Jamais
La chaleur était si intense qu'elle allait fondre. Elle devait boire d'urgence mais c'était impossible. Elle n'aurait jamais dû accepter.
Elle l'avait fait pourtant. Elle ne savait même plus vraiment pourquoi.
Mais elle l'avait fait et désormais, elle regrettait amèrement son choix.
Couchée sur le béton glacial, seule source de froid dans cette pièce à la chaleur indécente, Nathalia replongea dans ses souvenirs. Elle réalisa soudain que malgré son esprit dans les vapes, elle se souvenait encore parfaitement de la seconde même avant que tout n'ait dégénéré.Avant que tout ne parte en vrille.Une inconnue l'avait invité à danser. Conviée à la soirée d'une amie où elle s'ennuyait bien plus qu'elle ne s'amusait, Nathalia avait été surprise de cette invitation. Pas grand monde lui avait déjà proposé d'aller sur la piste. La dernière fois que quelqu'un lui avait tendu sa main remontait au bal du lycée – dont la jeune femme ne gardait pas un spécialement bon souvenir – et son partenaire était un garçon qu'elle n'avait plus jamais revu par la suite. Pourtant, mue par une curiosité nouvelle et une folle envie de découverte, elle avait accepté.
Au bras de l'inconnue, elle avait passé sa soirée à tourner, valser, chanter, tournoyer et à rire. Après quelques heures et verres supplémentaires, Nathalia avait réalisé que finalement, elle adorait ça. Surtout si c'était au bras d'une belle inconnue.Puis vint le moment où la fête prit fin. Les guirlandes lumineuses s'éteignirent, la musique se coupa et la maîtresse des lieux demanda à ses invités de quitter la piste. Alors l'inconnue lui proposa de finir la fête chez elle. Cette fois-ci, Nathalia n'hésita pas une seule seconde.
Elle prit la main de la dame, la suivit en dehors de chez son amie, monta dans sa vieille voiture, regarda le paysage défiler par la fenêtre et se fit la réflexion que sa compagne pour la soirée habitait tout de même sacrément loin de la ville, mais elle l'oublia bien vite. Alors que le soleil commençait à pointer le bout de son nez, elles arrivèrent enfin chez l'inconnue.
L'esprit embrumé par l'alcool, Nathalia remarqua vaguement que la porte menant à la cave était couverte de divers verrous. Attendant que l'inconnue l'emmène dans sa chambre pour finir cette soirée dignement, la jeune femme resta un moment plantée dans le couloir, à fixer cette porte. Elle s'obsédait. Un instant plus tard, alors que Nathalia allait poser son pied sur la première marche, elle s'était sentie entraînée vers l'arrière. Ne comprenant pas pourquoi elle l'empêchait de monter à l'étager, elle se tourna vers l'inconnue. Celle-ci avait radicalement changé de visage et venait d'ouvrir la porte.
Une seconde avant que tout dégénère.
L'inconnue la jeta dans les escaliers de la cave et referma la porte aux multiples verrous.
Voici pourquoi depuis deux jours, déjà, ou peut-être trois, Nathalia était enfermée dans cette pièce étroite. Au moins, pour une raison qu'elle ignorait, son bourreau avait décidé de lui accorder un peu de lumière. Seulement, si au début cette dernière l'avait rassuré, ça n'avait rapidement plus été le cas. Avec la lumière, Nathalia voyait sa prison : des murs gris sans fenêtres et affreusement oppressant. De plus, elle avait extrêmement chaud et elle avait l'impression que la lumière y contribuait grandement. La jeune femme n'avait bu qu'une seule fois depuis le début de ses trois jours de captivité, ou peut-être quatre. Alors, à cet instant, tout ce que à quoi elle pensait était qu'elle avait soif. Elle ne songeait pas au fait qu'elle a été kidnappée, qu'une personne à l'étage était en ce moment même entrain d'aiguiser un couteau, que bon nombre de ses amis se faisaient un sang d'encre pour elle et que les recherches policières étaient en pleine effervescence.
Non, elle pensait seulement au fait qu'elle avait soif. Très soif. Et aussi qu'elle n'aurait jamais dû accepter cette invitation à danser. Jamais.
Qu'elle aurait dû refuser de suivre une parfaite inconnue le premier soir et que jamais, elle n'aurait dû oublier l'avertissement enseigné par tous ces films d'horreur et nouvelles de polar.
Jamais.Qu'elle aurait dû se méfier de cette porte couverte de verrous et ne jamais ignorer son instinct qui lui soufflait que c'était louche. Jamais.
La porte s'ouvrit soudain.Alors que l'inconnue posa son pied sur la première marche, celle couchée au sol se retrouva incapable de se contenir. Elle se mit à rire. Peut-être est-ce dû au confinement dans cette pièce sans fenêtre, à la déshydratation... ou peut-être que la folie l'avait gagné à présent. Même lorsque sa tortionnaire la regarda fixement, avec le visage impassible et les yeux emplis de haine, la jeune fut incapable de s'arrêter. Elle ne pensait même plus au fait qu'elle avait soif.
L'inconnue sera un peu plus fort son couteau. Les larmes de cette folle euphorie se mirent à dévaler ses joues.
Alors Nathalia sut qu'elle sortirait jamais vivante d'ici. Jamais.
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