Chapitre 33 - Seth
PARTIE II : SETH, DIEU ÉGYPTIEN DE LA DESTRUCTION ET DU CHAOS
Amanda s'occupait consciencieusement de l'œil au beurre noir de son bien-aimé tandis que le colonel faisait des allers-retours incessants entre l'entrée de la base et le campement provisoire de l'OESA. Qu'allait-il se passer maintenant que tout était réglé ? Jonathan savait parfaitement qu'il ne pourrait pas être heureux avec Lisa, ils étaient trop différents, incompatibles. Leurs comportements respectifs s'étaient croisés et ils n'avaient pu être parfaitement heureux qu'à l'intersection. A présent ils poursuivaient un bonheur révolu. Mais Jonathan savait également que Lisa lui était indispensable. Il était fatalement lié à elle par des liens d'acier. Il ne pouvait pas vivre sans elle, sans son corps brûlant contre le sien, sans ses lèvres, sans son cou, ses mains...
Oh, mais pourquoi diable personne ne démarrait la camionnette ? Pourquoi personne ne retournait à l'OESA pour le conduire auprès de celle qui hantait son âme ? Sa douleur était immense, plus grande que n'importe quel supplice physique. Mais le plus insupportable de tout était cette pression lancinante dans son bas ventre, indomptable et si malvenue en cet instant.
Annette paraissait être la seule personne calme et posée, la seule à n'avoir pas perdu la raison, à ne pas avoir l'esprit embrouillé par tout un tas de soucis divers. La bombe avait été mise en sûreté sous une tente en attendant de pouvoir être transportée jusqu'à l'OESA. Annette devait la voir afin de satisfaire pleinement sa curiosité, si elle ne voyait pas tout c'était comme si elle n'avait rien vu. Elle avait participé au programme Judas-316 mais le général Bellhaie avait pour habitude de confier la finition des prototypes à sa propre équipe de recherche. Les scientifiques ne voyaient pour ainsi dire jamais l'aboutissement de leur travail, sauf pour quelques exceptions.
Annette s'approcha de la tente surprotégée. Les gardes ne la laissèrent passer que lorsqu'Albert, le boss, vint les assurer qu'elle était de leur bord. La bombe était dissimulée sous une couverture, mais ses deux mètres cube ne passaient pas inaperçus. Annette retira un pan du tissu pourpre avec une fierté qui n'avait d'égal que son admiration emprunte d'inquiétude. Toute cette force, cette énergie, ce pouvoir... Cela ne pouvait inspirer que le respect le plus profond. La femme caressa la coque métallique en respirant profondément, comme si elle s'imprégnait de toute cette puissance endormie qui n'attendait que de pouvoir s'exprimer. Pas un bruit ne vint perturber la symbiose, point culminant de l'alliance la plus stupéfiante de tous les temps. Durant quelques fractions de seconde, l'homme et la machine ne firent plus qu'un, l'harmonie menaçante enveloppa toute la tente. Même Albert, déconcerté, sentit les relents âcres d'un danger imminent, la pression d'une atmosphère lugubre, sordide.
Brusquement, Annette retira sa main, brisant de cette manière le charme néfaste :
— Ce n'est pas la bombe, lâcha-t-elle sur un ton de reproche.
— Mais si, bien sûr que si, se défendit Albert.
La femme repoussa le bout de tissu qui voilait les premières lettres peintes du mot Apocalypse.
— Je ne comprends pas. Qu'est-ce que cela signifie, docteur Foreman ?
— Ce n'est pas le prototype, j'en suis certaine.
— Allons, je sais que vous avez vécu une période pénible mais c'est terminé. Tout va bien.
— Je vous dis que cette bombe n'est pas la seule. Celle-ci est une copie mise au point par les équipes du général Bellhaie. Le prototype est toujours quelque part, en parfait état de fonctionnement.
— Ne vous inquiétez pas ma chère, je comprends parfaitement que les récents événements vous aient rendue un tant soit peu paranoïaque mais...
Annette ne se donna pas la peine d'écouter le sermon jusqu'au bout. De toute évidence, on la prenait pour une folle. Elle se rendit par conséquent chez les seules personnes dignes de sa confiance, Jonathan et le couple Siler.
*
— Tu as l'air distrait, releva Amanda à l'adresse du colonel qui faisait toujours les cent pas.
— Non, non je... Je suis juste content que tout cela finisse enfin. Ces histoires et ces magouilles me donnaient la migraine.
Pas très convaincue, le lieutenant préféra se contenter de cette explication et laissa Jonathan ruminer tranquillement dans son coin. De toute façon, elle n'avait pas le temps de discuter, Daniel avait soif et la carafe était vide. La jeune femme quitta donc la tente en quête d'eau.
*
Annette arriva quelques instants à peine après son départ, essoufflée. Il fallait qu'elle les mette au courant pour la seconde bombe, ainsi que pour le prototype toujours introuvable.
Amanda traversait le campement, une carafe vide à la main, lorsqu'Albert la rattrapa avec une joie non dissimulée :
— Lieutenant ! Il faut absolument que vous veniez voir ce que nous avons découvert là en bas. C'est stupéfiant, magnifique !
La jeune femme refusa tout d'abord puis se laissa entraîner par la gaieté du petit homme. Elle le suivit jusqu'à l'intérieur de la base, au plus profond de la montagne, dans les quartiers secrets du général Bellhaie.
— Regardez ! s'exclama l'homme en ouvrant une porte.
Le lieutenant se figea à l'entrée de la pièce, incapable de prononcer le moindre mot. Albert avait raison, c'était stupéfiant. Tout bonnement incroyable, fabuleux. Une immense statue trônait avec majesté au bout de la salle, cernée par une centaine de petites bougies. Il s'agissait d'une gigantesque reproduction de la petite statuette de Seth, le dieu de la destruction et du chaos. Ses yeux avaient été remplacés par deux rubis d'un rouge éclatant qui fixaient rageusement les deux intrus. Ses bras de pierres étaient ornés de nombreux bracelets, son cou de colliers et ses doigts de bagues. Tous ces bijoux étaient faits d'or, de diamants, d'émeraudes...
— Un vrai trésor, n'est-ce pas ? s'émerveilla Albert. Maintenant nous savons où sont passées toutes ces sommes d'argent détournées.
La jeune femme ne répondit pas. Elle était plongée dans une contemplation terrifiante. Une vingtaine de photos ornaient le mur faisant face au Dieu impassible et toutes représentaient des membres de la base. Parmi eux se trouvaient Jonathan, Daniel, ainsi qu'Amanda. Des larmes sanglantes coulaient depuis les yeux des personnes. C'était peut-être de la peinture, peut-être autre chose... Une dague d'argent transperçait l'œil de Daniel, la prochaine victime sur la liste si les choses n'avaient pas rapidement pris fin.
— Et ce n'est pas tout, surenchérit Albert en poussant une seconde petite porte.
Il s'agissait cette fois d'une sorte de réserve dans laquelle des centaines d'armes étaient stockées, et ce n'était pas les prototypes mais bien des copies illégales des inventions du cercle scientifique de la base. Le petit homme chauve se frotta les mains avec un fugace rire narquois. Est-ce que le matériel serait réellement plus en sécurité avec lui qu'avec le général Bellhaie ?
Au fond de la grande pièce se trouvait une ouverture, mais elle était obstruée par quelques gros rochers. Le général et ses sbires les plus fidèles n'avaient pas été capturés, ils ne pouvaient que se trouver de l'autre côté du passage.
— Sait-on ce qu'il y a derrière ces pierres ? demanda Amanda, retrouvant enfin sa voix.
— Oh, probablement ce vieux farceur de Bellhaie. Il a dû se cacher de l'autre côté, une pièce secrète, quelque chose de ce goût là. En tout cas, il ne peut pas aller bien loin, c'est à coup sûr une voie sans issue. Des hommes se chargeront de dégager le passage plus tard. Ne vous souciez pas de cela. Tout va bien à présent. Et notre Maître a promis de vous faire passer directement au grade de capitaine en remerciement de votre coopération. Vous savez, sans vous nous n'aurions jamais découvert ce que projetait Bellhaie. Sauf bien sûr une fois qu'il aurait tout fait sauter. Mais ça aurait été un peu trop tard, vous ne croyez pas ? rit-il comme un dément.
— Oui, oui, répondit vaguement la jeune femme, la tête dans les nuages.
Elle avait été choquée par cette statue au regard meurtrier et les photographies sur le mur. Elle était passée si près de la mort, pourtant cette idée ne l'avait pas effleurée une seule fois. Maintenant elle réalisait à quel point elle était engagée sur la corde raide. Impossible de faire demi-tour, la lumière était au bout, après les interminables ténèbres.
* * * * * *
Le général Bellhaie était introuvable et il avait sans doute le prototype de la bombe en sa possession, quelque part à l'abri. L'engin de mort était le plus performant jamais créé, un maximum d'énergie concentré dans un minimum d'espace, et il était entre les mains d'un fanatique, un adorateur du Dieu de la destruction et du chaos.
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