La détonation résonna dans le bâtiment vide et l'écho se répercuta jusque dans les profondeurs de mon cerveau. La balle, quand à elle, vint se loger dans ma cuisse gauche, couverte de ma blouse blanche. La douleur fut si violente que mes pupilles se dilatèrent et  que ma bouche s'ouvrit si grand qu'on aurait pu y fourrer une pomme sans forcer. La scène aurait pu paraitre risible dans un autre contexte. Une fille, qui n'est pas infirmière, vêtue de l'uniforme de fonction, elle même blessée alors qu'elle est censée prodiguer des soins aux autres. Imaginez tableau plus compliqué.

Les muscles plus tendus que la corde d'un arc, je finis par tomber, raide, sur le sol carrelé. L'individu au revolver, restait lui, immobile, le doigt toujours appuyé sur la détente de la dite arme. Il semblait aussi surpris que moi par son propre geste.

Soudain, il s'accroupit près de moi et entreprit de m'allonger sur le flanc. Je ne voulais en aucun cas que cet homme me touche mais, mon état ne me permettait aucun commentaire. Étonnamment, ses gestes étaient doux, assurés et habiles. Je ne ressentis qu'un léger tiraillement au niveau de la jambe que la balle avait touché. Tout aussi bizarrement, l'inconnu se pencha sur ma blessure et grimaça en voyant l'étendue des dégâts.

Alors que j'attendais qu'il dise quelque chose, j'entendis ses pas s'éloigner.

Dieu ! Il m'abandonnait ce salop !

Après m'avoir écarté de son chemin, il n'allait pas me soigner et s'excuser de m'avoir " tirer une balle dans la cuisse". Cela n'arrivait que dans les feuilletons sentimentales de bien mauvais gout.

Mais je fus très surprise quand je l'entendis revenir, ses chaussures claquant dans mon dos. Çà y est, c'est la fin m'étais-je dis. Il vient m'achever, me libérer de ce fardeau. Il n'y avait pas grand chose que je regretterais. Aucun ami, aucune relation sérieuse. Mais, mon père, je ne pouvais pas lui faire cela. Pas maintenant, juste après la mort de maman. On se soutenait l'un l'autre, on se surveillait, sans lui, j'aurais sûrement déjà fait une grosse bêtise. Pendant que je voyais ma vie défiler devant mes yeux, je sentis un liquide froid couler sur ma plaie. Doucement, j'émergeais de ma torpeur et ouvrais un œil. L'ombre m'empêchait de voir le visage de l'homme. D'une main, il désinfectait ma cuisse, soulevant du bout de ses doigts, le tissus imbibé de ma blouse. Le sang coulait et je le vis prendre peur. L'angoisse me nouait le ventre et aucun mot ne parvenait à franchir la barrière de mes lèvres, qui maintenant étaient bleu tant la douleur me vidait de toute énergie.

A l'aide d'une bande qu'il avait dû prendre avec le désinfectant à l'infirmerie, il forma un garrot. Le flot de fluide rouge se tarit lentement et enfin, il se décida à m'adresser la parole :

- Je vais tout t'expliquer

Dit-il d'une voix blanche