Armitage se leva une heure avant de partir. La tête encore dans le brouillard, les paupières irritées par sa courte nuit, il commença à se préparer. Il se doucha, s'habilla et s'occupa de remplir la gamelle de son chat pour quelques jours. Cette dernière dormait dans son panier, nullement dérangée par le remue-ménage provoqué par son maître. Il flatta doucement le sommet de sa tête, effleura le derrière de ses oreilles en murmurant :

— Je reviens bientôt, sois sage jusque-là.

Un roucoulement s'échappa de sa petite protégée, comme une réponse à son jeune maître. Ce petit bruit arracha un sourire au jeune homme. Mais il fallait se résoudre à quitter les lieux. Le vaisseau et son équipage ne l'attendraient pas éternellement.

Les couloirs du croiseur interstellaire étaient bien silencieux à cette heure matinale. Le ronronnement des moteurs du bâtiment brisait cette tranquillité, mais cela n'était en rien gênant. À cela, s'ajoutait le bruissement de son uniforme, le fracas de ses bottes lorsqu'il évoluait contre le sol lustré. Bien vite, il arriva dans le hangar. Il aperçu au loin une dizaine de stormtroopers. Sloane se tenait au milieu des armures blanches et donnait des instructions.

Armitage avança le plus discrètement possible pour ne pas perturber le discours de son mentor. Il se tenait à côté de la rampe d'embarquement du vaisseau, les mains croisées derrière lui, le dos bien droit. Il patienta encore un instant et lorsque les soldats passèrent devant lui, il resta de marbre. Il salua Sloane d'un signe de tête et lui emboîta le pas pour entrer dans le vaisseau.

Les soldats avaient pris place au milieu du vaisseau. Les dix étaient assis sur des strapontins. Sloane et Hux quant à eux s'installèrent à l'avant en compagnie du pilote et du co-pilote. La cabine était assez grande pour accueillir quatre personnes. Cela faisait bien longtemps que le jeune homme n'avait pas voyagé en dehors du croiseur. Même ses leçons de pilotage étaient effectuées à bord, dans un simulateur. Il n'était pas encore prêt pour une sortie en condition réelle. La patience était essentielle dans sa formation, même si elle ne faisait pas partie de ses vertues il devait s'y conformer malgré tout.

Le voyage se déroula dans un silence absolu. Uniquement troublé par les pilotes se relayant les diverses informations utiles pendant un vol spatial. Ils annoncèrent le passage en hyperespace. Une légère secousse brusqua les passagers, l'instant d'après on pouvait voir les étoiles danser à travers le hublot central. Armitage laissa son regard se perdre au milieu de ce spectacle spatial. Des nuées ardentes d'étoiles glacées semblaient glisser le long de la cuirasse de leur vaisseau. Il avait toujours pensé que cet instant du voyage était le plus spectaculaire. La lumière bleutée qui se reflétait à l'intérieur du cockpit avait le don d'apaiser le jeune homme. De le détendre au point qu'il s'endormit sans même sans rendre compte.

Le lendemain :

Ce fut la secousse de la sortie d'hyperespace qui le fit ouvrir les paupières. La lumière blanchâtre que renvoyait la planète Arkanis était aveuglante, surtout pour quelqu'un qui venait de finir sa nuit. Il frotta doucement ses yeux, bâilla discrètement avant de concentrer son attention vers l'immense point lumineux face à eux. Ils se rapprochaient de plus en plus. À mesure que la distance entre eux et le sol se réduisait, son angoisse augmentait. Il tenta d'afficher un visage neutre. Toutefois, son regard mélancolique le trahissait, ainsi que le tremblement presque imperceptible de son menton.

Sloane avait remarqué son état, mais elle ne fit aucun commentaire. Le pauvre garçon semblait déjà assez mal à l'aise, inutile d'en rajouter.

Lorsque le pilote annonça la phase d'atterrissage tout le monde boucla sa ceinture. Le vaisseau plongea au cœur de la planète, progressant à travers les cinq couches atmosphérique pour finalement se poser sur la terre gelée. Sloane se redressa, bien vite imitée par Armitage qui la suivit jusqu'au milieu du vaisseau.

— Tout s'est bien passé jusqu'ici, et je compte sur vous pour que cela ne change pas. Notre objectif est l'académie impériale. Elle se trouve à 600 mètres au nord.

Elle marqua une courte pause, s'assurant que tous les soldats l'écoutaient puis elle reprit :

— Avant d'aller l'explorer nous allons installer un camp de base. Cette planète ne présente pas de danger particulier, hormis les températures glaciales. Il y fait aussi froid que sur Hoth à cette période. Vous avez été équipés d'armures isolantes, veuillez en prendre grand soin, nous n'avons aucun moyen de les remplacer.

Nouvelle pause. Les soldats semblaient boire ses paroles. Derrière eux la rampe de sortie se déploya :

— Pour la plupart d'entre vous, il s'agit de votre première mission, sachez vous montrer digne de l'honneur qui vous a été fait. En avant !

Lorsque l'ordre fut donné, les soldats se retournèrent comme un seul homme, en direction de l'extérieur. Ils marchaient d'un même rythme, c'était fascinant. Armitage avait hâte de pouvoir commander ses hommes. Pour le moment, il apprenait de ses supérieurs, et en cela Rae Sloane était un excellent professeur. Elle avait ce don pour manier les mots et inspirer les autres.

Alors que les soldats étaient partis en avant, l'officier et son second s'affairaient à revêtir leurs manteaux respectifs. Celui de l'amirale était blanc, comme le reste de sa tenue. Celui d'Armitage était noir et cette couleur contrastait élégamment avec ses cheveux de feu. Il glissa ses doigts dans ses gants alors que l'Amirale prenait la parole.

— Prêt à affronter le grand froid ? Demanda Sloane

— Je ne crains pas le froid, répondit sombrement l'adolescent. Il s'était renfermé depuis qu'il avait quitté l'hyperespace. Sloane connaissait parfaitement la raison de ce mutisme.

L'Amirale quitta le vaisseau, suivie de prêt par le jeune homme. Il avait rabattu son capuchon et se penchait en avant pour protéger sa peau sensible des effets néfastes de ce vent glacial. Tout deux parcoururent le demi-kilomètre les séparant de leur objectif. Le garçon gardait résolument la tête baissée. Il se repérait grâce aux traces laissées dans la neige par les soldats, ainsi que par le craquement de la poudreuse sous les pas de Sloane. Il ne voulait pas voir. Il sentait qu'il se rapprochait de plus en plus de l'endroit, les voix des soldats étaient de plus en plus fortes.

Le poids dans sa poitrine semblait s'alourdir à chaque fois que ses bottes s'enfonçaient dans la neige, il n'était plus très loin maintenant... Le vent qui sifflait autour de lui semblait chanter. Un chant de désespoir et de mort. Dix années plus tôt cette partie de la planète avait été ravagée, bombardée par la Rébellion. Elle n'avait eu aucune pitié, des enfants avaient péri ce jour-là. Sa mère...

Il avait l'impression d'entendre sa voix lorsque le vent soufflait entre les montagnes et venait s'écraser contre le bâtiment en ruine. Il venait de lever la tête. Par endroits, l'académie s'était comme écroulée sur elle-même. La neige avait recouvert l'édifice tel une étoffe funéraire. Éternelle gardienne des âmes en détresse.

La tente isolante avait déjà été montée pour les deux personnes les plus importantes de l'expédition. Les soldats s'attaquaient à présent à la construction de la base d'opération. Armitage se réfugia à l'intérieur en attendant des ordres. Sloane était restée au milieu des soldats, donnant des instructions. Il s'installa sur un siège et profita de la chaleur du lieu. Il appréhendait le moment où les soldats allaient fouiller les décombres.

Il attendit jusqu'à midi avant de sortir le nez dehors pour observer l'avancement du campement. À ce moment, un soldat s'approcha de lui. Il tenait dans une caisse dans ses bras, remplie de barres protéinées et d'eau minérale. Il tendit une ration au rouquin et retourna faire la distribution.

Il retourna à l'intérieur pour se restaurer. Il se força à avaler la moitié sa barre protéinée, elle avait un goût immonde... Mais elle avait le mérite de fournir un apport en énergie conséquent. Voilà pourquoi il replia le papier et fourra le reste dans sa poche. Il bu de longues gorgées d'eau et envoya la bouteille rejoindre le reste de son repas.

— Hux ! Scanda au loin la voix de Sloane

Le jeune garçon se redressa et retourna affronter le froid polaire de la planète. Il s'arrêta juste devant l'Amirale.

— Vous m'avez demandé, Amirale.

— Le campement est maintenant terminé. J'ai besoin que tu diriges ce groupe pour les fouilles. Je m'occuperais de l'autre.

— Mais... Vous aviez dit que je n'irais pas sur le terrain. Bredouilla-t-il, les yeux ronds.

— Les missions sont parfois faites d'imprévus. Si vous n'êtes pas capable de faire ce que je vous demande vous pouvez toujours rester ici... Mais cela ne vous serait en aucun cas profitable, Armitage, et nous resterons ici plus longtemps.

Il était coincé, au pied du mur. S'il abandonnait maintenant il passerait pour un faible. Et c'était bien la dernière chose qu'il souhaitait. Donner raison à son père... Et puis quoi encore ? Courageusement, il prit une profonde inspiration, bomba le torse et planta ses yeux dans ceux de l'Amirale.

— J'en suis capable, dites-moi seulement ce que je dois faire.