Chapitre 4 - Le grand jour
Aujourd'hui est ce que l'on appelle un grand jour. Pourquoi ? Parce qu'à cette date précise quelque chose dans ma vie va changer. Un peu comme lorsque Neil Armstrong a marché pour la première fois sur la lune le vingt et un juillet de mille neuf cent soixante-neuf, ou que John Fitzgerald Kennedy a été assassiné le vingt-deux novembre mille neuf cent soixante-trois. Le destin de ces hommes a pris un tournant à jamais inscrit dans l'histoire, dans leur histoire.
Ils se sont tracés une route jusqu'à arriver à leur grand jour. En ce dix septembre deux milles dix-huit, moi Shawn Mendes, s'apprête à vivre un évènement majeur dans ma vie : la rentrée à l'université.
— Je t'ai préparé assez de plats pour toute la semaine, ils sont rangés dans le frigidaire. J'ai également lavé et repassé tous tes vêtements, j'ai nettoyé tout l'appartement aussi. Tu as des médicaments de première nécessité dans la salle de bain. L'abonnement à la télévision est réglé, dès ce soir tu pourras la regarder si tu le souhaites et ...
— Maman c'est bon, l'arrêté-je dans son long monologue. Ça va aller.
— De toute façon si tu as besoin de quoi que ce soit tu m'appelles.
— Je sais, je peux téléphoner quand je veux tu me l'as déjà dit.
— Et si tu as le moindre problème, le beau-frère de Claude habite tout près, me rappelle-t-elle.
— Pour ça aussi je suis au courant. Tu ne dois pas t'en faire, je suis un grand garçon maintenant.
Elle pose délicatement ses deux paumes sur mes joues et me regarde avec amour. Je sais qu'elle n'a pas envie de me laisser ici tout seul. Elle a l'impression de couper pour la deuxième fois le cordon ombilical qui nous relie tous les deux. Pourtant, comme à ma naissance, cela est nécessaire.
— Je t'aime.
— Moi aussi je t'aime mon chéri.
Un dernier câlin, juste un avant qu'elle ne parte pour l'aéroport et moi l'université. Un dernier contacte avant que chacun prenne son chemin. Ce n'est qu'un au revoir, nous allons nous retrouver bien plus vite que nous l'imaginons. Mais devoir se séparer est toujours une épreuve et comme avec mon père, j'ai du mal à la laisser s'en aller.
Le Shawn sûr de lui, n'attendant que son envol en solo dans ce vaste monde, n'est plus si serein à l'aube de sauter le pas. Seulement ma fierté m'interdit de jouer à l'enfant triste. Je prends donc sur moi pour ne pas paraitre faible. Si je veux que ce soit mon grand jour, je dois le faire seul. C'est une épreuve que personne ne peut m'aider à affronter, pas même ma propre mère.
Je laisse mes vêtements s'embaumer de son parfum au jasmin puis me détache enfin d'elle. Il est temps de partir. Je l'aide à descendre sa petite valise et la mets même dans le coffre du taxi. Tel un gentleman, je lui ouvre gentiment la porte du véhicule. Face à mon imitation ratée d'un portier élégant, elle rigole et me tape gentiment sur l'épaule.
— Les sottises sont un bon moyen de briser la glace avec les autres.
— Tu me conseilles donc de faire le pitre pour avoir des amis ?
— Non, je t'encourage seulement à t'amuser.
Elle dépose un doux baiser sur ma joue avant de s'engouffrer dans le véhicule. Je me répète en boucle sa dernière phrase en refermant la porte du taxi. Ce dernier ne perd guère de temps et s'en va aussitôt. Je le regarde s'éloigner jusqu'à devenir un petit point perdu au loin.
« M'amuser », voilà un but qui me plait. C'est donc avec cet objectif qui remplit mon cœur de courage que je me dirige sur le campus. Le soleil de ce début septembre éclaire à merveille les briques rouges, que l'on retrouve beaucoup à Boston ou Philadelphie, des bâtiments historiques. A travers ces murs, on ressent le vécu de ces édifices ayant traversés les temps. Il est facile de se sentir privilégier de pouvoir étudier dans un tel endroit. Le site est magnifique avec ces grands espaces verts et ses pierres chargées d'histoires.
Comme tous les nouveaux étudiants, je me dirige vers le Mary Reed hall. Aujourd'hui devenu le lieu administratif de l'établissement, il était autrefois une bibliothèque au cachet incomparable. Ses grandes fenêtres et ses arches de style gothique lui confère tout le charme de l'ancien, celui que j'aime tant, qui raconte quelque chose. Les nouvelles constructions que l'on trouve aujourd'hui ont perdu ce petit côté mystérieux donnant de la prestance à la structure. Ce léger rien qui fait pourtant palpiter notre cœur d'enfant censé s'émerveiller devant le génie humain.
C'est donc avec hâte que je me faufile à l'intérieur parmi la foule. J'ai rendez-vous dans l'une des grandes salles de conférence que compte le bâtiment. L'un de nos professeurs est censé venir nous parler de l'année qui nous attend à l'université. Ayant choisi le cursus des sciences biologiques, je vais certainement me retrouver face à un enseignant de cette catégorie.
En arrivant dans la salle, il y a déjà beaucoup d'étudiants présents. Je ne sais pas trop où me rendre, à côté de qui m'installer. Beaucoup discutent entre eux comme s'ils se connaissaient depuis déjà longtemps. C'est peut-être le cas, je ne sais pas, mais cela me stoppe dans mon élan d'aller voir les autres. Je n'ai plus si confiance en moi. Le doute me gagne mais je me reprends en essayant de vider ma tête de ce sentiment d'insécurité. Je me motive et me répète plusieurs : « ne pense pas à ton physique, le Shawn qui a peur est resté dans ta chambre à Toronto ! ».
Dans un élan de courage, je pars m'installer près d'une fille à la chevelure rousse. Je m'approche prudemment d'elle jusqu'à être à son niveau. Sentant ma présence, elle lève le nez de son téléphone portable. Ses grands yeux bleus me scrutent alors que je reste bêtement debout à ses côtés. Gêné de ce regard insistant, je me racle la gorge et me lance.
— Salut, est-ce que la place est prise ?
— Oui, j'attends Scott Eastwood qui ne devrait plus tarder.
— Oh, d'accord.
Me sentant bête, je m'éloigne pour chercher une nouvelle place.
— Hey je plaisante hein !
Je me retourne instantanément vers cette petite rousse rigolant de sa propre blague. Ne sachant pas comment réagir, je retourne vers elle mais ne m'assoie pas. En quoi ses paroles étaient amusantes ?
— Ne me dis pas que tu ne sais pas qui est Scott Eastwood ? s'offusque l'inconnue.
— Le beau quaterback de l'université ? dis-je avec une ironie sarcastique.
— D'accord, j'en conclu que tu ne regardes pas beaucoup la télévision.
— Si, mais je ne comprends pas, froncé-je les sourcils.
— Scott est le fils de Clint Eastwood, c'est un acteur.
Je savais bien que ce nom ne m'était pas inconnu. Seulement je ne savais pas que ce grand nom du cinéma avait un fils et encore moins qu'il s'appelait Scott. Maintenant que j'ai toute l'explication, je comprends où était l'ironie de ses paroles. J'esquisse donc un faible sourire et prends place à côté de cette fille dont l'humour n'est pas encore très clair pour moi.
Je garde mon sac à dos noir sur mes genoux et contemple le reste de ce qui va être mes camarades. Il y des profils vraiment variés, allant du plus bête aux gros bras à l'intellectuel calme et pensif. Je sais que les apparences sont trompeuses et que celui que je prends en premier abord pour une brute ne l'est pas forcément, mais elles permettent de se faire une petite idée de ce qui m'attend ici.
— T'es plus troisième degré que deuxième à ce que je vois, me dit-elle en souriant.
— Comment ça ?
— Et bien tu ne prends pas au second degré mes blagues parce que toi tu es plus troisième degré, me répond-elle faisant des cercles autour de son visage.
Comme si c'était la plus naturelle des choses, elle me sort cette phrase en me regardant droit dans les yeux. Ses mots sont blessants, parler de la sorte de ma peau brûlée au troisième degré est vraiment déplacé. Pourtant, les expressions de son visage ne semblent pas vouloir transmettre de la méchanceté. C'est complètement contradictoire et cela m'empêche de savoir comment réagir face à cette fille déstabilisante.
Voyant mon air choqué, elle se met à rire de plus bel. Il est doux, léger, frais, c'est un son mélodieux qui me donnerait presque envie de le savourer si la raison pour laquelle je l'entends n'était pas si blessante. Malgré tout, je fais bonne figure. Je ne dois me laisser marcher sur les pieds par la première personne que je rencontre ici.
— Hey détends toi, je plaisante encore une fois.
— Rire sur le physique des autres t'amuse ?
— Je suis rousse alors la critique je connais et j'ai choisi d'en rire. Je considère qu'on peut blaguer sur absolument tout.
C'est certainement la pire excuse que l'on ne m'a jamais sorti de toute ma vie. Parce qu'on a été sujet au regard accusateur des autres, on peut se permettre d'en faire autant ? C'est tout bonnement une logique stupide.
— Mes paroles ne sont jamais destinées à faire du mal. J'ai sans doute un langage cru parfois mais c'est simplement pour faire prendre conscience aux autres que la différence physique on s'en fiche.
— Tu mènes ce combat d'une étrange façon.
— Les roux sont toujours un peu farfelus qu'est-ce que tu veux ?
Notre conversation se termine du fait de l'entrée dans la salle de notre professeur. Le brouhaha a pris fin, désormais chacun écoute avec beaucoup d'attention les informations fournies par ce vieux monsieur ressemblant à s'en méprendre à Louis Pasteur. La même barbe et moustache grisonnantes, le même ventre rondouillet caché dans une chemise du siècle dernier et cet identique nœud papillon d'un noir profond. S'il n'était pas chauve, on aurait pu croire à la renaissance de ce génie de la médecine.
— On dirait Pasteur tu ne trouves pas ? me chuchote ma voisine en me donnant un petit coup de coude.
— Si, c'est hyper déstabilisant.
— Personnellement je préfère Marie Curie. Et toi ?
— Euh personne, dis-je après quelques secondes de réflexion.
— Personne ? Il y a bien quelqu'un qui t'inspire dans ce monde.
— Et bien je dirais que les chansons d'Ed Sheeran me motivent dans la vie de tous les jours. C'est un artiste que je considère comme un modèle.
— Monsieur troisième degré que faites-vous en sciences biologiques ? m'interroge-t-elle amusée, sans attendre forcément une réponse de ma part.
Sa question me rappelle que si je suis ici, c'est parce que je n'ai pas reçu la fameuse lettre qui aurait pu me donner l'opportunité de faire ce que j'aime réellement. Cet été, j'ai participé à un concours de chant organisé par la maison de disques Island Records. J'étais censé recevoir une lettre si jamais ils me prenaient pour leur nouveau projet mais n'ayant rien eu, j'ai dû me faire une raison. Je sais qu'il reste encore quelques jours avant que toutes les lettres ne soient envoyées mais je ne me donne pas de faux espoirs.
En attendant de pouvoir percer dans le domaine de la musique, je dois bien faire quelque chose de ma vie. Après mon terrible accident en travaux pratiques de chimie, j'ai beaucoup réfléchi et j'en suis arrivé à une conclusion : si j'avais été meilleur en science, cela n'aurait jamais eu lieu. C'est pourquoi, j'ai énormément travaillé cette matière ainsi que la physique et la biologie. Aujourd'hui je ne me considère pas comme un expert mais je peux tout de même me vanter d'être très bon dans ce domaine. Je ne souhaitais plus commettre une erreur aussi grave une deuxième fois.
La réunion se termine, nous avons deux heures avant que le premier cours ne commence. Étant bientôt midi, je regarde sur mon téléphone un endroit sympathique où déjeuner. Je n'ai pas envie de prendre mon repas dans mon appartement alors qu'il fait si beau dehors. Il faut profiter des dernières journées d'été avant que l'automne n'arrive.
— Hey attends-moi !
Lorsque je me retourne pour voir qui m'interpelle de la sorte, j'aperçois ma voisine rousse courir dans le couloir à la décoration ancienne. Même l'air à l'intérieur du bâtiment sent le renfermé, comme dans les vieilles maisons historiques à l'aspect fantomatique.
— Je ne t'ai pas demandé mais c'est quoi ton prénom ?
— Moi c'est Shawn.
— Ravie de t'avoir rencontré Shawn. Moi c'est Avianna mais tu peux m'appeler Vianna ou alors Vi ou encore Anna, c'est comme tu veux, débite-t-elle à une vitesse folle avant de s'éclipser aussi rapidement qu'elle m'a rattrapée.
Cette fille étrange a une couleur de cheveux qui correspond parfaitement à son tempérament de feu. On dirait une boule d'énergie qui scintille de mille éclats, elle ressemblerait presque à une étoile brillant dans la pénombre de la nuit.
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Normalement c'est le dimanche que les chapitres sortent mais ce week-end j'avais envie de le poster plus tôt alors le voici !
Nouveau personnage de l'histoire ! Va-t-elle être la nouvelle Mélanie de ces nouvelles aventures ? Peut-être... l'avenir vous le dira ahah.
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