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Garder le contrôle


Garder le contrôle. Elle devait garder le contrôle. Elle ne pouvait pas laisser cette imbécile de Blanche-Neige lui retirer sa vie. Une vie qu'elle avait mis tant de temps à construire. Elle ne pouvait pas y renoncer. Elle ne pouvait pas laisser les paysans dire que cette gamine était plus belle, qu'elle était meilleure.

Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas l'accepter.

Les laisser la ramener au silence, dans cette chambre, seule, avec les murs pour uniques compagnons. Là, dernière fille d'une grande famille, destinée à rien, sinon à traire les vaches, si elle héritait des bovins et pas d'un brin de paille. Elle n'était rien, n'avait aucun contrôle.

Sa voix ne résonnait jamais. Dès qu'elle ouvrait la bouche, des cris la submergeaient Et seules des bulles d'air s'échappaient de ses lèvres. Il lui semblait qu'elle était au bord de l'asphyxie. Etouffée par ces bruits, ces hurlements, ces bousculades, ce tapage, cette maison trop petite, dont les murs semblaient l'écraser, l'étrangler.

Mais, même dans si peu d'espace, on trouvait le moyen de la mettre à l'écart, seule dans sa chambre minuscule. Et, même s'ils étouffaient, son père invitait tous ces gens, dans ces grandes orgies, derniers vestiges de leur faste passé. Et ils criaient, hurlaient, tambourinaient, rugissaient, comme des animaux. Se traînaient au sol, bavaient, crachaient. Et laissaient des débris de nourriture sur le sol miteux. Et chaque matin il fallait nettoyer, essayer de préserver leur lustre. Mais le lustre, il était déjà perdu depuis longtemps. Quelle famille noble n'a ni serviteur, ni argent ? Quelle famille noble ne peut ni vêtir, ni nourrir ses enfants ?

Mais les étrangers, onles nourrissaient, eux. Parce qu'ils étaient riches. Et que Père disait qu'ils les feraient devenir riches. Mais pour l'instant, ils ne leur avaient pas cédé un denier, mais emprunté tant de viande, tant de viande... retrouvéedégoulinante de graisse et de bave sur le parquet. Tant de viande, tant de viande qu'elle aurait bien vudans son estomac, alors qu'elle récurait le parquet, le ventre vide.

Mais ce n'était pas à elle de décider. Elle, elle n'avait pas de voix. Que des petites bulles d'air, qui s'échappaient et la laissaient s'étouffer.

Alors, sans un mot, elle récurait le sol, labourait le champ, retirait les mauvaises herbes, cuisinait les mains à peine rincées dans le ruisseau. Parce qu'ils n'avaient plus de serviteurs. Mais qui a besoin d'esclaves, quand on a douze enfants ?

Alors elle se taisait et besognait. C'était son rôle.

Et, alors que le savon moussait sur le parquet, alors que mille échardes se plantaient dans ses doigts, les agressaient, les laissaient tout rouges et ouverts, elles se demandaient : que valait leur titre aujourd'hui ? Un simple nom, accompagné d'une bague d'argent noirci, dont la pierre s'était échappée et dont leur blason, las de frottements, s'était effacé depuis longtemps. Ne laissant que quelques bosses et creux disgracieux, dénués de sens, pour une famille déshonorée, déclassée, sans sou, et sans but. Sans rêve, sinon de survivre.

Ils n'étaient que les fantômes de grands seigneurs, qui essayaient vainement de rejoindre la surface, de cesser de couler, de quitter le bas monde, et de récupérer la vie. Et ils tendaient les bras, appelaient à l'aide, mais leurs cris se perdaient dans les profondeurs aqueuses du Léthé, et seules quelques bulles s'échappaient de leurs lèvres.

Et ils coulaient.

Lestés par des pierres, autant de malfaiteurs, d'escrocs, de maladies et de malheurs, qui ne les laissaient jamais seuls, jamais... pourquoi le monde devait s'acharner sur eux ? N'étaient-ils déjà pas suffisamment misérables ?

Mais tout venait de lui. De Père. Il continuait de les inviter, de quémander de l'aide aux voleurs. A ceux qui dilapidaient leurs ressources au lieu de les enrichir. Mais cherchait-il vraiment de l'aide ? Ne désirait-il pas simplement se plonger dans les délices de l'alcool et de l'oubli et abandonner sa culpabilité et ses malheurs ?

Alors il restait là, au milieu des débris de nourriture, du carnage provoqué par ses « amis » et laissait ses enfants nettoyer, travailler, s'occuper de tout. Pendant qu'il ronflait.

Mais ce n'était que le quotidien, et il paraissait qu'on s'habituait à tout.

Alors on oubliait, on se laissait couler, asphyxier, sans un mot. On ne se battait plus, on ne rêvait plus. Et parfois, on songeait à se perdre dans les profondeurs. Tout abandonner et se laisser tomber, obéir à la traction des pierres. Ce serait tellement plus simple... se laisser aller. Perdre le contrôle. Si on avait un contrôle sur ce monde. Sur notre vie.

Non, quand certains pouvaient rêver, agir, elle s'était contentée de regarder. D'assister à sa vie en tant que spectatrice.

Jusqu'à la mort de son frère, son petit frère. Il devait avoir deux ans, et voilà deux ans qu'elle avait retrouvé la voix, un sens à ses mots. Elle n'était plus la dernière, elle n'était plus inutile, transparente, condamnée à trimer sans reconnaissance. Non, désormais on comptait sur elle. Et grande sœur exemplaire, elle s'était occupée du petit. L'avait consolé de nombreuses nuits durant, avait assisté sa mère à l'heure du repas, avait fait mille grimaces et sourires, pour allumer son petit minois, fait taire ses larmes, et ramener le rose à ses joues. Et les lèvres de sa mère se posaient sur son front, et murmuraient :

—Je crois que tu es ma fille préférée, merci pour ta patience.

Sa mère... elle n'avait pas mérité cela. Elle aurait dû épouser un riche seigneur, quelqu'un qui l'aurait rendue heureuse. Pourquoi l'avait-on menée dans cette famille déchue ? Pourquoi l'avait-on laissée couler ? Pourquoi aucun noble n'était allé secourir sa cousine, sa nièce, sa sœur, sa fille ? Pourquoi l'avaient-ils laissée ici, sans le sou ? Pourquoi n'avaient-ils jamais répondu à ses appels, quand son fils dépérissait et qu'elle demandait, désespérément, un médecin ?

Mais personne n'était venu, et ils avaient dû enterrer le petit corps dans un minuscule coffre de bois, sans honneurs, car ils n'avaient pas un denier pour cela. Et aucun des « amis » de Père n'était venu les soutenir. Pour le vin et la viande, ils répondaient toujours présents, mais pour un guérisseur ou un cercueil, il n'y avait plus personne.

Et ils étaient seuls, face au petit coffret de bois, silencieux. Et elle s'était identifiée à lui. A un mort. Parce qu'elle ne se sentait pas vivante. Était-ce ça, la vie ? Assister sans agir ? Pieds et poings liés par le manque, emprisonnée dans le besoin ? Et perdre jusqu'à la voix, le pouvoir de s'exprimer. Les Hommes sont-ils si cruels, qu'il faille payer l'aide ? Qu'il faille payer la parole ?

Laissez-les crier, laissez-les hurler, laissez-les pleurer, laissez-les vivre, faites-les vivre. Mais elle avait beau prier, implorer le ciel, personne ne venait, et ils continuaient de couler. Un des leurs avait déjà rejoint les profondeurs et les autres ne tarderaient pas à les rejoindre.

Et elle était condamnée à assister, assister sans agir.

Elle avait vu les hanches de sa mère se creuser, ses côtes apparaître, ses os attendre sous sa peau. Attendre le moment où ils pourraient se découvrir. Et encore une fois, personne ne fit rien. Ils y assistèrent, appelèrent à l'aide, de leurs voix muettes, et on les regarda sans les voir. Des œillades vides de sens, comme eux. Ils n'étaient plus rien, leur existence semblait irréelle. Leur famille était morte, ils n'en étaient que des restes. Ils n'étaient plus que des fantômes, alors qu'importe qu'ils meurent.

Un deuxième cercueil accompagna le premier, et la mère put rejoindre son fils. Peut-être que c'était ce qu'elle voulait. Peut-être était-ce ce désir secret tapi dans ses prunelles humides, dans ses larmes, qui dégoulinaient sur ses joues, s'arrêtaient sur ses pommettes saillantes.

Ce n'était pas le manque de vivres, la pauvreté, qui l'avait tuée, mais le chagrin, le désespoir. Elle avait renoncé, s'était laissée couler. Et sa famille n'avait pu qu'y assister.

Sa mère avait perdu le contrôle. Sa lignée avait perdu le contrôle. Plus personne n'avait de pouvoir. Ils étaient condamnés à assister, à regarder les profondeurs les happer un par un, les algues former un linceul autour de leur corps.

Mais elle ne pouvait pas s'y résigner. Elle avait trop perdu pour imaginer continuer sa chute. Il fallait que cela cesse. Il fallait se stabiliser et rejoindre la surface, si possible. Alors, ce jour-là, devant le corps de sa mère, elle s'était autorisée à rêver. A rêver d'un autre monde, où ils étaient heureux, les joues roses et rebondies et bien vivants.

Mais vivants, certains ne l'étaient plus. On ne pouvait plus les rattraper. Mais sauver les autres, oui. Il fallait les sauver.

Mais pour cela, rêver ne suffisait plus. Il fallait agir.

Alors elle avait contacté une sorcière, profité de son enseignement. Avait joui de la mort de la défunte reine. Avait séduit le roi.

Elle avait pris le contrôle.

Elle avait pris le pouvoir.

Elle avait pris l'argent.

Et ainsi, elle put offrir une sépulture à sa mère et son frère, renflouer les comptes de sa famille, et reprendre aux escrocs tout ce qu'ils avaient pris. Mais jamais, jamais rien ne pourrait plus lui ramener les câlins et baisers maternels, rien ne pourrait lui ramener la comptine du soir. Rien ne pourrait lui ramener les cris et les rires du bambin.

Alors elle devait garder ce qu'il lui restait. Car une fois perdues, on ne pouvait récupérer les choses.

Garder le contrôle.

Ne pas se laisser tomber.

Ne pas laisser les autres la noyer.

Elle ne le permettrait pas.

Elle allait éliminer cette Blanche-Neige, pour conserver son oxygène, sa parole. Pour que sa voix continue de résonner, pour qu'elle puisse discuter, ordonner,agir.

Garder le contrôle.

Ne pas laisser les fonds l'enlever.

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