Chapitre 17
Olympe reprit peu à peu connaissance ; sous le coup de ses émotions, elle avait fait un malaise. Tout autour d'elle lui paraissait hostile, elle était assaillie par une multitude de sons qui lui furent comme étrangers et auxquels elle ne put assimiler une image. Car elle était devenue aveugle. Ses lèvres se pincèrent en frémissant alors que de nouvelles larmes lui montaient aux yeux. Pourquoi... Pourquoi tout s'acharnait contre elle... La seule chose qu'elle voulait, c'était être heureuse. Elle était allongée sur un matelas et couverte par un drap fin qui sentait la lavande.
La respiration régulière à ses côtés lui comprima la poitrine quand elle la reconnut.
- L...link ? souffla-t-elle en tourna la tête en sa direction.
- Tu es enfin réveillée... J'ai veillé sur toi toute la nuit.
Elle tendit sa main vers lui, chercha quelque instant son bras à tâtons puis toucha un tissu qui s'apparentait à sa tenue de vaï hylienne. Elle soupira en reniflant faiblement.
- Nous sommes dans la cité... conclut-elle. Tu n'es pas blessé ?
- Non, murmura-t-il.
Sa gorge se noua fortement.
- Je suis contente que tu sois ressorti vainqueur de ton combat... Les autres captives ont-elles pu être libérées ?
- Oui.
- Tant mieux. Beterah va bien, elle aussi ?
C'en fut trop pour Link. Il se leva brusquement et plaqua ses mains sur le matelas, très affecté par ce qui lui arrivait.
- Cesse de toujours t'occuper des autres ! s'écria-t-il, des trémolos dans la voix. Olympe... Pense un peu à toi ! Bon sang, ton état est vraiment inquiétant !
Elle serra les poings.
- Je le sais bien ! Je n'arrive pas à digérer que j'ai...
Olympe éclata de nouveau en sanglots en plaçant son avant-bras ganté devant ses yeux. Des centaines d'images défilaient dans son esprit, comme pour la narguer et lui rappeler sa terrible situation. Elle sursauta quand Link vint lui prendre la main pour la consoler.
- Olympe... Je te promets qu'il y a un moyen pour te guérir. Tu te rappelles du jour où je t'avais emmenée chez Torink, le médecin d'Elimith ? Aucun remède ne pouvait te guérir car l'infection qui se propageait dans ton corps était bien trop avancée... Mais grâce à une fée que j'avais capturée, tu avais pu guérir.
La jeune femme s'immobilisa en déglutissant difficilement et inspira plusieurs fois profondément.
- C'est...c'est vrai ?
Il hocha la tête.
- Oui, affirma-t-il en essayant de sourire même s'il avait grand mal. Je dois juste en capturer assez pour que toutes les autres Gerudos puissent recouvrir la vue. Patiente jusqu'à mon retour.
Une petite flamme d'espoir naquit au sein de la châtaine qui s'essuya fortement les yeux avant de s'allonger sur le côté pour lui tourner le dos. Le prodige fut contraint de lui lâcher la main.
- Ne tarde pas trop... tu ne sais pas à quel point c'est insupportable de... d'être constamment entouré par l'obscurité.
Link comprenait si bien. Il avait ressenti des émotions similaires aux siennes mais moins prononcées. Il quitta le siège sur lequel il se tenait, attrapa sa tablette puis reporta un court instant son regard sur Olympe.
- Tu sais, quand je me suis réveillé au Sanctuaire de la Renaissance, j'étais effrayé. Je ne me souvenais plus de rien, pas même de mon prénom... Il faisait si froid et je me sentais terriblement seul. Comme si on m'avait arraché ce qui comptait le plus pour moi. Comme si... tout était de ma faute. J'avais peur. Peur de savoir qui j'étais réellement. D'une certaine manière, Zelda m'a sauvé en m'appelant.
Il soupira en se passant une main sur la nuque, visiblement embarrassé.
- J'ignore pourquoi je te raconte ça... Ne t'inquiète pas, Olympe. Je ne vais pas te laisser ainsi.
