꧁ Souvenirs II ꧂
Un sentiment de plénitude m'emplie, je suis sûrement retourné dans cet endroit étrange qui ressemble le plus à ce que je connais de la mort.
Je peine à garder le fil de mes pensées, mes souvenirs passés et présents s'entrechoquent pour ne former plus qu'un.
Mais une question perce ce flou qui me fait perdre ce que j'étais : pourquoi ai-je dû revivre cet événement plus que traumatisant de mon enfance ?
Et surtout, comment est-ce possible ?
Tandis que je pensais avoir définitivement perdu mon humanité, à nouveau, un sentiment de panique m'envahit peu à peu. Pourtant, il n'est pas dû à ma situation plus qu'étrange. Je peux le ressentir : les bruits de pas et le brouhaha des discussions futiles des lycéens me ramènent à une partie de mon passé.
J'ouvre mes paupières, frappée par le jour. Je cligne plusieurs fois des yeux pour m'habituer. La lumière tamisée des LEDs mal entretenus ne laisse place à aucun doute. Malgré mon réveil tardif, mes pas se font pressés ; ils me font comprendre que je dois marcher depuis plusieurs minutes.
Sûrement à la recherche de ma salle de cours.
Une sonnerie retentit et tout ce petit monde se dirige vers ses salles de cours respectives.
A122, A123, A124...
Je regarde le nom des classes, perdant peu à peu espoir. J'ouvre plusieurs fois la bouche à la recherche d'aide, mais ma timidité l'emporte sur ma panique.
J'accélère le pas.
Des gens me bousculent, m'accusant peu après de leur avoir fait mal. Leurs visages remplis de haine que je ne comprends pas me font sentir minable. Des larmes menacent de perler au coin de mes yeux.
Je me sens affreusement seule malgré tous ces gens qui brouillent autour de moi.
Le souffle court, une crise d'angoisse menace de me couper du monde. Mes jambes flageolent ; sous l'effet de la panique, je me prends violemment un casier en tentant de fuir. J'ai l'horrible sensation que tous les regards se tournent vers moi.
Qu'ils me voient comme ça était la dernière chose que je voulais, pourtant, je n'arrive plus à contenir les larmes qui coulent à présent à flot sur mes joues.
Et pour ne rien arranger, la douleur du choc me promet un hématome conséquent sur mon bras.
Je perds le contrôle de mes membres et mes jambes me lâchent définitivement. Je m'effondre, glissant contre le casier pour me retrouver contre les carreaux glacés du sol, recouverte de traces de pas qui marqueront sûrement le bas de mon dos.
J'ai rarement été dans un tel état de panique, excepté une fois.
En rien les deux événements ne se rapprochaient, pourtant je me trouvais à nouveau enfermée par mon deuil.
La perte, les silences, l'enterrement, le vide... tout se mélange et me revient en pleine face.
La perte de mon père n'a pas seulement entraîné un deuil, elle réduit au silence des années d'amitié. Ils se sont mis à me fuir comme la peste. Mes amis ne savaient pas comment gérer, et j'en ai fait les frais.
Le déménagement n'aidant en rien...
Comme si le silence était une meilleure façon de me soutenir...
Et j'ose à peine parler de ma mère, qui n'est plus qu'un fantôme. Ils s'étaient rencontrés à dix-sept ans ; elle avait passé plus de temps en sa présence que seule, et elle devait à présent combler ce vide.
Seul problème : elle ne savait pas comment faire, sa léthargie était peut-être la seule protection contre le reste du monde qu'elle avait trouvée.
Avec ma sœur, nous faisons comme nous pouvons pour nous soutenir ; seulement, comment se tirer vers le haut ensemble alors qu'on broie du noir ?
Ma vision s'embue ; je ne vois donc pas les deux silhouettes qui se précipitent vers moi.
Quatre mains me ramènent à la surface.
Je retiens un sanglot et sors un mouchoir de ma poche en séchant mon visage mouillé par mon chagrin. Malgré tous mes efforts, il ne laisse aucun doute face à mon état.
Je découvre le visage de mes deux sauveteuses. La première a de magnifiques tresses qui lui arrivent jusqu'en bas du dos ; sa peau mate et sans défaut est sublime. Et ces yeux d'un noir intense me fixent avec inquiétude. Elle bouge les lèvres, mais aucun son ne parvient à mes oreilles.
La gratitude que je ressens pour elle m'empêche toute réaction.
- Hey, tu te sens mieux ?
Je tourne la tête vers l'autre fille, celle qui vient de prononcer cette phrase emplie de douceur. Ses yeux verts me fixent avec une intensité qui ne peut pas être feinte. Je me retiens de l'enlacer tant je ressens une sympathie inattendue envers elle.
Si on ne prend pas en compte son sauvetage plus qu'inespéré.
Après avoir repris mes esprits, je leur réponds sans tenir compte de leurs anciennes interrogations.
- Merci, merci, vous m'avez...
Sauvée...
Je stoppe ma phrase, consciente qu'elles ne comprendraient sûrement pas mes états d'âme.
- C'est normal...
La fille aux tresses me tend sa main pour m'aider à me relever.
- ... je m'appelle Sarah, et c'est Eileen, dit-elle en pointant du doigts sa voisine.
Leur façon de faire comme si la situation était totalement normale me sidère. Et je ne leur en suis que plus reconnaissante encore, je me retiens de verser une larme de soulagement.
- Moi, c'est Noah.
Je ponctue ma phrase d'un sourire de gratitude, incapable de faire autre chose.
Captant sûrement le lourd sous-entendu de mon regard, Sarah lança cette phrase qui reste gravée dans mon esprit plusieurs minutes après quenelle l'aie prononcée :
- Tu n'as pas besoin de nous remercier, c'est normal...
Pourtant, me sortir de cette situation n'avait été normal que pour deux filles sur plus de mille élèves. Elles ne comprenaient pas pourquoi leur geste empli de bonté était exceptionnel.
Je ne répétai pourtant pas ; une bataille comme celle-là n'aurait servi à rien.
Eileen ouvrit la bouche, sûrement pour parler, mais elle fut coupée par la deuxième sonnerie. Si elle était paniquée, elle n'en montra rien et me sortit d'un ton désinvolte :
- Tu as cours de quoi ?
- Je... je suis en A110 pour de la SVT, je crois.
Mon cœur battait la chamade ; la perspective de trouver la classe, même accompagnée, me paraissait impossible. Et comme si Sarah avait lu dans mes pensées, elle sortit :
- Moi aussi ! Viens, je vais te montrer la salle. À toute à l'heure, Eileen.
Elle lui fit un signe de la main puis me prit le bras pour m'accompagner. Mon tremblement, ne pouvant être caché, elle en prit vite conscience et me rassura :
- T'inquiète ; c'est normal de se perdre le premier jour !
Elle me lança un sourie complice, j'avais l'étrange mais agréable sensation que je venais de me faire une amie.
- ...Et la prof n'est pas trop stricte, elle ne te fera rien. Tiens, regarde, voilà la salle.
Elle désigna une porte cachée dans un renflement du mur et fit une dernière pression avec sa main pour me donner du courage. Avant que je puisse réagir, elle toquait déjà.
Tandis que la porte s'ouvrait, toute ma panique avait disparu. J'aurais dû stresser à nouveau à cause des regards qui allaient me scruter, mais je n'étais plus seule. J'avais Sarah et Eileen.
Et cette pensée me suffisait pour être parfaitement sereine.
*************************************************
Hey ✨
Alors ce chapitre vous a plu ?
Et que pensez vous d'Eileen et Sarah ?
Le prochain chapitre devrait arriver d'ici une ou deux semaine.
Biz biz
Gab ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro