Chapitre 3
Au palais, la garde, le roi, son fils et de nombreux vampires furent réveillés quelques heures après la survenue de l'incident.
« Mon prince », appela Mona, la gouvernante.
Ayant le sommeil léger le vampire se redressa rapidement et fixa la vampire qui se tenait dans l'encadrement de la porte, la bouche pâteuse.
« Il y a un problème ? »
— Vous êtes demandé dans la salle de conseil », répondit-elle concise.
Il jura de mauvaise grâce. Si son père le demandait en plein jour c'était qu'il devait y avoir un sérieux problème, et pour une fois il savait parfaitement que ce n'était pas parce qu'il avait fait une connerie. Ou alors c'était une vieille bêtise que lui-même avait oublié, chose totalement improbable puisqu'il adorait lire les expressions déconfites qui transperçaient les visages de ses victimes. Avec rapidité, il enfila une chemise, releva ses cheveux dans une queue basse afin d'être présentable face au conseil, et fila dans le couloir. Il longea les murs et évita la lumière qui passait les rideaux. Même s'il ne craignait absolument rien grâce à ces verres spéciaux, il n'appréciait pas la chaleur qui se déposait sur sa peau.
La porte de la salle de conseil était ouverte en grand, et c'était autour d'une table ronde (un peu comme celle d'Arthur) que les hauts placés se tenaient. A en juger le nombre de participants, l'affaire était de très mauvais gout. Il s'approcha de son père qui se tenait à l'écart des autres, les yeux rivés sur la vue de l'entrée que donnait une fenêtre tintée.
« Qu'est ce qui se passe ? demanda-t-il.
— Assis toi, les derniers ne vont pas tarder », ordonna le roi sans répondre à sa question.
Abe s'exécuta en silence, valait mieux ne pas l'énerver au vu du ton qu'il venait d'employer.
L'assemblé commença dès les minutes qui suivirent.
« Gregorio Mandero a été assassiné il y a quelques heures. Nous ne connaissons toujours pas l'identité des agresseurs, mais nous avons pu clairement identifier qu'il a été tué par une arme blanche », annonça le roi.
Les vampires se firent silencieux. Un des leurs avait encore été tué. La première fois ils avaient simplement pensé à une querelle, la deuxième à une dispute qui avait mal tournée, mais désormais l'affaire était prise très au sérieux. Dans le monde des visages pâles, les sangs purs étaient une minorité. Ils étaient les plus puissant de leur clan, et sans eux, il n'y avait aucun moyen de reproduction (sauf par un miracle comme le fut Abraham, d'une mère qui était autre fois humain et François, un sang pur créé par une sorcière). Un vampire mordu ne pouvait pas transformer un humain en vampire, il pouvait seulement en faire son calice, un humain lié par un pacte de sang. Alors si les sangs purs venaient à disparaitre, ce serait le chaos.
« C'est un coup des loups ! clama quelqu'un.
— Nous ne pouvons pas en être certains, d'autres créatures auraient pu s'en prendre à lui », répliqua un autre.
Les discussions commencèrent à fuser. Le roi coupa court à leur échange.
« Un peu de calme ! Des mesures seront prises pour notre bien à tous. Par conséquent, plus personne n'est autorisé à sortir seul en territoire non protégé, et quiconque aperçoit quoi que ce soit est dans l'obligation de me tenir au courant. L'armée sera doublée et une patrouille sera organisé chaque nuit et jour à des horaires aléatoire pour possiblement surprendre les assassins. Il est nécessaire d'éviter toute altercation avec les humains, je ne tiens pas à ce que cette histoire soit réglé sous forme de procès ni qu'une guerre soit déclarée. Des contestations ? »
Ce fut un silence impeccable qui lui répondit.
« Bien, vous pouvez disposer, je vais m'entretenir avec les médecins et la garde, je vous ferai parvenir des nouvelles au plus vite », termina-t-il.
Le prince entreprit lui aussi de se lever. La séance avait été courte, mais très lourde. Gregorio était l'un des amis proches de son père et lui aussi l'appréciait beaucoup. Il avait toujours été de bon conseil lorsqu'il essayait de se maîtriser en tant que jeune vampire, et par la suite, il avait aussi été son professeur d'histoire pendant quelques années. Encore sous le choc, il progressa lentement vers la sortie de la pièce, il se fit arrêter par la voix de son paternel.
« Abraham. »
Celui aux cheveux d'argent se tourna. Le roi le regardait avec autorité, et Abe sut que la suite ne lui plairait pas.
« Tu n'es plus autorisé ni à te balader seul ni qu'avec Benjamin, que ce soit au palais ou dehors. »
Il cligna des yeux, tant pour se donner contenance que pour assimiler les propos qu'il érigeait.
« Quoi ?
— Plus de fugues, ni autres stupidités, me suis-je bien fait comprendre ? » insista-t-il.
Le prince le lorgna. Il ne pouvait pas débattre avec son père lorsqu'il lui faisait face de cette manière. Il avait cette prestance, cette stature, qui lui dictait de se plier à ses ordres. Toutefois, le roi comme surement toutes les autres personnes qui connaissaient un tant soit peu Abe savait qu'il ne tiendrait pas parole. Dès demain il chercherait par tous les moyens de tester les limites de son père, sans réellement penser aux conséquences. Celui aux cheveux d'argent n'était pas suicidaire, il n'oserait pour rien se faire lui-même du mal, cependant, il aimait le goût du risque quitte à être inconscient sur les bords.
Alors il resta silencieux, et hocha la tête. En effet, François savait parfaitement que son fils allait lui désobéir, et c'était bien pour cela qu'il prononça ces mots :
« De ce fait, puisque tu aimes te soustraire à mes ordres, tu auras un garde du corps. »
Aucun son ne sortit de sa bouche, choqué par ce qu'il venait d'entendre. Il avait déjà eu de nombreux gardes du corps qui avaient essayé de le protéger. Essayé, car la plus par du temps il les semait au tournant d'un couloir, les faisaient tourner en bourrique, et le dernier en date avait terminé à genoux face à son père en lui implorant de lui assigner une autre tâche que la garde de son fils.
Il ne put rien lui rétorquer car son père partit sur le champ vers le lieu du crime avec quelques soldats et assigna Marcus à la garde de son fils le temps que son protecteur arrive. L'homme le tira vers le petit salon. Le bras droit l'incita à se détendre, puis après un verre de sang amené par Mona, le prince s'agita.
« Un garde du corps ? » se plaignit finalement Abe en jetant loin de lui l'affreux bouquin. « Sérieusement Marcus ! T'es déjà sur mon dos avec à peu près la moitié du palais, ça ne suffisait pas ? »
Le haut gradé haussa un sourcil face à la mine enfantine que tirait ce vampire de 128 ans. Dans le monde de la nuit les vampires étaient considérés comme adulte à l'âge de 200 ans. A ce stade, ils avaient acquis assez d'expérience, de maturité et de contrôle sur leur soif, même si parfois leur apparence pouvait être celle d'un gamin écervelé. Abraham faisait partie de la catégorie des sang purs (précisément celle née de parents vampires), et cela impliquait quelques changements : ils vieillissaient comme tout être humain banal jusqu'à vingt ou trente ans puis se stoppaient subitement. C'était à ce moment-là que les premières pulsions apparaissaient. Elles étaient puissantes, incontrôlables, on les disait même pires que celles d'un mordu, et plus grave car s'il venait à mordre un humain en s'abreuvant de son sang jusqu'à la dernière goutte, celui-ci deviendrait à son tour un vampire. Une chose qu'il fallait absolument éviter.
Et tout le monde savait que plus on goûte d'une drogue plus on en veut encore. Le sang était fait ainsi : pour ceux qui jouissaient de l'immortalité seul le sang pouvait assouvir cette soif, cette faim, avec le contrepied d'un plaisir inassouvis.
« Il t'a dit qui c'était ? » demanda Abe.
Marcus resta silencieux feignant d'être absorbé par ce que le prince qualifiait de livre barbant. Abraham savait qu'il avait été laissé à la charge de ce vampire (il appréciait beaucoup l'enquiquiner) pendant que son père serait absent quelques heures afin de comprendre ce qu'il se passait avec les meurtres. Quant à lui, il devait rester bien sagement dans cette prison dorée.
« Tu sais qui c'est n'est-ce pas ? » insista-t-il.
Le prince se pencha vers le vampire, sa tête venant cacher les pages du livre.
« Dis-moi que je l'envoie en enfer avant même qu'il mette un pied ici. »
Le bras droit se dégagea.
« Marcus !
— Tu ne vas pas aimer ça », répondit-il en se levant.
Abraham se tut pendant que le vampire rangeait le bouquin dans la bibliothèque. Celui-ci savait qu'il ne le laisserait pas avant d'en savoir plus, il était bien pire qu'un de ces paparazzi qui pouvait emmerder les célébrités ou encore qu'un de ces enfants âgés de cinq ans bien trop curieux. A contre-cœur il lâcha :
« C'est un loup. »
Le prince se pinça les lèvres et bien qu'à l'extérieur il n'exprimait point une réelle émotion, la colère était présente. Pendant un moment il resta silencieux. C'était bien connu, les vampires et ces chiens ne se côtoyaient pas ; en plus, avec les récents meurtres de sang purs, les loups étaient les premiers suspects aux yeux de beaucoup, alors pourquoi risquer d'en ramener un au palais, avec en prime la garde du futur roi ?
« C'est une valeur sûre ?
— Le meilleur combattant de la meute du Nord » approuva-t-il.
Le sifflement d'Abraham fendit l'air ; il avait le droit à l'élite de l'élite. Au fils des ans les populations de loups (tout comme les vampires) s'étaient mélangées à celles humaines et formaient de moins en moins des clans bien définis. Ils faisaient tous partis d'une meute, mais s'autorisait à fréquenter les autres sans soucis. Excepté pour la meute du Nord. Elle était réputée pour avoir respecté les vieilles traditions de vie en groupe, sur un territoire immense sans qu'aucun autre être, non de leur race ou meute, soit accepté sauf accord du couple alpha.
De ce le prince savait, la meute était hiérarchisée avec soin et fermeté : le couple alpha dirigeait avec sagesse, le bêta s'œuvrait à la politique et aux stratégies militaires en étroite relation avec les alphas, les omégas étaient les plus faibles mais ils avaient une place très importante dans les relations. Et il y avait les Warriors. D'impétueux loups plus grands que la moyenne qui se dévouaient corps et âme à la protection de la meute et à la chasse.
Si effectivement son père avait engagé le meilleur Warriors de la meute du Nord, Abe serait à la fois en sécurité et en très, très, grand danger. Il serra les dents, finalement incapable de contenir une colère profonde.
« Il m'a collé un chien ? »
Marcus leva les yeux, cependant il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que le prince s'était dirigé vers la porte.
« Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda le bras droit sur ses talons.
— Je me casse.
— Ton père a été clair. Abraham ! »
Il lui barra la route, mais cela ne l'arrêta pas. De sa vitesse supérieure, il le contourna et fonça dans sa chambre pour y récupérer des affaires. Le prince savait que si Marcus l'avait réellement voulu, il l'aurait enfermé à double tour dans un des cachots du manoir, alors il savait qu'il lui laissait l'air dont il avait besoin. Marcus était celui qui le connaissait mieux que personne, ils ne parlaient pas trop, la plupart du temps leur échange se résumait à ce qu'il s'était passé à l'instant, pourtant, l'homme le comprenait déjà bien plus que son propre père.
Silencieusement il le remercia, puis fila.
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