Chapitre 20 - Supplices
Lisa s'apprêtait elle aussi à endurer une terrible épreuve. Deux hommes l'avaient conduite à la salle des supplices, endroit dont le nom à lui seul suffisait à faire trembler les moins téméraires. Elle était debout, le dos au mur, les mains attachées au niveau de sa tête. Jonathan, l'Italien et le dénommé Adam pénétrèrent dans la cellule. Marc les accompagnait, mais pas dans d'excellentes conditions. Le tas de muscles qu'était Adam saisit le jeune homme par les épaules puis lui attacha les mains à un anneau sur le mur sans le ménager. L'Italien s'approcha ensuite de Lisa et déposa ses grandes mains calleuses sur les hanches de la petite reine :
— Salut chérie. Désolé pour tout à l'heure, j'ai préféré faire abstraction des convenances. Je me présente, Marchello De Bellotti. Et maintenant qu'on est intimes...
— Foutez-lui la paix ! hurla Marc à s'en briser la voix.
Aussitôt, Adam lui déboîta la mâchoire en le frappant violemment du coude.
— Lisa, poursuivit le jeune homme dans un murmure larmoyant. Pardonne-moi. Si je n'avais pas été aussi jaloux, ta vie ne serait pas en danger. Pardonne-moi, ma sœur...
Ce dernier mot transperça le cœur de la jeune femme comme une flèche empoisonnée. Ne pouvant croire cela, elle se persuada que c'était en référence aux âmes sœurs ou simplement un surnom amoureux. Après tout, les anciens égyptiens appelaient leur femme ma sœur, et ces dernières appelaient leur époux mon frère. Elle préférait croire que la situation était similaire, mais le doute persistait. Si par malheur elle avait commis un inceste avec son propre frère, elle ne se le pardonnerait jamais. Elle s'était bien assez souvent jurée de n'avoir affaire une nouvelle fois à sa famille sous aucun prétexte.
— Pardonne-moi, gémit encore Marc.
L'Italien souleva le menton de Lisa puis lui sourit, dévoilant largement ses imposantes dents grises et jaunâtres. Il se détourna ensuite d'elle pour s'adresser à Marc :
— Bon alors écoute-moi junior. C'était bien sympa de me présenter Filips, il nous sera certainement très utile en tant qu'espion dans la base. Mais t'as oublié de me parler de ta copine, le docteur Bilton... Tilton... enfin un truc dans le genre. Elle travaille à l'un des postes les plus importants de cette fichue base militaire. Et tu sais quoi mon chou ? Je crois que tu nous caches d'autres choses encore. Alors je te fais une proposition équitable : tu me dis ce que tu sais et tu peux repartir d'ici presque entier, sinon... je crois que ça risque de finir par une mort longue et douloureuse. Ta mort. Alors ? Tu parles ou tu crèves...
Il n'y eut aucune réponse.
— A mon avis, intervint Adam avec un sourire jusque derrière les oreilles, il hésite entre les deux propositions. Elles sont l'une et l'autre si alléchantes.
— Je ne sais rien de plus à propos de cette base.
— Bien sûr, et moi je suis la réincarnation de Toutankhamon, ironisa Marchello. Je te le demande une dernière fois...
— Pourquoi vous ne lui fichez pas la paix ? objecta Jonathan. Lisa peut vous dire tout ce que vous voulez, elle sera d'accord.
— Mais c'est plus amusant avec lui. J'en ai strictement rien à faire qu'il finisse éclopé et aveugle. Elle par contre... Adam, va chercher le matériel.
Lisa se sentit rougir. Elle aimait qu'on la désire mais cet Italien, ce Marchello, la mettait affreusement mal à l'aise.
Adam disparut puis revint avec un seau d'eau et une énorme valise métallique dont un câble à l'extrémité dénudée dépassait. L'Italien rit d'avance. Il se pencha pour ramasser le seau puis jeter tout son contenu sur Marc.
— Alors mon poussin, t'as mouillé tes plumes ?
— Je suis terrorisé, rétorqua l'étudiant sarcastique en soupirant d'ennui pour avoir l'air d'un dur à cuire.
— Tu devrais l'être.
Marchello rapprocha la valise de Marc. Il tenait le câble à quelques centimètres du visage du jeune homme puis le mit une petite seconde en contact avec son épaule. Un puissant courant électrique le traversa mais il ne protesta pas.
