Chapitre 32 - Comment savoir ?
Nous roulons depuis plus d'une heure en direction de Casper, une petite ville dans le nord du Wyoming. C'est la saison des marchés de Noël et qui dit fêtes de villages, dit scènes ouvertes. C'est une opportunité en or pour, d'une part, s'entrainer tous les cinq devant un public, et d'autre part acquérir une petite notoriété dans la région. Tous les plus grands noms ont commencé quelque part, il faut un début à tout.
Je farfouille dans mon sac à dos, posé à mes pieds, et en sors un comics Marvel afin de tuer la dernière heure de route qui nous attend. Juan, derrière le volant, pousse la chansonnette avec ses écouteurs enfouis dans ses oreilles. Il enchaine des chansons espagnoles que je ne connais pas, mais qui semblent avoir un rythme très entrainant. Grant et Karlie, assis en face d'Avianna et moi, se sont quant à eux assoupis l'un sur l'autre. A mesure de ma lecture, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil vers eux. La tête de la petite brune est calée dans le cou de son meilleur ami, dont le bras entoure ses frêles épaules.
Un bruit d'appareil photo retentit soudain, Avianna vient d'immortaliser avec son téléphone portable la position de nos deux amis. Elle admire son cliché et en prend un second, au cas où il arriverait quelque chose au premier. Elle s'empresse ensuite de me les montrer, fière d'avoir pu graver ce moment en image. C'est certain qu'elle aura une petite discussion privée avec Karlie. Les filles adorent ragoter sur leurs histoires de cœur, enfin je crois.
— Et après ils osent dire qu'il n'y a que de l'amitié entre eux, rigole la rousse.
— Comment est-ce qu'on sait quand l'autre personne a des sentiments pour nous ?
Ses yeux s'écarquillent face à ma question qui semble la surprendre. Je me sens soudain gêné de l'avoir posé, elle doit certainement me prendre pour un extraterrestre camouflé dans un corps d'humain. Et si c'était vrai et que je n'en ai même pas conscience ? Mon dieu, je crois que le comics que je suis en train de lire sur les Gardiens de la Galaxie m'est monté au cerveau. Apprendre l'existence de toutes ces planètes abritant d'autres formes de vie que la nôtre, ce n'est pas bon pour mon imagination débordante.
— Oublie, c'était stupide, me ravisé-je.
Bien que ce ne soit pas conseillé dans mon cas, je reprends la lecture de ces aventures Marvel. Si cela peut m'éviter le regard stupéfait d'Avianna, je ne suis pas contre.
— Il y a des signes qui ne trompent pas.
Sa main à la jointure de la BD me force à la poser sur la table. Elle l'abaisse doucement jusqu'à ce que le papier rencontre le bois teinté de cette dernière. Mes iris chocolat quittent les couleurs chatoyantes des dessins pour galoper jusqu'à ses grands yeux de biche, les caressant d'une douce lueur affectueuse.
— Le regard ne ment jamais Shawn. S'il y a des sentiments, ils sont forcément écrits dans nos pupilles.
— Et si on n'a pas le manuel pour déchiffrer cette langue ?
— Ce n'est pas dans les livres que tu trouveras les réponses, mais dans la pratique.
J'admire ses paupières battre au rythme de ses mots. Ses longs cils sombres frétillent à mesure qu'elle ouvre et ferme les yeux. C'est un spectacle fascinant, presque aussi majestueux qu'un grand cygne noir prenant son envol. Le fameux « vilain petit canard » dont le seul crime est d'être différent des autres. Comme moi.
Ses grands yeux, dont les nuances de bleus sont encore plus variées que sur la palette d'un peintre, se rapprochent de mon visage. Je parviens à les détailler davantage, remarquant ainsi leur dégradé allant du plus foncé à l'extérieur, jusqu'au plus clair à l'intérieur. Des traits fins et presque émeraudes viennent trancher dans cette immensité de couleur lagon. Telle deux apatites, la lumière s'y reflète pour en dévoiler les moindres aspects.
— Qu'est-ce que tu vois Shawn ? me susurre-t-elle.
