Chapitre 6 - Impulsif
De son côté, le docteur Daniel Siler avait été chargé d'informer la nouvelle recrue de l'état d'avancement des recherches actuelles. Aux alentours de seize heures, il frappa à la porte de la chambre d'hôtel où résidait Lisa Milton. Elle vint lui ouvrir, apparemment stupéfaite de découvrir un aussi séduisant spécimen d'homme sur son palier, cette base militaire regorgeait visiblement de trésors cachés.
— Salut vous, l'accueillit-elle avec coquetterie.
— Bonjour, je suis le docteur Daniel Siler, de la base secrè... euh, enfin il ne faut pas en parler dans un lieu public, se corrigea-t-il précipitamment avec un embarras marqué.
— Siler, répéta-t-elle pensivement tout en admirant l'alliance argentée au doigt du visiteur. Siler comme...
— Oui, interrompit-il comme s'il avait deviné ce qu'elle allait dire. Je suis le mari d'Amanda.
Alors cette petite entremetteuse était mariée. Voilà bien la seule chose que Lisa appréciait chez elle, il s'agissait assurément d'un point faible. Radieuse, la jeune femme s'écarta de l'entrée :
— Mais venez, je vous en prie. Ne restez pas dehors.
Daniel s'avança en faisant gauchement tomber quelques-uns des documents qui l'encombraient. Lisa se retint d'aller l'aider, elle savait que si elle se rapprochait trop elle ne laisserait pas l'occasion au jeune homme de se relever, et elle ne voulait pas réellement d'une autre aventure dans l'immédiat. Elle n'aurait pas l'esprit tranquille tant qu'elle n'aurait pas séduit Jonathan. De plus, qu'Amanda soit mariée était une véritable aubaine, cela mettait une barrière entre cette dernière et le colonel. Mais une fois son but atteint, Lisa serait ravie de ruiner ce mariage en poussant Daniel à l'adultère. La tête pleine de projets sournois, la jeune femme traversa la petite chambre en balançant sensiblement des hanches, puis se pencha à la fenêtre :
— Ça fait longtemps que vous êtes marié, docteur ?
— Seulement deux mois, mais ça fait plusieurs années qu'on se fréquentait. Je vous ai apporté quelques dossiers importants. Ce serait utile que vous les lisiez d'ici demain pour être au courant des projets en cours.
— Bien sûr, vous n'avez qu'à les déposer sur le lit.
Il s'exécuta. Remarquant l'exiguïté des lieux, il se souvint du message que le général Bellhaie lui avait demandé de transmettre au docteur Milton :
— Au fait, une chambre vous est réservée à la base. Vous pouvez quitter cet hôtel dès demain si vous le souhaitez.
Alors qu'elle surveillait d'un œil distrait les passants dans la rue, Lisa aperçut soudain une vieille connaissance sortant d'un taxi et se dirigeant ensuite vers l'hôtel. Il s'agissait de Marc, le jeune étudiant de dix-neuf ans avec lequel elle avait passé une nuit insignifiante. Elle avait espéré ne plus jamais entendre parler de lui après la conversation téléphonique qu'ils avaient eu la veille. Le message avait pourtant été clair mais il avait l'air de s'accrocher malgré tout le bougre.
Lisa se retourna, elle avait oublié que Daniel était là. D'ailleurs, cela faisait déjà un bon quart d'heure que le pauvre homme parlait pour les murs. Elle l'interrompit en plein milieu d'une interminable énumération de substances chimiques à l'utilité incertaine, sans avoir la moindre idée de pourquoi il était en train de lui parler de ça :
— Vous ne voudriez pas aller aux toilettes, par hasard ?
— Pardon ?
— Ou prendre une douche ? N'importe quoi mais allez dans la salle de bain, le pressa-t-elle.
— Mais pourquoi ?
— Faites ce que je vous dis, conseilla-t-elle en l'entraînant dans la salle de bain. Sinon ça risque de mal finir.
Elle referma la porte sur lui puis alla se poster près de l'entrée. On toqua à peine quelques secondes plus tard :
— Lisa ! Ouvre, je sais que tu es là !
Elle obtempéra sans attendre. Appuyée contre le chambranle de la porte, elle lança un regard froid et méprisant au visiteur :
— Je croyais que tu avais compris à quel point je me moque de toi. Tu as été remplacé depuis longtemps déjà, tu sais, Marc.
— Lisa, tu te caches derrière un masque, tu joues un rôle, tu... euh...
Il sortit un petit papier chiffonné de sa poche et récita la suite de son discours scolairement préparé à l'avance :
— Ce n'est pas toi qui...
— Ça ira comme ça, interrompit-elle en baillant. Si c'est tout ce que tu avais à me dire, tu peux t'en aller. Merci.
Marc eut l'ait paniqué et se replongea aussitôt le déchiffrage de son petit papier froissé.
— Inutile de chercher là-dessus, tu n'y trouveras pas de réponse. Bon sang, comment ai-je pu supporter cet incapable toute une nuit ?
Offusqué, le jeune homme la bouscula et pénétra dans la chambre :
— Tu n'es pas seule ?
— Non puisque tu es là. Et puis rentre, surtout fais comme chez toi, s'agaça-t-elle avec sarcasme.
Poussé par un profond sentiment d'impuissance, Marc se laissa tomber sur le lit. Il n'avait plus aucune idée de la façon dont il devait réagir, Lisa le déboussolait totalement.
