Céleste, car c'est ainsi que se prénommait le personnage de notre histoire, avait toujours eu envie de voyager.

D'aussi loin qu'elle était capable de s'en souvenir, cela remontait à ses trois ans et son entrée en maternelle. Où, à l'instant où elle était arrivée dans la classe, elle avait été immédiatement attirée par l'immense carte du monde qui tapissait l'un des murs de la salle. Dès lors, elle avait su ce que serait son rêve.

Puis les années avaient passé : elle s'était faite des amis, en avaient vu partir certains tout en accueillant d'autres, avait changé de nombreuses fois de classe et tout autant de professeurs. Mais les remarques à son égard, elles, ne changeaient pas : elle était une élève dans la Lune, pas assez attentive et un peu trop rêveuse. De ces quelques années d'enseignement, elle retenait qu'elle était toujours un peu trop, mais en même temps jamais assez.

Du temps s'était écoulé et pourtant, Céleste n'avait jamais pu oublier son rêve. Alors, un jour, elle avait choisi d'exposer son projet, son plan, son ambition, à ses parents.

Son rêve... ils le brisèrent en mille morceaux.

Son envie, ils la réduisirent à néant.

Son plus cher et tendre désir, ils le noyèrent sous le flot de leurs rires gras et de leurs bouteilles d'alcools.

Pour oublier cette blessure qui s'était gravée au fer rouge sur son cœur, Céleste prit une décision : elle deviendrait attentive et ne serait plus dans la Lune. Plus jamais, on ne dirait d'elle était trop ou pas assez. A compter de ce jour, elle cesserait d'être une rêveuse, ou plus simplement, celle qu'elle était.

Pour se faire pardonner de ses chers géniteurs, elle arrêta de lire et jeta ses rares écrits à la poubelle. Elle ne se plongea plus dans ces autres mondes, ces récits de voyages de grands explorateurs et se mit au travail. Elle commença à étudier avec tant d'acharnement qu'elle ne rapporta rapidement plus que les meilleures notes à la maison. Mais cela ne suffisait pas. Cela était bien trop peu aux yeux de ses parents. Ainsi, un soir d'octobre, ils la punirent pour la première fois. Mais cela ne leur suffisait toujours pas. Alors ils continuèrent. Ces autres rappels à l'ordre, ils s'y appliquèrent d'une manière que vous ni moi n'oserions pas même imaginer.

Pourtant, ce sombre et glacial gouffre où elle fut précipitée n'était pas sans fond. Ce fut ainsi, que bien qu'à grand peine, que l'adolescente parvint un jour à revoir la surface.

A son lycée, Céleste rencontra une fille.

Elle se fit la promesse de ne jamais laisser filer ce si flamboyant rayon de soleil. Aurore, avec ses sourires lumineux et ses sujets de conversations bravant toutes les limites de l'habituel, lui redonna l'envie de voyager et surtout... lui fit découvrir le désir, brûlant et ardent, d'aimer.

Si ses parents venaient à le découvrir, ils seraient sûrement fous de rage. Aussi, ils lui feraient sans aucun doute beaucoup plus mal que toutes les fois précédentes. La menace pesait en permanence au-dessus d'elle. Céleste y pensait bien sûr, elle y songeait d'ailleurs même parfois des journées entières... mais elle finissait par croiser Aurore. Et alors qu'au détour du couloir, Aurore lui lançait un rapide mais ô combien merveilleux sourire, tous ses plus lourdes pensées s'envolaient et à son tour...

un sourire naissait doucement sur ses lèvres.