Sa proximité me fait perdre mes mots. Je repense indéniablement à notre moment passé chez Davison. Elle, sans le moindre bout de tissu pour recouvrir la peau blanche de sa poitrine, son corps bouillant sous mes baisers. Cette sensation de procurer du plaisir à quelqu'un, de savoir qu'un cœur bat pour moi, est quelque chose de complètement fou. Je comprends mieux comment un homme peut perdre la raison à cause d'une femme, elles ne se rendent pas compte de l'effet qu'elles peuvent nous faire. Il est parfois destructeur.
— Tu veux que je te les traduise ?
Comme une sirène attirant les marins amoureux dans ses filets, son ton séducteur charme tous mes muscles. Ils se laissent guider par l'incroyable aura qui l'entoure. Mes mains retrouvent les courbes de ses hanches alors qu'elle passe ses jambes par-dessus mes cuisses. Si la ceinture de sécurité ne la forçait pas à rester à sa place, ses fesses se seraient déjà posées sur moi.
— C'est le désirer, avoue-t-elle dans le creux de mon oreille.
Mon sang pulse à tout rompre dans mes tempes alors qu'elle mordille la peau de mon cou. Je perds totalement le contrôle de mes gestes. Cette fille m'emmène sur un terrain qui m'est complètement inconnu, mais d'une tentation extrême.
Le long de son éternel collant noir, ma main droite glisse pour trouver le tissu de sa jupe bordeaux. Mes doigts jouent avec la bordure souple et légère, suivent la ligne de couture comme s'ils cheminaient le long d'une voie ferrée conduisant directement au bonheur. Sous la pulpe de chacun de mes cinq doigts, je sens le relief des courbes de ses hanches. Chaque millimètre parcouru est une pure découverte. Malgré son corps svelte, il n'en reste pas moins fascinant à toucher.
Je continue mon exploration en terrain étranger, ramassant tout mon courage pour m'enfoncer plus loin sous la grotte qu'est sa jupe. Je m'y faufile non sans appréhension. Sentir le relief de sa culotte, chaudement gardé par son collant le recouvrant, me procure un léger retrait. J'ai l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose d'interdit. Peut-être ai-je été trop loin ? Passer la main sous la jupe d'une fille est une intrusion de son intimité, Avianna et moi ne sommes pas encore à ce stade pour que je me permette de telles folies.
— Excuse-moi, je n'aurais pas dû.
Je suis sur le point de mettre fin à ce touché scandaleux quand la belle rousse saisit mon poignet, forçant ma main à rester là où elle. Son visage quitte le creux de mon cou pour me faire face, nos nez se touchant sensuellement. L'air chaud émanant de son souffle se mélange au mien dans un tourbillon brûlant. Ils ne font plus qu'un avant de s'écraser sur nos poitrines se soulevant et s'abaissant à l'unisson.
— C'est si dur de résister à t'embrasser, confesse-t-elle à demi-mot. Tes caresses m'implorent de céder là tout de suite.
De sa paume tenant mon poignet, elle accompagne ma main un peu plus bas sur son corps. C'est en sa compagnie, et de son initiative, que je touche pour la première fois le galbe des fesses d'une fille. Cette partie rebondie, cachée par ses jupes et robes, ne m'est encore jamais été donné de voir. La sentir sous mes doigts laisse place à toute mon imagination.
— Alors fais-le, supplié-je.
— Je ne peux pas, et tu sais pourquoi.
— Je te remercie de vouloir effacer mon premier baiser, mais ce que tu es en train de faire est une véritable torture.
— Tout ça est nécessaire. Faire grimper le désir, attiser ton envie de m'embrasser, il le faut pour qu'il reste à jamais gravé dans ta mémoire.
— Tu es déjà gravée à jamais dans ma mémoire, tranché-je le souffle coupé.
A cette dernière phrase, Avianna a un léger mouvement de recul. Ses grands yeux bleus me toisent comme si je lui avais révélé un secret caché. Elle cherche au plus profond de mon être la sincérité de mes paroles. Elle n'imagine même pas à quel point elles sont véridiques.
Avant de la rencontrer et de la connaitre assez pour ne plus la voir comme une menace, je croyais avoir perdu toute attirance physique. Mon visage à jamais tâché par cette immense brûlure m'obnubilait, à tel point que je ne me résumais plus qu'à cela. Je n'étais plus Shawn, juste un gars défiguré oublié de tous. J'avais perdu mon identité, ce qui faisait de moi un être humain et quelqu'un de vivant. Ma mère a été la première à me faire prendre conscience que mon tout ne se cantonnait pas à ma blessure, que j'étais bien plus que ça. Mais son pouvoir de maman avait atteint ses limites au bout d'un certain temps. Elle était parvenue à me faire sortir la tête de l'eau, seulement il me restait à savoir nager jusqu'à la rive et ça, ça ne rentrait pas dans ses cordes. J'avais besoin d'une fille pour m'apprendre.
C'est ainsi qu'Avianna a pointé le bout de son nez, armée de sa splendide chevelure de cuivre aussi fougueuse que son tempérament. Elle m'a dit des choses que jamais personne ne m'a avoué, elle a su me toucher en plein cœur sans que je ne m'y prépare. Un beau jour, elle a commencé à m'enseigner la natation et j'ai pris peur. Nager pour atteindre la rive, j'en rêvais comme j'en redoutais. Qu'adviendra-t-il une fois les deux pieds sur la terre ferme ? Cette simple question s'est retrouvée en haut de ma liste d'angoisses. Petit à petit, elle est devenue ma maitre nageuse, calmant à mesure de mes brasses mes craintes les plus profondes. Je lui ai fait confiance et elle a su me tendre la main pour m'aider à sortir de l'eau tumultueuse de mon passé.
— Peu importe quand ou comment, je sais que t'embrasser sera la plus belle chose de ma vie.
Aussi rapide qu'un guépard, agile qu'un chimpanzé, douce qu'un koala et électrisante qu'une anguille, elle dépose un baiser au coin de mes lèvres. Je ne rêve pas, sa bouche vient réellement de toucher la mienne. Certes ce n'était pas un véritable bisou, mais ça n'en reste pas moins un contact intime qui me fait perdre toute notion du temps, de l'espace, de la situation. Ce bref instant fige mon cœur. Il ne loupe pas un, mais plusieurs battements. Je ne parviens plus à articuler le moindre mot.
— C'est incroyable qu'un garçon comme toi existe réellement. D'où sors-tu Shawn ?
Mon prénom prononcé avec sa voix douce, mielleuse et irrésistiblement tentatrice, fait remonter des frissons tout le long de ma colonne vertébrale. Ils galopent jusqu'à créer une explosion dans mon bas ventre, réveillant ce qui fait de moi un homme. Avianna le remarque, elle échappe un petit rire satisfait.
— Te faire de l'effet est la chose qui me rend la plus heureuse.
Ses yeux rivés sur mes lèvres augmentent la passion qui se déchaine déjà en moi. S'en est trop, si je ne retire pas ses cuisses posées sur les miennes je sens que je vais exploser. Je suis un homme faible face à tant d'appâts auxquelles je n'ai jamais pu goûter.
Je repousse ses jambes loin de mon corps en ébullition, les sentir quitter ma peau me provoque immédiatement un sentiment de vide paradoxal. Je me sentais étouffé par sa présence, mais la voir s'en aller est déchirant. D'un côté, je peux enfin calmer mes pulsions, d'un autre, j'ai l'impression d'être terriblement seul. Les contradictions se mélangent dans ma tête, je suis contraint de la saisir entre mes deux paumes pour calmer les maux qui s'y bousculent.
Ouvrir son cœur pour y laisser l'amour le dévorer est quelque chose de bien plus difficile que ce à quoi je m'attendais. Je savais que le chemin allait être long, jonché de pierres et d'obstacles en tout genre, mais ce n'est qu'en le vivant que je me rends compte de l'ampleur de la tâche. J'ignore si je suis finalement prêt à tout ça. C'est fatiguant d'être tiraillé par ses sentiments, de devoir lutter contre ses envies.
________________________________________________________________________________
J'ignore si ce chapitre est un réel rapprochement ou au contraire un éloignement entre Avianna et Shawn. Mais quoi qu'il en soit, leur situation évolue en même temps que Shawn grandit.
Je vous propose d'aller découvrir ma nouvelle histoire qui s'intitule Course contre l'amour. Ce n'est pas une fanfiction car le personnage ne s'appelle pas Shawn, cependant c'est sous ses traits que je l'imagine et vous aussi certainement puisque son prénom est ... Peter haha. J'ai hâte de vous y retrouver et d'avoir vos retours !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro