
Chapitre 19 - Descente aux enfers
Le colonel Filips se trouvait toujours dans la vieille voiture en compagnie de l'Italien, de Marc, de Lisa serrée contre son cœur et d'un ressort désagréable dans son dos. La jeune femme était endormie, si belle et si paisible. Il s'en voulait tant d'avoir trahi cette ravissante nymphe et d'avoir failli à ses principes en révélant les secrets de la base...
— Filips, dit l'Italien en jetant un bandeau noir à Jonathan. Mets ça. Je peux pas prendre le risque de te dévoiler où se trouve le repère.
Le colonel obéit. Quelques minutes plus tard, la voiture s'arrêta. En réalité, elle cala abruptement. Jonathan put retirer le bandeau de ses yeux puis, Lisa toujours dans le creux de ses bras, il suivit l'Italien à travers une forêt épaisse. De l'autre côté, il découvrit l'entrée d'une petite grotte gardée par une vingtaine d'hommes armés et visiblement gavés d'anabolisants.
L'intérieur ressemblait étrangement à la base du général Bellhaie. Il y avait des couloirs et des gardes un peu partout, ainsi qu'un ascenseur descendant jusqu'à vingt étages sous terre. Jonathan se sentit bêtement rassuré : Chez nous il y a vingt-huit étages, se vanta-t-il intérieurement. Lorsque l'on n'a plus rien qui nous empêche de sombrer dans l'anéantissement le plus total, n'importe quelle absurdité est un prétexte pour rester à la surface.
L'Italien ouvrit la porte d'une cellule puis se retourna vers Jonathan. Il tendit les bras et récupéra Lisa. Sans aucune délicatesse, il l'allongea sur le matelas dur et poussiéreux qui traînait dans la pièce puis la laissa seule, enfermée à double tour.
— Quand elle se réveillera on pourra l'interroger. Ensuite je la ferai transférer dans mes quartiers, ricana l'homme.
Un sourire de vainqueur illumina son visage pâle et rébarbatif puis il s'éloigna.
Jonathan, complètement démoralisé, s'approcha de la porte qui l'empêchait de rejoindre Lisa. Il jeta un regard au travers de la lucarne et admira la petite reine aux formes pleines de grâce. Une larme perla au coin de son œil. Quel monstre il était...
Lisa se tourna et éprouva une vive douleur au poignet. Définitivement sortie de sa somnolence, elle se découvrit avec une main ensanglantée. Elle s'était blessée à cause d'un ressort saillant hors du vieux matelas tassé. Soudain, elle aperçut le colonel derrière la petite vitre de la porte. Elle se leva et s'approcha :
— Jonathan, qu'est-ce qu'on fait là ?
— Euh, eh bien... hésita-t-il à répondre. C'est une longue histoire.
Un garde bouscula Jonathan afin de vérifier si la prisonnière était bien réveillée. Il prit ensuite son talkie-walkie et prévint son interlocuteur de la situation. Sous peu, l'Italien fut de retour. En riant de satisfaction, il donna une tape dans le dos du colonel puis pénétra dans la cellule. Il s'approcha de la petite reine, caressa sa joue puis l'attrapa brutalement par les cheveux en la forçant à se baisser. Elle ne protesta absolument pas mais envisageait déjà la pire des vengeances.
Jonathan entra à son tour dans la cellule. Il avait envie de frapper l'homme haïssable qui faisait souffrir Lisa, toujours aussi resplendissante malgré la douleur, la saleté et le sang. Le colonel se mordit la lèvre inférieure à un tel point qu'il se mit à saigner. Il ne le remarqua pas, trop absorbé par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Ayant déjà oublié les questions qu'il était venu poser à la jeune femme, l'Italien l'embrassa de force. Mais ne consentant pas à ce qu'une autre personne qu'elle-même fasse le premier pas, elle lui cracha à la figure. Geste qui lui valut d'être frappée avec force au visage.
Elle retomba sur le sol, une trace rouge sur la joue, et là elle sut. Elle comprit pourquoi dès l'instant où cet homme rébarbatif avait fait son apparition elle s'était sentie mal à l'aise : c'était son regard. Un regard sombre, pesant, malhonnête. Exactement la manière dont son père la regardait... et la frappait. Fait exceptionnel, la glaciale Lisa perdit tous ses moyens. Elle se débattit mais ne put empêcher les vigoureux bras de l'Italien d'arracher le bas de sa robe et de déchirer une des fines bretelles de satin.
Cette fois, il allait trop loin. Jonathan l'empoigna par les épaules et l'envoya s'écraser contre le mur d'en face. Le colonel s'agenouilla ensuite et prit la jeune femme en pleurs dans ses bras.
— Vous étiez seulement censé lui poser des questions ! Je ne crois pas qu'elle acceptera de révéler quoi que ce soit après avoir subi un tel traitement.
L'Italien se releva, offusqué, en époussetant ses vêtements.
— Adam, conduis notre invitée jusqu'à la salle des supplices, ordonna-t-il à un homme qui venait d'entrer dans la cellule.
Il s'approcha ensuite du colonel en rajustant son pantalon trop grand et en reniflant bruyamment :
— Te mêle pas de mes affaires, petit. Je commence à plus t'apprécier des masses...
Plus énervé qu'intimidé, Jonathan culpabilisait davantage à chaque minute qui s'écoulait fatalement.
* * * * * *
Daniel était au bord de l'étang, les pieds dans l'eau et un boulet à la cheville. Amanda avait repris connaissance et se trouvait à quelques pas derrière son époux. La même fin tragique la guettait. Avant que quelqu'un ne la pousse à l'eau, elle mit à exécution le plan qu'elle appelait Z, car il n'y a plus rien après Z.
— Je n'ai pas droit à une dernière volonté ?
— Non, répondit catégoriquement le sergent Davis. Balancez-la à la flotte.
— Même pas un dernier baiser ? De vous, sergent...
Cela donnait à réfléchir. Amanda était l'une des femmes de la base les plus sollicitées par les hommes. Sans trop d'hésitations, il accepta la proposition. Répugnée, la jeune femme se força à sourire. Elle fit un pas vers lui, il en fit cinq vers elle. Leurs lèvres se joignirent mais elle avait l'esprit ailleurs. Sa main parcourut discrètement le dos du sergent puis trouva enfin la poche où étaient rangées les clefs des boulets. Elle s'en empara avec prudence puis les dissimula au creux de sa paume. Davis ne remarqua rien, il avait pris ses gestes pour des caresses.
— Désolé ma belle, mais tu ne me feras pas changer d'avis. Les ordres sont les ordres. Si tu les avais écoutés, tu n'en serais pas là maintenant.
Tout à coup, sans prévenir personne, il la repoussa dans l'étang. Le boulet l'entraîna au fond et elle faillit lâcher les deux petites clefs de surprise. Aussitôt, avec des mouvements nerveux et agités, elle essaya la première d'entre elles.
A la surface, le sergent Davis s'approcha de Daniel qui, trop démoralisé, n'avait pas bougé ni parlé depuis son arrivée ici.
— Dommage, elle embrassait bien. Elle doit déjà tant vous manquer, docteur Siler. Mais vous avez de la chance, comme je suis dans un bon jour je vous permets de la rejoindre.
Puis, en se tordant de rire, le soldat bouscula également Daniel, le faisant ainsi dévaler la raide pente sous-marine. S'il n'avait pas vu à cet instant sa bien-aimée nager dans sa direction il aurait très certainement renoncé à toute résistance et aurait laissé l'eau le pénétrer irrémédiablement. Amanda le libéra de son boulet puis l'entraîna au loin. Elle espérait parvenir à sortir à l'autre bout de l'étang et ainsi ne pas se faire remarquer. Heureusement, l'obscurité de la nuit était leur alliée. Ils nagèrent longuement sous les eaux glacées, se demandant s'ils en verraient un jour le bout...
De l'air ! Enfin de l'air ! Ils avaient bien cru ne jamais y arriver. Trempés jusqu'à la moelle et transis de froid, ils se traînèrent jusqu'à la forêt. Ils ne pouvaient pas rentrer chez eux, c'était trop dangereux. Comment allaient-ils bien pouvoir se sortir de ce mauvais pas ?
Le sergent Davis regarda sa montre :
— Ça fait cinq minutes. Ils doivent être arrivés en enfer. Demain j'enverrai des hommes pour récupérer les corps et les faire disparaître.
Il regagna la camionnette, satisfait d'avoir accompli sa mission.
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