J'ai réussi à vivre trois jours dans un camion. Un camion rempli de provisions, c'est grâce à ça que je m'en suis sortie. On m'a jetée tel un jouet qui ne sert plus à rien. Sauf que je suis un être humain, j'ai besoin de vivre. Durant ces trois jours, je me suis demandée comment allait 804. Il m'avait fait beaucoup de peine lorsqu'il m'avait parlé de son compagnon de cellule qui était une fille. Et bien évidemment, je compatissais : si quoi que ce soit arrivait à Tan, je me demande comment je m'en remettrais. Pour moi, pas de Tan, pas d'espoir.

J'ai beaucoup moins faim qu'avant en tout cas. Il y avait tout ce qui fallait : des légumes, des fruits, des pâtes... J'ai pu me nourrire comme je voulais. À croire que ceux qui travaillent ici partent pour l'éternité et c'est peut-être le cas. Mes yeux sont accoutumés au noir et si je revois un jour le jour, je pense en devnir aveugle. J'ai réussi à compter les jours grâce à une montre qui se trouvait non-loin de moi.

Soudain, j'entendis des alarmes se déclencher et des tirs. J'entendais la panique et les pas précipités de ces personnes en danger. Mon cœur fit un bon dans ma poitrine lorsque j'entendis le chiffre 902 résonner. C'était Tan! Il avait sans aucun doute réussit à sortir de sa cellule. Reste à savoir s'il me trouvera là-dedans...

Les tirs s'éloignèrent peu à peu, l'agaçante alarme continuant de résonner. Je clignais un bon nombre de fois des yeux, sans bouger une seule fois de ma place. L'alarme continuait de résonner mais les pas s'étaient éloignés. Puis des pas revinrent et j'entendis la voix de Lukas :

-Ce salop m'a donné un coup dans le nez.

-Attends, j'enlève le sang, marmonna un autre. Que comptes-tu faire? ajouta-t-il après plusieurs minutes.

-Je savais très bien que Fursy était louche, grogna Lukas. Mon stupide frère n'aurait jamais dû mettre les pieds ici.

Mon cœur fit un bon dans ma poitrine et j'eu un hoquet. Fursy, le frère de Lukas? Pourtant, j'avais trouvé que Gus lui ressemblait beaucoup... Fursy est très différent d'eux physiquement, c'est bizarre. Cela se voyait : Gus et Lukas étaient frères. Mais de là à ce que Fursy fasse partie de cette famille...

-Raaah, donne-moi ça toi! s'énerva Lukas. Y a quoi dans ce camion?

-Les provisions. Et 900 car il n'y avait plus de place dans l'autre camion.

-Ah oui c'est vrai.

Il y eut un silence durant lequel je commençais à croire qu'ils étaient partis. Lukas finit par reprendre.

-Dis-moi, ça fait combien de temps que mon frère et 902 sont partis?

-Heu, je dirais une dizaine de minutes Lukas. Pourquoi?

-Ils doivent préparer un plan... Fursy ne peu pas vouloir sauver que 902, il doit se tramer quelque chose et j'ai bien l'impression qu'ils ne seront pas seuls...

J'imaginais bien la scène : un homme qui se tenait devant Lukas avec le nez cassé et couvert de sang. Lukas se gratterait la tête tout en réfléchissant.

-Démarre le camion, finit-il par dire.

-Quoi? Mais il part seulement demain!

-Écoute-moi bien. 902 tiens très fort à ma petite 900, tu le sais ça? Bon, alors il est logique qu'il va vouloir la sauver. Mais...

-Mais?

Je savais très bien que Lukas souriait en ce moment même, fier d'avoir trouvé le point faible de Tan.

-Il ne va pas pouvoir faire ça tout seul. Dans quelques minutes, une horde viendra nous envahir pour sauver tous les prisonniers. Mais, si on démarre le camion, ils s'éloigneront sans doute de nous. Alors démarre ce fichu camion!

-Non! m'écriai-je.

C'était sortit tout seul. Je mis mes mains devant la bouche, affolée. J'entendis Lukas ricaner et ouvrit les portes du camion. La lumière m'aveugla et je ne pus distinguer où se trouvait Lukas. Une main empoigna mon bras et me tira dehors. Je tombais, mon bras frottant le sol de gravier. Tout en voyant flou on me releva et Lukas me tint par les cheveux.

-Tu l'aimes hein? C'est ton petit copain qui va se faire péter la tronche.

-Laissez-le tranquille! fais-je.

-Lukas! On a retrouvé Fursy, annonça un garde.

-Tiens tiens tiens, comme c'est fort intéressant, souffla Lukas. Où est-il? Est-il seul?

-Dans la cabane, nous savons que 902 est partit vers les héoliènes.

-Parfait! se réjouis Lukas. Montrez-moi le chemin.

Il avança tout en me tenant. Je ne pouvais rien faire, il y avait peut-être une dizaine d'hommes armés près à me tuer au moindre mouvement brusque. Je voyais toujours flou, comme si mes yeux me faisaient mals de nouveau. D'ailleurs, je me demandais comment je pouvais encore voir normalement sans le médicament de Wilson. Peut-être ne servait-il pas à ça?

Soudainement, Lukas s'arrêta. Il sortit une lame de sa poche et me la positiona sous mon menton. Je déglutis, mes jambes tremblantes et mon regard fuyant. Il tira un peu plus mes cheveux pour m'obliger à pencher la tête.

-Fursy! hurla-t-il. On sait que t'es là! Rends-toi ou ton amie meurt!

Il n'y eut pas de réponse. Lukas ricana aussi fort qu'il le pouvait.

-Tu sais, elle ne compte finalement pas beaucoup pour moi! Il m'est facile de la tuer! Je peux en faire ce que je je veux!

Les gardes se mirent à glousser. Lukas respirait bruyamment, il avait l'air de s'énervé.

-Rends-toi les mains en l'air! continua-t-il en haussant la voix.

Il appuya un peu plus sur ma gorge. Je me mis à gémir et à me débattre. Lukas m'avertis moins fort :

-Si tu ne te mets pas à crier, je te défonce toi et ton ami.

À en juger sur sa voix, il avait l'air très très en colère. Pire encore, il avait l'air de dire vrai. J'obéis et me mis à hurler.

-C'est bon Lukas! annonça Fursy en levant les mains tout en sortant de l'ombre. Je suis là, ne la touche plus!

Il se décala sur le côté en boitillant. Ses cheveux étaient en batailles et ses mains noirs de poussière. Mon cœur battait la chamade tellement j'avais peur qu'ils le tuent. Fursy leva les sourcils et haussa les épaules.

-Vas-y! Tue-moi! Je ne te sers plus à rien de toute évidence!

-Tu crois m'avoir comme ça hein? Tu sais quoi? J'ai une bien meilleure idée.

Un garde venant de derrière Fursy leva son pistolet. J'avertis Fursy trop tard car le garde l'assomma. Fursy roula à terre jusqu'au béton. Plusieurs hommes le prirent et l'emmenèrent. Lentement, Lukas repris sa respiration et caressa mes cheveux.

-Quelle douce vengeance petit frère...

Il pivota violemment et donna des ordres aux gardes. Une fois terminé, je marmonnai :

-Fursy ne peu pas être ton frère. Il n'est pas comme toi!

Lukas pencha la tête et je pus voir ses yeux bleus pétiller de malice.

-Et pourtant si. Quelle triste vérité n'est-ce pas? Tu pourras lui poser un tas de questions... Au Paradis!

Il se remit à rire. Il me ramena au camion, me jeta à l'intérieur et ferma les portes. Je me frottais les bras endoloris à force d'être frottés. Je m'addossais contre une paroi du camion et reprit mon souffle. Tan, j'espère que tu sais ce que tu fais...