3. I know I broke your heart
I know I broke your Heart
Peter avait passé une très, très mauvaise semaine.
D'abord, il n'avait pas vu Tony pendant plusieurs jours, parce qu'il avait été occupé par une mission avec les Avengers à l'autre bout du monde, puis par des réunions qu'il ne pouvait pas rater, en rapport avec Stark Industries, et il n'y avait pas eu de place pour Peter dans tout cela, ce que ce dernier comprenait parfaitement.
Mais, le fait était que : Tony lui avait manqué. Indubitablement. Et ça l'avait déjà un peu mis sur les nerfs.
Ensuite, il n'avait pas eu de bonnes nuits de sommeil ; chacune d'elles avait été ponctuée de cauchemars en tous genres. Tantôt il se retrouvait enseveli sous une montagne de gravats, tantôt tout le monde mourait par sa faute... avec parfois un mélange des deux vraiment très fatigant. Il passait donc le reste de la nuit à essayer de se calmer et de se raisonner, sortant parfois faire quelques patrouilles en temps que Spider-Man pour se changer les idées, ce que May et Tony ignoraient totalement. Mais le manque de sommeil lui permettait au moins quelque chose de positif : il accomplissait tous les soirs son devoir de super-héros, la devise de son feu Oncle Ben imprimée dans son esprit à chaque fois qu'il pensait ne pas y arriver : Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, Peter. N'oublie jamais ça.
Il lui était donc devenu très difficile de suivre ses cours correctement, sans être pris par des migraines insupportables, ou sans manquer de s'endormir en cours – il pouvait remercier la vigilance de Ned. Et indubitablement, il se retrouvait en retard sur ses devoirs et se faisait vertement réprimander par ses professeurs.
Alors, oui, Peter aurait dû être content et presque sautiller de joie sur le chemin qui le conduisait chez Tony, ce jour-là, après les cours.
Mais Happy était grognon – comme toujours – et Peter n'avait pas vraiment envie de parler. Il avait raté son contrôle d'Espagnol dont il avait appris l'existence au moment où son enseignante lui avait tendu la feuille, n'avait pas eu assez de temps pour réviser celui de Chimie et n'avait donc répondu qu'à la moitié des questions tant il était fatigué, et enfin, avait eu un C à son examen de Physique.
Alors, oui, Peter avait vraiment passé une très, très mauvaise semaine.
Et même l'idée de retrouver son mentor ne le revigorait pas suffisamment.
- Ah, Pete, l'accueillit Tony avec un geste de la main, dos à lui, en train de bricoler quelque chose. Approche, viens voir.
Sans un mot, Peter laissa lourdement tomber son sac sur le sol, au pied d'un bureau, et rejoignit Tony, se plaçant à côté de lui. Il travaillait sur un nouveau prototype pour son armure.
Il observa Tony travailler pendant quelques minutes, répondant à ses éventuelles questions et lui donnant son avis quand on le lui demandait, mais jamais sans réelle conviction. Il ne savait même pas vraiment pourquoi il était d'aussi mauvaise humeur alors qu'il était ravi d'être enfin auprès de l'homme.
Ce n'était que maintenant qu'il était avec lui qu'il se rendait compte d'à quel point il lui avait manqué.
- Alors, comment s'est passée ta semaine, gamin ?
Peter haussa les épaules sans le regarder, tripotant un tournevis qui trainait sur le plan de travail.
Tony l'observa un moment, les mains fourrées dans ses poches, sourcils froncés et petit rictus de travers, qui montrait qu'il était dubitatif.
- Mhmh. On n'est pas très bavard, aujourd'hui, à ce que je vois.
- Longue semaine, marmonna simplement Peter en se concentrant sur une des tâches que Tony lui avait confiées.
- Je vois. Donc tu t'es dit que t'allais me ramener ta mauvaise humeur et que j'allais laisser passer ça. Hé, j'étais content de te voir, moi, essaya-t-il de le dérider en lui donnant un petit coup de coude.
Inquiet à l'idée d'avoir vexé Tony en se montrant égoïste, partageant sa mauvaise humeur, Peter leva les yeux vers lui et croisa le regard taquin et calculateur de son mentor.
