Les heures s'écoulent différemment après la découverte des lettres. Oliver reste, silencieux et attentif, préparant du thé avec la même précision maladroite que Will au début de notre relation. Il met trop de sucre, pas assez de lait, mais je trouve du réconfort dans cette imperfection.

La lumière change dans l'appartement, dessinant de nouvelles ombres sur les murs. Le soleil de fin d'après-midi fait danser des reflets dorés sur la boîte posée sur mes genoux. Je n'ai pas cessé de la toucher, comme pour m'assurer qu'elle est réelle.

— Il passait des heures à peindre ces miniatures, dit Oliver en désignant le couvercle. Les médecins lui disaient de se reposer, mais il répondait toujours...

— "Le repos est pour les gens qui n'ont pas d'histoires à raconter", je termine dans un souffle.

Un demi-sourire traverse son visage fatigué.

— Tu te souviens de tout.

— Comment oublier ? Will transformait chaque phrase en manifeste artistique.

Le silence qui suit est différent des précédents. Plus léger, presque... vivant. Comme si les lettres avaient insufflé une nouvelle forme de présence dans l'appartement.

Je me lève, mes jambes engourdies protestant après des heures d'immobilité. Le soleil commence sa descente sur Londres, transformant la ville en une de ces aquarelles que Will aimait tant peindre. "L'heure magique", comme il l'appelait.

— Tu veux que je reste ? propose Oliver, déjà à moitié levé.

Je secoue la tête.

— Non, je... je crois que j'ai besoin d'être seule avec... avec tout ça.

Il comprend. Will avait raison – Oliver a toujours su quand rester et quand partir. Il récupère son blazer froissé, hésite à la porte.

— Rose ?

— Oui ?

— Il était tellement fier de ces lettres. À la fin, quand... quand la douleur était trop forte, c'est ce qui le maintenait éveillé. L'idée que chaque mot t'aiderait à avancer.

Les larmes menacent à nouveau, mais différemment. Plus douces.

— Merci, Oliver. Pour... pour tout.

— Dans 5 jours, pour la Tate. Quand tu ouvriras la nouvelle lettre.

J'acquiesce.

La porte se referme doucement derrière lui. Je retourne à la fenêtre, la boîte serrée contre moi. Le soleil couchant transforme la ville en tableau vivant. Des nuances d'orange et de rose que Will aurait adoré peindre.

Je m'assieds dans son fauteuil, respirant l'odeur du cuir usé qui garde encore une trace de lui. La boîte sur mes genoux, j'observe les derniers rayons jouer sur les aquarelles aux murs. Pour la première fois depuis cent quatre-vingt-deux jours, le silence de l'appartement ne semble plus vide. Il est rempli de promesses, de mots à découvrir, d'amour qui continue différemment.

"L'art ne meurt jamais vraiment", disait souvent Will. "Il se transforme juste, comme l'amour."

Je caresse une dernière fois le couvercle peint avant de murmurer dans le crépuscule :

— Tu avais raison, mon amour. Comme toujours.

Sur mon bureau, les copies attendent toujours. Mais pour la première fois depuis sa mort, demain me semble plus une promesse qu'une menace. Trois cent soixante-cinq lettres. Trois cent soixante-cinq façons de redécouvrir l'amour, la vie, et peut-être même le sourire qu'il aimait tant.

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