Chapitre 5
Abraham sondait la cour de son manoir avec attention et vivacité. Il s'était levé tôt, aux dernières lueurs même du jour pour échapper aux griffes du grand méchant loup. Il avait sauté par sa fenêtre en se disant qu'il avait plus de chance de réussir sa fugue ainsi. Malheureusement, il ne pouvait pas mettre un pied dehors : la garde avait été renforcée, sauf s'il traversait l'immense forêt de derrière en risquant de tomber sur des personnes malintentionnées, pire, s'il s'agissait d'une créature puissante ennemie.
C'était donc après avoir parcouru tout le manoir à la recherche du meilleur endroit pour se cacher qu'il avait fini par se jeter dans les énormes fleurs qui décoraient l'allée vers l'orangerie. Il était certain de passer inaperçu car l'odeur de ces pétales masquaient la sienne, en plus, il était si silencieux que même des gardes ne l'avaient pas remarqué en passant devant. Il tendit un peu le cou vérifiant que le chien n'était pas là. Ses yeux étaient habitués à la nuit, alors sans mal il devinait que la cour n'était remplie que de vampires.
« Que faites-vous donc mon prince ? »
Abe hoqueta d'ébahissement en entendant cette voix derrière lui. Livide, il se retourna, découvrant son garde du corps adossé à la fenêtre qui se trouvait juste au dessus de sa cachette. Absorbé par son intention de lui échapper il n'avait même pas fait attention à l'ouverture des vitres ni à l'odeur de ce toutou poilu.
« Jullian ! Quelle bonne surprise, qu'est-ce que tu fais là ? » demanda-t-il niaiseux.
Le loup haussa un sourcil et sa bouche s'étira dans un sourire plein de malice qui fit rougir celui aux cheveux d'argent.
« Question stupide », marmonna-t-il pour lui-même.
Il se releva rapidement, essayant de réduire la différence de taille avec cet homme (ce qui était bien impossible car ils avaient bien vingt centimètres de plus que lui), puis se pencha sur le rebord de la fenêtre. Il leva les yeux ; il fut surpris de se trouver plus proche qu'il ne l'aurait cru de lui. Ses prunelles vacillèrent au rouge étincelant une fraction de seconde en même temps que l'appel du sang de Jullian résonna en lui comme un doux murmure auquel il se surpris à avoir du mal à lutter. Son souffle se mélangea au sien, et leurs regards communs firent naître une tension exquise entre leur corps. Acet instant, il était si près qu'il aurait pu l'embrasser.
Le prince se détourna puis sauta à l'intérieur du manoir.
« T'as l'air vraiment coincé », siffla-t-il en le dévisageant avec attention.
En effet, si cet échange pour le moins étrange avait troublé le prince, le loup quant à lui était crispé jusqu'à l'os : ses phalanges étaient blanches, fermées dans un poing abrupte sur son pantalon, et il mordait sa lèvre avec violence. Pour un colosse qui devait assurer sa sécurité, il n'avait pas l'air maître de lui même dans n'importe quelle situation, car si avec un simple rapprochement de ce genre le dérangeait, il n'était pas prêt à toutes les conneries qu'il allait recevoir en pleine poire.
Aussi, Abraham ne comprenait pas pourquoi une telle tension régnait entre eux, puisqu'il n'appréciait pas particulièrement la compagnie de cet homme, en fait, il n'aimait pas la compagnie de chien tout court. De ce fait, l'attrait pour son sang le mettait mal à l'aise.
Il chassa ses mauvaises pensées et fit quelques pas à reculons.
« Je vais à la bibliothèque », annonça-t-il dans le vent.
Cela ne servait pas à grand-chose de lui dire où il allait, puisque dans tous les cas, il le suivrait comme un gentil toutou.
Lorsqu'il mit un pied dans la grande pièce, Benji se rua sur lui avec un sourire s'étirant sur la moitié de son visage. Il s'apprêta à lui dire quelque chose mais se retint en apercevant la présence du Loup.
« C'est lui ? » demanda-t-il et Abe hocha la tête, grognon. « Ils ne t'ont pas refilé le plus moche. »
Le prince alterna son regard entre son ami et son garde l'air dubitatif. Oui, Jullian correspondait bien à l'homme viril, sexy et il était plutôt dans ses goûts. Il n'était pas un de ces mannequins grand et élancé, il avait vraiment un physique de guerrier, avec quelques cicatrices sur sa peau sombre, dont une particulièrement curieuse qui descendait de son cou sous son haut. C'était ce qui lui plaisait. A vrai dire, ce colosse dégageait une présence très hot et son regard doré, si intense, arrivait à le troubler.
Cependant, il restait un chien, poilu, hurlant stupidement à la pleine lune et remuant la queue pour jouer au bâton.
« Benji, tu sais bien que je n'ai d'yeux que pour toi », avoua théâtralement le prince.
Puis Abe vola un baiser au vampire, un simple, qui, étrangement, ne laissa pas le garde aussi indifférent qu'il le prétendit par cette expression stoïque. Les yeux du prince se plissèrent de curiosité. Durant ces longues années de vie, il n'avait que côtoyer des visages pâles, et s'était toujours amusé à chercher ses gardes et gouvernantes, alors une idée germa dans son esprit. Il étudierait ses moindres émotions jusqu'à savoir comment le pousser à bout pour qu'il reparte la queue entre les jambes chez son cher alpha. Il avait beau avoir le meilleur titre possible, premier Warrior de la meute du Nord, il ne survivrait pas à son tempérament. Beaucoup avant lui avaient essayer et seul Marcus, qui ne passait pas non plus ses jours et ses nuits sur son dos, avait maintenu la pression de sa langue fourchue et de ses bêtises.
Le rouquin avait fini par soupirer en sentant toute cette tension. Il avait ensuite fait quelques pas vers le loup, doucement car il était impressionné par sa prestance, et vint lui dire :
« J'espère que tu arriveras à supporter sa mauvaise humeur..
— Evidement », répondit-il avec sincérité.
Le sourire qu'il accorda au plus petit rembruni Abe. Il les regarda échanger quelques mots qui se transformèrent rapidement en une vive conversation. Ils parlèrent de livre, peut-être un peu de leur culture, mais le prince avait déjà décroché son attention. Benjamin était un bon garçon et surement un des rares vampires qui ne s'amusait pas à cracher sur les loups à tout va. Il semblait même curieux à leur égard, c'était un des traits de caractère que le prince n'aimait pas chez lui.
Une ombre passa dans son regard lorsqu'il comprit qu'il pouvait filer en douce. Le loup était bien occupé par son ami, ainsi il pouvait prendre la poudre d'escampette à sa guise. Et c'est ce qu'il fit. Il retourna rapidement à sa chambre pour y prendre quelques affaires, mais fut soudainement découragé sans raison particulière. Il entreprit à la place de se déshabiller prêt à profiter d'un bain chaud. Ses vêtements glissèrent un a un au sol et il s'apprêta à faire couler l'eau chaude quand la porte s'ouvrit.
« Putain de merde ! » cria Abe en sursautant.
Jullian se tenait là, le souffle court et les yeux étincelant d'animosité.
« Sors de là ! » ordonna-t-il.
Le prince remarqua bien le regard brûlant que lui porta l'homme avant qu'il ne referme la porte. Par ailleurs, même depuis l'autre côté de la pièce, il entendait son cœur battre à tout rompre. Abraham jura entre ses dents et s'enroula dans sa serviette, prêt à éclaircir cette stupide situation et à le corriger pour son impudence. En ouvrant à nouveau la porte, il découvrit le loup agité.
« Qu'est ce qui t'a pris sérieusement ? siffla-t-il.
— Quand j'ai remarqué que tu avais disparu, mon cœur... »
Il leva les yeux vers le prince et se frotta la nuque, surpris de parler si familièrement. Il toussota avec disgrâce et se reprit.
« J'ai vu le moment où votre père m'arrachait la tête.
— C'était une raison suffisante pour rentrer dans la salle de bain ?
— Vous auriez pu vous enfuir par la fenêtre », rétorqua le loup.
Un sourire d'amusement étira les lèvres de celui aux cheveux d'argent. Il s'approcha de lui, d'un pas lent et impressionnant. Jullian ne pouvait le quitter des yeux, captivé par son élégance et son insolence.
Abraham lui tint ces quelques mots avec lassitude :
« Ecoute tas de muscle, même si j'étais à l'autre bout du monde caché au fin fond du désert ou au milieu de l'océan, on me retrouverait en moins de deux. Et puis je ne suis pas suicidaire, je ne vais jamais loin. » Il s'arrêta à la limite de l'embrasser. « Maintenant sort de ma chambre avant que je crie au viol. »
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