H
H comme...
Hypersensible.
J'ai hésité, cher abécédaire - je commence à parler à un carnet aux pages cornés et à la couverture déchirée. Je deviens folle -, fait tourner les mots commençant par « h » encore et encore dans ma tête embrumée. Sans trouver celui que je pourrais décrire, que je pourrais écrire. Et puis j'ai trouvé, grâce à Romain. Avant Romain, je ne connaissais pas ce terme ; je le remplaçais par « folie ». Et puis Romain est arrivé, et on a parlé, enfin on a écrit, puisqu'il a un mutisme presqu'absolu, il parle pour les choses simples mais point pour être lui. On a discuté, par messages, et il m'a donné le mot. Celui qui nous reliait. Hypersensibles.
Il avait mit ses mots, et j'avais mit les miens, et puis on avait ajouté beaucoup de non-dits pour créer ce torrent qui explose dans nous à chaque moment. Pour donner une réalité à l'insensé et aux larmes qui coulent sans raisons, pour faire danser plus vite les brises de nos corps. Se laisser guider par le charme des odeurs et des bruits et des touchers et des goûts et des effleureurs de rétine qui nous percutent plus que les autres.
Romain, il m'avait donné la possibilité d'être. D'être extrêmement. On dit qu'on va extrêmement bien, ou mal. Moi je vais toujours extrêmement. Quelques soient les émotions. Je vais extrêmement. Et mon ami aussi.
Romain, il m'avait dit qu'il aimait parler. Pas forcément aux autres et pas forcément à hautes voix. Il avait dit que ses paroles résonnaient si magnifiquement en lui qu'il aurait été cruel de les laisser s'échapper. Il avait tellement raison que le lendemain, je l'ai vu et je l'ai serré dans mes bras. Et nos larmes se sont mises à couler comme des sons de violon et c'était beau. Putain, c'était beau. Ce n'étaient même pas des larmes de joie. C'était des larmes qui caressaient les joues pour le plaisir d'avoir le droit de le faire.
Si quelqu'un tombe un jour sur ceci, peut-être qu'iel ne comprendra pas. Peut-être qu'iel pensera que je suis amoureuse de Romain et que c'est la raison de nos actes irrationnels. Iel serait vraiment (et ici, pas de peut-être) stupide de vouloir nous mettre dans des cases bien rangées et de vouloir tout expliquer.
Parler avec Romain m'a laissé accepter d'entrer en transe sur trois notes de musique, de me jeter sur mon lit pour une seule phrase d'un livre. Savoir que j'étais quelque chose, et pas juste différente, m'a laissé me délecter des atmosphères humides de douceur, et ne plus faire semblant devant le dégoût ou la peur qui se sent dans toute une pièce et qui pénètre de partout dans mon être. Je me suis autorisée à rester immobile pour contempler une odeur ou un bruit ou la barque des sentiments qui vogue dans mon être.
J'ai compris que mes souffrances devant une chose infime étaient liées à toutes les beautés que je pouvais effleurer. J'ai appris que ma peau spirituelle n'avait jamais existé, que je m'exposais au monde à chaque instant. Et qu'ainsi mon sang et mes larmes pouvaient faire part aux éléments de l'univers et se mélanger, encore et encore, me reliant à l'infini de partout.
Romain m'a beaucoup appris et j'ai beaucoup appris toute seule, car je suis l'unique personne qui est moi et qui me vit. J'ai appris le mot hypersensible et j'ai appris à être heureuse. Et mon hypersensibilité, on ne pourra jamais me la prendre.
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