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Partie unique

Je monte les marches me séparant de son appartement une par une, délicatement pour ne pas faire renverser l'eau qui se trouve dans mon sachet. Bien qu'il soit fermé, un petit trou presque invisible existe près de l'élastique qui le maintient clôt, et je n'ai pas envie de répandre son contenu sur le sol. On ne sait jamais si les quinquagénaires habitant ici puissent y glisser, ils râleraient une fois de plus. Après toutes ces années, ils ne me portent pas dans leur cœur.

J'arrive finalement après ce qui me parut être le parcours du combattant devant la porte convoitée. Je pose mon bien un instant, afin de chercher mes clés dans la poche de mon sac à dos et ouvrir la porte. Je pénètre dans l'habitat et m'y dirige sans mal malgré le manque de luminosité. Il faut dire aussi que l'escalier se trouve juste en face de la porte d'entrée, alors il est difficile de se perdre. Je gravis les marches avec cette même précaution, et me dirige jusqu'à sa chambre.

« - Jimin ? j'appelle tout en entrouvrant d'un coup d'épaule sa porte entrouverte.

-Hyung ! me répond-il, l'air enjoué. »

Le ton qu'a pris sa voix me fait sourire. Il a passé une bonne journée, et ce que je lui apporte ne peut que le rendre plus heureux.

« - Regarde ce que je t'apporte, dis-je en m'engouffrant jusqu'à son bureau où il est attablé, un crayon derrière l'oreille et des lunettes au bout du nez. »

Il finit de lire avec attention la page qu'il a sous les yeux tandis que je dépose mon sac au sol. Cela lui prend un certain temps, je ne serais moi-même pas capable de lire ces pages écrites en minuscule, alors je le regarde lui. Il porte comme à son habitude un T-shirt trop large gris et un jogging un peu court qui découvre ses chevilles. Certains diront que c'est dommage, qu'avec un physique pareil il devrait porter des insignes de mode pour le faire étinceler, moi je sais qu'il ne se sent bien que recouvert de tissu fluide qui le laisse libre de ses mouvements, sinon il a l'impression d'être oppressé. Et je le trouve beau, quoi qu'il porte ou non. Ses mèches noires qu'il tente tant bien que mal de retenir à l'arrière de son crâne balayent légèrement son regard obsidienne impénétrable et désarmant, mais que peu de personnes arrivent à croiser. Sa bouche est déformée à cause de ses dents qui ne peuvent s'empêcher de martyriser ses lèvres, tic qu'il a pris pour rester concentré. J'ai beau lui répéter que cela fait du mal à ses cellules, il y revient systématiquement. J'ai abandonné depuis longtemps.

Bientôt, il pose ses lunettes sur le bois de son bureau, alignées avec les rainures qui l'ornent, place un marque page là où il a cessé sa lecture et se tourne finalement vers moi. Je lui présente mon sachet plein d'eau avec un sourire fier, et celui qui apparaît sur ses lèvres à lui est rayonnant.

« - Des alevins ! s'écrie-t-il en sautant de sa chaise. C'est Byul et Bi qui vont être heureuses ! »

Il récupère le sac plastique et les poissons à l'intérieur et se tourne vers l'objet le plus important de cette pièce : l'aquarium. Un mètre de long, cinquante centimètres de profondeur et de hauteur, installé à niveau du torse afin qu'on ait juste à se pencher légèrement pour observer les animaux et rester assez haut pour l'ouvrir et en vider l'eau, mis volontairement sous son lit en hauteur pour fournir de l'ombre continuellement. Dedans habitent deux des créatures les plus fascinantes qui peuplent le monde : des axolotls. Byul est une femelle leucitique, c'est-à-dire que son corps est blanc voire légèrement rose, et Jimin jure qu'elle brille dans la nuit comme une étoile – d'où son nom – mais je ne suis pas de son avis ; ainsi que Bitbangul de son nom entier, signifiant goutte de pluie dû à sa couleur grise aux reflets irisés, mais nous l'appelons juste Bi – pluie – c'est plus court. Ces deux salamandres restées à l'état larvaire, particularité de cet animal, dorment actuellement sur leurs pierres volumineuses entourées par une forêt de fausses plantes aquatiques. Oh ! et ce sont aussi les plus grands amours de mon petit-ami.

« - Je ne les ai nourris qu'avant-hier, alors je peux directement introduire les alevins. Ça les fera un peu chasser pendant la nuit, Bi sera contente. D'ailleurs, je t'avais dit qu'elle s'était arraché un doigt ? Je sais pas du tout comment elle a fait, faudra que je vérifie les cailloux, peut-être qu'il y en a un d'un peu aiguisé, débite-t-il tout en soulevant le couvercle pour y introduire les poissons. Heureusement ça a l'air de repousser normalement, j'avais pas envie d'appeler le véto, il est nul. »

Les bestioles remuent à peine lorsque Jimin vient modifier leur environnement, elles sont en plein dans leur sieste. Elles mangeront plus tard, lorsque le soleil sera couché. J'observe mon compagnon attraper délicatement chaque animal qui servira bientôt de chair à pâté pour mes monstres favoris et les glisser dans l'eau de l'aquarium un par un, consciencieux. En attendant qu'il ait terminé son travail, je m'installe sur le petit canapé brun à droite de l'habitat des axolotls, de là où on a une belle vue sur leur corps terrifiant aux premiers abords, charmant lorsqu'on se familiarise avec eux. J'adore contempler mon chéri lorsqu'il semble aussi passionné, cette mine juvénile et marquée d'une joie toute simple, et entendre sa voix qui n'arrête pas de jacasser sur ses trésors. Je sais qu'il viendra me rejoindre une fois qu'il aura vérifié que tout roule pour ses animaux, et qu'il me prêtera de l'attention à ce moment-là. Pour l'instant il est dans son monde, et en oublie ma présence.

« - Ça fait longtemps qu'elles n'ont pas eu de la nourriture fraîche, je rajouterai certainement des pellets demain matin s'il reste des alevins, je n'aimerais pas que Bi manque de protéines pour la reformation de son doigt. »

Il referme précautionneusement son aquarium, va vider le reste de l'eau du sachet dans la salle de bain communicante à sa chambre et revient une fois ses mains propres. Il me sourit enfin, à moi, en me regardant dans les yeux et vient se blottir contre mon torse. Un de mes bras vient spontanément trouver sa place autour de ses épaules et je sais qu'il se met à écouter mon rythme cardiaque qu'il trouve apaisant. Je me sens enfin comblé.

« - Comment t'est venue l'idée d'en acheter ? demande-t-il

-Tu avais dit un jour que Byul s'empâtait un peu, et que ce serait bien qu'elle recommence à chasser, alors j'en ai ramené.

-T'es le meilleur, affirme-t-il en embrassant le coin de ma mâchoire. »

Mon cœur s'emballe à ce geste, à la pression de ses lèvres pleines et douces contre ma peau et j'aimerais qu'il recommence, encore et encore, et que je fasse de même, partout sur son corps. Je l'aime à un point inimaginable, alors je me retiens et m'enquis plutôt :

« - Tu as passé une bonne journée ? »

Jimin me répond par un hochement de tête affirmatif.

« - J'ai eu la meilleure note en biologie, m'apprend-t-il.

-Comme d'habitude.

-C'est pas ma faute si les autres de ma classe sont nuls.

-T'es modeste en plus de ça. »

Il me répond par un clin d'œil taquin accompagné de sa langue mutine dépassant d'entre ses lèvres ce qui me fait rire doucement.

Jimin a de grosses difficultés en cours, mis à part pour la biologie et les maths. Les heures de langues sont un calvaire pour lui, il n'en comprend pas l'utilité, sans parler des cours de sport. Il écrit lentement, et sa calligraphie est affreuse. Et les gens qui l'accompagnent ne l'aident pas non plus. Que ce soit les élèves qui aiment en faire leur bouc émissaire pour décharger leur frustration de ne pas satisfaire leur propre entourage ou les enseignants qui ne prouvent aucune patience, personne ne cherche à faire l'effort de le comprendre.

Mais Jimin s'en fiche, lui et moi pensons la même chose : ils ne savent pas ce qu'ils ratent.

« - Et toi ? À la boutique ? dit-il.

-Tout roule. »

Je travaille pour une libraire du centre-ville, un bouiboui encore indépendant, un des derniers subsistants, qui me permet de vivre entouré de mots – pour mon plus grand bonheur – sans être obligé de me farcir la tête des laïus de l'école.

« - Namjoon organise une soirée ce soir, est-ce que tu as envie de venir ? j'ajoute. »

Je me doute déjà de la réponse, mais lui offre toujours la possibilité. L'espoir persiste en moi, comme une flamme increvable.

« - Non, pas vraiment. J'avais prévu de finir mon livre ce soir, m'explique-t-il en désignant son bureau. Puis de préparer à manger pour ma mère, regarder un épisode de prison break et aller me coucher.

-C'est un super programme, j'affirme. Ce n'est pas grave si tu ne veux pas venir, ne t'inquiète pas. »

Mes doigts viennent jouer avec ses mèches glissant dans sa nuque pour l'apaiser. Je sais qu'il n'aime pas me dire non, bien que je lui répète constamment préférer un non sincère qu'un oui forcé.

« - Qu'est-ce que tu lis en ce moment ? je demande pour changer de sujet, et dissiper le malaise que je sens planer. »

Je regrette cependant ma question lorsque je le vois s'éloigner de moi pour récupérer son ouvrage, me privant ainsi de sa chaleur et de sa présence. Mais lorsqu'il revient, un sourire immense ornant son visage, mes remords fondent comme de la neige au soleil.

« - C'est Axolotl: Care and breeding in Captivity de Peter Scott, qui parle de tout ce qu'on doit savoir pour élever des axolotls, m'explique-t-il en se rasseyant à mes côtés, une jambe en travers des miennes. Bon, je connais déjà la plupart des choses, mais cela fait toujours du bien de répéter. Et puis, ça me conforte dans l'idée que je devrais en prendre un troisième, pas un mâle car ils risqueraient de se reproduire, mais ça mettrait un peu d'énergie à mes deux fifilles, sinon elles vont commencer à mourir d'ennui. Ou alors il faudrait que je change leur environnement, achète de nouvelles plantes, ou une grotte. Je me demande aussi ce que ça ferait si je les forçais à se métamorphoser. Ça pourrait être intéressant d'un point de vue strictement scientifique, mais je crois que je suis pas prêt à les voir évoluer. C'est bête à dire, mais je les considère comme mes enfants quelque part. Oh ! Tu savais que les axolotls peuvent devenir anorexiques ? Ils sont bien plus proches de nous que ce que nous pensons... »

Je continue d'écouter son monologue le visage tourné vers l'aquarium illuminé d'une douce lueur blanche très faible. L'eau donne de jolis reflets à Byul qui se pare de blanc, de vert et de rose.

Une heure plus tard, je dis au revoir à mon copain d'un timide baisé au coin des lèvres et m'en vais retrouver mon appartement remplis d'amis que j'ai en commun avec mon colocataire.

Jimin a été diagnostiqué autiste à ses quatorze ans. Un trouble assez léger, c'est pour cela qu'il a été détecté tardivement, mais cela a signé la fin de sa famille : son père n'a pas supporté la nouvelle et a quitté sa femme et son fils quelques mois plus tard. Minji, sa mère, le protège depuis comme la prunelle de ses yeux, le couvrant d'attentions superfétatoires et l'empêchant de s'ouvrir à la réalité. Jimin s'est replié sur lui-même, nourrissant ses névroses qui lui offrent l'équilibre dans sa vie. Sa passion inquiétante pour les axolotls a débuté à cette période, son besoin de prévoir chaque instant de sa journée s'est accentué, son incapacité à soutenir le regard d'autrui et son inattention aussi.

Mais moi, je l'aime toujours autant. Depuis tout petit, à l'époque où nous étions encore voisins de palier et qu'on faisait le jeu des voitures vertes et rouges : on regardait la rue sur laquelle donnaient nos balcons et si une majorité de voitures rouges passaient sous nos pieds, c'était lui qui gagnait, et si c'était des vertes, c'était moi. Je l'aimais même avant que le drame ne s'abatte sur ma famille, que mon grand frère se tue dans un accident de moto et que nous déménagions. Ma famille aussi est brisée, mais je l'ai lui. Et je sais qu'il m'aime en retour, d'une façon moins conventionnelle, à sa manière. Sa particularité n'a rien changé à mes sentiments. L'aurait-elle dû ?

***

Nous sommes en train de ranger les derniers vestiges de notre petite soirée avec Namjoon et Soojin, la récente petite amie de ce dernier. Je l'aime bien, elle a de bonnes joues, elle est discrète et souriante, et elle remet mon meilleur ami à sa place lorsqu'il dépasse les bornes. J'espère que cette fois-ci son histoire durera, les filles ont tendance à le décevoir. Ce n'est pas de leur faute, il reste trop exigeant.

« - Ton copain n'était pas disponible ? me questionne la jeune femme, un cadavre de bière en main et un sac poubelle dans l'autre. J'aimerais bien le rencontrer un jour. »

Je lui réponds par un sourire désolé et un haussement d'épaule. Je n'aime pas trop m'attarder sur Jimin avant que les gens ne fassent sa connaissance : ils ont tendance à se construire une image caricaturale de lui et à afficher un air désolé, alors qu'il n'est pas à plaindre et moi non plus.

Seulement c'est sans compter sur mon colocataire aussi discret qu'un poteau en pleine gueule, surtout quand il est alcoolisé.

« - C'est pas à une soirée que tu le verras, Soo', beugle le grisé en déboulant depuis notre minuscule cuisine. Il est un poil asocial sur les bords notre Jimminie.

-C'est faux Nam. »

Jimin n'est pas asocial, au contraire il adore le contact humain ! Ce sont les autres qui ne le comprennent pas et qui ne font pas l'effort de communiquer avec lui. Ils se détournent dès qu'ils se rendent compte de sa différence, ne voulant pas changer leurs habitudes d'un iota. Il faut juste se mettre sur une fréquence différente, apprendre à exprimer ses émotions avec des mots, mais ça en effraye certains.

Cependant la contrepartie qu'offre Jimin est telle que les quelques valeureux qui l'on réellement approché ne le regrettent pas. Et mon instinct me dit que Soojin pourrait faire l'effort.

« - Pourquoi tu dis ça alors ? s'étonne cette dernière en se tournant vers son petit-ami. »

Elle vient de marquer un point chez moi : elle me croit moi plutôt que le grand dadais.

« - Il est autiste. »

Un point en moins pour Namjoon : il manque clairement de délicatesse.

Soojin dirige son regard dans le mien, désorientée, afin que je lui confirme la nouvelle d'un signe de tête. Elle se pince ensuite instinctivement les lèvres et ses yeux se font plus doux, chargés de compassion. Je ne peux pas lui en vouloir, une majorité de personne réagit de cette manière, mais ça n'empêche que ça m'irrite.

Je continue mon labeur en passant un coup de balais un peu plus rageusement que nécessaire, accentuant l'ambiance électrique qui s'est instaurée. Même la musique tranquille qui sort en continuité de notre petite enceinte – achat commun avec mon colocataire, pour des amoureux de la musique comme nous, il était impensable d'en avoir une de mauvaise qualité – n'arrive à apaiser la tension.

Sans demander leur avis, je m'en vais rejoindre la salle de bains en leur laissant le reste du ménage, qui est de toute manière pratiquement terminé. L'eau chaude dégoulinant le long de mon corps apaise petit à petit l'orage qui se formait en moi. Je ne sais plus quoi tenter pour faire évoluer les mentalités, même mon meilleur ami se trouve mal à l'aise en présence du brun alors qu'il le connaît depuis des années – cinq pour être précis, la même année que l'accident de mon frère et de ma mise en couple avec Jimin –.

Notre histoire n'est pas banale avec Namjoon, et plutôt macabre. On s'est rencontrés au cimetière, le jour de l'enterrement de mon aîné, lui allait porter des fleurs sur la tombe de sa mère. Il n'était que rage et révolte en ce temps-là, rebellé contre la Terre entière et seulement ce lieu sordide lui apportait un tant soit peu d'apaisement. Il me raconta plus tard qu'il y sentait la présence de sa mère, son parfum et qu'ainsi, il pouvait imaginer que rien n'était arrivé, que le cancer ne l'avait pas emportée loin de lui, où il ne pouvait la rejoindre. On se croisa de nombreuses fois dans les allées désolées et abandonnées, lui retrouvant l'humanité et la douceur dans mon regard, moi la force de me relever malgré l'abattement de mes parents qui ne voulaient continuer de vivre. Il fut autant important pour moi durant cette période que l'innocence de Jimin.

Je sors de la cabine de douche, l'esprit un peu plus allégé. Au final, je peux bien supporter ses quelques bourdes, elles ne pèsent pas bien lourd. Et ce serait en faire un mauvaise portrait si j'affirmais qu'il ne souhaitait pas se rapprocher de Jimin, c'est juste qu'il reste pataud face à la délicatesse de mon ange.

Une fois vêtu d'un short de jogging et d'un T shirt rongé par les mites, mon pyjama entre-autre, et les dents brossées, je rejoins ma chambre pour y faire un somme bien mérité. Je me réveillerai pas avant midi le lendemain je pense. Cependant je ne m'attendais pas à ce que Namjoon soit assis sur mon matelas, une petite mine de chien battu au visage.

« - Je suis désolé, s'écrie-t-il lorsque je passe le pas de la porte, ne me laissant pas en placer une. C'était pas à moi de révéler ça, et j'ai bien senti que ça t'avait gêné.

-Tu l'as vraiment senti ? je demande sceptique.

-Non, m'avoue-t-il avec un sourire, se sachant déjà excusé. C'est Soojin qui me l'a fait remarquer, et qui m'a obligé à venir m'excuser, sinon je dormais sur le paillasson. Elle me chasserait de ma propre maison, tu imagines ?!

-Tâche de la garder celle-là, elle est bien.

-Compte sur moi. »

Notre complicité retrouvée, je m'étale à côté de lui, nos dos contre le mur dur et froid. Il faudrait que j'achète des coussins un jour, ce serait plus agréable pour nos discussions nocturnes, qui sont plus nombreuses qu'on pourrait se l'imaginer.

« - Tu avais autre chose à me dire ? je m'enquiers.

-Euh ouais... Je voulais savoir comment il allait, tu sais... Par rapport à ce que tu m'as dit la dernière fois. »

Je pousse un long soupir qui se dilate dans l'air.

Jimin va bien, il est heureux avec ses axolotls et c'est tout ce qui compte pour lui. Mais je m'inquiète. Ce n'est pas sain qu'il s'enferme ainsi dans sa passion, se coupant du monde qui l'entoure et des personnes qui pourraient lui apporter tellement plus que ces deux bestioles. J'adore ces animaux, vraiment. Ils lui ont permis de tenir le coup après le départ du paternel et lui donnent le contrôle sur quelque chose, la satisfaction de prendre soin de plus faible que lui au lieu que ce soit systématiquement l'inverse. Mais elles sont en train de lui bouffer sa vie en société, et d'accentuer ses troubles comportementaux.

Seulement je ne peux pas lui en vouloir à lui, il fait ce qu'il faut pour se sentir bien dans ce monde dont il n'a pas les codes et qui l'épuise. J'en veux à sa mère qui ne fait rien pour l'aider, qui nourrit sa passion dévorante de livres et de nouveaux accessoires pour les salamandres. J'ai la désagréable impression qu'elle cherche à tout prix à le couper des autres, à le renfermer dans sa bulle pour qu'il ne la quitte jamais.

Ce n'est sain pour personne.

« - Il y a pas trop d'évolution, à part le fait que son harcèlement scolaire semble s'être calmé.

-C'est au moins une bonne nouvelle.

-Mmh... »

Mon manque d'engouement met la puce à l'oreille de mon ami, qui se tourne vers moi, signe que la conversation est vraiment sérieuse. Il penche sa tête sur le côté, m'invitant à développer mon grognement.

« - Oui, évidemment que c'est bien si les autres ne l'emmerdent plus, mais ils ne lui parlent pas non plus.

-Lui non plus ne leur parle pas, rétorque le grisé.

-C'est pas pareil, il ne sait pas comment faire.

-Eux non plus Yoongi ! Tu ne te rends pas compte à quel point c'est déstabilisant de parler avec lui. Je ne dis pas qu'ils ont raison de ne pas l'approcher, parce que Jimin est adorable et mérite tout l'amour du monde, mais je les comprends quelque part. Il est différent, ne me regarde jamais dans les yeux, part parfois dans des monologues interminables et ne m'écoute pas la plupart du temps. »

Je me ronge l'ongle du pouce, en pleine réflexion. Tout ce que dit Namjoon est vrai, bien entendu. Il n'arrive pas à soutenir les regards de nouvelles personnes et semble dans un monde à part, ne prenant pas la peine de donner de son attention à quelqu'un si ce qu'il dit ne l'intéresse pas. C'est sa façon de faire, je m'y suis habitué depuis toujours, mais ce n'est pas le cas du plus grand.

« - Et puis tu ne peux pas le forcer à se faire des amis non plus, ajoute-t-il. Il va à son rythme, arrête de reporter tes désirs sur lui. »

Je soupire une nouvelle fois, fataliste.

« - Tu as raison, je murmure. Mais ça me fait tellement de peine de le voir comme ça, tout seul avec ses axolotls... »

Un silence plane un temps entre nous, avant qu'il ne le brise.

« - Vas-y, crache le morceau, je sais qu'il y a autre chose.

-Mais je suis sûr que sans sa mère ça irait beaucoup mieux ! j'explose enfin. Elle est sans cesse sur son dos à satisfaire le moindre de ses désirs, à surveiller tous ses faits et gestes, jusqu'à l'interdire parfois de sortir avec moi !

-Sauf que Jimin est majeur et libre de ses choix, donc s'il l'écoute, c'est qu'il en a décidé ainsi, me rappelle-t-il. »

Je lui envoie un oreiller dans la tronche, signe de mon mécontentement.

« - Tu m'aides pas sur ce coup-là, je grogne.

-Tu veux quoi en fait Yoongi ? Le forcer à s'ouvrir aux autres ? C'est inutile et tu le sais très bien. Le kidnapper pour le séparer de sa mère ? Tu le feras jamais, j'te connais. Lui dire ce que tu viens de me dire ? Il ne le comprendrait pas. La seule chose que je peux te dire – et je te l'ai déjà dit une dizaine de fois – c'est de discuter avec sa mère. »

Je me renfrogne, serrant mon coussin contre mon torse pour passer mes nerfs. C'est impossible de parler à Minji de son fils. Elle est constamment sur la défensive, même avec moi, et encore aveuglée de chagrin. Son fils est le dernier pilier qui la lie avec son ex-mari, l'homme qu'elle a tant aimé, et elle ne le laisserait jamais s'envoler.

« - Tu te vois dire à une mère comment elle doit élever son gosse ? je grommelle.

-Ça c'est ton problème mec. Tu peux aussi continuer de te morfondre dans ton coin comme ça, à toi de voir. »

Sur ces paroles pleines de sagesse et de sarcasme, Namjoon me laisse seul dans ma piaule remplie de doutes.

***

Je caresse les pointes brunes de Jimin qui somnole contre moi, tous les deux avachis dans son canapé deux places à contempler ses animaux. Les deux femelles nagent, indolentes créatures, dans leur eau pleine de calcaire. C'est un spectacle assez fascinant, comme deux dragons mythiques volant au travers d'un ciel liquide. Mais bon, il faut avoir de l'imagination, et Jimin en regorge.

J'aime le tenir contre moi, sentir le poids de ses cuisses musclés contre les miennes, frêles, et son souffle glissant dans ma nuque.

Ce soir nous sommes seuls dans son appartement, sa mère nous ayant donné quartier libre après m'avoir fait promettre que nous ne sortirions pas, elle s'était rendue à une réunion de son bureau autour d'un verre. C'est rare d'avoir du temps pour nous deux, vraiment du temps, pas juste une de mes visites éclaires entre mon boulot et mes courses, mais une soirée en tête-à-tête, en amoureux. Et je compte bien en profiter.

Je retire délicatement sa tête de mon épaule afin de croiser son regard, cessant ma contemplation de Bi qui mordait gentiment la patte de sa compagne. Jimin se frotte les yeux, et je le trouve adorable comme cela, ravivant toujours plus le désir que j'éprouve pour lui.

Une fois que j'ai glané toute son attention, ses yeux ne quittant pas les miens et ses mains contre mes paumes, je lui avoue ce qui me préoccupe :

« - Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas retrouvé tous les deux, et j'ai très envie qu'on fasse l'amour. »

Net et précis. Je ne peux pas utiliser les sous-entendus avec lui, les caresses appuyées et les longs regards, il ne comprendrait pas ce que j'essaie de lui transmettre. Ce n'est plus gênant de dire tout ce qu'on pense, lorsqu'on a l'habitude. J'ai pris le pli avec lui. Et puis, il faut avouer que les relations humaines seraient bien plus simples si tout le monde disait sans détour ce qu'il pense ou désire.

Après mes mots, je vois les yeux de Jimin s'écarquiller et ses mains se retirer des miennes. Je l'ai surpris.

« - Je... bredouille-t-il.

-Chut, je souffle doucement en posant tendrement ma main contre sa joue pour qu'il s'y blottisse. Je te dis quoi à chaque fois ?

-Qu'il vaut mieux un non sincère qu'un oui forcé.

-Voilà. Alors si toi tu n'en as pas envie, on ne va rien faire. Et pas la peine de te sentir coupable par rapport à ça, ça ne me fait rien. »

Ce n'est pas entièrement vrai, au fond de moi je me sens frustré, la bête qui dort en chacun de nous réclame sa chair, mais je lui souris. Cela viendra en temps et en heure, et je sais que ce sera magique. Comme toujours. Sentir son corps au-dessus du mien, en moi, son regard habituellement vide se remplissant de fougue et m'électrisant entièrement, lui prenant soin de moi, me cajolant, m'emmenant doucement mais sûrement au septième ciel, cela vaut toute la patience du monde.

« - D'accord, murmure-t-il en se rapprochant de moi. »

Son nez vient effleurer le mien et ses lèvres épouser les miennes. Je reste ainsi, attendant qu'il vienne amorcer lui-même un mouvement, qui ne tarde pas d'arriver. Sa langue se glisse contre ma peau, et je lui offre l'accès de ma bouche pour qu'elle rejoigne sa jumelle. Je ne me sens jamais aussi complet que lorsque Jimin se presse contre moi et que nos langues se connectent. Il embrasse divinement bien, et il n'embrasse que moi.

Beaucoup me demandent pourquoi je reste avec lui, que je me le coltine comme un boulet alors que des femmes aux yeux de biches cherchent mon attention à la boutique et que des mecs me font des blagues vaseuses qui leurs semblent flatteuses lors de nos sorties en boîte avec Namjoon, mais je leur sors toujours la même rengaine : je ne suis heureux qu'entre ses bras. Il n'y a pas d'explication à ce bonheur, c'est juste lui, et moi, et ça fonctionne.

Nous nous écartons l'un de l'autre, à bout de souffle et les joues rouges. Une de ses mèches a dégringolé depuis son oreille jusque devant ses yeux, et je ne réfrène pas l'envie de la lui remettre à sa place d'origine.

« - Je t'aime, je lui avoue sans trop m'en rendre compte. »

Le problème de toujours dire ce que vous ressentez c'est que parfois certaines choses vous échappent. Mais ce n'est pas la première fois que je mets des mots sur mes sentiments, bien que ce ne soit pas le seul qui m'étreigne lorsque je suis avec lui, seulement j'essaie de les utiliser à bon escient afin qu'ils ne perdent pas leur valeur. Je l'aime, c'est évident, mais ce n'est pas la peine que je lui répète. Il le sait.

D'ailleurs, le voilà qui me fournit la même réponse que d'habitude, un grand sourire et un chaste baiser au coin des lèvres. C'est sa façon à lui de dire qu'il comprend ce que je lui avoue, et qu'il le partage d'un certain côté. Il ne m'a jamais dit qu'il m'aimait, car Jimin ne ment pas. Il ne m'aime pas comme moi je l'aime, de cette manière passionnelle, incandescente, cet amour que prônent mille poèmes et chansons, et certainement qu'il ne le ressentira jamais. Mais il aime ce que je suis et ce que je lui apporte, il aime ma présence, la recherche et la désire, il aime m'embrasser et me caresser, discuter avec moi et plus tard vivre et vieillir à mes côtés. Il m'aime d'une façon particulière, comme tout ce qui le compose. Mais ce n'est pas grave, je l'aime pour deux.

« - Tu as envie de regarder un film ? me propose-t-il. J'ai téléchargé Parasite. »

***

C'est un rayon de soleil timide qui me sortit du monde des songes. Depuis que mes paupières se sont ouvertes, mes yeux n'ont pas quitté le visage de mon amour. Ses joues sont rondes et pleines, douces, et sa bouche laisse passer un léger ronflement. Ses mèches noires corbeaux sont en pagaille et aucun T shirt ne recouvre ses épaules, me laissant me soûler de leur vision, de ses clavicules marquées et de la peau vierge de son cou. Endormi, c'est le seul instant où il semble complètement serein, et je ne me lasse pas de le regarder ainsi.

Je m'arrache cependant à mon observation méticuleuse, désirant lui permettre de rester dans cet état le plus longuement possible, or ma présence pourrait lui nuire.

Je revêts mon haut de la veille ainsi que mon jeans orné de trous. Nous dormons en caleçon lorsque nous sommes ensemble, car chaque barrière entre nos peaux nous frustre au possible. J'ai de la chance qu'il soit aussi câlin que moi, certaines personnes ne supportent pas le contact.

Je descends l'escalier à pas feutrés pour ne pas risquer de le réveiller, cependant je ne peux éviter la troisième marche qui grince depuis qu'ils y ont emménagé. Une fois à l'étage inférieur, je remarque Minji attablée au centre de sa cuisine, un peignoir en soie qui a l'air trop large pour sa frêle carrure serré à sa taille par un double nœud et une tasse de thé à la main. Ses cheveux noirs tombent en cascade mal ordonnée autour de son visage, ses joues sont saillantes et son cou long. Elle serait encore d'une grande beauté si elle n'avait pas constamment cet air las au visage, comme une fleur fanée.

« - Bonjour Yoongi, tu as bien dormi ? me demande-t-elle en m'apercevant à son tour. »

J'hoche la tête et la questionne à mon tour :

« - Comment s'est passée votre soirée hier ? »

Malgré le temps infini depuis lequel je la connais, je n'ai jamais pu la tutoyer. Certainement parce qu'elle m'a toujours un peu impressionné, d'autant plus depuis que je sors avec son fils.

« - C'était épuisant, soupire-t-elle. J'aurais préféré passer la soirée ici, mais ces sorties font aussi parties de mon travail. »

J'hoche la tête une nouvelle fois, n'ayant rien à ajouter.

Je me dirige vers le placard au-dessus de l'évier, celui qui contient les mugs dont le mien avec une tête de chat – cadeau de Jimin pour mes quinze ans, il trouvait que l'animal me ressemblait – et me fait chauffer de l'eau. Je cherche ensuite dans la boite à thé celui au matcha, mon favori.

« - Et la tienne ? dit-elle.

-Très bien, je réponds en sortant le sachet recherché. On a regardé le film ayant reçu la palme d'or à Canne de cette année. »

Je n'avais aucune raison de lui donner cette information, mais c'est comme si au travers de sa question, elle exigeait implicitement que je lui fournisse les détails de nos faits et gestes passés. Comme si elle avait déjà son idée dessus, et des reproches à me faire.

« - Tu n'as pas couché avec mon fils ? »

Je m'arrête d'un coup dans ma préparation d'une boisson chaude, une désagréable impression me remontant le long de la colonne vertébrale.

« - Quand je suis rentrée, je vous ai retrouvés nus l'un contre l'autre. »

Je me retourne au ralenti, hébété. Son regard est froid comme la glace arctique et lance des éclairs. Elle attend mes explications.

Une colère sourde résonne dans mon corps, nourrie par toute la retenue que j'ai fournie jusqu'ici. Cette femme n'a pas le droit de me juger ainsi, de me sermonner de ses yeux sombres et d'entraver mon petit-ami. Elle n'a pas le droit d'avoir autant d'influence sur nos vies, ni le pouvoir de m'éloigner de lui.

« - Ça ne vous regarde pas, j'affirme d'une voix grave qui, je sais, me rend menaçant. »

Je la vois se redresser et me tenir tête, et bien que son front atteigne la hauteur de mon nez, cela suffit à m'impressionner. Mais je ne me démonte pas, pas cette fois.

Namjoon a raison, il est temps que je cesse de me défiler.

« - C'est mon fils, rétorque-t-elle comme si ce mot résolvait tous les problèmes.

-Votre fils qui est majeur, libre de son corps et de sa vie.

-Mon fils qui est autiste. Il ne se rend pas compte de ce qu'il fait.

-Parce que vous si ?! »

La rage influe petit à petit dans mon sang, venant nourrir mon cerveau par intermittence. Cette femme me dégoûte. Ses sous-entendus sont indignes d'elle.

« - Jimin n'est pas aliéné, il est conscient de ce qu'il fait. »

Comment peut-elle croire qu'il a besoin d'elle pour faire des choix ? Jimin est l'une des personnes les plus intelligentes que je n'ai jamais croisées – et mon meilleur ami est Kim Namjoon –. C'est la société qui fait des personnes souffrantes de sa maladie des abrutis incapables, et les gens incultes se laissent berner. Comment la propre mère d'un de ces enfants se laisse ainsi aveugler ? Est-ce qu'au fond cette légende urbaine ne l'arrangerait pas, ne lui donnerait pas une raison de garder son fils prisonnier ?

« - Ah oui ? crache-t-elle. Si je le laissais faire ce qu'il voulait, notre appartement deviendrait une piscine pour axolotl.

-Il a besoin de limites, pas d'une dictatrice.

-Parce que je suis une dictatrice d'après toi ? »

Je la regarde de bas en haut, depuis ses chaussons d'un ancien temps, ses ongles parfaitement manucurés et ses légères rides aux coins des yeux. Elle n'a rien d'un tyran, elle a plutôt l'air désespérée. Malheureuse en amour, dépassée par son travail et par l'âge, ne gardant le contrôle que sur son fils souffrant qui a besoin d'attention particulière, qu'elle s'empresse de fournir. Finalement elle me fait pitié : le seul amour qu'elle reçoit est celui de son fils, qu'elle ne sait manier.

« - Vous décidez de qui il a le droit de voir ou non, de quand il peut sortir, de combien de temps il doit dormir, de quelles activités – ou plutôt absence d'activité – il pratique, passez derrière ses devoirs et régulez son accès au téléphone, j'énumère calmement.

-Je fais ça pour son bien ! s'exclame-t-elle, outrée.

-Ce n'est pas ça son bien.

-Alors c'est quoi d'après toi ? Toi qui semble si sûr de toi ? »

Je ferme les lèvres, ne voulant rien dire que je ne pourrais regretter. Son bien à Jimin, ce sera ce qu'il a décidé de lui-même, et non ce que quelqu'un d'autre lui a dicté.

Malheureusement, Minji prend mon silence comme une réponse.

« - Je te trouve bien présomptueux, siffle-t-elle. Pour me faire des leçons de moral, tu fais le fier, mais pour les appliquer il n'y a plus personne. Je suis sa mère, je sais ce qui est bon pour lui, fin de l'histoire.

-Peut-être que vous n'êtes pas une aussi bonne mère que vous le prétendez. »

La claque est partie si vite que je n'ai même pas pu voir sa main, juste entendre un bruit sec et une douleur cuisante le long de ma joue. Et c'est comme cela que je le vois, statufié sur le pas de la porte, les yeux écarquillés par la surprise et la peur.

Jimin fait demi-tour dès qu'il sent mon regard sur lui, ses pas rapides résonnant dans le couloir comme le gong d'un équilibre révolu.

Je me tourne en direction de Minji qui est restée tétanisée, sa main encore en l'air et le regard de ceux qui ont réalisé leur erreur ; trop tard.

« - Je monte, j'affirme. Laissez-le tranquille, je pense que vous en avez assez fait pour aujourd'hui. »

Sans même attendre une réponse de sa part, je m'empresse de suivre le sillage de mon aimé qui s'est réfugié dans sa chambre. Lorsque je pénètre dans son lieu, je le trouve sans surprise devant son aquarium, en grande contemplation de ses bestioles. Je ferme la porte derrière mon dos et patiente contre celle-ci. Il sait que je suis là, il me parlera quand il le décidera.

Sa main redessine le contour de Byul derrière la vitre, comme s'il tentait de la peindre de sa tristesse. Non, je ne crois pas qu'il soit triste en fait. Il n'a pas été triste lorsque son père l'a quitté, il ne le sera pas plus là. C'est plutôt de l'angoisse qui émane de ses épaules voûtées, l'angoisse que quelque chose de grave s'est passé et qui a bousculé son quotidien sans qu'il n'en comprenne le sens.

« - Pourquoi ? murmure-t-il enfin. »

Je m'approche de lui, sa parole m'ayant donné le coup d'envoi, et passe mon bras dans sa nuque pour l'inviter à se rapprocher.

« - Pourquoi elle t'a frappé ?

-Parce que je lui ai dit des choses qui ne lui ont pas plu.

-Et pourquoi tu les as dites alors ?

-Parce que je les pense. »

Autant Jimin ne comprends pas le principe de la dispute, autant celui de l'honnêteté lui est très familier. C'est simple : l'intérêt du mensonge lui est inconnu.

Je le sens se détendre peu à peu grâce à ma présence, et sa tête bascule dans mon cou. Un sentiment de puissance indescriptible me traverse, la connaissance que c'est avec moi qui se sent à l'aise, et vers moi qu'il se tourne pour calmer ses névroses. J'ai l'espoir insensé d'être ce médicament non prescrit qui le fera aller de l'avant.

Nous nous taisons un instant, juste pour profiter de la présence de l'autre avant que la bombe qui nous guette ne s'abatte sur nos vies. Il tourne son regard vers moi et caresse ma joue douloureuse aussi délicatement que s'il y appliquait un remède invisible. Nous sommes la solution des maux de l'autre.

« - Exprime-toi... je le supplie. »

Jimin reste interdit en me contemplant, les yeux brillants. Je ne veux pas qu'il garde ses ressentis pour lui, je veux qu'il partage ce fardeau avec moi.

Il détourne le regard et je crois avoir échoué. J'ai peur. Je suis tétanisé à l'idée de l'avoir perdu, de l'avoir déçu en défiant sa mère ainsi.

Il ouvre la bouche, et ma respiration reprend.

« - Je pense que c'est elle qui a tort, annonce-t-il. Quoi que tu lui aies dit, quel que soit le faux pas que tu aies fait, la violence n'est jamais une solution. »

Le soulagement m'envahit. Jimin est toujours mon Jimin, celui qui est calme et réfléchi, qui voit la situation dans son ensemble plutôt que de se laisser submerger. Finalement, être en dehors du monde a aussi ses avantages.

« - Est-ce que tu veux savoir de quoi nous parlions ? je lui propose.

-Est-ce que c'est important que je le sache ? »

Je me tais un instant. Jusqu'ici, je ne voulais pas le mêler à cela car j'avais peur qu'il se sente déchiré entre nous deux, et coupable s'il venait à choisir l'un ou l'autre. Mais j'ai réalisé que je ne serais pas mieux qu'elle si je ne lui laissais pas la possibilité de ce choix, et que son ignorance que nous lui imposons tous les deux n'est plus de rigueur. Comme je le lui ai dit, Jimin n'est pas un enfant que nous devons ménager.

« - Je crois que oui.

-Alors je te fais confiance, assure-t-il en se tournant de nouveau vers moi. Raconte-moi. »

Je prends une grande inspiration et cherche les mots justes pour exprimer ce que je veux.

« - J'ai l'impression qu'elle te prive de tes droits, je lui avoue. Qu'elle décide de tous les paramètres de ta vie sans t'en informer. Et elle a l'impression que je cherche à... à l'éloigner de toi et à te mettre en danger.

-C'est faux ! s'exclame-t-il, choqué. Tu ne me ferais jamais de mal.

-Bien sûr mon cœur, je chuchote en lui caressant les cheveux. Mais elle a peur que tu partes de chez elle, que ce soit par accident ou parce que je t'aurais pris avec moi.

-Tu aimerais me prendre avec toi ? me demande-t-il avec un sourire espiègle.

-Evidemment. »

Je lui embrasse le bout du nez et lui rigole, la tension envolée.

« - Et j'aimerais que tu t'ouvres au monde, je lui confie après une certaine hésitation.

-Tu ne peux pas me forcer à cela. »

Bien sûr. Les mêmes sages paroles que Namjoon. Je ne peux pas le forcer, à quoi que ce soit. Ça doit venir de lui, ou ne pas venir du tout.

« - Tu sais, reprend-il en me serrant la main. Mon monde à moi, c'est cet appartement, le lycée et toi. Est-ce si important que je l'élargisse ? »

C'est une question importante pour lui et moi qu'il me pose, et je ne veux pas me précipiter pour en fournir la réponse.

Je suis partagé en deux. Mon cœur me crie que oui, c'est important. Qu'il n'aura pas réellement vécu s'il se contente de cela sans rencontrer d'autres personnes et découvrir de nouveaux horizons. Que de rester dans son coin n'est pas sain, que cela le mine peu à peu et le tuera au final.

Mais si cela lui suffit pour être heureux, ai-je vraiment mon mot à dire ?

« - Je ne sais pas. J'imagine que ce qui est important est ce que toi, tu choisis. »

Le visage de Jimin s'illumine et il vient cueillir mes lèvres tendrement.

« - Bonne réponse mon chéri. »

Je l'embrasse de nouveau et monte mes mains pour tenir son visage en coupe.

Cette conversation s'est bien terminée au final, je me fais des montagnes pour rien.

***

Mon instinct ne se trompe jamais. Cette fois-ci n'a pas fait exception. Je savais que lorsque Jimin nous avait aperçus, sa mère et moi en train de nous disputer, cela changerait le cours du temps, l'équilibre sur lequel nous planions. J'avais vu juste.

Dès le bas de l'escalier j'ai senti cette ambiance étrange, comme si un cataclysme s'était abattu sur l'appartement de mon petit-ami. Depuis deux semaines je lui rends visite moins souvent, seulement quand je savais que Minji ne serait pas là. Alors c'est peut-être pour cela aussi que Jimin se sent aussi mal.

Lorsque je suis monté par l'escalier, tout l'étage était plongé dans le noir, comme si personne n'avait ouvert les volets depuis des jours, gardant enfermée une sale honte. Et quand j'ai ouvert la porte de sa chambre, il était déjà assis devant son aquarium à murmurer seul.

Cela fait une heure que je suis dans son lieu, adossé à sa porte, et il ne s'est pas tourné vers moi. Il contemple ses axolotls en murmurant des informations sur leur compte en discontinuité.

« - ... dont son nom vient de l'aztèque, monstre d'eau ou Xolotl de l'eau en référence au dieu aztèque Xolotl qui craignait tant la mort qu'il la fuit en se transformant en épi de maïs, puis en feuille d'agave et enfin en... »

Cette histoire je la connais, c'est moi qui la lui ai racontée la première fois. Il venait de découvrir sa passion pour ces animaux étranges, et moi, pour lui plaire et lui remonter le moral, j'avais fait des recherches et trouvé cette légende. Cette époque me paraît si loin désormais, aujourd'hui il la raconte sans y mettre ni âme ni passion, juste un monologue incessant et insipide pour le calmer, le recentrer sur quelque chose. Je ne sais même pas s'il a remarqué ma présence, ce qui est angoissant pour moi, il continue de se balancer d'avant en arrière sans jamais s'arrêter.

« - ... endémique au Mexique, le seul endroit où on peut encore le trouver à l'état sauvage, bien qu'il soit classé par l'UICN en danger critique d'extermination dû à... »

Les larmes me montent aux yeux. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il a fait une telle rechute, d'où peut bien venir sa crise. Je deviens parano peu à peu. Serait-ce de ma faute ? Parce que je ne lui ai pas accordé assez d'attention ? Ou bien parce que je lui ai suggéré de s'ouvrir aux autres et cela s'est mal passé ? Ou bien qu'il n'a pas supporté la violence que sa mère m'a faite et culpabilise ?

Perdu dans mes lamentations, je ne remarque pas que le silence a repris sa place et que les balancements inquiétants de mon brun ont pris fin. C'est lorsque je relève la tête sur sa personne que je croise son regard, vide mais dirigé vers moi. C'est le moment de tenter ma chance.

« - Tu ne vas pas bien. »

Ce n'est pas une question, alors Jimin ne répond pas.

« - Tu as envie d'en parler ? »

Je lui laisse la possibilité de ne pas le faire, bien que j'en crève d'envie. Jimin ne mentirait pas, ne chercherait pas d'excuses pour se défiler, surtout avec moi. Mais je ne veux pas qu'il se sente obligé de m'en parler, que cela le mette mal à l'aise.

On se regarde longuement. Jimin tient ses genoux contre son torse pour protéger son cœur éprouvé, moi je suis en tailleur, prêt à recevoir son trouble.

« - Mmh... fait-il. »

Il s'approche de moi, desserrant les genoux pour m'apporter son corps. Je l'accueille de mon mieux, sa tête contre mon épaule et sa peine au bout des doigts, prête à entrer en mon sein.

« - J'ai voulu parler à ma mère, parce que j'avais remarqué qu'elle voulait m'éloigner de toi comme tu me l'avais dit, mais elle ne peut pas, elle n'a pas le droit, je ne veux pas m'éloigner de toi, je veux que tu restes près de moi, j'en ai besoin, je... !

-Chut, je murmure. Calme-toi, je suis là, je ne pars pas. »

Son ton s'est fait véhément, brisé par l'émotion, ce qui est déjà intriguant en soit. Jimin ne perd pas son sang-froid pour rien.

« - Voilà, donc je le lui ai dit. Et là elle- Elle est devenue démente, je ne l'avais jamais vu comme ça. Ses yeux étaient énormes, ses veines battaient fort, elle a lancé une tasse qui s'est brisée sur le sol. »

Je ressers mon étreinte autour de la taille de mon amour pour le protéger de la violence qui se rappelle à lui. Jimin est un ange qui ne devrait pas assister à ça.

« - Elle m'a dit des choses, oh Yoongi ! C'était horrible, j'avais envie de m'enterrer dans le sol. »

Il déglutit difficilement, les yeux dans le vague.

« - Elle a dit que je n'avais pas le droit d'exiger ça, d'exiger quoi que ce soit, que je n'avais pas le droit de te préférer à elle alors que ce n'était même pas le sujet. Elle a dit que je devrais être reconnaissant envers elle qui m'avait tout donné, qui s'était sacrifiée pour moi. Que c'était de ma faute si son mari était parti et qu'elle se tuait au travail. Pourquoi Yoongi ? Je ne lui ai jamais demandé tout ça.

-Tu n'y es pour rien. »

Mais il fait comme si je n'avais rien dit, ou peut-être ne m'a-t-il même pas entendu, et continue son récit.

« - Elle a dit aussi que je ne servais à rien, que je ne faisais que de lui apporter des problèmes, qu'elle aurait été plus heureuse avec un enfant normal. Pour toi aussi Yoongi je suis un boulet ? Toi aussi tu aurais préféré que je ne sois pas autiste ? »

Il est si proche, et ses yeux sont si grands, je me noie dans l'océan de ses pupilles, sous la houle de ses incertitudes. Il cherche au fond de moi le soutien que je lui ai toujours fourni, et que je lui donne encore.

« - Oh grands Dieux, Jimin, bien sûr que non, je souffle en l'engouffrant entre mes bras, mon menton sur son épaule et tout notre corps en contact. Elle n'aurait jamais dû te dire ça, je suis sûr qu'elle ne le pense même pas. Mon Dieu Jimin, évidemment que tu n'es pas un boulet. Tu es une mine d'intelligence et de vitalité, de passion et de tendresse, sérieux, il faudrait ériger une statue en ton honneur. »

Je sens ses joues s'étirer contre ma nuque, signe qu'un sourire a fait son apparition sur ses lèvres. Mon exagération lui a plu.

« - Tu es toi, avec tes défauts et tes différences, comme n'importe qui. Tu n'aurais pas été mieux sans ton trouble, ça n'aurait rien changé, rien du tout. »

Et je le crois, dur comme fer. Personne ne vaut mieux que lui, comme il ne vaut mieux que personne. C'est comme ça, quoi qu'on soit, qu'on rentre dans les codes ou qu'on en sorte, quelle qu'en soit la raison, une maladie, une couleur de peau, une religion, une orientation sexuelle... On trouvera toujours des gens pour nous haïr et nous aimer.

« - Merci Yoongi, me souffle-t-il. »

Il se tortille entre mes bras pour s'en délivrer, et j'accède à sa demande. Il prend ensuite place sur mes cuisses et me caresse la joue de la pulpe de ses doigts. Je ferme les yeux, appréciant son geste.

« - Dis Yoongi ?

-Oui...

-Je ne veux pas rester ici. »

Je rouvre les yeux, comprenant immédiatement le sous-entendu. Ses yeux sont légèrement voilés, hésitants, coupables de m'imposer cette demande.

« - Bien sûr que tu peux venir habiter chez moi, aussi longtemps que tu le souhaites. »

Il me sourit, soulagé. Je lui souris, une bulle de bonheur gonflant dans ma poitrine.

Nous mettons peu de temps à rassembler ses affaires, un peu plus à ce qu'il dise au revoir à ses bestioles. Je lui ai dit que je viendrai les chercher le lendemain, mais c'est quand même difficile pour lui de les laisser. Il a l'impression d'abandonner ses bébés.

Une fois fin prêt, nous descendons à l'étage inférieur où sa mère vient de rentrer. Elle nous regarde, interdite, et tandis que Jimin passe à côté d'elle sans la calculer, provoquant un éclair de douleur sur son visage. Moi je m'arrête auprès d'elle.

« - Vous avez dépassé les bornes, j'espère que vous le regrettez. C'est triste que votre mari vous ai quittée, que vous soyez sans cesse fatiguée et sans relation amicale, mais ne le reprochez pas à votre fils. C'est à vous de changer, pas à lui. »

Je m'incline devant elle, achevant ma remontrance et sa mine affiche à elle seule tous les échecs qui ont ponctué sa vie.

Je dévale les escaliers, rejoins Jimin qui patiente sur le trottoir. Nous reprenons notre route sans un mot, parce qu'il n'y a pas grand-chose à dire. Jimin semble perdu dans ses pensées et légèrement angoissé. Je lui prends la main et l'emmène vers la bouche de métro la plus proche. Instaurant le plus de distance avec son ancienne demeure.

Sur le chemin, j'envoie un message à Namjoon pour le prévenir que Jimin vivra avec nous pour une durée indéterminée. Il me répond presque instantanément, m'assurant que cela ne le dérange pas et m'offrant l'appartement entier pour la nuit. Je me doute qu'il dormira chez Soojin, donc que ça ne lui coûte pas grand-chose, mais je le remercie tout de même.

En une vingtaine de minutes, nous sommes devant la porte de mon chez-moi, qu'il n'a que très peu visité, la principale raison étant que sa mère ne voulait pas le laisser sortir, mais aussi parce qu'il préférait rester chez lui, un endroit qu'il connaissait bien plutôt que dans un lieu inconnu avec des gens inconnus.

« - Namjoon est absent, je lui apprends en déverrouillant la serrure. »

Nous pénétrons dans la minuscule entrée, tout juste assez large pour s'y tenir à deux. Je prie mentalement pour avoir rangé ma chambre, et ne pas avoir laissé traîner mes sous-vêtements sales comme j'en ai l'habitude. Jimin sait que je ne suis pas irréprochable, mais autant paraitre propre le plus longtemps possible.

« - Est-ce que tu as envie de manger quelque chose ? je lui demande.

-Tu sais Yoongi, tu as le droit de te reposer sur moi. »

Je me retourne vers lui, totalement perdu. Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, de quoi il me parle, mon cerveau ne construit pas les liens nécessaires. Jimin s'avance dans mon salon, toujours aussi sérieux et intriguant.

« - Comment ça ? je bredouille.

-J'ai réfléchi en venant jusqu'ici, à tout ce que tu as déjà fait pour moi, et tu sais ce que j'ai retenu ? C'est que jamais tu ne m'as demandé à moi quelque chose, un service, une exigence. »

Je n'arrive toujours pas à voir où il veut en venir, et pourquoi cela semble aussi important. Je le suis, obéissant à sa voix qui m'envoute et ses yeux qui m'attirent. Jimin me sourit tendrement et me prend la main.

« - Tu sais, ça marche dans les deux sens, un couple. C'est pas parce que je suis particulier que ce n'est plus le cas.

-Je... je tente avant de me faire couper.

-Tu n'es pas obligé d'aller dans mon sens systématiquement, de toujours faire attention à ce que je peux ressentir. Qui fait attention à ce que tu ressens toi ? »

Ce que je ressens moi ? La seule chose que je ressens, que je ressens depuis toujours et que je ressentirai toujours, c'est l'amour que je porte pour Jimin. Cette information définit ce que je suis.

Alors pourquoi l'émotion me compresse la gorge ? Pourquoi ai-je l'impression d'avoir attendu ces paroles toute ma vie ?

« - Tu sais, tu as le droit d'être en colère contre ma mère, contre moi qui ne veut pas m'ouvrir aux autres, de ressentir du désir, de pleurer, de crier, de rire fort, de chanter... Cesse de tout garder pour toi. »

Les larmes coulent le long de mes joues silencieusement et Jimin vient les cueillir à l'aide de son pouce. Mais je ne les sens pas.

« - Moi je partage tout avec toi parce que je sais que tu peux m'aider et me comprendre. Alors fais de même. Je voudrais partager avec toi ce qui te mine, te tracasse, ce que tu gardes planqué au fond de toi. J'aimerais à mon tour faire partie de ta vie, parce que je t'aime. »

Mon cœur semble exploser dans ma poitrine et mes pleurs redoublent. Je ne savais pas avec quelle impatience j'avais attendu ces mots avant qu'il ne les dise. Je croyais que je pouvais m'en passer sans problème, que c'était quelque chose de superflu. Le soulagement qui me traverse ne ment pas, lui.

« - D'une façon différente, d'accord, mais je t'aime. Alors cesse de te comporter comme si tu étais seul. »

Je ne résiste pas plus longtemps au désir de l'engouffrer entre mes bras. Encore une fois, Jimin a vu juste et a tiré une flèche en pleine cible. La barrière a explosé et rien ne réfrène mes émotions. Je pensais que les camoufler le protègerait, mais il a percé ma mascarade inutile et est prêt à les accepter.

« - Jimin, je murmure. Jimin... »

Je ne sais que dire d'autre, alors je serre son corps encore plus fort, et lui rigole, se moque de moi et de mon émoi. Je m'en fiche, il peut rire de moi autant qu'il veut tant que je peux le sentir contre moi.

« - Et tu sais ce que fait un couple qui s'aime ? me questionne-t-il une drôle d'intonation dans la voix. »

Je secoue la tête de droite à gauche, incapable de formuler une réponse avec ma gorge nouée.

« - Ils font l'amour, chuchote-t-il sensuellement. »

C'est à mon tour de rire à travers les larmes, avant de l'embrasser comme si c'était la dernière fois tandis que ses mains habiles s'attaquent à la ceinture de mon pantalon.

Quelle suite à notre histoire ?

Soojin rencontra Jimin, et ils devinrent rapidement amis, meilleurs amis, collés l'un à l'autre comme cul et chemise. La jeune femme se fit la confidente de mon aimé, et même si j'affirme tout haut que cela me remplit de joie, je grommelle tout seul lorsqu'ils m'interdisent d'écouter leurs messes basses.

La relation entre mon propre meilleur ami et Jimin ne devint jamais totalement naturelle, une espèce de faux-semblants les habitant tous deux, même si cela ne les empêchent pas de s'apprécier. Je crois que Namjoon n'arrive pas à dépasser les préjugés sur sa maladie, et que le brun le sent. Il a d'ailleurs très vite quitté notre colocation, arguant qu'il en avait marre de nous entendre baiser comme des lapins – alors qu'on reste, en toute honnêteté, très soft – et que cela le frustrait. Je devine plutôt qu'il désirait fortement s'installer avec sa belle, mais qu'il ne voulait perdre la face d'homme viril.

Ces deux-là se marièrent. Je fus le témoin du grisé, et Jimin celui de Soojin. Soirée mémorable. Première et dernière fois que Jimin but de l'alcool, je l'ai amèrement regretté.

Ce dernier continua ses études en bio, devint scientifique, étudiant – étonnamment – les axolotls et leur capacité de régénération. J'ai pu le voir s'épanouir dans son travail et avec les gens qu'il côtoyait et qui partageaient sa passion insolite, notamment un certain Taehyung qui, bien que je doute de sa santé mentale entièrement stable, a un don pour emmener mon copain à droite à gauche, le sortir de sa zone de confort pour lui faire vivre de nouvelles aventures toujours plus enrichissantes.

Il pardonna à sa mère, pas moi. Elle garda cette étincelle de culpabilité dans le regard éternellement, le poids de son comportement indigne.

Et moi ? J'appris, avec l'aide constante de mon compagnon, à m'affirmer. Je n'avais même pas conscience d'être introverti avant qu'il ne me le dise, et même si les désirs de mon Jiminnie restent ma priorité, j'arrive désormais à exprimer ce que je ressens sans m'en sentir coupable ou me dénigrer. J'ai pu apprendre grâce à cela que mon véritable projet, mon rêve que je n'osais formuler, était d'écrire. Je publiai plusieurs ouvrages sur l'autisme, des essais pour adultes et des histoires pour enfant, afin que tous soient familiers de cette singularité. J'offris mon expérience aux autres pour encourager l'évolution de nos mentalités, et m'en sentis immensément fier.

On s'installa tous deux dans un plus grand appartement, adopta trois autres axolotls à la mort de Byul et Bitbangul et deux chats, pour mon propre plaisir.

On forma notre propre famille, à notre image.

~~~

!!! Le commentaire de Jimin à la fin lorsqu'il dit que deux personnes qui s'aiment font l'amour, ce n'est absolument pas vrai et personne n'a à coucher avec quelqu'un, qu'importe que soit votre copain/copine/partenaire, que vous soyez marié, que vous ayez dit oui puis non, vous n'avez jamais à accepter si vous n'en avez pas envie. Je garde ce que j'ai écrit parce que je trouve cela adorable et que dans cette situation, il est clair que Yoongi est consentant, mais je tenais à faire cette remarque à la fin car j'ai réaliser ma maladresse.

Merci d'avoir lu cet OS, j'espère qu'il vous aura plu ^^

Je tiens juste à préciser que je n'ai fait aucune recherche sur l'autisme, je me suis juste basée sur ma relation avec une de mes connaissances qui est diagnostiquée ainsi, et sur des témoignages que l'on m'a faits. Le plus important pour moi dans cette fiction n'était pas tant l'exposition de ce trouble, mais le comportement qu'on peut avoir face à ceux qui le portent.

Cependant, cette fiction a été corrigée par -taesthyk (merci mille fois, vraiment tu es un amour) et elle a l'air de s'y connaître. Elle m'a expliqué quelque chose que j'ai trouvé intéressant donc je le partage ici, si vous êtes intéressé.e.s ^^

"Le truc, c'est que les autistes sont plus intelligents que la majorité des gens. On pourrait diviser la partie de la population « intellectuellement supérieure » à la moyenne (ça donne un air condescendant d'utiliser ces mots, mais c'est le terme...) en deux parties : les hauts potentiels, ou surdoués (pour une appellation plus universelle), et les autistes. La différence entre les deux, c'est « l'équilibre » entre leurs domaines de compétences. Quand on fait un test de QI, en gros, plusieurs compétences sont évaluées (très larges) et si les résultats sont à peu près équivalents, on sera qualifié d'HP. Mais si ces compétences sont trop inégales, ce sera plutôt autiste. Parce que du coup, les HP ont des capacités plus élevées dans à peu près tous les domaines, de façon plus ou moins égale, alors que les autistes peuvent être extrêmement doués dans quelque chose et complètement largués dans autre chose. Donc ils sont considérés nuls ou idiots, alors que c'est totalement le contraire, c'est simplement que leur intelligence est ailleurs. Dans les deux cas, les personnes réfléchissent différemment, et plus le QI est élevé, plus elles ont du mal à se sentir à leur place dans le monde qui les entoure et à comprendre les autres. Un autre point commun est qu'elles ont des angoisses jugées irraisonnées, une sensibilité accrue, et la différence est que les HP arrivent mieux à gérer ça que les autistes, donc ils paraissent sûrement moins 'étranges'."

Soojin de (G)-idle

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