A cet instant mal choisi, Daniel passa la tête par l'entrebâillement de la porte de la salle de bain :
— Je peux arrêter de me cacher ? demanda-t-il d'un air candide.
Lisa se frappa le front de la paume de la main en secouant la tête. Quant à Marc, il eut un soudain regain d'énergie et sauta sur ses pieds :
— Qui est cet ahuri ? enragea-t-il. Encore un de tes trophées de chasse ? Et demain tu le laisseras tomber comme une vieille chaussette ? Comme moi ?
La jeune femme n'avait rien à répondre à cela. Si elle niait il la traiterait de menteuse, si elle confirmait ses dires il serait furieux. Mais dans les deux cas il allait faire usage de ses poings. Il était extrêmement impulsif, chose qu'elle avait apprise en quelques heures de fréquentation seulement et qui l'avait encouragée à couper rapidement les ponts avec lui.
Daniel ne sut que dire lui non plus. On l'accusait d'une chose totalement contraire à son éthique, il était on ne peut plus fidèle à son épouse. Et d'où venait cette idée stupide de le traiter d'ahuri ? Personne ne l'avait jamais traité de la sorte. Quoique, réflexion faite, le colonel Filips n'était pas le dernier à se moquer régulièrement de son étourderie, et il arrivait même qu'Amanda le taquine à ce sujet. Il faut dire qu'il avait parfois, allons même jusqu'à dire souvent, des idées farfelues comme une arme à munitions biodégradables. Et ô combien de fois il s'était rendu au laboratoire avec deux pantalons superposés ou bien une chemise par-dessus son pull. Il était indiscutablement l'une des personnes les plus tête en l'air de la planète, mais de là à le traiter d'ahuri, il ne comprenait pas.
N'ayant aucune réponse ni de l'un ni de l'autre, Marc remonta ses manches et se jeta sauvagement sur l'innocent docteur Siler. Et il faut bien admettre que le pauvre Daniel n'était pas champion de boxe. Alors qu'il encaissait le déferlement de coups, incapable de se défendre contre la violence de son agresseur jaloux, Lisa n'avait quant à elle pas bougé le plus petit doigt. Dans la lumière de la fenêtre ouverte, elle ôta calmement ses boucles d'oreilles puis se dirigea vers la valise ouverte sur le sol. Elle retira son jean usé puis enfila une jupe à la place, se changeant sans la moindre pudeur à côté de ses visiteurs occupés. Admiratif devant ce spectacle, Marc se calma progressivement, mais trop tard. Daniel était déjà inconscient.
— Lisa tu, tu es si belle.
— Je sais. J'ai bien réfléchi et j'ai envie qu'on se revoie. Demain, viens quand tu veux, j'ai encore des choses à faire aujourd'hui.
— Tu es sérieuse ? s'étonna-t-il avec un sourire extasié.
— Bien sûr, tu m'as prouvé que tu tenais à moi.
— Oh ben ça, si je m'y attendais ! Oh, je suis désolé pour... lui, s'excusa-t-il en désignant Daniel d'un mouvement de la tête.
— Ce n'est pas grave, j'en avais terminé avec celui-là.
Un sourire jusqu'aux oreilles, Marc déposa un baiser furtif sur les lèvres de Lisa puis s'en alla en sautillant et en sifflant un air joyeux.
— Pfff... Quel abruti ! soupira la jeune femme en passant le revers de sa manche sur sa bouche, dégoûtée.
Demain elle ne serait plus dans cet hôtel. Elle aurait sa propre chambre dans la base militaire. Là-bas, il ne la retrouverait jamais.
Après dix minutes perdues dans ses réflexions, elle se soucia enfin de Daniel, toujours étendu sur le sol. Il était en train de reprendre péniblement conscience.
— Docteur Siler, vous allez bien ?
— Oooh... C'est la question la plus insensée qu'on m'ait jamais posée, comment voulez-vous que je me sente bien après qu'un bulldozer me soit passé sur le corps ? Ça fait longtemps que je suis dans cet état ?
— Un petit quart d'heure. J'avais très peur pour vous alors je lui ai sauté dessus et on s'est battus, mentit-elle pour se donner le beau rôle. Mais il est parti maintenant. Je vais chercher de quoi vous soigner.
— Il aurait pu vous blesser, merci de m'avoir aidé.
Il s'appuya sur elle pour se relever puis s'étendit sur le lit, la main placée dans le creux de son dos endolori. Lisa s'éclipsa quelques minutes puis revint avec une petite trousse à pharmacie. Elle s'installa près du blessé et tamponna un tissu humide sur son visage :
— Ça va sûrement picoter un peu.
Au lieu de le soigner, elle aurait préféré l'aider à se dévêtir et dépenser toute l'énergie qui abondait en elle, mais elle avait encore besoin de lui pour tenir momentanément Amanda à l'écart de Jonathan. Cependant, elle eut du mal à résister à ses impulsions, surtout lorsqu'elle s'employa à enrouler un bandage autour du torse nu de l'homme.
Lorsqu'elle eut terminé et qu'il fut quelque peu remis sur pieds, Daniel remercia son infirmière attentionnée puis regagna sa voiture. Il avait hâte de retrouver sa femme et de se blottir dans ses bras protecteurs pour oublier au plus vite le pugilat acharné dont il avait été la victime sans qu'il comprenne vraiment pourquoi.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro