Chapitre 22 - Une nouvelle histoire commence
Muni d'un petit sac de voyage et de mon éternel sac à dos noir, je me rends à l'entrée d'un des nombreux parcs que compte l'université. Là-bas, m'attendent déjà Karlie et Grant tous deux accompagnés d'une petite valise. La brune ne tarde pas à me faire de grands « coucou » avec ses bras lorsqu'elle m'aperçoit. Je me contente pour ma part de lui sourire jusqu'à ce que je sois assez proche pour qu'elle me fasse un câlin que je lui rends. Elle a beau être timide, avec moi elle semble assez à l'aise pour laisser son petit côté spontané parler.
— Je suis contente de te revoir enfin Shawn !
— Moi aussi, dis-je avec enthousiasme, l'éloignant doucement de mon torse.
— Tu as passé un bon Thanksgiving ? m'interroge Grant en me saluant d'une poignée de mains.
J'hésite à lui répondre, ne voulant pas avouer que je n'ai pas eu le courage de rentrer chez moi. Ma mère n'a d'ailleurs pas apprécié mon, je cite, « esprit rebelle ». Mais au fond, elle a compris les raisons de mon choix et n'a pas tenu plus d'une journée à me faire la tête avant d'appeler. Que ce soit elle ou mon père, tous les deux étaient ravis de savoir que je m'étais bien intégré à la vie étudiante. Ils étaient heureux d'enfin voir leur fils retrouver le délicieux goût de la vie.
— C'était super et vous ? menté-je.
— La mère de Karlie s'est encore surpassée aux fourneaux.
— C'est juste qu'elle veut t'impressionner, souffle-t-elle en levant les yeux au ciel.
Grant lui donne un petit coup de coude dans le flanc qui la fait rire. Elle répond en le repoussant afin qu'il soit assez loin pour ne plus l'embêter. Les deux se chamaillent gentiment sous mes yeux amusés, leur complicité fait chaud au cœur. Je suis heureux de les retrouver en ce début froid de décembre. Un nouveau mois commence en ouvrant un nouveau chapitre de nos vies.
Un klaxon au coin de la rue met fin à nos rires. Nous nous retournons vers l'imposant véhicule s'arrêtant à notre niveau. Il s'agit d'un camping-car Airstream, reconnaissable entre mille par son design en aluminium propre à la marque. Ce n'est d'ailleurs pas n'importe quel modèle qui se gare sous nos yeux, mais celui utilisé par la NASA pour amener ses astronautes jusqu'au pas de tir des fusées. C'est exactement le même véhicule que j'ai pu voir d'innombrables fois dans les livres d'astronomie disponibles à la bibliothèque de Toronto. L'alliage en aluminium comme le métro new-yorkais, le logo de la NASA collé entre deux fenêtres, des bandes aux couleurs du pays longeant tout le flanc du véhicule, il est identique aux photos de ces bouquins. Je suis admiratif.
La porte à l'avant s'ouvre, me faisant légèrement sursauter. Je ne m'attendais pas à ce que le conducteur descende et encore moins à trouver un Juan fier de nous montrer son petit bijou.
— Vous savez où je peux trouver des musiciens à la hauteur ? plaisante-t-il.
Il vient nous saluer un à un alors que nos yeux ne quittent pas ce drôle d'engin. Je sais qu'il avait promis de nous trouver un moyen de locomotion digne de ce nom pour nous déplacer à travers le pays, mais je ne m'attendais pas du tout à cela. J'imaginais au mieux un petit van Volkswagen très hippie.
— Où est-ce que tu as déniché un truc pareil ? demandé-je, émerveillé par sa trouvaille.
— Mon père à un garage mais avec la crise, l'affaire tournait mal alors il a dû innover. Il est devenu spécialiste en réparation de caravanes Airstream ! Annonce-t-il comme un magicien venant de réaliser un incroyable tour de passe-passe.
— Mais c'est le modèle de la NASA.
— Oui, c'est un truc hyper rare qu'il a récupéré en piteuse état. Il l'a entièrement retapé et ma mère a transformé l'intérieur en camping-car. Il est censé être pour leurs vieux jours.
— Tes parents sont géniaux, dis-je sous le charme.
— Je sais, hausse-t-il les épaules comme si c'était une évidence. Par contre on l'abime, je me fais défoncer donc je compte sur vous pour en prendre soin. Il en va de ma vie !
A peine sa mise en garde faite que Grant s'empare des clés sous les « hey mec fais gaffe » du latino. C'est bien la première fois que quelque chose le stress et je dois avouer que son air déconfit, quand son ami allume le moteur, est juste tordant. Karlie semble du même avis que moi vu le rire qu'elle échappe.
Nous montons à bord du bus, nos quelques affaires à la main. A l'intérieur, le moindre espace est optimisé. L'arrière est encombré de deux couchettes superposées de chaque côté. Juste avant la partie nuit, il y a à gauche un petit espace cuisine avec tout le nécessaire pour faire à manger, et en face le coin salle à manger se résumant à deux banquettes face à face séparées d'une table. Les petits recoins restants sont comblés par des placards de rangement.
Malgré l'exiguïté des lieux, le tout est très charmant. Le sol en bois, le bleu très clair sur les meubles, le tissu gris et blanc des draps et les petites lumières très cosy rendent l'intérieur chaleureux. L'espace est restreint mais bien plus convivial que n'importe quelle villa hors de prix. Les parents de Juan ont su transformer le véhicule pour donner à quiconque l'envie de s'y poser.
— Faut qu'on aille chercher Avianna à la sororité alors bouge, rappelle Juan au « pseudo-chauffeur ».
— Pourquoi c'est toi le conducteur ? se plaint Grant tel un enfant ne pouvant pas jouer avec son nouveau jouet.
— Parce que je ne veux pas que tu abimes le bijou de ma famille !
— Tu sais que je conduis super bien !
— N'essaie pas de négocier, c'est non ! tranche-t-il en reprenant sa place.
— Où est passé ton humour habituel ?
— Mes parents ont placé toutes leurs économies dedans alors non, ça ne me fait pas rire.
Juan est celui que je connais le moins bien du groupe. Nos conversations tournent souvent autour de la musique et ne divaguent que très rarement sur d'autres sujets. Je sais simplement que ses parents sont arrivés ici du Mexique à peu près à nos âges pour une meilleure vie, et que tout ne s'est pas passé comme prévu. Mais Juan n'a jamais voulu rentrer dans les détails qu'il juge insignifiants.
Avec Karlie et Grant, nous prenons place sur les banquettes installées autour d'une petite table en bois. Quatre ceintures de sécurité y ont été installées pour les trajets sur la route. Ses parents ont véritablement pensé aux moindres détails. Ils doivent être très fier de leur travail, tout du moins je le serais si j'étais eux.
Il ne nous faut que quelques minutes pour atteindre la sororité d'Avianna. Devant l'imposante porte d'entrée de cette incroyable maison d'étudiantes en vieilles pierres rouges, elle nous attend de pied ferme. Son sac de voyage en main, ses yeux s'agrandissent lorsque l'étrange véhicule de Juan s'arrête devant elle. Le latino sort à sa rencontre et l'accueille chaleureusement dans ce qu'il appelle « son camping-car grand luxe ».
— Salut ma belle, tu montes ? la taquine Juan avec un clin d'œil.
— On va sur la lune ?
— On va où tu veux, je t'emmènerai aux septièmes ciels si c'est ce que tu désires.
— Quel romantique, rigole-t-elle.
— C'est le logo de la NASA, il fait tomber toutes les filles dans mes bras.
Elle s'attarde sur les lettres blanches de l'entreprise spatiale, puis monte enfin à bord tandis que Juan est déjà retourné aux commandes. Elle hésite entre prendre place sur le siège passager à l'avant, où nous rejoindre sur les banquettes.
Ses pupilles vont et viennent entre les deux places jusqu'à ce qu'elle les arrête sur moi. Elle me regarde durant un temps que je ne saurais déterminer, j'en profite pour me remémorer notre atelier cuisine d'il y a quelques jours. Son dernier sourire, celui qu'elle m'a lancé avant de franchir les portes de sa sororité après que je l'ai raccompagné, est resté gravé en moi. Il était franc, joyeux, solaire. C'est idiot mais je me suis dit que c'était le plus beau sourire que j'ai vu de toute ma vie. Comme si je faisais un palmarès de ce genre de choses.
Enfin décidée, elle se dirige vers nous et s'assoie face à moi. J'ai à peine le temps de remarquer sa petite jupe volante à fleur prolongée par un collant noir et opaque ne dévoilant rien de tendancieux, qu'un rictus courbe le coin de mes lèvres. Je suis heureux qu'elle ait écouté mon conseil de ne pas abandonner les jupes sous prétexte qu'un sale pervers n'a pas su se tenir. C'est d'ailleurs en lui disant ces paroles encourageantes qu'elle m'a souri et que son visage radieux est resté inscrit dans ma mémoire.
— Salut, dit-elle joyeusement, prenant place à côté de Grant.
— Thanksgiving s'est bien passé ? la questionne son amie.
Avianna ne répond pas tout de suite. Elle me lance un regard en coin, hésitant à dire la vérité, mais ma petite moue lui fait comprendre que je n'ai rien dit en ce qui me concerne.
— C'était super, j'ai bien mangé. La tarte à la citrouille est devenue mon plat favori !
Je tente de camoufler mon rire à l'aide de ma main mais c'est trop tard, Grant s'en est aperçu. Il fronce les sourcils, passant son doigt sur son menton, et réajuste ses lunettes légèrement tomber sur son nez.
— Avianna te fait rire maintenant ? souligne-t-il, le sourire taquin.
— On a enterré la hache de guerre, haussé-je les épaules.
— Ah oui ? Et quand ?
— Quand il s'est enfin décidé à m'envoyer un texto après que je lui ai laissé mon numéro, intervient l'intéressée.
J'avale bruyamment ma salive par peur qu'il continue à poser des questions gênantes. Je n'ai pas envie de parler de notre atelier cuisine, ni de tout ce qui s'y est dit. Elle aussi semble de mon avis à en juger sa façon de me regarder timidement pour ne pas éveiller les soupçons auprès de nos amis.
— Shawn et les sms, ce n'est pas une grande histoire d'amour, plaisante le brun.
Voyant qu'il n'insiste pas plus, mes poumons se libèrent et je peux respirer normalement. Je cache mes mains tremblantes sous la table afin que personne ne les voit, et murmure un petit « je sais » qui provoque rires et taquineries de la part des autres.
— Bon les enfants, on va où maintenant ? nous interrompt le chauffeur.
— A Cheyenne s'il te plait, lui répond Avianna.
Un silence s'installe dans l'habitacle, chacun attendant une explication pour ce choix de destination. On ne peut pas dire que cette ville soit la référence en termes de musique alors pourquoi aller s'enterrer dans un lieu que je serais incapable de placer sur une carte.
— J'ai besoin que notre premier concert se déroule là-bas.
— Pourquoi ? me risqué-je à demander.
— Parce que c'est ma ville natale et que j'ai des choses à régler avec elle et la musique.
A l'avant du véhicule, Juan souffle de mécontentement mais obtempère. Il paramètre son GPS et finit par démarrer. L'université s'éloigne petit à petit, nous laissons le lieu de notre incroyable rencontre derrière nous et avançons désormais en groupe plutôt que seul. Nous étions cinq petits sentiers qui, en se rejoignant, ont formé une véritable autoroute sur laquelle nous fonçons à vive allure.
J'ignore ce qu'Avianna compte régler à Cheyenne, mais cela doit être assez important pour que son visage se soit assombri. Il doit y avoir un lien avec sa sœur dont je n'ai pas encore cerné toute l'histoire. Je compte donc sur cet arrêt pour l'éclaircir. Après les si belles paroles qu'elle a eu à l'égard de ma cicatrice, j'ai envie, que dis-je, j'ai besoin de l'aider.
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Merci infiniment pour les 3k vues sur cette histoire ! C'est incroyable et ça me touche énormément que vous êtes chaque semaines de plus en plus à la suivre.
Au début je voulais les faire voyager dans un bus scolaire réaménagé puis j'ai vu un reportage avec le Airstream de la NASA reconvertit en camping-car, j'ai eu le coup de foudre ahah.
Petite anecdote, si Avianna vient de Cheyenne dans le Wyoming c'est parce que ma chienne (qui a 8 mois maintenant) s'appelle Cheyenne. Bon par contre elle n'est pas du tout rousse comme notre héroïne.
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