Chapitre 14 : Jack/Rose
Coucou ! Je suis un peu nerveuse à l'idée de vous poster ce chapitre...j'ai hâte et un peu peur de vos réactions...on verra ! En attendant je vous souhaite une bonne lecture ! Je ne sais pas si je pourrais poster le week end prochain car je vais avoir une semaine chargée...
Jack
7 septembre 2022 — Océan pacifique
— Prends le gilet, mets-le et surtout tiens-toi bien, je reviens dès que possible.
— Jack attend !
Je m'approche quelques secondes et plonge mon regard dans le sien. Je ne sais pas si je suis convaincant où si elle lit la même angoisse dans mes iris que celle qui inonde les siens.
Nous avons passé une merveilleuse soirée, un dîner aux chandelles, des mots d'amour et la fusion de nos corps. Éreintés de bonheur, nous nous sommes assoupis dans notre cabine, heureux de ce moment partagé. Ils ont été bien trop rares depuis le début de notre histoire et je veux que les choses changent. Même si Samantha me répète qu'elle est heureuse ainsi, je veux illuminer sa vie, je veux la mériter. Je veux la sentir vibrer.
Vers trois heures du matin, nous avons été réveillés brutalement par la houle, le bruit des objets qui volent autour de nous et les craquements de la coque malmenée par les flots.
— Je te promets que tout ira bien Sam, accroche-toi, je reviens, je vais voir ce qu'il en est sur le pont.
Avant de monter sur le pont pour constater les dégâts, je passe rapidement un message pour réclamer des secours et surtout signaler notre position et que nous sommes en difficulté.
Quand j'arrive enfin sur le pont, les lames de vagues passent par-dessus la coque qui tangue et se démène, secouée par les flots enragés. Le mât s'est en partie brisé et la coque penche, je comprends d'avance que le combat sera rude, une voie d'eau s'étant formée. Si je n'en connais pas encore la teneur, je n'ai pas grand-chose à espérer pour sauver le bateau et surtout pas de temps à perdre. Une seule chose compte désormais, ramener Sam vivante à la maison et retrouver notre fille. Et j'ai peu de temps pour ça. Juste celui de hisser le radeau de sauvetage pour nous mettre en sécurité.
Des bateaux j'en construirais d'autres.
Je m'engage à faire le même chemin en sens inverse quand un craquement sinistre surpasse le bruit du tumulte ambiant. Je n'ai pas le temps de réagir ou de crier que la coque se retourne et que les flots déchaînés m'aspirent. Une vive douleur me broie le crâne et j'ai beau lutter, le néant m'emporte, mes forces avec.
Rose
8 septembre 2022 — San Francisco.
— Tu sais que je suis d'accord sur l'idée Rose, je n'aime pas cette bâtisse de toute façon. Elle ne me rappelle qu'une chose : notre vie d'enfant trop souvent séparé de nos parents et les mensonges impardonnables de Granny...
— Dan, tu devrais passer à autre chose. Granny n'est plus là, tu devrais pardonner.
Mon frère soupire. Même après toutes ces années, il a encore le goût de la trahison sur la langue. Granny n'est plus là ni pour s'expliquer ou se défendre, mais rien ne pourrait changer son état d'esprit : il lui en voudra toujours et la tient responsable de mes souffrances. Il a dû partir et m'abandonner, me laissant seule pour gérer et subir la pression familiale. Il lui reproche donc sa propre culpabilité. Moi, je vois les choses différemment. Certes il y a eu toute cette souffrance, ce manque, mais sans son départ, sans toutes ces épreuves, je n'aurais jamais rencontré cette vie qui me plaît tant, je n'aurais jamais rencontré Jack.
— Tu es meilleure chrétienne que moi petite sœur...
J'explose de rire devant cette déclaration. Moi ? Une bonne chrétienne ? La bonne blague ! Je suis tellement perdue dans toute ces histoires de religion que je ne sais même plus si je suis vraiment croyante ou si je n'ai finalement fait que suivre des préceptes, l'exercice d'une coutume familiale plus que d'un réel engouement pour ce que cela représente...
— Arrête de dire des bêtises ! Et réponds-moi franchement, tu penses que c'est réalisable ?
— Évidemment ! Il faut que tu établisses des plans clairs de ce que sera l'école pour avoir une estimation du budget nécessaire à sa transformation, mais je pense que ce n'est qu'un détail.
— Un sacré détail quand même...
— Darell est un excellent expert dans ce domaine, il connaît du monde.
— Je sais, il est très enthousiaste !
— Tu veux aller t'installer là-bas ?
— Non, je ne pense pas, je n'y ai pas vraiment réfléchi. Les voyages m'aident à rester concentrée, inspirée alors je ne me vois pas me poser au même endroit de manière définitive.
— Il faudra que tu trouves des personnes fiables pour gérer sur place.
— Darell a proposé de s'en charger dans un premier temps, en formant quelqu'un sur place.
— C'est une idée...
— Et j'avais une autre idée aussi...
— Quand est-ce que ta petite tête se repose petite sœur ?
— Jamais, tu le sais bien !
Il me sourit et pince ma joue. Ce geste, il avait si souvent l'habitude de le faire quand il était attendri par mes singeries de petite fille inépuisable.
— C'est quoi cette idée alors ?
— Je voudrais demander à Jack si Colton Enterprise voudrait financer un bateau-école... il serait à quai à Portree et il pourrait ouvrir des perspectives pour des jeunes en décrochage... ce n'est pas encore définitif dans ma tête, mais l'idée fait son chemin...
— C'est une idée honorable et très ambitieuse...
— Trop ?
— Je n'ai pas dit ça, Colton est très sensible à ce genre de propositions et Franck n'en parlons pas, mais ils pourraient être frileux à l'idée que l'ex du mec de sa nièce soit dans les parages...
— C'est sûr que vu comme ça...
— Peu importe, je te suivrai Rose. Je n'ai aucune attache avec cette vieille baraque !
Sa détermination me mettrait presque mal à l'aise, mais soit, je vais pouvoir avancer sur la concrétisation de ce projet.
Son téléphone nous interrompt, le visage de Meghan s'affiche sur l'écran.
— Salut mon ange.
Ils échangent quelques mots et je comprends qu'elle doit nous rejoindre un peu plus tard au Scar. Quand il raccroche, je sais déjà ce qu'il va me demander, mais je lui coupe l'herbe sous le pied.
— C'est OK, pas la peine d'essayer de m'acheter.
— Calme-toi Minipouss.
Des lustres qu'il ne m'avait pas appelé comme ça. Je file me préparer rapidement, ça me fera du bien de voir nos amis. À peine 10 minutes plus tard, alors que nous sommes sur le point de quitter le loft, son portable sonne à nouveau.
— Ça doit être Meghan...
Danny décroche tandis que j'en profite pour ranger quelques paires de mes chaussures qui traînent dans l'entrée. Quand je referme le placard, je croise la mine sombre et inquiète de mon frère et retiens ma respiration. C'est comme un réflexe de protection. Il semble perdu, le regard dans le vague, incapable de parler. Il s'agite, fait quelques pas, se détourne de moi. Comme s'il voulait me cacher la teneur de ses émotions sans pouvoir masquer la nervosité qui le gagne. Il bégaie quelques mots que je ne comprends pas, s'éloigne vers la baie vitrée, comme s'il y avait du lait sur le feu. Mais je ne le laisse pas faire et le rattrape pour au moins être capable de comprendre de quoi il retourne.
Quand je lui fais face, l'angoisse que je lis dans son regard ne me dit rien qui vaille.
— Vous êtes sûrs ?
Je ne perçois pas la voix de la personne au bout du fil, mais le voir se décomposer au fur et à mesure me fait froid dans le dos. Cela ne peut pas concerner Meghan ou Livio, il vient de l'avoir au téléphone. Mais qui ? Il hésite plusieurs fois à parler avant de laisser son interlocuteur prendre la parole. Je connais bien les mimiques dont il use pour calmer ses nerfs et là, à cet instant précis je pense qu'il est au summum du stress.
Les quelques paroles qu'il prononce me sortent de mes réflexions plus angoissantes encore que l'expression de son visage.
— Je m'en occupe Franck. Tenez-moi au courant. Lizz peut passer quand elle veut. On se débrouillera, on trouvera une solution... oh eh, Franck ? Je suis certain que ça va aller...
Mon estomac, mon cœur et tous mes organes vitaux sont descendus de plusieurs étages. Franck ? Je ne connais qu'un seul Franck... le père de Jack. Il semble être la personne avec laquelle mon frère vient de raccrocher. Quel autre Franck aurait pu lui annoncer une nouvelle le mettant dans cet état ? Et pourtant, mon cerveau s'enlise, refuse de faire le rapprochement. Je sais qu'il est arrivé quelque chose, je crains le pire et ma caboche semble déjà engager mille scénarios. Pas ça. Je pourrais me persuader qu'il est arrivé malheur à quelqu'un d'autre de leur entourage sans oser penser à leur petite fille. Je ne peux me résoudre non plus à penser à mal pour Samantha. Et puis de toute façon ils étaient ensemble, en voyage, en croisière en amoureux.
Mon dieu s'il est arrivé malheur ;.
Pas encore, pas cette fois, pas Jack. Pas maintenant que nous semblions avoir enfin choisi de faire la paix avec notre passé.
L'esprit confus, je n'ose plus soutenir le regard de Danny. Il n'est plus en ligne, mais semble vouloir accrocher mon regard fuyant.
— Rose...
J'ai fui volontairement vers la cuisine. Je sens Dan se rapprocher dans mon dos.
La bouche sèche, les lèvres serrées, je commence à manquer d'oxygène.
— Rose...
— C'est Jack c'est ça ? Il est arrivé malheur ?
Son silence, s'il n'est pas éloquent, me prouve néanmoins qu'il cherche ses mots, qu'il pèse chaque expression qu'il s'apprête à utiliser pour m'avouer cette vérité qui va me déchirer les tripes.
— Je t'en prie Danny, parle-moi.
Si je souhaite qu'il abrège mes souffrances en me parlant, je ne suis pas prête à le regarder dans les yeux en même temps. J'ai besoin de me concentrer sur un seul sens. Je ferme même les yeux pour être sûre de tenir le coup. Dans mon dos, je sens ses mains se poser sur mes épaules comme pour apaiser le feu qui s'apprête à tout ravager. Je l'entends prendre de l'air une première fois avant qu'il n'expire péniblement. Il réitère l'opération une seconde fois avant de se jeter à l'eau.
— Jack et Sam sont portés disparus. Il y a eu une tempête au large et ils ont lancé un appel de détresse peu après 3 h du matin. Les garde-côte ont retrouvé une partie du voilier brisé en deux, mais aucune trace de Sam ou de Jack. Les recherches se poursuivent.
J'aurais dû faire comme lui. J'aurais dû respirer parce l'air a déserté mes poumons, mon sang a quitté mon cerveau et mon cœur cesse de battre. Quelques secondes à peine avant que l'afflux sanguin ne reprenne son cours et devienne douloureux. Je n'ai pas la force de réagir, de répondre, de poser une question ou d'espérer en savoir plus. Un infime espoir, juste une disparition. Je m'accroche à ces mots comme je l'espère, il a pu s'accrocher à une bouée de sauvetage, un morceau de coque. C'est la seule pensée à laquelle je m'accroche déjà pour espérer ne pas sombrer dans le désespoir ou la colère.
— Rose, regarde-moi.
Dan m'oblige à me retourner sans que ses mains ne quittent mes épaules. Nos regards se sondent et s'échangent une détresse à peine soutenable. Son meilleur, ami, son frère et l'homme qui a tenu une place si particulière dans la mienne... je ne peux pas y croire, je ne pourrais jamais accepter une telle issue... il ne peut pas abandonner, il ne peut pas quitter ce monde si bêtement, à bord d'un bateau qu'il chérissait tant...
— Ils vont le retrouver. Je te...
Je ne le laisse pas finir et impose ma paume sur sa bouche.
— Ne fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir !
Il baisse les yeux un instant, et me jette un regard coupable.
— Arrête, ne recommence pas à me traiter en petite chose fragile.
Il ne répond rien, mais secoue la tête. Je ne lui en veux pas, nous avons autre chose à faire que nous engueuler. Il prend ma main et nous gardons le silence, les yeux perdus devant le spectacle du jour qui décline à l'extérieur. Quelques minutes s'écoulent durant lesquels nos cerveaux respectifs tentent d'envisager les scénarios les plus rassurants et d'écarter les plus flippants.
— Lizz doit passer pour nous laisser Camilia. Ils vont avoir des choses à gérer et la puce sera mieux ici, elle a ses habitudes.
Je balaie la pièce du regard. Deux chaises hautes trônent dans un coin inutilisé et d'autres éléments traduisent la présence d'enfants dans le loft. Je n'y avais pas vraiment accordé d'importance jusqu'à maintenant étant donné que Livio vit ici, mais j'avais oublié la présence de la fille de Jack et Sam quand ils résident à San Francisco.
Pauvre petite Camilia. J'espère sincèrement que ses parents s'en sortiront, je ne connais que trop bien le trou béant laissé dans la poitrine à la mort de mes parents.
Trop de personnes chères ont quitté ce monde, je crois que Dieu, s'il existe, pourrait penser un peu à épargner nos familles...
— Je vais repousser mon vol retour, Darell pourra gérer sans moi. Vous allez avoir besoin d'aide. Et je veux être là s'il se passe quoi que ce soit.
— On peut gérer Rose...
— Ta femme est fatiguée et tu ne pourras pas tout gérer donc je reste, c'est non négociable. Et puis de toute façon je ne me vois pas partir dans ces conditions.
Avant qu'il ait pu protester quoi que ce soit, la sonnerie du loft retentit et nous fait sursauter.
— Ça doit être Lizz.
Trois pas derrière mon frère, j'assiste à l'arrivée de Lizz, la mine défaite, chargée comme une mule de plein d'affaires pour la petite. Elle a les yeux rouges et mon cœur se remet à battre la chamade alors qu'une angoisse sourde me paralyse. Et si l'issue était déjà jouée ?
Quand enfin les paquets sont à terre, elle tend Camilia à Danny qui la couvre de quelques bisous alors qu'elle gazouille à son attention et qu'elle lui sourit, bien inconsciente du drame qui se joue peut-être autour d'elle.
Lizz semble à bout de force, perdue entre son devoir de grand-mère et sa peine. Sans réfléchir, je m'approche et la prends dans mes bras, mettant de côté ma propre angoisse pour soulager la sienne. Je ne doutais pas que Jack ait trouvé une vraie famille de substitution auprès de Franck et sa compagne, mais j'en ai maintenant la certitude, il n'avait plus besoin de moi pour avancer.
Pauvre Lizz. Jack est à la fois le fils de l'amour de sa vie, un frère merveilleux et attentionné pour Mélody sans oublier que Samantha, la nièce de Colton fait aussi partie de leur vie depuis longtemps. J'imagine bien à quel point elle doit se sentir perdue à cet instant précis.
— Ça va aller Lizz, je suis sûre que toute cette histoire sera bientôt un mauvais souvenir.
Je me maudis presque de lâcher ses paroles sans vraiment réfléchir. J'ai juste besoin de la rassurer, de lui apporter un peu de réconfort, celui que j'aimerais qu'on m'apporte dans de telles circonstances. Ou pas. Parce que je sais qu'il est inutile de se voiler la face.
Pourtant, je sens les mains de Lizz s'attarder sur mes avant-bras et son faible sourire répond simplement à mon étreinte et à mes mots.
— Merci Rose, c'est bien que tu sois là.
Spontanément, je me tourne vers Dan qui tient toujours la petite Camilia dans ses bras. Il semble plutôt embarrassé avec toutes les affaires à ranger.
Tout à fait réveillée, la petite brune me tend ses bras potelés en exprimant son envie bruyamment. C'est la première fois que ses billes grises, si semblables à celles de son père, rencontrent mes émeraudes. Dans sourit faiblement et je reste paralysée alors qu'elle réitère ses gestes avec impatience. Je me recroqueville. Je n'ai pas le temps de dire « ouf » qu'elle a déjà ses paumes chaudes qui palpent mes clavicules tandis que sa tête dodeline affectueusement contre ma poitrine. Ma main se referme instinctivement sur son dos et je ne réfléchis pas. Peu importe, de quoi demain sera fait, je sais que je mettrais tout en œuvre pour la protéger. Comme pour sceller ma promesse silencieuse, une petite fossette se dessine sur sa joue lorsqu'elle me fixe à nouveau. C'est certain, elle aussi veillera sur moi.
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