Je n'avais pas eu mes règles ce mois-ci, mais n'ayant pas des cycles très réguliers, je ne m'en inquiétais pas outre mesure. Le mois dernier, j'avais eu quelques saignements durant deux trois jours qui s'étaient stoppés net, et pas mal de crampes d'estomacs. Ce genre de cycle n'étant pas rare chez moi, je ne m'en étais pas préoccupée plus que cela. Et puis, avec toutes les contrariétés que j'avais pu avoir, il était tout à fait normal que mon corps réagisse. Plus les factures s'accumulaient, plus je devais demander de l'aide à mon père. Et plus je lui demandais de l'aide, plus mon stress augmentait. Et évidemment, je cogitais énormément, si bien que mon sommeil et mon appétit commençaient à en pâtir. J'avais d'ailleurs souvent des nœuds à l'estomac, me provoquant d'horribles crampes qui disparaissaient dés que mon esprit était occupé à autre chose.

Ce matin là ne faisait pas exception à la règle. J'étais couchée depuis quelques heures à peine quand un charabia incompréhensible me tira sauvagement de mon sommeil. Là, allongée sur mon lit, les yeux clos, je n'osais plus bouger. Peut-être qu'en faisant la morte, la présence qui envahissait ma demeure allait laisser tomber et faire demi-tour?

-Alors ma belle, on ne se lève même plus?

Visiblement, je pouvais toujours rêver. Enfin, je ne demandais que ça moi. Mais au plus les secondes s'égrenaient, au moins j'avais d'espoir quand à ma potentielle grasse matinée. D'ailleurs, ma tortionnaire du jour ne perdit pas de temps et ouvrit les volets d'un coup sec. J'enfouis alors ma tête sous la couette afin de ne pas recevoir plus longtemps cette lumière agressive dans les yeux.

-Ho non, tu ne vas pas t'en sortir comme ça, Marion. Ce n'est pas comme ça que tu trouveras un job. Alors tu viens boire ton café, tu files sous la douche et tu vas aller déposer tes CV. Une fois ça fait, je t'invite au restaurant et on mangera ce que tu veux.

-Mais Alice, on est samedi. Je suis fatiguée, et lasse de tout ça.

-Pas mon problème. On se dépêche.

Je soupirai et sortis du lit malgré tout. Je n'arriverais pas à lui faire changer d'avis de toute façon. Une fois dans le salon, elle me mit une tartine beurrée dans la bouche et un tasse de café brûlant dans la main. Je ne pus m'empêcher de penser que ma meilleure amie se sentait bien trop à son aise dans mon appartement.

-Allez allez on se magne, mange et file sous la douche. On n'a pas de temps à perdre.

Elle était déjà dans ma chambre à choisir mes vêtements alors que j'essayais encore de traduire ses paroles. Cette fille était une vraie tornade. Mais comment faisait-elle pour être aussi fraîche dès le matin?

On se retrouva rapidement dehors. J'avais dus manger trop vite, mon estomac se tordant, et je ne tardai pas à renvoyer mon petit déjeuner derrière une poubelle, adossée à un mur. Pour le glamour, on repassera.

-Holà, c'est vrai que t'as pas bonne mine ma chérie. Tu préfères aller voir un médecin?

-Non c'est bon. Maintenant que je suis levée, autant en finir rapidement.

Je n'avais qu'une hâte, me débarrasser de la pile de CV qui m'encombrait les mains. Après m'être rapidement rincée la bouche avec ma bouteille d'eau minérale, j'entrai chez un fleuriste et y déposai un CV, avec un grand sourire hypocrite sur la face.

Nous étions à table. J'avais déposé une vingtaine de CV et j'étais lessivée. Alice m'avait traînée jusqu'au centre commercial, et il faut avouer qu'en voiture, le trajet était bien plus rapide. J'avais porté ma candidature dans huit boutiques de vêtements, trois d'opérateurs téléphoniques, deux restaurants, ainsi qu'aux casses du supermarché et en temps qu'agent d'accueil. On était alors ressorti afin de déposer mes derniers CV dans les boutiques adjacentes au centre commercial avant d'enfin envisager de déjeuner. Alice nous avait alors conduites dans une petite brasserie qui se trouvait à une bonne demi heure du centre commercial. Apparemment, elle y déjeunait souvent avec Arnaud, son compagnon. Le restaurant était simple. Les murs étaient dans un ton beige et le mobilier chocolat. On s'installa à une table tandis qu'un serveur arrivait déjà pour nous servir. Je commandai un steak frite et reportai mon attention sur ma meilleure amie qui essayait de m'expliquer combien elle était heureuse avec son chéri qui lui préparait une surprise pour son anniversaire.

-Je sens qu'il va me demander en mariage. Enfin !

Je lui souris, peu convaincue. Arnaud semblait être quelqu'un de très gentil, mais pas du genre à vouloir se passer la corde au cou. Cela faisait six ans qu'ils vivaient ensemble et je ne l'avais encore jamais entendu mentionner une quelconque forme d'engagement officiel. J'en avais déjà parlé avec Alice, inquiète de la voir s'imaginer un mariage de princesse, mais la discussion avait failli se transformer en bain de sang...Depuis, afin de préserver notre amitié, je me contentais d'acquiescer et de sourire.

Nos plats arrivèrent rapidement et j'engloutis le mien en moins de deux. J'avais une faim de loup depuis quelques jours et mon apport alimentaire ne faisait que croître. Nous terminâmes rapidement notre repas et nous retrouvâmes dehors. Le portable d'Alice se mit soudainement à sonner.

-Allo? Oui? Quoi? J'arrive tout de suite. Désolée Marion une urgence au travail..

-Heu c'est pas ton jour de repos?

-Si, mais...Je dois y aller on se reparle plus tard.

-Tu travailles trop! Lui criai-je alors qu'elle fonçait déjà.

-Et toi pas assez! Prit-elle tout de même le temps de me répondre.

J'esquissai un sourire et repris le chemin vers mon appartement. Je n'avais qu'une envie, retirer ces vêtements qui m'oppressaient et me pelotonner au chaud sous ma couette.