— Maintenant, tu vas gentiment répondre à mes questions, dicta l'Italien sur un ton doucereux.
— Allez vous faire voir !
— Qui dirige la base ?
— Le Pape.
— Très amusant. Mais le sens de l'humour ne te sera d'aucune utilité ici. Je repose ma question.
— Mais puisque je vous dis que je ne peux pas répondre ! s'énerva Marc.
L'Italien lui envoya encore une décharge électrique, plus longue cette fois. Tout en gardant son calme, il poursuivit l'interrogatoire :
— Des noms. Donne-moi les noms d'autres militaires. Le nom d'un scientifique.
— Einstein.
Un nouveau courant électrique le traversa. Cette fois, il ne put s'empêcher de pousser un cri perçant. Une écœurante odeur de brûlé s'infiltra dans les narines du jeune étudiant. Au niveau des côtes, là où le câble avait été en contact avec sa peau, le vêtement était troué et une fine fumée s'échappait. Il éprouvait à cet endroit une douleur lancinante, comme si quelqu'un prenait un malin plaisir à lui planter sans cesse des aiguilles. L'Italien ouvrit la valise et tourna un bouton bleu.
— Tu ferais mieux de parler, junior. Je ne faisais que m'échauffer jusqu'à présent.
— Je ne peux... Je ne peux pas... tenta de répondre Marc, totalement hors d'haleine. Je ne peux pas vous dire, vous dire ce que j'ignore.
— Ça c'est dommage mon chou, parce que ça commence drôlement à sentir le poulet grillé par ici.
— Je vous jure que...
Marchello l'empêcha de finir sa phrase en lui faisant subir un nouveau choc électrique. Le jeune homme hurla à la mort, tout son corps fut pris de tremblements convulsifs. La douleur était insupportable. La désagréable voix de l'Italien retentissait dans ses oreilles comme un tambour oppressant.
— Réponds ! Réponds !
Il ne répondait pas. Il n'avait pas la réponse. Peu à peu, ses forces l'abandonnèrent. Il ne ressentait plus la douleur, seul un étrange sentiment de vide et de flottement subsistait. C'était comme si deux oreillers se pressaient contre sa tête et les sons semblaient lui parvenir d'un autre monde si lointain. Les menottes qui lui enserraient les poignets relâchèrent leur étreinte et il s'effondra sur le sol. Lisa avait été elle aussi détachée, par Jonathan. Elle courut immédiatement pour s'agenouiller auprès du blessé :
— Marc ! Marc ! Pourquoi tu m'as appelée ta sœur ? Je t'en prie, réponds-moi. Marc. Il faut que je sache, tu entends ? C'était juste une façon de parler, on n'est pas vraiment frère et sœur hein ? Marc, s'il te plaît !
Le jeune homme voulut sentir une dernière fois la douceur de la joue de celle à qui son cœur tout entier était dévoué mais il n'en eut pas la force. Il esquissa un sourire puis la conscience le quitta définitivement. Tout prenait fin ici pour lui, dans les bras de Lisa. Elle allait être contrainte de vivre sans connaître la vérité, sans jamais savoir si Marc était son frère ou non. Ce doute la persécuterait indéfiniment.
— Finalement, concéda Marchello, peut-être qu'il disait vrai et qu'il ne savait rien de plus.
Il haussa les épaules avec indifférence puis éclata d'un rire tonitruant.
— Allez, on y va. Filips, j'ai à te parler en privé.
Le colonel jeta un dernier regard navré à Lisa puis suivit ses nouveaux camarades. Elle repoussa le corps de Marc dont le visage était figé dans une expression absurde, les yeux grands ouverts et un air béat. Répugnée par l'idée qu'il puisse être de son sang elle se tapit dans le coin opposé de la pièce et évita de poser le regard sur lui. L'angoisse d'une nouvelle attente, de la solitude, s'empara d'elle. Elle savait que la prochaine fois ce serait son tour, mais pour l'instant il fallait attendre, juste attendre... et faire face à ces voix, ces voix infernales qui venaient la terroriser jusque dans ses rêves. Il s'agissait de voix fantomatiques qui venaient lui reprocher ses fautes passées, la voix de son père qui la menaçait, celle de Marc qui l'appelait ma sœur, celle de Jonathan qui la trahissait...
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