La seconde qui suivit, il se téléporta à la fontaine d'une grande fée qu'il connaissait très bien. La bouche d'Olympe se pinça encore une fois et une larme vint rouler sur sa joue avant de tomber sur le drap. Elle aurait tant aimé que sa mère soit là... Les siens lui manquaient. Quand elle était encore dans le repaire Yiga, captive, elle avait regretté maintes fois de ne pas être restée à Panahpolis. Si la jeune femme n'avait pas décidé ce voyage, elle n'aurait pas été mutilée ainsi, son bras n'aurait aucune cicatrice et ses yeux pourraient encore voir. Les visages des membres de sa famille lui vinrent à l'esprit et lui provoquèrent un fort pincement au cœur. Aurait-elle, un jour, la possibilité de les revoir ? L'étrangère l'espérait.
Des pas légers se firent entendre et mirent immédiatement Olympe sur le qui-vive.
- Oh, tu es réveillée, dit Riju en arrivant dans la pièce.
- Vo...vous ? Mais où suis-je ? demanda Olympe, perdue.
La jeune fille vint s'asseoir au bord du lit en souriant.
- Tu te trouves dans mes appartements. Tu peux me tutoyer. Après tout, tu es l'amie de Link. Puisqu'il n'est plus là, j'imagine qu'il est parti à la recherche des fées.
- Oui... répondit-elle dans un souffle.
Olympe n'osa pas se retourner de peur que la cheffe de la tribu aperçoive ses joues rougies par les pleurs. Malheureusement, elle ne put savoir qu'elle avait déjà été percée à jour.
- Je suis désolée pour ce qu'ils t'ont fait, lui avoua Riju, attristée. J'espère que tout s'arrangera rapidement. D'ailleurs, l'identité de Link a été dévoilée. Cependant, puisqu'il a sauvé notre ville et les cinq vaïs de mon peuple, les habitantes de la cité le laissent exceptionnellement entrer dans la ville, du moment où il est habillé en femme.
La voyageuse ne répondit pas et se contenta seulement de froncer les sourcils. Elle se sentait fatiguée, à la fois physiquement et moralement. Olympe s'endormit si vite que la jeune Gerudo en fut quelque peu désemparée. Riju la laissa se reposer et retourna dans la salle du trône.
oOo
- Olympe, réveille-toi !
Elle fut doucement secouée par l'épaule et tirée de son sommeil réparateur. Machinalement, elle ouvrit les yeux mais seul le noir persista à s'offrir à elle. Son ventre se tordit désagréablement.
- Excuse-moi d'avoir mis autant de temps...je suis d'abord allé donner les fées aux cinq Gerudos. Leurs yeux ont été soignés.
- Ah...
Il perdit le peu de bonne humeur qu'il avait réussi à retrouver et son expression s'assombrit.
- Que se passe-t-il ? la questionna-t-il, soucieux.
La châtaine secoua la tête pour lui montrer qu'il n'y avait rien. Elle voulut se redresser mais le jeune homme l'obligea à se rallonger.
- Tu risques d'avoir un peu mal. Tu ne devrais pas t'asseoir.
La guérison ne serait pas une partie de plaisir... De ce qu'il avait pu voir, les yeux restaient une zone très sensible.
- Y a-t-il une chose en particulier que tu aimerais revoir pour la première fois ?
Le souffle d'Olympe se bloqua dans sa poitrine tandis que son cœur rata un battement. Une chose qu'elle aimerait voir en premier ? Comme une fleur, ou un objet ? Ou peut-être une couleur. Hésitante, elle entrouvrit la bouche. Finalement, elle acquiesça et dit calmement :
- Tes yeux.
Une bouffée de chaleur monta jusqu'à la tête du héros et le laissa sans voix en assimilant ses paroles. Ses...ses yeux ? Était-elle sûre d'elle ? Déstabilisé, il prit avec maladresse sa tablette et fit apparaître la petite fée qui se débattait furieusement. Doucement, il vint la poser sur le front d'Olympe et la garda prisonnière entre son visage et sa main. L'être magique cessa brusquement de bouger puis traversa lentement sa peau. La jeune femme se crispa d'un coup et tenta de se redresser en étouffant une plainte, mais Link la prit par les épaules et la plaqua contre le lit.
- Tu ne dois surtout pas bouger ! s'empressa-t-il de lui dire.
- Sors cette chose de ma tête !! hurla-t-elle alors qu'une intense chaleur se propageait dans son crâne et lui provoquait d'horribles maux.
- Calme-toi, Olympe ! Tiens bon encore un peu et tout sera fini !