Tony avait immédiatement remarqué que le gamin n'était pas dans son état normal. En général, il arrivait toujours en bondissant presque sur les murs, parlant sans jamais s'arrêter, au point que même Tony et son brillant cerveau ne parvenaient pas à saisir tous les mots qu'il débitait. Là, il n'avait quasiment pas dit un mot, même quand Tony lui avait permis de travailler sur l'armure avec lui, ce qui le faisait toujours trépigner de joie.
- Pardon, c'est juste que... c'était vraiment une longue semaine, dit Peter en haussant de nouveau les épaules et en essayant de sourire, sauf que c'était plutôt une grimace, pour le coup.
Il y eut quelques instants de silence pendant lesquelles Tony hésita. Il frotta doucement son bras gauche.
- Tu... veux me raconter ? demanda-t-il finalement en regardant l'adolescent.
- C'est rien de grave. Juste... tu sais, les examens, Spider-Man... tout ça.
Tony ne le crut pas vraiment, mais décida de laisser couler. Si le gamin voulait parler de ce qui le tracassait, il savait toujours où le trouver, après tout.
- Est-ce que ce Flash a recommencé à t'ennuyer ?
Cela eut le mérite de tirer un petit sourire à Peter.
- Non, rigola-t-il, il m'évite comme la peste.
Tony sourit.
- Tant mieux. Il a tout intérêt.
Peter roula des yeux.
Visiblement, ça n'avait pas suffi à lui faire retrouver sa bonne humeur, alors Tony eut une idée.
- Bien. Je pense qu'on va laisser tomber le labo pour aujourd'hui, t'es d'accord ?
Peter interpréta mal ses propos et ses yeux s'agrandirent.
- Quoi ? Non ! je suis désolé, Tony, vraiment, je peux –
- Non, non, l'interrompit l'homme en agrippant ses bras pour le calmer, plongeant son regard calme dans le sien. Non, on va juste faire une autre activité plus sympa. Des crêpes, ça te dit ?
- Tu... tu sais faire des crêpes ?
- Bah, ça doit pas être bien compliqué.
Sauf que si, ça l'était.
Il n'aurait jamais cru que ce serait aussi difficile que ça. D'abord, Peter et lui avaient fait la pâte, aidés par F.R.I.D.A.Y. qui leur disait quoi faire. Ils avaient sali la moitié de la cuisine, mais rien d'irréparable, en somme, et Peter riait franchement, cette fois. Tony avait fini avec de la pâte dans les cheveux, Peter sur son t-shirt de geek, mais une bonne douche arrangerait ça.
Le plus dur, en vérité, était de les faire cuire. Il fallait mettre suffisamment de pâte dans la poêle plate et ronde, attendre que les bords se décollent, la retourner et ne pas la faire brûler ou, inversement, faire en sorte qu'elle ne soit pas crue.
Les premières avaient été une véritable catastrophe. Peter avait mis une quantité astronomique d'huile dans la poêle, de peur que la pâte ne colle, et résultat : ils avaient dû jeter la première crêpe. C'était donc Tony qui s'était collé à la deuxième et la crêpe était aussi épaisse qu'une double galette. Autant dire qu'elle était pratiquement crue.
Et puis, au fur et à mesure, ils s'en étaient sortis. Les autres crêpes n'étaient pas super belles, mais bonnes. Et cuites.
- Hé, dans les films ils la font sauter, n'empêche, provoqua Peter en regardant Tony faire, la spatule dans une main, le manche de la poêle dans l'autre.
Celui-ci le regarda en haussant les sourcils.
- Est-ce que tu me mets au défi, jeune homme ?
Bras croisés sur son torse, appuyé contre le plan de travail face à Tony, Peter eut un sourire parfaitement innocent et haussa les épaules.
- A toi de voir. Je faisais qu'une constatation.
- Bien sûr, répondit Tony en reposant les yeux sur sa crêpe, ricanant d'un air moqueur.
Mais Peter avait fait mouche : Tony était incapable de ne pas relever un défi. Et puis ce n'était qu'une crêpe, merde.
- Tiens-toi prêt parce que je le ferai pas deux fois.
Il attendit patiemment que les bords de la crêpe se décolle et puis, d'un geste vif et rapide, secoua la poêle avant de faire sauter la crêpe dans les airs. Tout se passa comme au ralenti. Peter leva les yeux, regardant le morceau de pâte à moitié cuite tournoyer pendant une demi-seconde, avant d'atterrir...
Dans les cheveux de Tony.
Celui-ci resta figé durant quelques secondes, choqué, la poêle en main, et il n'en fallut pas plus pour Peter pour éclater de rire. Il porta ses deux mains à son ventre pour tenter de se contrôler, et se plia en deux, suffoquant de rire.
Jamais il n'aurait cru avoir l'occasion de voir Tony Freaking Stark, une poêle en main et une crêpe sur la tête.
Ce dernier se reprit d'ailleurs finalement, retirant la pâte qui s'était collée sur son visage – parce qu'évidemment, la crêpe était tombée sur le côté qui n'était pas encore cuit – et reposa la poêle, éteignant le feu. Il allait incendier Peter pour l'avoir mis dans cette situation – quelle idée de lui lancer un défi pareil ?! – mais ne put pas résister bien longtemps au rire contagieux du gamin.
Et cet instant de bonheur était tout simplement parfait.
Peut-être trop pour Peter...
Tony serrait son épaule, une main sur son genou gauche alors que son visage était rougi par le rire qui le faisait trembler.
Mais ce rire se changea en toux, soudainement, une grimace tordit son visage, et Peter riait toujours, inconscient.
La main de Tony se porta à sa poitrine, ses doigts se crispant sur le tissu du t-shirt, un air d'incrédulité terrifiée sur le visage. Ce ne fut que lorsqu'il serra douloureusement l'épaule de Peter que ce dernier se rendit compte que quelque chose n'allait pas.
- T-Tony ? demanda-t-il en s'arrêtant immédiatement de rire, posant ses deux mains sur les épaules de l'homme pour le stabiliser. Tony, ça va ?
La panique s'était soudainement logée entre les côtes de Peter, lui bouffant l'estomac, coupant sa respiration. Tony n'allait pas bien. Son visage était rouge, sa main crispée sur sa poitrine, à l'endroit où se trouvait son cœur.
- F.R.I.D.A.Y. ! s'exclama Peter, que la panique faisait trembler violemment. Appelle les secours !
- Les secours sont déjà en route, Monsieur Parker.
- Tony... Assieds-toi, ça va aller...
Peter savait très bien ce qui se passait. Il n'avait pas besoin des recommandations de F.R.I.D.A.Y., il n'avait pas besoin de... il n'avait pas besoin de...
Tony n'avait pas besoin qu'il panique.
Respire, Peter, respire, respire, respire, respire...
Et puis, Tony s'effondra. Inanimé.
Inconscient.
- Tony !
Terrorisé, Peter se pencha au-dessus lui, plaçant son index contre sa gorge, mais il n'y avait rien. Rien. Le silence. Aucun pouls, aucun battement, aucune vie.
Peter ne s'était même pas rendu compte que les larmes roulaient sur ses joues et que son corps était agité de soubresauts à cause des sanglots qui se coinçaient dans sa gorge.
- F.R.I.D.A.Y., dit-il en tremblant, ses mains survolant le corps de Tony sans savoir quoi faire. Où sont les secours ?!
- Ils seront là dans dix minutes, Monsieur Parker.
- Non, non, non... Non...
Peter savait que c'était trop long. Parce que Tony était mort, sous lui. Son cœur n'apportait plus d'oxygène à son cerveau.
Peter savait tout ça.
Il avait appris les gestes de premiers secours à l'école. Il savait comment faire, mais...
- Je suggère que vous commenciez une réanimation cardio-pulmonaire, dit F.R.I.D.A.Y. d'une voix pressante, et cela suffit à Peter pour sortir de sa stupeur.
Tony n'avait pas besoin que Peter panique.
Il fallait qu'il fasse quelque chose, maintenant.
Se penchant au-dessus de l'homme, Peter déchira son t-shirt sans préambule, plaça ses paumes jointes au milieu du sternum et commença à compresser sa poitrine. Il n'avait même pas besoin de réfléchir à ses gestes, alors même qu'il n'avait jamais eu à faire tout ça.
Parce que c'était Tony, sous ses doigts. C'était son corps qui était agité par ses compressions fortes et déterminées, ces compressions qui ramenaient un peu de vie dans cet être inanimé.
- Allez, Tony..., murmurait inlassablement Peter à chaque compression. Allez, Tony, allez, Tony... me laisse pas...
Une compression. Une compression. Une compression.
Au bout de trente, il se pencha au-dessus de la bouche de Tony, pinça son nez d'une main, son menton de l'autre et insuffla deux souffles dans ses poumons. Il attendit quelques secondes que son torse se soulève et redevienne immobile, et gémit en voyant que Tony était toujours inconscient.
Et il recommença.
Une compression. Une compression. Une compression.
Jamais ses forces ne se relâchèrent. Il appuyait, sans faillir, parce qu'il fallait que ça marche. C'était la seule chose qui maintenait Tony en vie.
- Allez, Tony, reviens, murmura Peter, alors qu'un sanglot passait de nouveau la barrière de ses lèvres, les yeux si troubles qu'il ne voyait même pas le visage immobile de Tony.
Reviens. Reviens. Reviens. Reviens, bordel.
Non, non, non. Non.
Non.
Ça ne pouvait pas être en train d'arriver.
Peter n'allait pas encore perdre quelqu'un qu'il aimait. Peter n'allait pas perdre Tony. Non, non. Non.
Il n'y arriverait pas. Il ne pouvait pas.
Levant les yeux, Peter regarda le visage de Tony, ses yeux clos, la pâleur de son visage.
Non, ce n'était pas la dernière image qu'il aurait de lui. NON.
- Reviens, gémit-il alors que les larmes dévalaient ses joues, s'écrasant sur ses mains qui compressaient sans relâche la poitrine qui montait et descendait en rythme.
Peter savait qu'il avait dû lui casser des côtes dans le processus. Mais si c'était le prix à payer pour le ramener...
- Reviens, je t'en supplie, reviens !
Non, non, non.
Tony ne revenait pas. Tony ne revenait pas.
Effectuant toujours ses compressions rapides et régulières sur le torse dénudé de son mentor, Peter observa son visage, ses yeux clos, sa peau pâle. Sa tête qui dodelinait, inerte, au rythme des mouvements des mains du jeune homme. Mort.
Et il pensa alors à toutes ces choses qu'il avait faites avec Tony, toutes ces choses qu'il espérait vivre avec lui dans le futur, et toutes ces choses qu'il n'aurait jamais l'occasion de faire s'il ne revenait pas. Il pensa à la chaleur de leurs étreintes, au rire vif de Tony face à la maladresse de Peter, à toutes ces fois où il avait cru être un fils pour lui, à tout cet amour indéfectible que le plus âgé dissimulait dans des questions anodines sur ses journées, ou ces activités qu'il faisait pour lui remonter le moral...
Il ne pouvait pas perdre tout ça. Pas après tout ce qu'ils avaient vécu pour en arriver là.
Et la colère prit le dessus sur le désespoir.
- REVIENS, TONY, MERDE ! T'as survécu à l'Afghanistan, t'as failli crever dans l'espace, ET T'ES TOUJOURS REVENU, alors REVIENS !
Il gémit de nouveau, étranglé par les sanglots dans sa gorge.
- Reviens, papa, reviens, pleura-t-il au-dessus de sa poitrine, sans jamais s'arrêter.
Mais Tony ne revenait pas.
Mon Dieu, Peter avait échoué.
Il avait tué Tony. Il avait tué son père. Celui qu'il considérait comme son père.
Ça l'avait tué. Ça l'avait tué. Peter l'avait tué.
Ça ne fonctionnait pas. Ça ne fonctionnait pas.
Et puis, tout d'un coup, des mains se posèrent sur son épaule, le tirant en arrière, et Peter leva les yeux, paniqué à l'idée qu'on l'empêche de continuer.
Mais c'étaient des docteurs qui s'étaient précipités dans la pièce et qui s'agitaient autour de lui. Des mains gantées s'étaient posées au-dessus des siennes, attendant que Peter s'enlève, les laisse faire leur travail. Mais Peter ne pouvait pas quitter Tony. Il ne pouvait pas arrêter, c'était la seule chose qui maintenait l'homme en vie, c'était lui qui le maintenait en vie. Il ne pouvait pas arrêter.
- Monsieur, laissez-nous faire, s'il-vous-plait, on prend le relais, lui dit un homme d'une voix pressante.
Non... non, il ne pouvait pas lâcher Tony...
- Monsieur, on s'en occupe, il faut nous laisser faire, ça va bien se passer, ajouta une femme, tout près de son épaule, et Peter tourna les yeux vers elle, le visage ravagé par les larmes.
Elle avait un air sérieux et professionnel et rassurant et maternel.
Elle savait. Elle comprenait que Peter ne voulait pas le lâcher.
- Je vous promets qu'on fera tout notre possible.
Quelqu'un attrapa ses épaules, le tira vers l'arrière. Et Peter se laissa faire, dans un état second.
Quelqu'un d'autre le guida, l'aidant à se remettre debout sur ses jambes tremblantes. Tout était flou autour de lui. Tout semblait bouger au ralenti.
On l'assit par terre, près du dossier du canapé, et Peter, les yeux écarquillés, ramena ses genoux contre sa poitrine. Ses mains crispées se posèrent dans ses cheveux et tirèrent, fort.
Il entendait vaguement les voix des médecins. Ne voyait plus Tony. Ne voyait plus rien.
Il avait tué Tony. Il avait tué son père. Le deuxième.
D'abord, il avait tué son père. Puis Ben. Et maintenant Tony.
Oh, mon Dieu. Il avait tué Tony. Il avait tué Tony.
Longtemps après, une main se posa sur son épaule. Mais Peter était trop hébété pour s'en soucier. Absent du monde. Parce qu'un monde sans Tony n'en valait pas la peine. Ça n'en valait pas la peine.
- Petit ? Peter ?
Il avait tué Tony. Il avait tué Tony.
- Allez, viens là...
Un bras entoura ses épaules, l'aidant à se lever, mais ses jambes ne le portaient tout simplement plus, et il s'effondra, seulement retenu par les bras autour de lui.
Il voulait juste qu'on le laisse tranquille.
Agenouillé sur le sol, Peter était vaguement conscient qu'on essayait de lui parler. Qu'on essayait de lui dire quelque chose. Mais il ne voulait pas écouter. Il ne voulait pas qu'on lui dise que Tony était mort. Qu'il l'avait tué. Que tout était de sa faute.
Sa Chance avait encore frappé.
Il tuait tout le monde autour de lui. Est-ce qu'ils ne comprenaient pas ça ? Est-ce qu'ils ne voyaient pas à quel point il était toxique ?
- Hey, Peter, bébé..., chuchota doucement une voix, dont les mains caressaient tendrement son visage. Tout va bien, Peter, d'accord ?
- Tony..., gémit-il d'une voix brisée, et tout d'un coup, la gêne dans sa gorge revint, sa poitrine fut secouée d'un sanglot tempétueux alors que ses yeux dégoulinaient de nouveau. Il... il...
- Tout va bien, chéri, viens là... tout va bien...
Il était vaguement conscient qu'on le prenait dans les bras, et il s'y blottit égoïstement, en sachant très bien que cette personne finirait par mourir à son tour, à rester trop près de lui... il était maudit...
- Tout va bien, chéri, répéta la voix qu'il identifia désormais comme étant celle de May. Tony va bien. Tony va bien, Peter, tu lui as sauvé la vie...
D'une certaine manière, cela le fit pleurer encore plus fort.
Il n'avait pas sauvé la vie de Tony, c'était à cause de lui s'il avait failli mourir...
- Shhh, calme-toi, bébé...
Au bout de longues minutes, quand ses larmes se tarirent, que sa respiration ne fut plus qu'entrecoupée par des hoquets intermittents, et que l'épuisement s'abattit sur lui, le silence se fit. May lui caressait doucement les cheveux, le dos.
Peter, lui, voulait juste s'endormir. S'endormir pour toujours, ne jamais se réveiller. S'échapper dans la torpeur bienfaisante du sommeil. Oublier tout ça.
Oublier qu'il avait failli tuer Tony...
Plusieurs jours passèrent. Peter ne savait pas vraiment combien. Sa vie n'était qu'un brouillard sans nom depuis ce jour-là.
Il était resté à la maison, avec May. Cette dernière avait d'ailleurs pris quelques jours de congés pour être à ses côtés, mais il ne savait pas vraiment pourquoi. Ce n'était pas comme s'il risquait de s'effondrer à tout moment... pas comme...
Non.
Il n'irait pas dans cette direction.
Peter soupira, déverrouilla son téléphone, pour laisser apparaître une photo de lui et Tony. Tous deux souriants, Tony le tenait par l'épaule, un sourire fier incurvant ses lèvres, et Peter avait le bras tendu pour prendre la photo, souriant à pleines dents. Rayonnant.
Une vague de culpabilité l'assaillit, et il ramena ses genoux contre sa poitrine pour essayer d'endiguer le flot de désespoir qui s'abattait sur lui sans aucune pitié.
- Peter ?
L'adolescent leva la tête vers May, qui s'assit près de lui, sur le canapé.
- Comment il va ? demanda Peter sans la regarder, son menton posé sur ses genoux, son regard terne obstinément fixé sur la fenêtre qui lui faisait face.
Il n'avait pas pu s'empêcher de demander, et il se fustigea immédiatement.
Il n'avait pas le droit de savoir. Il n'avait pas le droit de s'inquiéter pour Tony.
Il avait perdu ce droit au moment où il l'avait presque tué.
May soupira, sachant très bien ce qui se jouait dans la tête de son neveu. Elle avait essayé de le raisonner toute la semaine, en vain. Peter ne voulait pas quitter l'appartement. Ne voulait pas aller voir Tony à l'hôpital, même si May lui avait affirmé qu'il allait très bien et qu'il sortirait très bientôt. Que ce n'était pas grave.
Que ce n'était rien. Que Peter lui avait sauvé la vie.
Mais Peter ne voulait rien entendre.
- Il va mieux, murmura gentiment May en caressant les doux cheveux qui retombaient sur sa nuque, essayant de l'apaiser. Il devrait sortir d'ici quelques jours. Lui aurait voulu sortir depuis un moment, tu le connais, mais Pepper a été assez intransigeante alors il attend patiemment que les médecins lui donnent le feu-vert.
Peter hocha lentement la tête, le cœur au bord du vide.
Il avait failli tuer Tony.
C'était tout ce à quoi il pouvait penser.
- Peter...
- Non, murmura ce dernier d'une voix pleine de sanglots contenus.
- Il a demandé à te voir...
- Non.
Et de nouveau, la culpabilité. La haine, le dégout de lui-même.
Pourquoi May ne voulait-elle pas comprendre ? Pourquoi personne ne voulait comprendre qu'il avait failli tuer Tony, et que c'étaient eux qui mourraient bientôt, en restant trop proches de lui ?
Tous ceux que j'ai aimés sont devenus tous ceux que j'ai perdus.
- Peter, je sais ce que tu penses, tenta May, de longues minutes plus tard. Crois-moi, je le sais, insista-t-elle quand le jeune homme secoua la tête. Et ce n'est pas ta faute si Tony a fait une crise cardiaque.
Serrant les dents sous la douleur que ces mots lui provoquaient, Peter ferma brutalement les yeux pour soulager la brûlure de ses paupières, et se boucha les oreilles.
Sa poitrine secouée par les sanglots qui se coinçaient dans sa gorge.
Il n'avait pas le droit de pleurer. Il n'avait pas le droit de s'approcher de Tony.
Doucement, May enleva les mains qui bouchaient ses oreilles, et enroula un bras autour de ses épaules, posant sa tête contre la sienne. Elle détestait voir Peter se torturer de la sorte.
- Va le voir, Peter...
- Non, souffla-t-il d'une voix tremblante, alors que les larmes roulaient sur ses joues. Je peux pas. J'y arriverai pas.
- Je sais, chéri... je sais que c'est dur, mais Tony va bien. Il va bien. Je te le promets. Tu sais que je ne te mentirais pas à propos de ça, pas vrai ?
Peter hocha la tête.
- Va le voir. Il a besoin de toi.
- Non...
- Si. Écoute-moi, Peter.
Elle le força à la regarder, emprisonnant son visage entre ses mains.
- Tu n'as pas failli tuer Tony. Tu lui as sauvé la vie. Sans toi, il serait mort, à l'heure qu'il est.
Elle savait que ses mots étaient durs et blessants. Elle le voyait à la façon dont Peter tressaillit, dont son visage se déforma de douleur pour endiguer les nouveaux sanglots qui se formaient dans sa gorge. Mais il fallait qu'il comprenne.
- Tony a besoin de toi, Peter. Il a besoin de te voir. Si... si j'avais fait une crise cardiaque, je voudrais que tu sois là. Je voudrais te voir.
Alors Peter se força. Il n'avait pas envie d'y aller. Il voulait voir Tony, bien sûr... mais il avait trop peur de ce qui pourrait lui arriver s'il s'approchait trop près de lui.
May le conduisit à l'hôpital, et les mains de Peter tremblaient violemment. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas y aller, il ne voulait pas tuer Tony à nouveau.
Quand ils arrivèrent devant la porte de la chambre de son mentor, Peter prit une brusque inspiration et s'arrêta. Non. Il ne pouvait pas. Il n'avait pas... il n'avait pas le droit...
- Tu peux le faire, chéri, l'encouragea May. Tu veux que je vienne avec toi ?
Peter fit « non » de la tête.
May serra brièvement ses épaules, et Peter toqua trois coups à la porte.
- Entrez ! répondit la voix étouffée de Tony, et Peter sentit son cœur tomber dans sa poitrine.
Il avait cru qu'il ne l'entendrait plus jamais. S'était même résolu à ça.
Il inspira brusquement, se saisit de la poignée de la porte. L'actionna.
Et à dire vrai, il ne savait pas à quoi il s'était attendu. Peut-être à Tony, gisant dans un lit, pâle comme la mort. Des machines partout autour de lui. Une aura mortifère.
Mais ça n'avait rien à voir. La pièce était chaleureuse, les lumières un peu tamisées. Tony était assis dans le lit, dans une tenue d'hôpital, une tablette devant lui, sûrement en train de travailler. Son teint était vif, comme avant, et la seule machine à ses côtés était un moniteur cardiaque relié à sa poitrine.
Le visage de Tony s'illumina quand il vit son visiteur, et une expression tendre déforma ses traits. Il reposa lentement sa tablette sur la petite table juste à côté du lit.
- Hey, Peter, dit-il doucement avec un sourire.
Peter ne répondit pas, et se contenta de refermer la porte derrière lui. Quand il se retourna vers Tony, il ne bougea pas. Il préférait rester à distance. Il ne voulait pas trop s'approcher.
A la place, ses yeux se posèrent sur le moniteur cardiaque, qui bipait de façon stable et tranquille. Peter ne voulait pas s'effondrer devant Tony. C'était Tony qui était mort, pas Peter.
- Viens là, gamin, murmura Tony d'une voix rauque en tapotant le lit.
Peter secoua la tête sans le regarder.
- Peter..., soupira l'homme.
D'un geste, il souleva la couverture et se redressa dans son lit, passant ses jambes par-dessus la rambarde pour se lever, et Peter paniqua.
- Qu'est-ce que tu fais ?!
- Je viens te voir, gamin, puisque tu n'as pas l'air de vouloir le faire toi-même, répondit Tony en posant un pied à terre, s'accrochant difficilement à la rambarde pour ne pas tomber.
Peter se précipita vers lui pour l'en empêcher.
- Arrête, recouche-toi ! Tu... tu fais n'importe quoi, recouche-toi !
Frénétiquement, Peter l'aida à se remettre dans le lit, les mains tremblantes, le cœur au bord des lèvres, les yeux flous.
- Hé, hé, Pete... calme-toi, allez.
Il essaya de le prendre dans ses bras, mais Peter le repoussa sans ménagement.
- Non, non, je me calmerai pas, s'énerva-t-il en le regardant, tandis que ses yeux débordaient de nouveau. Tu te lèves comme ça, comme si tout allait bien, comme si t'avais pas failli mourir, comme si t'étais pas mort !
Un sanglot franchit la barrière de ses lèvres et il pressa ses paumes contre ses paupières, gémissant. Tony l'agrippa plus franchement et le prit dans ses bras, malgré les protestations de Peter.
- Shhh, ça va, tout va bien..., murmura-t-il contre ses cheveux en le berçant d'avant en arrière. Je suis désolé. Je suis désolé, d'accord ? Je vais bien, maintenant...
- Non, gémit Peter contre sa poitrine, étourdi par les battements assourdissants du cœur de Tony qu'il entendait battre dans son oreille.
- Je suis désolé, Peter, je suis vraiment désolé.
Tony continua à le serrer fort contre lui, à lui murmurer des paroles apaisantes. Parce qu'il savait. Il savait très bien ce qui se passait dans la tête du gamin. Il savait pourquoi il n'était pas venu le voir pendant une semaine.
Quand il se calma finalement, Tony ne le lâcha pas pour autant. Il caressa tendrement ses cheveux, et Peter se détendit lentement dans ses bras.
- Ça va aller, lui dit-il pour le rassurer, et Peter se redressa en reniflant, les yeux rouges et le regard fuyant.
- Je suis désolé, murmura-t-il d'une voix brisée.
Tony secoua la tête et caressa sa joue avec son pouce.
- T'as pas à être désolé, Peter. Tu n'as rien fait de mal, au contraire. Tu m'as sauvé la vie. Alors merci.
Peter ne dit rien, les yeux baissés.
- C'est de ma faute si tu as failli mourir, réussit-il à dire après un long silence, et Tony put voir à quel point cette phrase lui faisait mal.
- Non. Pete, regarde-moi.
L'adolescent leva les yeux vers ceux de son mentor.
- Je sais ce qui se passe dans ta petite tête, continua l'homme avec un demi-sourire, en tapotant le front de Peter. Et rien n'était de ta faute. Ça fait des années que mon cœur est fragilisé, même si je me suis fait opérer. Tu n'y peux rien. Et si j'avais été tout seul, pendant que je faisais cette crise, si tu n'avais pas été là... je serais mort.
La lèvre inférieure de Peter se remit à trembler et ses yeux se remplirent de nouveau de larmes, face à l'émotion qu'il voyait dans le regard de Tony. La gratitude. L'amour.
- Tu m'as sauvé la vie. Tu m'entends, bambino ? dit doucement Tony, et Peter hocha la tête sans conviction. Répète-le après moi. Je t'ai sauvé la vie. Vas-y.
- Je t'ai... sauvé la vie ?
- Encore. Je t'ai sauvé la vie.
- Je t'ai sauvé la vie.
- Bien. Viens là...
Peter se blottit de nouveau dans les bras de Tony, et ils restèrent comme ça pendant un long moment.
- Je suis désolé que tu aies eu à vivre ça, murmura finalement Tony, son menton reposant au sommet de la tête de Peter. Ça n'aurait pas dû arriver. Je suis désolé. Je sais que tu as eu peur.
La prise de Peter autour de sa taille se resserra mais il ne dit rien.
- Ça n'arrivera plus, chuchota l'homme.
- Tu peux pas promettre ça, marmonna Peter contre son torse.
Tony eut un petit rire tremblotant.
- Je sais, gamin. Je sais.
De nouveau, le silence. Paisible, cette fois. Réconfortant.
- Je t'aime, Tony, murmura faiblement Peter.
Et le cœur de Tony aurait pu se briser pour de vrai, cette fois. Au lieu de ça, il ferma les yeux et resserra lui aussi sa prise sur le petit corps de l'enfant terrifié blotti contre lui.
- Moi aussi, Peter. Moi aussi.
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