Pris de tremblements, il baissa la tête et aperçut la lame d'une épée lui traverser le ventre, ensanglantée. Sa bouche s'entrouvrit mais l'arme fut brutalement retirée et le héros cracha de sang en hoquetant.
- Non !! s'époumona Olympe en se précipitant vers la rambarde. LINK !
Plusieurs mains se posèrent sur son épaule et la tirèrent avec force en arrière tandis qu'elle hurlait en éclatant en sanglots. Link bascula lentement sur le côté alors que sa vision commençait rapidement à se troubler et ses entrailles à s'enflammer dans une douleur atroce. Une flaque de sang se forma sous son corps immobile. L'imposante silhouette qui se tenait derrière lui donna un coup sec dans l'air pour éjecter le sang de son épée puis il la rengaina en lançant un regard méprisant au corps sans vie à ses pieds. Les cris désespérés d'Olympe résonnaient entre les murs du palais mais n'affectèrent personne. Salvin de Mauboir descendit dans la cour et vint rejoindre l'auteur de cette mise à mort.
- Mes félicitations, Claudius, le gratifia-t-il en lui donnant une tape dans son puissant bras musclé. Je ne pouvais pas mieux attendre de toi. Le plan a parfaitement marché.
- Il était convenu que vous donneriez cinq millions à celui qui le tuerait, dit-il d'une voix rauque.
Claudius était un homme mesurant plus de deux mètres, aux larges épaules et à la force hors norme. Son visage, marqué de plusieurs cicatrices, effrayait toutes les personnes qu'il croisait. Ses iris verts demeuraient perçants, ses cheveux étaient devenus gris malgré ses trente ans. Le chasseur de primes portait des habits presque barbares avec notamment une peau d'ours sur les épaules. Tel un robot, Astrid se releva et se posta à côté de son maître, l'air impassible.
- Et je tiendrai parole. Rejoins-moi dans mon bureau. Libération, ordonna Salvin à sa fille.
Cette dernière cligna plusieurs fois des yeux tandis que son corps reprenait son apparence initiale. Lorsqu'elle vit le jeune homme, allongé dans son propre sang, elle plaqua ses mains sur sa bouche pour retenir une exclamation d'effroi, heurtée par cette vision d'horreur.
- Quant à ce déchet... poursuivit le dirigeant.
Il désigna le chevalier, l'air dégoûté, et se tourna vers de simples soldats.
- Jetez-le aux elvëschs. Je suis persuadé qu'ils seront ravis de dévorer un soi-disant "élu des déesses".
Désespérée, Olympe tomba à genoux, le visage plus pâle que jamais et les lèvres frémissantes. Sa gorge était si sèche que l'air ne parvenait presque plus jusqu'à ses poumons. Elle ne sentait plus les larmes qui inondaient son visage et mouillaient ses vêtements. Pour elle, tout était fini. Son monde venait de s'écrouler, son cœur se déchirait, sa tête se compressait horriblement et paraissait être sur le point d'exploser. Ses mains, prises de spasmes, avaient leurs doigts plantés profondément dans ses cuisses. Ce fut une nouvelle douleur qu'elle ne ressentit pas. Inconsolable et le regard vague, ses lèvres se pincèrent subitement avant qu'elle ne plaque les mains sur sa poitrine pour libérer toute sa souffrance dans un cri strident et incontrôlable.
- Telle sera ta punition pour avoir fui ta patrie, ma fille, déclara Salvin en la rejoignant. Le corps de ton cher amant disparaîtra à tout jamais du monde. N'espère pas le retrouver une fois morte.
Il passa à côté d'elle sans même lui accorder un regard.
- Car c'est en enfer que tu iras, finit-il avant de s'engouffrer dans le palais.
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