Elle commença à donner des coups de pied dans le vide et essaya de repousser Link avec animosité. Soudain, elle s'immobilisa, haletante. Elle garda les paupières closes et avala sa salive en apercevant un très léger teint orangé devant elle. Le blond vint s'accroupir au pied du lit et la regarda.
- Tourne-toi vers moi, la pria-t-il alors.
Olympe s'exécuta et s'allongea sur son côté droit, les lèvres tressaillant.
- C'est bon.
Avec lenteur, elle ouvrit les yeux et tomba sur deux iris d'un bleu profond qui la captivèrent de suite. Depuis quelques temps, elle appréciait tout particulièrement cette couleur unique qu'elle affectionnait. Sa poitrine se comprima et d'énièmes larmes lui montèrent aux yeux. Ah... si seulement elle pouvait les retenir. Link lui adressa un joli sourire même s'il était dissimulé derrière son voile. Elle eut chaud au cœur. Il était si heureux qu'elle voit de nouveau.
- Bonjour, Olympe, dit-il chaleureusement comme elle avait su faire par le passé.
Ne pouvant supporter autant d'émotions à la fois, Olympe se jeta à son cou et le fit basculer au sol pour le serrer dans ses bras. Elle lui était si reconnaissante... Jamais le héros ne pourrait savoir à quel point.
- Merci... souffla-t-elle, bien trop émue pour réussir à parler normalement. Merci, merci...
Écrasé par son amie, Link avait d'abord écarquillé des yeux, pris de court, puis avait fini par passer ses mains dans son dos pour compléter cette étreinte à la signification si forte. La voyageuse sanglota contre son oreille : sa joie et son soulagement lui semblaient sans limite. Elle avait cru ne plus jamais voir ce que la vie avait à lui offrir. Elle lui était si redevable... De quelle manière pouvait-il être remercié ?
- Tout va bien maintenant, dit-il avec douceur.
Olympe ferma les yeux pour profiter amplement de ce moment si intense qui les réunissait et renforçait leur lien. Elle recevait toute la chaleur et le réconfort dont elle commençait à languir. Mais... avait-elle seulement le droit de faire ça ? Link et Zelda s'aimaient, cent ans plus tôt. Lentement, ses pleurs s'estompèrent, le temps semblait ralentir pour leur permettre de prolonger cette étreinte dont les deux avaient besoin. Toute leur anxiété s'évaporait, les vives et néfastes émotions les quittaient peu à peu.
- C'est ça qui a est beau avec toi... murmura Olympe d'une voix brisée. Tu redonnes espoir aux autres.
La poitrine du jeune homme se gonfla aussitôt par modestie alors qu'une joie nouvelle se répandait en son sein et fut transmise à son amie. Ils finirent par se séparer, confus à cause de ce qui venait de se passer. Olympe eut le bonheur de pouvoir découvrir la pièce dans laquelle elle se trouvait et se frotta les yeux. Quand elle se rappela qu'il s'agissait des appartements de Riju, la châtaine fut brusquement refroidie et tenta de calmer son trouble.
Les deux amis descendirent et arrivèrent dans la salle du trône où présidait la cheffe des Gerudos. Elle se réjouit de constater la guérison de son hôte, en plus de celle des cinq autres blessées.
Quand ils sortirent du palais, des regards froids furent adressés au prodige mais aucune femme ne vint l'interpeller. Ils allèrent sur la place centrale et s'assirent sur l'un des bancs mis à disposition. Le regard de Link s'attarda alors sur l'un des commerces et son ventre se tordit légèrement.
- Je reviens, dit-il malgré l'étonnement de la jeune femme.
D'un pas décidé, il se dirigea vers la bijouterie en réfléchissant. Il savait que la peine d'Olympe était encore présente et qu'elle mettrait du temps à véritablement s'en remettre. Comment oublier ces longues heures, plongée dans le néant ? Impossible... Malgré la méfiance qu'il pouvait susciter, le blond entra dans l'orfèvrerie.
- Bonj... ! s'exclama la Gerudo avant de se taire en le reconnaissant. Je ne suis pas habituée à recevoir des hommes ici...
- Excusez-moi de vous déranger. Je cherche un bijou à offrir à mon amie.
- Tu es à la bonne adresse ! rit-elle en venant le rejoindre.
Ses yeux étaient violets et très bien soulignés par du maquillage qui les mettait justement en valeur.
- Tu souhaites un cadeau de remerciement, peut-être ?
- Oui.
Visiblement, il demeurait gêné en reconnaissant qu'elle avait raison. Link s'attrapa un bras, inclina la tête sur le côté et observa chacun des bijoux mis en exposition.
- Si c'est pour la jeune vaï qui t'accompagne, je crois savoir ce qu'il lui faut.
La rousse passa devant le chevalier et se dirigea vers les bustes où reposaient quelques colliers.
- J'ai à te proposer un collier plutôt simple en apparence mais dont la pierre porte un certain sens.
Elle lui présenta une gemme nox joliment gravée, le reste du collier était une ficelle noire assez élégante.
- Le soir, la pierre s'illumine, lui rappela-t-elle en souriant. Par chez nous, elle symbolise la mémoire. Je me demande s'il n'y a pas autre chose... Enfin ! Pour ton amie, elle lui rappellera tous les bons moments que vous avez pu passer ensemble. À moins qu'elle n'aime pas les colliers...
- Je crois qu'elle aimera. Je vais l'acheter.
- Bien sûr ! Il coûte cent vingt rubis.
Content de son achat, Link plaça le bijou dans la poche de son sarouel. Il courut vers son amie et s'excusa de sa courte absence. La voyageuse lui répondit en souriant affectueusement que ce n'était pas bien grave. Elle dévorait du regard tout ce qui s'offrait à elle en l'attendant. Le héros lui raconta la vérité à propos de la Yiga qui les avait attaqués et de Dianah. Olympe en fut bien entendu outrée et choquée. Jamais elle n'aurait pensé que cette Gerudo était une ennemie et une traîtresse. Le danger restait omniprésent. Ils ne pouvaient se relâcher à aucun moment. Les deux jeunes gens partirent ensuite voir la statue de la déesse pour prier avec quelques autres habitantes.
Le reste de la journée, ils allèrent visiter les autres lieus incontournables autour de la cité Gerudo. Link appréhendait un peu le moment où il donnerait à sa compagne de voyage son présent. Après tout, à travers ce collier, il voulait la remercier et lui apporter du réconfort. Cependant, ce léger stress qu'il ressentait lui était jusque-là inconnu. Les heures s'écoulèrent rapidement, le poids sur leur cœur s'allégea et le soir arriva. Ils dînèrent dans l'auberge de la ville et en profitèrent pour réserver deux chambres. Ensuite, ils allèrent dans un tout petit parc où avait été installée une fontaine surplombée par une statue d'Urbosa. Les rues étaient très animées en raison de la fête qui s'y déroulait : on célébrait l'apaisement de Vah'Naboris et l'élimination du clan Yiga. En effet, le jour même, toutes les guerrières gerudos, guidées par Beterah, étaient parties éliminer une bonne fois pour toutes ces ennemis d'Hyrule.
- Il fait bon ce soir, tu ne trouves pas ? demanda Olympe en écoutant le bruit de l'eau.
- La température baisse vite.
- Je crois que nous avons encore un peu de temps avant de mourir gelés...
Elle se tut et se tourna vers lui, les mains dans le dos. Aussitôt, il détourna le regard et fixa plutôt un banc, non loin de là. Son rythme cardiaque accéléra très légèrement.
- J'ai quelque chose à te donner, lui annonça-t-il avec retenue.
Elle fut surprise mais s'en réjouit en se demandant s'il s'agissait d'une quelconque pâtisserie gerudo qu'il voulait lui faire goûter. Link plongea sa main dans sa poche avant de la ressortir, fermée. Il tourna alors sa paume vers le ciel puis releva ses doigts avec lenteur, dévoilant peu à peu un petit objet à la douce lumière verte. En comprenant qu'il était question d'un collier, la châtaine en fut touchée et ne sut quoi dire.
- Je... Je ne sais pas si je peux accepter. Tu es sûr de toi ? Tu as toujours refusé que je t'offre quelque chose...
- J'aimerais vraiment que tu le prennes, dit-il, soulagé qu'un voile puisse cacher la moitié de son visage.
La bouche de la jeune femme s'entrouvrit pour répliquer quelque chose mais elle en resta sans voix. Face à sa confusion, le prodige prit l'initiative de le lui mettre et se mit donc derrière elle. Olympe retint son souffle en percevant ses doigts effleurer sa peau et en resta transie. Son ami eut quelques difficultés à accrocher le collier à son cou mais parvint tout de même à y arriver après plusieurs longues secondes de concentration.
- Merci, balbutia Olympe avec gêne.
Elle porta une main sur la gemme nox et la détailla avec admiration. C'était si beau... N'était-ce pas l'une de ces pierres qui brillaient uniquement la nuit ? La voyageuse devrait en être très heureuse et pourtant... Elle était habitée par un lourd sentiment de culpabilité. Son ventre se serra désagréablement et vint rompre avec ce moment qui s'annonçait pourtant doux. Un voile de tristesse passa sur son visage et la força à rester dos à Link. Elle ne voulait pas lui faire de la peine.
- Link, je... Ne m'attends pas, ce soir, le pria-t-elle en s'éloignant.
- Attends... Quoi ? Olympe, où est-ce que tu vas ?
L'étrangère se mit à courir et disparut à l'angle d'une rue avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit. Le pauvre chevalier en fut pantois. Avait-il mal agi ? Avait-il ravivé de mauvais souvenirs ? Link ne l'espérait pas. Et si c'était le cas, il voulait s'excuser immédiatement. Le jeune homme se lança donc à sa recherche en courant à travers les rues.
o0o
Cela faisait presque une heure qu'il parcourait les rues pour trouver Olympe, mais aucune trace d'elle. Link avait fini par rentrer à l'auberge pour l'attendre mais la jeune femme ne revenait toujours pas. Bien qu'elle soit encore au sein de la Cité, il ne pouvait s'empêcher d'être nerveux, surtout car il ne savait pas ce qu'elle faisait. Finalement, Link décida de sortir une dernière fois et de demander aux habitantes si elles l'avaient vue, par hasard. La majorité répondait négativement, jusqu'à ce que l'une d'elles affirme l'avoir vu quitter le "Philtre d'amour", quelques minutes plus tôt, avant de se diriger vers l'extrémité de la ville. Le blond la remercia puis se mit à courir dans la direction indiquée en se demandant si tout allait bien.
Des réverbères gerudos éclairaient faiblement le chemin. Il examinait chaque coin, chaque petite ruelle, chaque placette. Le prodige commençait à perdre espoir quand il aperçut une forme agenouillée au sol.
- Olympe ? l'appela-t-il, décontenancé de la voir ainsi.
Elle ne répondit pas. Link ne comprit pas lorsqu'il remarqua qu'elle dessinait sur la terre en riant étrangement. Par moments, elle était prise par quelques hoquets.
- Eh, qu'est-ce que tu fais ?
L'Hylien vint se mettre face à elle et vit qu'elle tenait une bouteille presque vide dans sa main libre. Il fronça d'un coup les sourcils et lui prit l'objet avant de le renifler.
- Tu... Tu as bu ?!
- Ou...oui ! C'est vraiment... très bon.
Olympe rit gauchement en se balançant sur les côtés.
- Les damoiselles ne... devraient pas le faire, pas vrai ? Hic ! Tu crois que je suis une mauvaise fille ?
La châtaine se releva en manquant de perdre l'équilibre.
- Mais tu es ivre ! s'exclama Link, désemparé.
Il voulait l'aider mais elle le repoussa brusquement, indignée par ce qu'il avait tenté de faire.
- Ne me touche pas ! Tu n'en as pas le droit.
- Calme-toi, Olympe...
Il essaya une nouvelle fois de s'approcher mais elle le repoussa avec nonchalance.
- Je suis une... mauvaise personne.
- Ne dis pas ça, tu n'as pas les idées claires.
- Si ! Tu ne te rends pas compte, j'ai complètement abandonné ma... Hic ! famille... Elle ne sait même pas où je suis ! Je dois leur faire tellement de soucis...
L'étrangère se mit faussement à pleurer, bien qu'elle soit réellement triste. Quant à Link, il ne pouvait que l'écouter.
- Mais... Mais je sais que s'ils me retrouvent... mon voyage s'arrêtera là...
Elle voulut lui reprendre la bouteille des mains mais le blond recula de plusieurs pas en secouant la tête. Il était perturbé par ce qu'elle disait.
- Tu as assez bu comme ça. Je te ramène à l'auberge, déclara-t-il en voulant la prendre par le bras.
Olympe renifla en se laissant faire.
- Je te fais pitié, c'est ça ? Tu ne peux pas savoir à quel point je peux être triste, parfois...
- C'est normal de connaître des moments de tristesse. Personne n'est constamment heureux.
Alors qu'il la tirait sans brusquerie, Olympe se mit à rire sans vraiment de raison.
- Oh, Link ! Il y a une question qui me trotte dans la tête depuis... plusieurs minutes.
- Quoi donc ? soupira-t-il.
Elle lui donna une pichenette dans l'arrière de la tête.
- Pourquoi tu es blonde ?
- Dois-je te rappeler que je ne suis pas une femme ?
Olympe nia d'un coup.
- Cesse de te mentir et assume ta féminité. Sinon, comment tu expliquerais que ta tenue actuelle t'aille si bien ?
- C'était ton idée.
Elle rit une fois de plus.
- J'ai vraiment de trop bonnes idées ! Enfin non...
Olympe se remit à pleurer en arrêtant de marcher. Exaspéré qu'elle puisse être dans un tel état, Link leva les yeux vers le ciel presque noir. Pour la consoler, il vint lui chatouiller l'oreille et sourit en la voyant grimacer.
- Je t'assure que tu n'as plus aucune raison d'être triste, lui dit-il sincèrement. Écoute, ma quête est bientôt finie, le clan Yiga n'existe plus. Tu ne seras plus jamais en danger.
- Tu... Tu veux dire que notre voyage s'arrêtera bientôt ?
Il se gratta nerveusement la mâchoire.
- Honnêtement, je n'y ai pas encore réfléchi... Rien ne t'empêchera de continuer à explorer Hyrule une fois libérée. Enfin... Si toutefois j'arrive à tuer Ganon.
La châtaine baissa la tête alors que son expression devenait plus sombre. Link redoutait de la voir ainsi après lui avoir annoncé cela. Elle se frotta un instant les yeux, inspira profondément puis releva d'un coup son visage vers lui, l'air déterminé. Olympe l'empoigna par les épaules et le força à reculer jusqu'à être coincé contre un mur. Le blond hoqueta de surprise, les yeux écarquillés, mais fut encore plus stupéfait en constatant la force qu'elle mettait pour le maintenir. Le visage de la jeune femme se rapprocha vers le sien pendant qu'elle fixait le voile qui cachait son visage.
- Je te trouve tellement mignon que j'ai envie de t'embrasser, susurra-t-elle en attrapant les pans du voile.
Lentement elle le souleva et vint cacher la vue du jeune homme grâce à lui. Tétanisé, son cœur cessa de battre un instant avant de repartir à vive allure dans sa poitrine. Il retint sa respiration alors qu'une sorte de panique montait en lui. Aveuglé, Link ne put sentir qu'un souffle chaud lui caresser les lèvres et lui procurer d'étranges frissons. À quelques millimètres de sa bouche, Olympe s'immobilisa alors, donnant au chevalier l'impression qu'une éternité s'écoulait. Finalement, elle posa ses lèvres sur la joue de l'Hylien et vint descendre le long de sa mâchoire jusqu'au cou. Les poils de Link se hérissèrent sur son corps, une vague de chaleur s'y répandit intégralement.
Si le temps paraissait s'éterniser, c'était certainement parce qu'il s'était arrêté autour d'eux. Que devait-il faire ? Devait-il la repousser ? Mais pourquoi repousser une personne alors que... qu'on n'est pas dérangé par ce qu'elle fait ? Une faible pression fut exercée dans le creux de son cou et le paralysa d'autant plus. L'une des mains de la jeune femme remonta jusque derrière une oreille pour se donner une meilleure prise sur lui.
- O.... lympe... gémit-il en attrapant ses avant-bras.
Il la sentit sourire contre sa peau puis se redresser en le libérant. Maintenant, elle ne pouvait plus revenir en arrière... C'était irréversible.
- Je crois bien que je me ferais tuer si mes parents apprenaient que je l'ai fait, sourit-elle avec une légère malice dans le regard.
Le reste du voile retomba dans le vide et dévoila le visage cramoisi du héros qui la dévisageait, choqué. On pourrait croire, à s'y méprendre, qu'il avait peur d'elle.
L'alcool qui coulait dans le sang d'Oylmpe ne lui permit pas de réaliser la portée de ses actes. Elle laissa échapper un bâillement et s'étira.
- Je retourne à l'auberge, annonça-t-elle en tournant les talons.
La voyageuse laissa derrière elle un jeune homme troublé et perdu. Lentement, il glissa le long du mur et toucha le sol, bouche bée. Machinalement, Link porta une main sur son cou et toucha l'endroit embrassé par son amie. Il avait peur de comprendre. La conversation qu'Olympe avait eue avec Dianah remonta à son esprit et lui donna une bouffée de chaleur si impressionnante qu'il ne put respirer durant un long moment, si bien qu'il dut se calmer en fermant fortement les yeux. Sa poitrine était sur le point d'exploser et son souffle se faisait court. Tant de ressentis à la fois le déstabilisaient tellement qu'il crut qu'un mauvais sort lui avait été jeté.
Malgré sa profonde confusion, il réussit à se relever et à rentrer à l'auberge, tiraillé par mille questions.
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Bien entendu, le jeune prodige n'avait pas réussi à trouver le sommeil durant la nuit. Et dire qu'ils devaient reprendre leur voyage... Devait-il ignorer ou parler de ce qui s'était passé la veille ? Dans son lit, il n'avait cessé de se retourner dans ses draps en réfléchissant sans répit. Dorénavant levé, Olympe traînait... Il devait être dix heures passées et aucun signe de sa part n'avait été donné. En effet, elle avait la gueule de bois et peinait à se lever. Mais si ce n'était que ça...
Elle se souvenait de tout. Absolument tout.
Et elle savait qu'en étant sobre, elle n'aurait jamais fait une telle chose. Olympe... avait marqué Link. Le pire, c'est que dans son peuple, dans ses traditions, ce n'était pas un geste anodin... Ne venait-elle pas de lui signifier qu'elle se donnait à lui en tant que personne ? La châtaine attrapa ses draps, les jeta sur sa tête, se tourna vers son oreiller puis poussa un cri qui fut étouffé dedans Comment pouvait-elle le regarder en face après ça ?! Il avait écouté sa discussion avec Dianah, il avait forcément compris...
À la fois exaspérée et furieuse contre elle-même, elle quitta son matelas et alla se regarder sans le miroir, dépitée. Que faire... Que faire ?! La jeune femme allait devoir s'expliquer.
- Un peu de courage, ma fille... se dit-elle pour elle-même. Il faut assumer ses actes.
Olympe se changea plutôt rapidement et quitta sa chambre, les mains tremblantes. Elle hésita de longues minutes avant de placer son poing fermé devant la porte, prête à frapper. Cette dernière s'ouvrit soudainement sur Link et les deux jeunes gens se figèrent en se dévisageant. En voyant une tache rouge sur la peau du jeune homme, Olympe devint rapidement de la même couleur, imitée par Link qui n'en menait pas large non plus. Elle s'inclina tout à coup, les mains tenues devant elle, et s'écria :
- Pardonne-moi ! Je.. J'ai fait ça alors que... alors que... Enfin, j'étais ivre ! Je ne mesurais pas mes actes. Je suis terriblement désolée de t'avoir causé du tort ! Tu t'es débattu, j'espère...
Certains de ses souvenirs demeuraient troubles.
- Pas vraiment... bredouilla-t-il, en proie au désarroi.
- Q-Quoi ? Mais... Tu aurais dû ! Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant... AH !!
Ses yeux s'agrandirent sous l'effarement et la panique. Elle vint poser la main sur la marque avant de la retirer brusquement, par pudeur. Face à sa réaction excessive, l'Hylien jeta un coup d'œil vers son épaule et découvrit de tous petits motifs à la faible lumière argentée. Il se mit alors à la frotter frénétiquement mais elle persista à rester.
- Je suis désolée, je suis désolée ! s'exclama-t-elle, affolée. Je...
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il avec précipitation.
- La marque... souffla Olympe en reculant jusqu'à se cogner contre un mur.
Une marque indélébile qu'elle ne pouvait pas retirer. Chaque habitant de Panah pouvait en déposer une, une seule. Sur celui ou celle qui resterait à ses côtés pour toujours. Personne ne savait d'où cela venait... Mais cela était entré dans la coutume. Et Olympe l'avait faite à Link... Un étranger. Un prodige. Un chevalier. Le chevalier servant de la princesse Zelda. Le garçon qu'elle paraissait aimer par le passé et qui l'avait aimée en retour.
- Elle ne partira jamais... Suis-je folle ?
Folle ? Non. Son subconscient avait pris l'ascendant et s'était pleinement dévoilé. Était-elle amoureuse ? Non, c'était bien trop tôt. Fortement attirée ? Les yeux de la voyageuse s'ancrèrent dans les iris bleus du jeune homme et ses joues s'embrasèrent. Elle ne pouvait pas... Était-il si inaccessible ? Pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Pourtant, son voyage prenait d'autant plus de sens.
Le voyage de la Marcation, comme l'appelait les anciens. Une coutume ancestrale qui visait à parcourir son pays à sa majorité pour trouver son compagnon et s'accomplir. À marquer le passage à l'âge adulte. N'était-ce pas pour cela qu'elle était venue en Hyrule ? Mais... Mais Link n'était pas un garçon ordinaire.
- Ne... Ne t'inquiète pas, Olympe. On va trouver une solution, d'accord ?
- Il n'y a pas de solution... Je... Je crois que je devrais rentrer chez moi.
Il se précipita vers elle pour l'attraper par les épaules, affecté.
- Non, accompagne-moi jusqu'au bout ! Il y a tellement de choses que tu dois voir, encore... Tu ne peux pas abandonner maintenant !
- Tu ne comprends pas. En plus d'avoir bafoué les lois de mon pays, je t'ai déshonoré.... Seuls deux futurs fiancés peuvent être marqués. Je dois rentrer et expier ma faute.
- S'il te plaît, oublie cette idée et terminons ce voyage ensemble. Je... Peu importe ce que tu as fait, d'accord ? Ne te culpabilise pas pour si peu.
Les yeux de la châtaine s'écarquillèrent alors que sa poitrine se gonflait, prête à éclater.
- Si peu ? répéta-t-elle en fermant les poings. Si peu ?! Tu me plais ! Dès le premier jour, ça m'a fait quelque chose de te voir ! Nous avons vécu tellement de choses... Plus les jours passaient, plus je me sentais attirée par toi ! Et même si je savais que tu aimais Zelda, il y a un siècle, je n'arrivais pas à freiner ces nouveaux sentiments qui naissaient en moi... J'ai lutté en essayant de rester moi-même mais je n'y arrivais pas... J'avais beau tout refouler, il me suffisait juste de te voir pour que la barrière que j'ai dressée s'effondre encore et encore. À chaque fois que tu venais pour m'aider, tu m'apportais une valeur que j'avais l'impression d'avoir perdu...
Link rougissait au fur et à mesure de son aveu, mais il n'arrivait pas à accepter l'idée qu'elle puisse rentrer chez elle. C'était bien la première fois qu'il était la source du trouble d'une personne depuis son réveil. Seulement, il était troublé par cette personne, réciproquement. Le héros n'arrivait pourtant pas à le lui dire. C'était comme s'il n'en avait pas le courage, ou même la force. Il baissa la tête pour fixer ses pieds et la lâcha.
- Ne rentre pas chez toi. C'est tout...
Un voile de tristesse passa sur le visage d'Olympe. Elle était dépassée et n'arrivait pas à assumer ses actes. De plus, elle n'arrivait pas à déterminer ce que pouvait ressentir Link vis-à-vis d'elle. L'étrangère finit par soupirer et esquissa un sourire forcé.
- Je vais rester avec toi, Link. Merci de ne pas m'avoir rejetée. Je serai prête à partir dans dix petites minutes.
Et sur ces paroles, elle revint dans sa chambre. Quant à Link, il resta dans le couloir, les yeux rivés sur le mur. Il se laissa alors lentement basculer et posa son front sur la surface fraîche. Le blond avait bien du mal à contenir la joie qui se répandait en lui. Il ne la laissait pas indifférente. C'était étrange... Avant, les voyageuses qu'il croisait lui importaient peu. Les filles n'avaient jamais été sa première préoccupation. Mais au fil de ses aventures avec Olympe, le prodige avait trouvé une autre raison de rester en vie et de mener à bien son immense mission.
oOo
Bonsoir !
BON. Que penser de ce chapitre ? Je ne sais pas trop. Il se passe beaucoup de choses, et j'ai peur qu'il y ait quelques incohérences.
Toutefois, si le chapitre vous a plu, je m'en réjouis d'avance !Je vous avais prévenus que ce sera un peu mâture, et ce ne sera pas la seule chose...
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